Parents-Ecole
Erwin Calvez | le 21/09/2013 00:00
Cet article développe les enjeux de relations entre adultes autour de l'enfant / élève accueilli dans l'institution scolaire,...En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
Pourquoi
organiser des réunions de parents ?
Au-delà des prescriptions officielles il semble nécessaire à surtout dans cette
période historique de refondation des missions de l'École et de mise en cause
de la professionnalité des enseignant(e)s à de dialoguer avec les parents. Mais
quel est notre but ? Leur montrer que nous faisons consciencieusement notre
travail en leur exposant nos intentions et les moyens mis en œuvre dans notre
classe pour qu'ils nous accordent leur confiance est-il suffisant ? Tous les
parents sont-ils en mesure de comprendre l'acte professionnel d'enseignement
qui est le nôtre ? Et si l'enjeu était plutôt de travailler à modifier leurs
représentations de l'École et des apprentissages, construites à partir de leur
vécu personnel d'ancien écolier(e) et des multiples informations reçues par les
médias, informations qui poussent chacun à penser qu' « avant, c'était mieux »
? D'autant plus que beaucoup ne comprennent pas les enjeux des débats actuels
et s'interrogent sur ces « nouvelles façons d'enseigner » qui ont peu à voir
avec la manière dont ils ont vécu leur propre scolarité.
Cette ignorance de la réalité de la classe est une des causes d'incompréhensions
et parfois de conflits entre parents et enseignants.
Comment
les faire venir à la réunion ?
Si tous les parents (sauf très rares exceptions) sont soucieux de la scolarité
de leur enfant et espèrent leur réussite scolaire, un certain nombre d'entre
eux, notamment les parents des milieux populaires, hésitent à entrer dans
l'enceinte de l'École à d'autant qu'ils y sont généralement « invités » (ou
plutôt convoqués) quand ça ne va pas pour leur enfant et qu'il va falloir
qu'ils « fassent quelque chose » ! A la perception d'être de mauvais parents
s'ajoute l'appréhension de revenir dans un lieu où l'on a vécu l'échec et la
peur d'être stigmatisé de par sa condition (« J'ai peur de venir à l'école, me
disait un papa, car je parle mal »). On voit bien qu'une invitation qui
s'adresse à tous, quand elle est rédigée comme un formulaire, risque de ne
s'adresser, de fait, qu'à celles et ceux qui sont déjà en complicité avec les
valeurs partagées et les discours de l'École... éloignant par là les autres,
c'est-à-dire celles et ceux avec qui nous voudrions pouvoir dialoguer.
Plusieurs
stratégies possibles :
- Multiplier les contacts individuels en osant « descendre les marches » et/ou
traverser la cour pour aller à la rencontre des parents, marque de respect.
- Rendre visible ce qui est fait dans la classe et ce qui est attendu (cahier
du jour à signer régulièrement, cahier de texte où est explicité le travail du
soir, etc.)
- Inviter sur la base d'une réussite : « Votre enfant fait des progrès. Nous
vous proposons de nous rencontrer pour en discuter »
- Rédiger une invitation collective où chacun(e) se sent concerné avec, par
exemple, un coupon réponse à retourner à l'école indiquant ses horaires
préférés, sa venue ou non, les questions que l'on se pose, etc.
- Être attentif aux dates et horaires. Il est parfois utile de proposer deux
réunions.
- Prendre appui sur la complicité des élèves : que pensez-vous important de
dire et montrer à vos parents sur ce qui est fait en classe ? (voir ci après)
- Inviter les parents à venir assister à la classe puis proposer une réunion où
ils pourront dire ce qui les a étonnés, surpris, choqués...
- Pour les classes à cours double il peut être important de prévoir des
réunions spécifiques par cours afin de signifier aux parents que leur enfant
n'est pas l'objet d'un redoublement déguisé...
Animer une réunion : échange d'expériences
I - Une
classe de CE2 à Chartres (Sylvie Torre)
1) Réunion de rentrée le 18 septembre pour présenter la classe
- Présentation : tour de table où chacun se présente et pose ses questions
avant que l'enseignante définisse le cadre du CE2 : fonctionnement en cycles
(comment, pourquoi) à intervenants à projets de l'année (correspondance
scolaire, chant chorale, participation à l'opération École et cinéma, rencontres
sportives, travail avec la médiathèque de Chartres, participation à Écolire,
ateliers d'oralité de la poésie menés par la Caravane de poètes avec des
comédiens...).
- Présentation du « profil » de la classe : niveau de maîtrise des
connaissances à attitudes et comportements des élèves : quel sens donnent-ils à
leur présence à l'école et aux apprentissages ? (à partir d'enquêtes réalisées
en début d'année auprès des élèves : « Est-ce important d'apprendre à l'école ?
Pourquoi ? » - « Lire d'après toi, ça sert à quoi ? » - « Comment fais-tu pour
apprendre ? » > cf. livre de Jacques Bernardin Comment les enfants entrent
dans la culture écrite).
- Quel type d'aides les parents peuvent apporter à leurs enfants hors de la
classe ? Comment aider au travail ? en prenant appui sur les compétences des
parents qui ont, hors l'école, appris plein de choses à leurs enfants.
- Demande de rencontres individuelles pour le mois d'octobre et annonce d'une
seconde rencontre à la fin du premier trimestre ou au début du second trimestre.
2) Deuxième
réunion en janvier 2009 pour modifier leurs représentations de l'école afin
d'aider leurs enfants à comprendre que l'apprentissage est un processus.
- Reprise de la première réunion sur ce qui concerne le rapport à apprendre des
élèves et permet de comprendre leurs postures en classe :
RAPPORT AU SAVOIR : apprendre |
Conception | Du tout ou rien | A
un processus
(donc... incomplétude) |
Posture | De
l'attente la passivité la dépendance | A l'engagement personnel l'implication, la recherche la persévérance |
Moyens | Du « faire » (à tout prix) | Au
réfléchir Avant : analyse de la tâche à accomplir identification du but de l'activitéPendant : adapter les moyens au butAprès : prendre du recul sur : - les contenus (à nommer) - les stratégies (comment on fait) |
-
Présentation d'un diaporama (38 images sous forme Power Point) présentant
différents moments de la vie de la classe : exercice d'attention à recherche en
mathématiques à sport (handball) à un défi : la recréation de texte à séance à
la piscine à cours d'anglais à informatique à bibliothèque et critique de
livres à histoire à cahier de texte à utilisation du cahier de recherches pour
une démarche de découverte à orthographe (dictée justifiée) à contrat de
réussite à règles de vie à expression écrite à critères d'évaluation des
compétences. Les élèves présents (pratiquement tous) commentent les images et
expliquent à leurs parents le déroulement des activités.
- En clôture un goûter instaure un climat de convivialité propice aux échanges
informels.
Ce type de
réunion où chaque parent peut voir son enfant et l'entendre raconter ses
activités en classe permet, pour Sylvie, d' « entretenir la motivation et
l'implication que ce soit pour les parents comme pour les élèves, fiers de
présenter leur travail du premier trimestre à leurs parents. Il prouve aux
parents que l'école à besoin d'eux pour déclencher ou soutenir l'intérêt des
enfants et leur fait prendre conscience de l'importance de leur présence à la
réunion pour leur enfant (les enfants de parents séparés arrivent souvent à
inviter les deux parents). Il associe les frères et sœurs et les grands-parents
qui ont un rôle important et souvent négligé. Ce sont de bons relais en cas de
conflits directs avec les parents.
Il permet de prendre conscience qu'il est plus important d'être attentifs aux
progrès réalisés que pointer les résultats qui ne seraient pas « satisfaisants
». Les enfants, et plus particulièrement ceux qui sont en difficulté, doutent
d'eux-mêmes et de leurs capacités ; or, on ne peut apprendre que si on pense
qu'on peut y arriver. La sérénité est une condition essentielle pour réussir
des apprentissages fondamentaux et l'action des parents est déterminante. Ce
qui ne veut pas dire qu'il faille être dans la démagogie et toujours être
content de tout ce que fait leur enfant.
Il est essentiel de permettre aux parents de mieux connaître l'école, en leur
montrant les lieux fréquentés par leurs enfants (gymnases, piscine,
bibliothèque, salle informatique, cantine), en leur présentant des expériences
vécues positives et gratifiantes (créer des évènements), en leur donnant à voir
des présentations ou des représentations de qualité : chorale, expositions,
chorégraphies dans des vrais lieux de culture (médiathèque, théâtre de
Chartres, vraie salle de spectacle) avec tous les intervenants ( moniteurs
sportifs, intervenante d'Anglais, les artistes( chorégraphe, comédienne), le
personnel de la médiathèque avec qui l'on travaille.
Montrer leurs enfants dans des situations de classe où ils sont attentifs,
concentrés, responsables, autonomes, acteurs, chercheurs, courageux, voire
téméraires... les rend fiers d'eux, leur font percevoir
qu'ils sont capables même si à la maison ils peuvent avoir des comportements
différents. Cela peut renforcer la confiance en leurs propres capacités
éducatives.
« L'école est le lieu de la découverte du collectif contre le grégaire » nous
dit Philippe Meirieu. Les parents doivent s'en rendre compte, les
apprentissages doivent y être solidaires.
Les parents doivent sentir l'appartenance de leur enfant à un collectif
d'enfants qui apprennent ensemble.
Il n'y a pas qu'une méthode pour apprendre, la famille est la première source
de savoirs.
Confronter, tâtonner, comparer les méthodes de chacun.
C'est en montrant aux parents ce qu'ils ne peuvent pas voir, en leur faisant
partager l'histoire commune de la classe que l'on peut leur prouver que l'école
de leur enfant est une nécessité pour lui, qu'il s'y épanouit dans le travail,
dans la rigueur, qu'il s'y engage au milieu d'un collectif. »
NB : Il est possible de recevoir par courriel le diaporama de Sylvie en nous envoyant une demande
II- Une autre classe de CE2-CM1 (Laure Bernard)
Le premier jour de classe, Laure fait vivre à ses élèves une situation défi : «
la recréation de texte » (à partir du poème de J. Prévert Déjeuner du matin).
Avoir été capable de relever ensemble ce défi (une situation impossible à
réussir seul) permet de jeter les bases d'une cohésion de la classe...
Trois semaines après la rentrée Laure prévient ses élèves de la prochaine
réunion de parents et de ses enjeux (complicité avec les élèves).
Lors de cette réunion, au lieu de tenir un discours sur ce qu'elle veut faire
et comment elle compte le faire Laure fait vivre aux parents la recréation de
texte du premier jour de la rentrée. Les enfants sont présents... et les
parents se prennent au jeu, appréciant l'aspect ludique de la situation et
prenant conscience de l'extrême exigence de ce type d'activité. Dans un climat
chaleureux la présentation du projet de l'enseignant(e), s'appuyant sur un
référent commun, peut être entendu, compris et partagé...
« Pour ce qui est de la réunion elle-même, j'ai accueilli les parents dans la
classe. Le cahier du jour, le classeur d'évaluation et le petit livre de notre
ministre les attendaient à la place de leur enfant. J'ai insisté sur le fait
que tous les élèves essayaient, avec plus ou moins de succès certes mais aucun
ne refusait une activité, ce qui est de loin le plus important.
Je me suis efforcée de ne pas m'attarder sur la présentation classique (nombre
d'élèves, attendus de la classe). J'ai fait le point sur mes évaluations de
début d'année (j'avais repris les nationales de CE2 et fait des aménagements
pour en créer aux CM1). J'ai présenté mon système de notation (feux tricolores),
expliqué que les résultats de ces évaluations ne reflétaient déjà plus la
réalité car les élèves avaient déjà fait des progrès, que ces travaux ont été
réalisés sur dix jours et donc qu'il fallait tenir compte de la fatigue.
Je voulais surtout rendre vivante à leurs yeux la vie de classe. Je leur ai
raconté des postures d'élèves, des attitudes et déjà des changements; les
enfants qui ne demandent plus ce qu'ils doivent faire une fois leur travail
fini mais qui se prennent en main et se montrent autonomes, ceux qui ne
lisaient pas et qui viennent au coin bibliothèque, ceux qui ont fait des
efforts pour soigner leur travail de façon à pouvoir écrire une affiche...
Puis, j'en suis venue à mes méthodes de travail avec les élèves et j'ai proposé
aux parents de leur faire vivre la première activité de classe du premier jour
de septembre première heure. Les enfants ne cachant plus leur impatience de les
voir au travail, les parents ont adhéré. J'ai fini la réunion par l'explication
de ma façon de noter les devoirs : je fais écrire "savoir
expliquer..." plutôt que "apprendre la leçon...". Cela m'a donné
l'occasion d'aborder la question: comment les parents peuvent-ils aider leurs
enfants ? L'importance du regard des parents sur le travail de l'enfant au
quotidien, les astuces pour leur faire apprendre une leçon (je ne comprends
pas, tu peux m'expliquer ? faire reformuler aux enfants les notions vues en
classe). Cela s'est terminé sur mon projet équitation et les quelques questions
des parents. »
III - Animation d'une réunion de parents à la demande de la FCPE d'un
collège (Jean Bernardin)
Titre de la demande : « Comment aider notre enfant au collège ? »
Objectif de l'animateur : Réhabiliter les parents dans leurs capacités
éducatives.
- La soirée
commence par un diaporama qui présente l'état de l'École et le sens que les
élèves donnent à leur présence à l'école (rapport à la scolarité, aux
apprentissages et au savoir), ce qui permet de comprendre la nature de leurs
difficultés.
NB : il est possible de recevoir par courriel ce document ainsi que le Power
Point en envoyant une demande à G.F.E.N.28@wanadoo.fr
- Annonce aux parents qu'ils ont déjà les réponses à la question posée « comment aider notre enfant ? » puisqu'ils ont tous appris des choses à leurs enfants et ont donc des expériences de réussite. Un relevé est fait collectivement de ces apprentissages réussis : parler à marcher à faire du vélo à manger seul à propreté à jouer aux cartes à ranger à politesse à se laver à faire la cuisine à faire ses lacets à nettoyer (ménage) à laver et essuyer la vaisselle à faire les courses à traverser la rue à prendre des initiatives à apprendre l'alphabet à etc.
- Par
groupes de 4 chaque parent raconte (5 minutes) un apprentissage réussi. Règle :
il est interdit de porter jugement sur ce qui est dit. Difficile d'arrêter les
paroles au bout d'une demi-heure pour donner à chaque groupe la deuxième
consigne : « A partir de vos expériences singulières, dégager ce qui vous
semble avoir été de nature à aider votre enfant dans son apprentissage ou à le
gêner » (15 minutes).
Puis c'est le moment où chaque groupe rend compte aux soixante participants de
cette soirée... L'animateur prend soigneusement en note sur affiche, demandant
de préciser, d'illustrer par un exemple à car son objectif est que chacun
comprenne ce qui est dit et puisse éventuellement compléter ou infirmer.
Ci-dessous ce qui a été, ce soir là, noté sur affiche.
Ce qui aide : montrer notre confiance dans la réussite à savoir prendre du
temps, ne pas se presser à montrer notre intérêt de ce qu'il fait à encourager
quand il y a doute et découragement et valoriser les efforts à nommer les
progrès réalisés à minimiser l'importance que l'enfant donne aux difficultés et
erreurs rencontrées : on ne peut pas apprendre sans tomber, sans faire
d'erreurs (même nous, adultes, continuons à en faire) à importance de l'aspect
ludique (« gratuité « des apprentissages) à inciter à faire... puis à raconter
ce qu'on a fait à partager des activités avec lui à émulation à savoir écouter
et entendre ses remarques, ses difficultés à rassurer à parler avec pour
l'inciter à engager le dialogue à l'autoriser à ne pas faire (à ne pas être)
comme nous à fixer le but, l'objectif à atteindre à faut-il récompenser ?
Comment ? à chercher à comprendre avec lui ses erreurs.
Ce qui gêne : le manque de patience à une exigence démesurée à les comparaisons
à la peur d'essayer, la peur de l'échec à le découragement quand cela ne
progresse pas à notre angoisse et notre sentiment d'échec à le regard de
l'autre surtout s'in est « contrôlant » - une trop grande multiplication des
activités à se mettre à son niveau.
Fin du débat : l'animateur dit au public : « Et si vous mettiez tout ce capital d'expériences au service de la réussite scolaire de votre enfant ! »
NB : Lors
d'une animation précédente, dans un quartier populaire de Chartres, des parents
ont dit que c'était la première fois qu'on leur donnait la parole et qu'ils
avaient découvert que leurs capacités étaient plus grandes que ce qu'ils
pensaient.
Une collègue du GFEN d'Orléans enseignant en maternelle, qui avait animé sa
réunion de parents sur cette approche, s'est entendue dire que la réunion était
passionnante et qu'ils avaient plus appris qu'en écoutant l'enseignante
raconter ce qu'elle allait faire dans l'année...
PS : Deux articles de Jacques Bernardin disponibles : « Typologie du rapport à l'école des familles des milieux populaires » (2 p.) et « Les logiques parentales » (8 p.). pour recevoir ces documents par courriel, écrire à G.F.E.N.28@wanadoo.fr