Repenser le métier
Yann Gibert | le 17/11/2014 00:00
Et si on se la jouait collectif ? Dans un contexte où le résultat des élections présidentielles et législatives...En savoir plus
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Michel Baraër
Membre du Groupe
français d'Éducation Nouvelle (GFEN)
Chargé d'enseignement à
l'université de Haute-Bretagne Rennes 2
Dans l'émission de France Inter « Interception », du 24 janvier 2010, consacrée aux enseignants « désobéisseurs », J-P. Brighelli[1] révèle qui a conçu les programmes du primaire : « Lorsque Xavier Darcos m'a demandé, à moi et à quelques autres, de réfléchir à une réforme du primaire, parce que j'ai une pleine responsabilité dans ce qui a été décidé dans la réforme de 2008, l'idée générale c'était : il faut absolument former des générations[2]. »
Comme on sait, il est modeste Brighelli ! Mais tout de même, il faut bien qu'on sache qui est le vrai penseur pédagogique de notre époque. Quitte à ce que son aveu apporte un argument de poids aux « désobéisseurs ». En effet, la critique qui leur est généralement adressée porte sur la loyauté des fonctionnaires, nécessaire puisque les directives qu'ils reçoivent proviendraient de dirigeants démocratiquement élus. Les programmes émanant d'un pouvoir légitime, ils doivent être appliqués.
Lors des dernières décennies, jusqu'à Xavier Darcos, les ministres à l'origine de nouveaux programmes associaient à leur conception des groupes institués d'experts. Ces inspecteurs généraux, didacticiens, spécialistes... apportaient leur connaissance des élèves, des disciplines, des pratiques enseignantes... Ils constituaient une médiation entre volonté de changement et pérennité de l'école. D'une certaine façon, ils contribuaient à garantir le souci du bien commun, bien commun d'autant plus précieux qu'il s'agit en l'occurrence du destin de millions d'enfants.
Brighelli nous confirme qu'en 2008[3], on a rompu avec cette pratique. C'est à une coterie idéologique unicode2utf8(0x2014) Sauver les lettres et autres chapelles antipédagogistesunicode2utf8(0x2014) que le ministre s'est associé, sous le manteau. Et, quand on lit celui à qui il a confié une « pleine responsabilité » dans le travail : « La liste des signataires[4] a ceci de précieux qu'elle nous donne, à nous qui œuvrons pour la rénovation de l'École, la liste des parasites. Monsieur le ministre, peut-être serait-il temps de faire le ménage ? Un membre éminent du PS, en 1981, proposait de couper quelques têtes. Rappellerai-je qu'un peu de terreur ne nuit pas à l'exercice de la vertu ?[5] », on imagine quelle place a été réservée au souci du bien commun dans cette opération.
On ne peut que comprendre ceux qui désobéissent à des directives conçues ainsi. Sans forcément adopter leur façon d'agir, il faut considérer qu'il est légitime de résister, d'autant plus que l'ensemble de la politique éducative du gouvernement est conçue dans le même esprit que les programmes du primaire de 2008 ; en ce moment, de résister en particulier à la mise en place de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants.
[2] http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/interception/; 27ème minute de l'émission.
[3] Il avait déjà abondamment décrit, sur son blog, les réunions où ce petit monde préparait les programmes de 2008 dans le bureau de X. Darcos http://bonnetdane.midiblogs.com/archive/2007/11/09/an-01.html
[4] de la pétition des 19 organisations contre le projet de programme pour l'école primaire.
[5] J-P Brighelli, sur son blog.