Texte d'orientation 2010

POURQUOI L'EDUCATION NOUVELLE ?

Texte d'orientation du GFEN, congrès de Saint Ouen, 5 au 9 juillet 2010

 

"L'Éducation Nouvelle prépare chez l'enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l'humanité dans son ensemble, mais aussi l'être humain conscient de sa dignité d'homme"
Principe de la Ligue Internationale d'Éducation Nouvelle, 1921

"Contribuer conjointement à former l'Homme et le Citoyen, à éclairer l'action par la pensée,
à vivifier la pensée par l'action"

Henri Wallon


Tous capables : du pari philosophique au défi

Le GFEN défend, contre l'esprit de fatalité, l'idée que l'Homme est responsable de son histoire ou qu'il peut le devenir. Son pari philosophique du Tous capables postule que chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple a des capacités immenses pour comprendre et créer, pour auto-socio-construire un savoir vivant et opératoire.

Le pari philosophique de la capacité de chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple à penser et agir peut s'appuyer sur notre expérience et sur de nouveaux arguments scientifiques. Ce pari récuse les critères usuels de réussite et d'échec.

Il fonde une conception de la démocratie qui, à travers des apprentissages solidaires, permet de penser l'homme dans sa dimension singulière et sociale. Ainsi se réactualise notre combat fondateur pour une culture de paix.

C'est au défi de sa mise en actes que la société est confrontée: créer les conditions de la réussite de tous, en créant celles d'une égalité réelle contre « l'égalité des chances », contre le retour de l'idéologie des dons et du handicap socioculturel. Ce défi nous amène à interroger les conceptions dominantes du savoir et de la création et à repenser les modes de transmission des savoirs et de la culture.

L' Éducation Nouvelle ne peut se circonscrire aux lieux traditionnellement dévolus à l'éducation. Elle travaille en tout lieu et avec toutes les personnes à élaborer des idées et des pratiques qui soient leviers d'émancipation solidaire, qui mettent en acte le pari philosophique du " Tous capables, Tous chercheurs, Tous créateurs " et qui restituent leur sens aux valeurs de fraternité et de démocratie.

Le travail, dans la diversité des approches culturelles, participe de la construction dynamique d'une culture commune, associant pluralité et unité.



Un monde en crise travaillé par des aspirations et des exigences

La logique du marché a envahi au-delà des secteurs marchands, les champs de l'éducation et de la culture. En intériorisant cette logique de la performance et de la concurrence, les personnes en sont à la fois les porteurs et les victimes.

Cette domination de l'ultra-libéralisme s'est caractérisée ces dernières années par une aggravation sans précédent de la crise dans son caractère mondial et structurel. Sa limite historique en est plus visible que par le passé. La violence sociale conduit de façon contradictoire à la résignation des personnes tout en laissant émerger des formes nouvelles de résistance et de militantisme.

La crise est transversale, la résistance se doit d'être transversale. Le GFEN, qui participe à une bataille d'idées à l'échelle de l' Histoire, la mène aussi au sein de réseaux internationaux.

Ce monde qui tend à l'uniformisation des cultures et des pensées, exige une adaptabilité permanente des individus souvent dans le déni du sujet dans sa dimension singulière et sociale.

Les utopies et les pratiques centrées sur la solidarité et le respect des femmes et des hommes sont attaquées. De nouvelles formes d'inégalités effritent les liens sociaux, fracturent les rapports humains et exacerbent les repliements identitaires.

Les valeurs collectives sont indispensables à chacun, alors que l'individualisme est érigé en vertu.

Une telle société met en péril la revendication d'accès aux savoirs pour tous.

L'intelligence et le pouvoir de création de chacun et de tous sont niés par les pratiques et les structures qui transforment les inégalités sociales en inégalités dans l'accès au savoir et à la culture.

Les aspirations à d'autres valeurs et d'autres pratiques s'affirment ici et partout dans le monde : un autre monde se construit.



Restituer aux savoirs, à la création, à la culture leur dimension d'émancipation

Le Groupe Français d' Éducation Nouvelle agit pour transformer des potentialités en capacités à inventer, chercher, créer, parce que les savoirs et les cultures ne sont pas des produits finis et indiscutables.

Cela se construit dans le débat nécessairement contradictoire, s'opère dans l'exercice d'une pensée critique et agissante.

Il s'agit d'apprendre à comprendre et à s'émanciper des faux semblants comme des évidences, d'apprendre à surmonter ses propres obstacles, à porter un regard audacieux et critique sur le monde et à articuler sans les opposer contenus et méthodes, savoir, culture et sujet, dans leur dimension politique et anthropologique.

La complexification des savoirs et le nécessaire dialogue des cultures exigent l'invention d'approches transversales afin d'affronter les problèmes dans leur globalité. La transdisciplinarité, l'inter et la transculturalité, le travail de la langue et des langues, le rapport à l'écologie... prennent une nouvelle dimension.

Sur les plans national et international, la mise en réseau et la coopération des acteurs de l'Éducation Nouvelle, en particulier à travers le LIEN (Lien International d'éducation Nouvelle), nous met face à de nouvelles responsabilités et nous engage dans de nouvelles perspectives solidaires.



Pratiquer l'éducation nouvelle : une dynamique de transformation

L'éducation ne saurait se suffire de "bonnes méthodes". Toute éducation est un lieu de transformation et donc de confrontation, un lieu de construction des savoirs et de construction de la personne. C'est ce qui fonde pour le GFEN la notion et la pratique de démarche d'auto-socio-construction des savoirs, des projets, de la vie coopérative et la pratique des ateliers d'écriture et de création. Ces pratiques tournent le dos aux pédagogies fondées sur la compétition, la pacification et la soumission.

L'Éducation Nouvelle affirme que les valeurs d'émancipation ne peuvent exister que dans des pratiques qui les construisent.

Éduquer, c'est s'autoriser et autoriser l'autre à dire «je» en femme et en homme libres. Éduquer, c'est rendre possible des apprentissages solidaires dans des pratiques de création et de débat culturel et démocratique.

L' Éducation Nouvelle élabore et théorise des pratiques dans le champ des savoirs, de la culture et de la création, afin que chacun, avec les autres, agisse sur le monde pour le transformer.



La dignité, l'autonomie de penser et d'agir doit être le projet de toute éducation et de toute formation.

Le partage des idées transformatrices pour un monde plus juste et plus humain, leur mise en œuvre, de nouveaux engagements de chacun(e) et de tou(te)s s'imposent pour renforcer nos utopies et les mettre en acte.


Dans la même rubrique

Lire aussi...