extraits n°139
DIALOGUE n° 139 Écrire ses pratiques
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Écrire ses pratiques : levier de transformation sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Michel HUBER
L'Institut Henri Wallon, composante du GFEN, est un lieu de recherches et de ressources en formation continue d'adultes. Répondant à des besoins implicites ou explicites des formateurs d'adultes, nous avons déjà organisé trois regroupements qualifiés « Journées Nationales d'Etude » avec à chaque fois un thème central :
- 2005 « La formation professionnelle, un enjeu de transformation sociale ».
- 2007 « De l'analyse du travail à la construction de démarches de formation de formateurs ».
- 2008 « Booster l'émancipation dans les parcours de formation : adaptation ou projet ? ».
- Un effet sur sa personne.
- Un effet sur son environnement social.
Tout commence par les actes qu'on pose, ses pratiques, son expérience. L'activité déclenchée face aux problèmes rencontrés dans les situations de vie, les situations de formation, les situations professionnelles a produit des ressources, des compétences armées par des schèmes (cf. J. Piaget, G. Vergnaud). Ces compétences sont très incorporées à la personne, peu « conscientisées ». Les mettre par écrit les transforme en représentations conscientes plus facilement mobilisables dans l'action (de transformation du réel). « Le mot est un microcosme de conscience... Chaque mot porte une généralisation cachée... Une pensée qui est d'abord comprimée dans un mot trouve son expression dans une phrase, ce qui suppose sa transformation » nous dit L. Vygotski dans Pensée et Langage. Durkheim dans Le suicide nous invite par ailleurs à « prendre du recul par rapport aux idées reçues », aux actes posés. G. Bachelard dans La formation à l'esprit scientifique nous incite à « partir de l'empirique pour mieux le fuir », par la conceptualisation.
L'écriture de ses pratiques oblige donc à un regard réflexif sur ses actes et initie un passage de l'activité productive à l'activité constructive de sa personne, de sa pensée.
La médiation d'un tiers, l'identification de destinataires sont nécessaires à cette mutation des compétences en savoirs d'action. L'écriture introspective reste exceptionnelle. Écrire ses pratiques pour de bon, pour les mutualiser, pour étoffer les ressources collectives contribuera à rendre plus efficace notre impact sur notre environnement physique, social, culturel. La mise en mots (écrits) de pratiques émancipatrices apportera une pierre à la construction d'un monde plus solidaire favorisant le développement de chacun.
Quels enjeux ? Quelles modalités ? Pour quels effets ? à l'écriture de ses pratiques. Élaborer une réponse partagée, plus fine à ces questions, c'était ce que proposaient ces 4ème Journées nationales d'étude de l'Institut Henri Wallon.
Pour ces journées, nous avons voulu non seulement placer les participants en situation de vivre des ateliers stimulants mais aussi les entraîner dans une démarche de projet en faisant des choses pour de bon, en mettant en chantier un numéro de la revue Dialogue du GFEN consacré à ce thème.
C'est ce numéro que nous vous invitons à découvrir maintenant.
Les
différentes étapes dans l'écriture d'un article . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.8 Pascale
BILLEREY, Khoulfia LEONARD, Sophie REBOUL
Comment passer du simple récit d'une pratique professionnelle qu'on a envie de partager à un écrit généralisable, théorisé sans perdre sa place d'écrivain singulier en filiation avec l'histoire et les pratiques du GFEN ?
Ne pas être dans sa seule expression personnelle, tout en ne renonçant pas à la force de sa propre pensée imaginaire et en même tend se décentrer, expliciter son écrit pour permettre aux lecteurs d'y accéder.
Mais.... Écrire, est-ce seulement écrire ?
La place du symbolique dans la conceptualisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.11 Odette BASSIS
Écrire ses pratiques ? Mais pour qui, pour quoi ? Ainsi une chose est-elle d'écrire telle ou telle démarche en direction des enseignants, comme fiche en quelque sorte, quoique commentée, accompagnée de pratiques effectives ; autre chose est de s'en saisir pour tenter de dégager, au travers de productions d'enfants, ce qui se joue dans les modifications de leurs représentations mentales et ceci, jusqu'à la conceptualisation.
Ici, il s'agira d'une démarche d'auto-socio-construction en mathématique. Mais l'objectif visé est d'être seulement un support pour suivre les types d'activités que vivent les élèves. Afin de pouvoir s'en saisir comme outils d'analyse concernant le but même de toute démarche qui est, au travers de tout travail de conceptualisation, de se construire des schèmes réflexifs, capables de cerner telle ou telle problématique, capables de mises en relation, de coordinations et structurations. Et le tout, dans et par un travail dans le symbolique.
En quoi toute démarche, à la fois dans et bien au-delà de sa forme « didactique » peut permettre de faire émerger certains « invariants » (comme il en est dans toutes disciplines) qui y sont en travail, et particulièrement la dynamique d'inter-relations entre signes et sens, entre signifiant et signifié, dans et par le champ spécifique du symbolique.
Écriture et
problématisation : le problème, c'est les autres !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.
24 Nicole GRATALOUP et Josette MARTY
L'objectif de cette démarche n'est pas de
travailler directement sur l'écriture de pratiques, mais d'abord sur la
problématisation en philosophie, pour se demander ensuite en fin de démarche, en
quoi la problématisation est nécessaire ou pas à l'écriture de pratiques.
Formaliser l'expérience : pour qui ? Pourquoi ? Comment ?
Odette
et Michel NEUMAYER. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.3 en écho avec le travail collectif de
l'Institut Henri Wallon
"Écrite, l'expérience est un capital" Guy Jobert, Revue Éducation permanente
Écrire ses pratiques ? Le rêve ! Ce serait comme un petit miracle, une revanche sur le temps qui passe, sur l'oubli et le désordre, une image de nous-mêmes enfin reconstituée susceptible d'atténuer ce qui, dans le travail quotidien nous fait souffrir, notamment une forte sensation de dispersion, le manque de visibilité des effets de ce que nous entreprenons, beaucoup de non-reconnaissance et bien d'autres choses encore.
Cependant ne rêvons pas trop et déplaçons le terrain. L'œil rivé aux dispositifs, aux résultats, aux affects, aurions-nous vraiment choisi les bonnes lunettes ? Nous ne le pensons pas car l'enjeu de l'écriture dite de pratiques nous semble devoir être situé ailleurs : du côté de l'activité et non de la tâche ; dans la partie immergée de l'iceberg, c'est-à-dire dans l'explicitation de motifs, mobiles, valeurs qui nous font agir et tenir debout malgré tout... Avec l'hypothèse que la formalisation de l'expérience, sa mise en mots et en cohérence, décuplent nos possibilités de compréhension, donc d'action sur le réel.
La cavale des
mots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.
38 Anita AHUNON
La langue a des normes auxquelles on ne peut déroger dans l'écrit professionnel, à cela se rajoutent d'autres normes (que nous appellerons sur-normes) qui se rattachent au langage spécifique de telle ou telle pratique et enferment l'écrivant dans l'ancrage d'un vocabulaire spécifique.
Le but recherché de cet atelier de poésie créé pour une animation dans le cadre des journées « Ecrire ses pratiques », était donc de se libérer des habitudes ancrées dans l'apprentissage, de sortir du langage spécifique accroché à l'activité professionnelle, d'oublier les interdits et de rendre le discours actif et créateur afin de provoquer une nouveauté pertinente pour le destinataire.
L'écriture collective - Quels
enjeux ? - 25 pratiques pour enseigner les
langues . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.27 Valérie PEAN,
Muriel RENARD
Écrire ses pratiques est un défi qui oblige à passer d'une fiche de travail personnelle à un texte lisible par tous explicitant les gestes professionnels et les choix opérés.
Cette démarche est déjà contraignante et ardue lorsqu'on est seul, mais alors, n'est-ce pas une gageure de l'envisager à plusieurs ?
En effet, quel rapport l'écriture individuelle et le collectif peuvent-ils entretenir ? En quoi l'écriture -un acte individuel- peut-elle être collective sans être un catalogue d'articles juxtaposés ? Comment créer la cohérence entre 25 pratiques différentes rédigées par 18 auteurs ?
Cet article prend appui sur notre expérience de l'écriture collective telle que nous l'avons vécue en participant à 25 pratiques pour enseigner les langues, le dernier ouvrage publié par le secteur langues en février 2010 (éd. Chronique Sociale)
Écrire un
manuel : mettre sa pratique à l'épreuve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.
47 Nicole GRATALOUP et Michel VIGNARD
L'écriture d'un manuel est-elle une forme de l'écriture de pratiques ? Elle s'en distingue fondamentalement en ce qu'elle n'est ni le récit, ni l'analyse d'une pratique singulière ; on n'a pas à y exposer les tenants et les aboutissants d'un moment de travail avec une classe, ni les présupposés théoriques, pédagogiques, didactiques, ni les valeurs qui sous tendent une pratique. Et pourtant elle est nécessairement traversée, informée, structurée par tout cela, mais dans une forme qui doit se plier aux exigences du « commun » d'une profession (ici celle de professeur de philosophie), puisqu'un manuel est un outil de travail destiné à des collègues et à des élèves qu'on ne connaît pas. Ce texte vise à décrire quelques uns des aspects de ce travail qui a consisté à écrire un manuel de philosophie pour les séries technologique; il intègre aussi des éléments d'un entretien que nous avons eu avec deux utilisatrices de notre manuel après sa parution, Cécile Victorri et Thérèse Moro, entretien où nous cherchions à savoir comment elles avaient « mis à leur main » cet outil de travail que nous avions élaboré.