Le métier enseignant
Yann Gibert | le 01/01/1970 00:00
Audition du président du GFEN, Jacques Bernardin, par la Commission de la Culture, de l'Education et de la Communication du Sénat...En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
La formation au métier de professeur est certainement un enjeu essentiel pour une société qui se veut plus juste, plus humaine en même temps que capable d'être à hauteur des exigences de notre temps. Former à une pensée critique mais créatrice, responsable mais solidaire n'est pas si simple à accorder aux impératifs de savoirs démultipliés et de compétences attendues mobilisables à merci.
Mais si le métier de professeur est déjà en lui-même un métier "impossible", tant il est plongé devant un défi de complexité, le métier de formateur ne l'est pas moins, au regard des emboîtements de complexités qu'il revêt. Complexité et donc aussi (pour en échapper) lourdeurs, conditionnements et surtout reproductions - dans l'insu - de conceptions et comportements allant avec leurs conséquences, en terme d'échecs, d'obstacles à apprendre, voire même - dans la réussite - d'incapacité à penser et agir de façon libre et responsable par soi-même.
La transmission des savoirs, question-clé de la formation:
Puisqu'il s'agit de la formation au métier d'enseignant, la préoccupation centrale de cette formation doit être celle qui fonde l'institution scolaire en son entier: la transmission des savoirs, avec leurs dimensions à la fois culturelles et opératoires. Toutes les finalités qui s'expriment -en haut lieu comme ailleurs- concernant les attentes de l'école ne peuvent contourner le champ de la transmission des savoirs comme lieu d'apprentissage des valeurs impliquées par ces finalités. Ce champ, s'il n'est pas le seul champ concerné par valeurs et finalités, bien sûr, ne peut en rien en être exempté, faute de quoi elles sont vouées à l'inexistence au profit d'autres, occultées. Y compris donc aussi concernant la formation à la citoyenneté.
C'est une difficulté majeure, d'entrée de jeu, concernant une rénovation de la formation, que d'affronter ce pilier central que doit être une rénovation dans la transmission des savoirs, faute de quoi cette rénovation se réduirait à des ré-organisations temporelles, structurelles (comme on ne l'a vu que de trop dans les années passées) ou se contenterait de modifications périphériques par rapport à la fonction centrale de l'Ecole.
Une dichotomie à repenser entre théorie et pratique:
Si la transmission des savoirs est à interroger, re-interroger, notamment dans une perspective d'intégration réciproque théorie-pratique, alors sont à interroger elles-mêmes les pratiques de transmission vécues par les futurs enseignants, et particulièrement dans le temps de leur formation. Car il ne peut y avoir le temps de l'acquisition des contenus et le temps de l'apprentissage d'une didactique de ces contenus: une telle séparation serait (est) aberration. Elle relève du cloisonnement contenus-méthodes qui disqualifie et contenus et méthodes parce que réduits à leurs aboutissements formels et procéduraux et non à leur raison d'être à la fois conceptuelle et existentielle.
Jusqu'à maintenant, la dichotomie qui fondait le cloisonnement théorie-pratique, se traduisait par l'idée que la "théorie" s'apprend en formation (sur des contenus "normatifs", d'où venait le nom d'école normale, à quoi le remplacement par le terme "universitaire" n'a pas changé -voire même a aggravé- en son fond les effets) et que la "pratique" s'apprend sur le terrain. D'où le terme encore vivant dans sa réalité "d'école d'application" et l'idée convenue que les maîtres qui y exercent sont considérés comme "spécialistes" de la pratique, en quelque sorte, du seul fait qu'ils sont sur le terrain des élèves.
Ce qui est écarté par une telle dichotomie c'est que, quel qu'en soit le niveau ou les modalités, toute transmission est le fait d'une pratique (y compris quand elle est discours magistral) qui, bien que non reconnue comme telle, est porteuse, outre les savoirs prétendument transmis, d'autres contenus qui sont les principes même de production de cette transmission. Ainsi en est-il de l'idée que tout savoir est issu d'évidences à ne pas mettre en doute, que tout savoir peut être compris si on "suit" bien ou même si on est bien "actif" dans des exercices qui ne sont qu'ingestion de procédures pensées "pour" eux, etc... d'où le terme parlant d'école "d'application" quand justement ce sont de telles normes (la plupart du temps non explicitées) qui s'y exercent et vont s'y reproduire. Donc, contrairement à ce qu'on pourrait (ou pouvait) croire toute formation se fait toujours sur des pratiques perçues ou non comme telles, et donc d'abord sur le lieu même de la formation.
Le problème d'une rénovation conséquente devient : quoi donc changer à ces pratiques de formation et pourquoi ? Car s'il y a décloisonnement entre théorie et pratique, il a lieu d'être aussi bien dans les pratiques de formation que dans les pratiques de classe à l'école, au collège, au lycée.
Dans l'explicitation de ce qui est à changer, dans la transmission, doit être pris en compte le fait que toute pratique de transmission est plongée dans un ensemble de conceptions, outre les contenus prescrits des programmes ou référentiels de formation, qu'on peut focaliser sous le terme de "rapport au savoir" (qui est rapport d'un sujet au monde, à soi-même et aux autres)[1]. D'où, en fait, une transmission réelle, ayant pour vecteur et englobant la transmission prescrite : une transmission porteuse à la fois de principes et de la pratique de ces principes qui s'ajoutent (traversent) ce que l'on croit en toute bonne foi seulement transmettre[2].
Si rénovation il y a, c'est d'abord à ces questions qu'elle a "à faire" car elles déterminent le sens, les finalités, les valeurs sur lesquelles reposent toute professionnalisation du métier d'enseignant. Et donc elles déterminent ensuite, mais ensuite seulement, l'organisation et la stratégie de professionnalisation.
Des principes décisifs pour une transformation de la formation :
* Si former c'est "mettre en forme", il ne peut être acceptable qu'un humain puisse être une pâte à modeler! Il y a là un malentendu à relever. Car autant un enfant ne peut apprendre que s'il S'apprend lui-même, autant un adulte ne peut être formé, quelles que soient les situations proposées, que s'il SE forme lui-même[3], ou plutôt se transforme - si du moins il en décide ainsi - en se construisant des pouvoirs mentaux et comportementaux nouveaux.
* Ce qui suppose, tout comme pour toute action éducative, le pari positif sur les potentialités que porte tout humain -enfant comme adulte- dont il s'agit d'en rendre possible l'exercice et le développement. Et donc le pari, pour les futurs enseignants, sur les possibilités pour eux de devenir acteur dans leur formation et concepteur de pratiques nouvelles.
* Recherche permanente d'une mise en cohérence entre pratiques de formation et pratiques de terrain[4]. C'est, pour reprendre le texte du Ministre sur la rénovation de la formation, chercher "l'unité profonde entre ce que nous voulons pour nos élèves et la manière de former leurs maîtres".
Mise en cohérence ardue qui achoppe à une difficulté de taille, ayant pour effets de lourdes résistances: c'est le fait que les futurs enseignants sont porteurs, en amont du temps de formation, d'une accumulation de pratiques de transmission (depuis leur plus jeune âge) qui a conditionné (souvent à leur insu) une certaine forme de rapport au savoir et à savoir cristallisant des "allants de soi", concernant savoirs et transmission, qui seront autant d'obstacles, devenus "endogènes", à affronter.
Savoirs et sujets, deux pôles en interaction :
Parler de transmission c'est jeter un pont entre savoirs et sujets, pont fragile s'il n'est bâti solidement sur les deux rives.
- Les savoirs : de quels savoirs parle-t-on quand il y distorsion entre "savoirs savants" et "savoirs scolaires", sous couvert d'une transposition didactique non élucidée? C'est là toute l'interrogation à poser, dans la formation, concernant la transposition dont les savoirs-savants font l'objet, pour devenir savoirs-scolaires, quand ils sont dépouillés trop souvent de ce qui leur a donné sens, c'est à dire des audaces de leur surgissement et donc aussi les méandres, doutes et surtout questionnements qui les ont fait se construire. Car devenant savoirs-scolaires, ils se réduisent à des définitions, formules, règles, procédures - produits-finis en somme - dont le bénéfice immédiat est la réussite à l'exercice et l'examen.
Là réside toute une réflexion pour retrouver derrière les contenus prescrits, derrière les titres de leçons et intitulés des programmes, les problématiques conceptuelles qui sont autant de clés-pour-comprendre (et donc d'enjeu de recherche, dans la construction des savoirs). Clés qui ouvrent sur la dimension créatrice, culturelle dont ces savoirs sont issus. Il y a là une dimension épistémologique qui donne épaisseur humaine aux savoirs. Car, au creux même d'une telle quête, se loge la part d'aventure humaine, de lutte contre les préjugés, fatalités et interdits. D'où la conscience de la force émancipatrice, civilisatrice qui se loge dans toute production humaine de savoirs. Et cela peut commencer très tôt, dès les apprentissages dits "fondamentaux".
- les sujets : le désir de savoir, issu de pulsions de vie propres à l'homme, et qui va avec le désir de grandir et d'exister, s'accompagne contradictoirement de résistances à apprendre, dans la mesure où apprendre est entrer dans une zone de turbulence qui vient déranger, déplacer des représentations déjà présentes. A cela s'ajoute la propension à des identifications (ou des rejets) multiples en la personne de l'enseignant ou des autres - figure de "père" ou de "pairs" - par la médiation et l'affrontement desquels va pouvoir se construire l'identité singulière, unique, du sujet. D'où l'importance de processus où s'investit - à partir de situations à la fois rigoureuses et incitatives - l'énergie potentielle nécessaire pour qu'il y ait cognition, impliquant imagination et affects, créativité et rigueur. Conditions pour que puisse avoir lieu le passage de l'agir dans l'action à l'agir dans le symbolique.
De même qu'il n'y a pas de construction possible du savoir s'il n'y a pas, très tôt dans l'acte d'apprendre (suscité par les situations-problèmes) questionnement fort venant de l'apprenant, de même il n'y a pas d'objectivation possible sans implication subjective en prise avec ce questionnement. Ainsi, si tout savoir fut d'abord, en sa genèse, savoir-pour-soi avant de devenir savoir-en-soi, cela doit être rendu possible pour tout sujet, dans l'ici et maintenant de l'acte d'apprendre.
La construction du savoir :
En matière de transmission du savoir, c'est une élaboration longuement mûrie, au GFEN, que celle de la notion et de la pratique de "démarche d'auto-socio-construction du savoir"[5]. Elaboration d'ailleurs toujours en poursuite de travail, de réinvestissements, depuis de nombreuses années. Notion de construction du savoir qui a mis du temps, au sein même du Mouvement, pour se transmuer en démarche-adulte, tant les conditionnements sont lourds à croire les adultes exempts de tous "habitus" concernant leur rapport au savoir et tant est occulté le fait qu'il n'est de savoir que construit, à quelque niveau que ce soit, et cela tout au long de la vie. Construit pour trouver sens et fonctionnalité, construit comme conquête opiniâtre surmontant freins et obstacles, en soi et hors de soi.
S'il est convenu que la formation au métier d'enseignant nécessite le fait de vivre, comme démarches-adultes et dans le temps de la formation, des démarches de construction de savoir, c'est en vue d'une explicitation et théorisation des principes qui en constituent à la fois la notion et la pratique.
1. Notion de contenu conceptuel : il s'agit d'aller quérir, au creux de tout ce qui est "à savoir", sous couvert d'un thème prescrit de contenu, quelle rupture conceptuelle, quelle problématique centrale en est la clé de voûte, à partir de quoi le listing de ce qui en découle prend la place qui lui revient. Et ce qui est opératoire se construit en relation avec ce qui donne signification aux concepts. On est ici non pas dans "ce qu'il faut savoir" mais dans "ce qu'il y a à comprendre, pour savoir". Et donc aussi où il y a à s'étonner, à discuter, voire à s'insurger, comme autant de conditions indispensables (comme cela le fut) pour qu'il y ait intégration -existentielle- de schèmes nouveaux d'intelligibilité du réel.
Dégager la notion de noyau conceptuel, allant avec ce qui fait rupture sur le plan cognitif, a d'autant plus de poids si cela se fait dans une dimension de transdisciplinarité (et donc sur des disciplines différentes) car cela permet, prenant distance avec telle ou telle discipline, de mieux saisir en quoi il y a rupture féconde[6]. De plus, la notion de rupture conceptuelle acquiert une dimension culturelle parce que dans un contexte plus large où devient plus explicite la part créative et émancipatrice de l'homme.
2. Notion de situation-problème : c'est l'objet d'une invention pédagogique spécifique que de concevoir de telles situations devant être à la fois:
- accessibles à tous quant aux matériaux (documents, objets, ...) et quant à l'objectif à atteindre (objectif qui n'est pas une consigne fermée, puisqu'il indique un cap où aller (classez, comparez, traduisez,...) sans pour autant en indiquer le "comment faire" puisque c'est là où va s'exercer l'inventivité de l'activité de recherche.
- porteuses de ruptures conceptuelles spécifiques (intégrant une dimension épistémologique) non pas données mais à explorer-construire au travers des activités initiées par les apprenants et dégagées à partir des objectifs effectivement atteints par eux (d'où la dimension épistémique concernant les ruptures propres à opérer pour l'apprenant).
De telles situations - parce que situations-impasses interpellantes, d'entrée de jeu - ont pour caractère essentiel de faire mobiliser les potentialités des apprenants (représentations, acquis et schèmes cognitifs déjà construits, expériences de vie, et surtout mises en relation et inventivité nouvelle), bien plus que de s'appuyer sur d'hypothétiques motivations préalables.
3. Les processus vécus par les apprenants : il s'agit de processus complexes, à partir des représentations et des "faire" de chacun, où vont se construire, par paliers successifs, des phases cognitives de construction, depuis la réussite de conduites en vue de l'objectif atteint jusqu'à la conceptualisation proprement dite avec sa dimension de travail dans le symbolique (formulation, schéma, etc..;). Là, il s'agit de passer du réussir - qui est comprendre en action - au comprendre - qui est réussir en pensée.
L'objectif visé (et atteint) n'est pas à confondre avec le but conceptuel, qui en est une conscientisation sur un autre registre de la pensée. Ainsi : traduire un texte en polonais n'est pas encore la conscience de la nature des hypothèses, mises en relation et structuration de sens qui s'y est joué, c'est à dire conscience de la complexité des actions et coordinations des actions qui ont eu lieu. De même dégager le maillon décisif que représente le travail de la pédofaune (transformation de l'organique en minéral, dans le travail sur les chaînes alimentaires en liaison avec l'équilibre de la nature) n'est pas une mince question, ainsi que la ré-invention des principes de la numération au CP.
C'est assurément l'analyse des processus qui est le moment central de la formation à la construction du savoir. De leur complexité, l'accent peut être mis essentiellement :
- Sur le va-et-vient entre chacun et les autres, dans cette construction (fondement de l'auto-socio-construction) où peuvent être spécifiés les temps de recherche individuelle, les temps de recherche en groupe et la confrontation inter-groupes avec leurs fonctions complémentaires dans la conceptualisation.
- Sur l'importance des différences et des contradictions comme terreau précieux de toute démarche, puisque ces différences et contradictions ont à s'exprimer, à se communiquer, se confronter, s'argumenter, prenant en compte chemin faisant tel aspect non vu, telle relation, le tout en renvoyant chacun à son propre "faire" et à la situation. Moments vitaux où même les conflits, s'ils sont tenus dans le champ de la recherche en cours, sont éminemment féconds.
Ce point est décisif, puisqu'il s'agit de se saisir des différences, contradictions et même conflits comme tremplin pour hausser le niveau d'analyse et donner corps à la construction, avec d'autres, des problématiques conceptuelles en jeu. Ce qui suppose une conduite d'animation ad hoc.
Il y a là, au cœur même des processus de construction du savoir, le bénéfice lié à la construction pour chacun de son identité personnelle. Mais plus encore, celui de la formation au débat démocratique dans la mesure où sont requis écoute de l'autre, argumentation sur ses propres positions, capacité de modifier sa pensée, de la structurer, en vue de l'élaboration, ensemble, de pistes positives de réflexion et de conduites à tenir.
4. La conduite d'animation de l'enseignant/formateur : ni imposition, ni effacement, mais écoute permissive, encourageante, l'objectif étant de prendre en compte le cadre de référence de chacun. D'où une pratique verbale de reflet-miroir pour donner médiation réflexive à la pensée en cours et pour que change de registre le champ cognitif. L'objectif permanent est que s'explicitent les points d'achoppement face à la situation et aux divergences avec les autres - pour que les apprenants les traduisent en questionnements et arguments - et que s'expriment dans le symbolique (schémas, formulations,..) les représentations en cours.
Une double compétence est requise pour l'enseignant/formateur : savoir dégager les noyaux-conceptuels et problématiques centrales des contenus prescrits et, dans le cours de la démarche, savoir gérer en attitude de "veille" et en intervention de type "reflet-miroir" la complexité et le flux des processus, pour ne pas y apporter sa propre opinion ou évaluation tout en faisant que se maintienne le cap sur la conceptualisation en cours.
5. Les réinvestissements de la démarche : ils sont de deux ordres :
- Lié au contenu construit: réinvestissements, dans la poursuite de chaque démarche vécue, et en liaison avec la problématique conceptuelle, pour transférer dans des contextes connexes cette problématique. Réinvestissements internes (ex: réinvestir la construction de l'écriture numérique dans l'usage des retenues) et réinvestissements connexes (ex: notion de surface d'échange en jeu dans la respiration, la digestion, les feuilles d'arbre comme dans le placenta pour la nutrition du fœtus).
- Lié à la notion de démarche de construction du savoir : il s'agit de dégager les invariants issus de l'analyse de plusieurs vécus de démarches, dans des disciplines différentes, pour réinvestir sur d'autres contenus la problématique de démarche :
* notion de problématique conceptuelle
* type de situations-problèmes
* nature des processus envisagés
* conduite d'animation à tenir
* notion de réinvestissement conceptuel
Autres pôles de formation :
Dans le sens d'une adéquation entre pratiques de formation et pratiques de classe, doivent être pris en compte comme contenus de formation, et à partir de pratiques effectives :
. le projet : mais dans la mesure où, dans son élaboration et sa réalisation, il est l'objet lui-même d'une "auto-socio-construction" rendant acteurs les élèves dans la démarche du projet. Ce qui suppose que les (futurs) enseignants en fassent eux-mêmes l'expérience.
. la vie coopérative au niveau de la classe, bien sûr, mais aussi au niveau de l'établissement (cf.: conseil d'école dans l'élémentaire et formation à la fonction de délégués en collège et lycée).
Autres pistes et stratégies possibles de formation :
. articulation formation initiale/formation continue :
Il s'agit de créer les conditions d'une implication réciproque entre futurs enseignants et enseignants en exercice en articulant des temps de formation continue avec des temps de formation initiale. Par ex. dans des moments de stage de formation continue qui, s'ils sont réalisés suivant des problématiques communes (notamment sur la construction du savoir) peuvent donner lieu à un travail de recherche-élaboration ensemble fort bénéfique pour les uns et les autres. Ce faisant, il s'agit d'impulser de part et d'autre un travail d'équipe.
. Articulation formation terrain-formation iufm :
Plus largement, il s'agit de mettre en place, en négociation avec la circonscription (ou tel établissement) des modes d'intervention (animés avec des étudiants et enseignants en formation) où sont invités enseignants (et même parents) soit dans le cadre de travaux en classe, ou d'activités de formation vécues ensemble ou de rencontre sur tel ou tel thème. L'expérience montre que l'implication de futurs enseignants dans de tels projets accroît leur responsabilité et la conscience des enjeux de l'enseignement.
Les lieux peuvent être alternés terrain/IUFM. Par ex: expérience de "samedis pédagogiques" menés soit à l'IUFM, soit en circonscription ou dans tel ou tel établissement.
L'enjeu est de créer une dynamique où les actions menées sur le terrain et à l'IUFM - avec des équipes d'enseignants et futurs enseignants - donnent crédibilité à l'idée que sont possibles des transformations. Et que chacun peut y trouver pour soi-même bénéfice.
La formation des formateurs :
S'il est une question qui conditionne l'avenir de la formation et la possibilité de toute rénovation effective, c'est bien celle de la formation des formateurs trop peu préparés, souvent, à allier connaissance du terrain, expérience de pratiques innovantes et pratiques de formation elles-mêmes en rupture avec les usages coutumiers.
Pourtant, les connaissances acquises quant aux contenus disciplinaires et les obstacles perçus quant aux difficultés réelles de traduction sur le terrain peuvent ouvrir à des questionnements fructueux et à des formes de situations-vécues propices pour que se posent de vrais problèmes de changements.
Cela suppose d'ouvrir plus largement le champ strict de la didactique, sans pour autant quitter une haute exigence sur le plan des concepts, évitant le risque d'une centration sur la discipline qui se ferait au détriment d'une intégration décisive des finalités mises en perspectives. Car c'est au cœur même des pratiques (de savoir, de projet, de vie coopérative, etc..) que peut prendre rang une pédagogie de notre temps - relevant d'une praxis authentique - dont l'ambition n'est pas moins que de contribuer à l'avenir d'un humain où devienne pleinement possible pour chacun - et avec les autres - de se construire comme sujet singulier et social.
Odette BASSIS, 1981
[1] Cf: B.Charlot, Du rapport au savoir, éléments pour une théorie, p.90. Anthropos, 1997: rapport au monde comme ensemble de significations, rapport au symbolique; rapport à un "horizon d'activités" et enfin rapport au temps d'une histoire, comme aventure humaine.
[2] Pour clarifier, il pourrait être utile, pour les différencier, de parler outre la transmission prescrite, de transmission secondaire (concernant en quelque sorte les contenus et effets secondaires qui s'y ajoutent) ou encore de transmission manifeste et de transmission latente.
[3] C'est le paradoxe de l'enseignant/formateur dont l'utilité consiste (en y travaillant) à se rendre inutile.
[4] Pour toutes les pratiques : pratiques de savoir, de vie coopérative dans la classe et l'établissement, projets, etc...
[5] C'est dans les années 70 que le terme de "construction" (à partir de Bachelard et Piaget et nourri de Wallon) a été accolé à la notion et la pratique de "démarche" déjà en élaboration dans l'expérience du 20ème par R. Gloton dans les années 60; démarche de construction du savoir à quoi est venu s'ajouter la précision d'auto-socio-construction pour éviter les dérives d'une centration seulement sur l'individu ou seulement sur le groupe, dérives gommant la mise en dialectique entre la singularité de chacun et les interactions entre les uns et les autres.
[6] L'expérience montre même que c'est dans des disciplines où l'on n'a pas "réussi" que cela s'avère plus opératoire, car paradoxalement c'est l'évidence acquise dans la connaissance où l'on est le plus "expert" que l'on a du mal à accepter et comprendre ce qui peut faire obstacle à la compréhension.
Audition du président du GFEN, Jacques Bernardin, par la Commission de la Culture, de l'Education et de la Communication du Sénat...En savoir plus