Edito n° 133

Géographies : Comprendre et agir sur le monde

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Comprendre - Agir le monde

Patrick RAYMOND

La géographie est une des disciplines qui, pour des raisons diverses, rencontre des difficultés dans son  enseignement. Souvent reléguée au second plan, elle est pourtant centrale dans une étude systémique qui nécessite l'apport et le croisement de disciplines travaillant les variables qui constituent le «moteur» du «système monde».

Comprendre le monde, c'est vouloir l'agir et ne plus le subir uniquement. Une façon de guider son action en se construisant des savoirs-pouvoirs sur ce monde. Les attentes sont immenses, souvent impatientes. Nous avons voulu commencer d'y répondre avec des outils d'analyse plutôt qu'avec des slogans. Dans cette perspective, penser la complexité est une nécessité. La philosophie nous propose un regard sur la «pensée complexe» (J. Cueille) et nous invite à une revigorante dénaturalisation de l'économie au travers d'un retour sur le concept de crise (F. Tiédrez).

La dimension historique nous permet d'appréhender la mondialisation comme un phénomène inhérent à l'humanité, dès l'émergence d'homo sapiens sapiens (M. Huber, La mondialisation... ; P. Billerey).

L'étude scientifique de l'environnement est indispensable pour développer une attitude critique (au sens positif du terme) face à des «catastrophes annoncées», comme le «réchauffement climatique» (J.L. Cordonnier) ; mais aussi pour s'y retrouver dans les débats sur le «développement durable», tant les questions sont idéologiquement piégées (O. Bassis).

D'autre part la création n'est pas, elle aussi, sans participer à notre préhension sensible et intelligente du monde. (O. et M. Neumayer ; F. Le Flohic, L. Dominguez).

« La surface de cette planète étant avant tout un espace géographique, la géographie s'avère être la discipline pivot de ce réseau multidisciplinaire nécessaire à la conceptualisation de ce qui constitue notre environnement ».

Avançons la notion de «géographie impliquée» qui vise « à développer une activité productive de transformation du réel au service d'une activité constructive de sa pensée du monde et au-delà de sa personne » (M. Huber, Manifeste...). Cette géographie impliquée travaille le concept de «décideur-producteur d'espaces géographiques» à différentes échelles (M. Huber, Tous producteurs...) (M. Huber, L. Lebleis) (K. Léonard) (P. Raymond).
Nous sommes là devant ce que les programmes de géographie pour le collège, portés par les inspecteurs  pédagogiques d'histoire-géographie-éducation civique, nous enjoignent de faire pour la rentrée 2009-2010.
Ces programmes intègrent les évolutions récentes de la discipline qui proposent une conception de l'espace géographique comme un système appelant une étude systémique intégrant la pluri causalité, une géographie globale à différentes échelles d'espace et de temps intégrant le temps long historique.
  • Au collège, la géographie scolaire est pensée comme une science sociale et humaine dont les questionnements et les enseignements doivent partir de questions sociétales.
  • Géographie «questionnante», elle construit l'intelligence par le raisonnement et l'argumentation. 
  • Géographie recentrée sur les territoires, espaces appropriés par les hommes qui les organisent, elle sort des approches abstraites pour en réhabiliter les acteurs. Elle considère les élèves comme acteurs potentiels de l'évolution du territoire dans lequel ils vont vivre et incite à intégrer des approches prospectives dans les réflexions menées dans les classes. 
  • Cette géographie veut montrer des territoires en dynamique qui ont été construits et continuent de l'être, où le «local» est lié à des choix faits à des échelles différentes. 
  • Ex : la production d'un espace local peut être liée à la décision d'un acteur situé à des milliers de kilomètres.
  • La géographie scolaire repensée prend en compte les modalités de gestion du territoire dans la perspective du développement durable (thème central du programme de la classe de 5ème mais qui traverse tous les niveaux de la 6ème à la 3ème). 
  • Elle vise à faire entrer les élèves dans un raisonnement géographique (moins de connaissances factuelles mais plus de raisonnement), en privilégiant les études de cas comme moyen pour les finalités du programme.
Cependant les analyses divergent concernant ces programmes, en particulier pour ceux du primaire (P. Billerey). Il faut les entendre aussi pour pouvoir avancer.

D'autres approches manqueront à ce numéro. Par exemple l'économie, pour préciser le concept de «globalisation», ou les réflexions actuelles sur «croissance/ décroissance». On le regrettera à juste titre. Plutôt que vouloir présenter un illusoire tableau exhaustif de l'approche systémique du monde que n'aurait pu, de toute façon, contenir la pagination forcément limitée de notre revue, nous avons choisi d'illustrer, au travers d'analyses théoriques et pratiques de classe, la mise en oeuvre d'une réelle et nécessaire transdisciplinarité, consistant en des entrées multiples pour éclairer un même objet : ce monde dont nous sommes.
Manqueront aussi de nombreux écrits d'auteurs-chercheurs en éducation nouvelle dans le monde (M. del Rio). Il n'est jamais trop tard et c'est avec intérêt que nous publierons, dans nos prochaines livraisons, les travaux que nous recevrons.

« La paix, le développement et la protection de l'environnement sont interdépendants et indissociables » (principe 25 de la déclaration de Rio).

L'éducation nouvelle et pas seulement en France est bel et bien concernée par le défi actuel de la situation de notre planète et de notre vie sur cette planète, puisqu'il s'agit de mettre tout humain et pas les seuls experts en mesure  d'en saisir toutes les complexités (O. Bassis).


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