DIALOGUE n° 141
Avons-nous encore besoin de pédagogie ?
Actes du colloque de
Lyon, 8-9-10 octobre 2010
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Avons-nous encore besoin de pédagogie ?
Gérard MEDIONI, GFEN et Étiennette VELLAS, GREN
Chaque jour, nous constatons que les politiques éducatives, emboîtant le pas des orientations de nos sociétés ultra-libérales qui n'inscrivent pas l'école dans une visée d'émancipation, abandonnent le projet de faire de la réussite de tous les enfants un objectif à atteindre. Certes, on pouvait par le passé mettre en doute la sincérité des politiques éducatives annonçant une volonté de réussite pour tous ; certes, l'aide aux mouvements pédagogiques n'a jamais été de grande importance, mais aujourd'hui la situation s'est aggravée dans la mesure où on annonce, clairement, sans aucune gêne, l'impossibilité de l'égalité dans l'accès aux savoirs et à la culture. D'autant que ces discours sont acceptés. Par les citoyens. Par les éducateurs eux-mêmes ! Insistons sur ces derniers.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
La réduction des moyens d'action, le formatage des enseignants et des éducateurs jouent un rôle essentiel dans ce processus de tri de la société. Ce tri s'opère sans provoquer une levée de boucliers des citoyens, parce que les éducateurs eux-mêmes ne (se) sont pas formés à analyser les enjeux politiques de l'éducation. Ils ne s'alarment que peu face à une formation excluant petit à petit la pédagogie. Ils ne se rendent pas toujours compte que le manque de formation pédagogique les rend moins efficaces, moins ambitieux, plus enclins à désespérer face aux problèmes qu'ils rencontrent sur le terrain. Éduquer signifie alors intégrer davantage qu'émanciper. Ainsi éduquer les jeunes dont
ils ont la responsabilité de telle façon que l'échec et l'exclusion du plus grand nombre soient justifiés par la réussite de quelques méritants est accepté comme conforme à une norme, comme fatal. Le fameux discours sur l'« Égalité des chances » agissant comme légitimation de ce processus de reproduction - prétendument naturelle des élites - finit par paraître banal. Même à ceux qui lui ont résisté...
Problématiser la pédagogie
Face à cette situation qui produit l'accroissement de l'exclusion, face à cette acceptation d'un accès aux savoirs et à la culture limité à certains alors qu'il représente un socle essentiel pour favoriser la construction du lien social et l'accès à la citoyenneté, nous avons décidé de prendre à bras le corps cette question de la pédagogie. Parce que notre hypothèse est qu'elle peut être un moyen d'action important pour (ré)agir. Moyen mal connu, à faire connaître. Moyen à mettre en travail. Cette volonté s'est concrétisée dans la tenue d'un colloque intitulé « Avons-nous encore besoin de la pédagogie ? ». Une question certes rhétorique, qui ne laisse aucun doute sur notre désir de la défendre, mais une
vraie question néanmoins, tant le concept, à force d'avoir été attaqué, critiqué, malmené est devenu flottant et mou. Affublé aujourd'hui de significations erronées, il est parfois inutilisable.
D'emblée, nous avons pris le parti de ne pas réserver la pédagogie aux seuls éducateurs officiels, mais de postuler,
qu'elle peut concerner tous ceux qui, de près ou de loin, font oeuvre d'éduquer. C'est ainsi avec en tête un Tous capables d'être pédagogues ! que nous avons travaillé.
Les temps du colloque rythment ce Dialogue
Ce numéro présente, à l'image et dans l'ordre du colloque, ce qui s'est déroulé du 8 au 10 octobre 2010 à Lyon, à l'Hôtel de Ville et au Collège Victor Grignard. Un ordre respecté parce qu'il y a, nous semble-t-il, du sens à le suivre. Nous vous invitons ainsi à entrer en pédagogie Temps après temps.
Le temps où l'on pose le problème de la pédagogie
La problématisation de la pédagogie proposée d'emblée par Étiennette Vellas permet de comprendre le choix des responsables du colloque : travailler la pédagogie en tant que « théorie pratique » et parler du pédagogue comme d'un théoricien de sa pratique.
Philippe Meirieu confirme ensuite la pertinence de cet objet de travail en développant une triple argumentation.
Le temps où l'on aborde la pédagogie à travers l'animation d'ateliers
Les animateurs d'ateliers, qu'ils soient du GFEN ou des partenaires, ont reçu la même consigne : animer un atelier
qui puisse faire comprendre la pédagogie qu'ils développent avec une entrée qui leur est propre. Faire vivre et analyser les tissages qu'ils opèrent entre savoirs, valeurs et pratiques ou, autrement dit, entre leurs conceptions, leurs convictions et leurs actions. Mettre en discussion les obstacles rencontrés, terreaux de la recherche pédagogique. Écrire pour ces Actes.
Ces ateliers sont présentés en deux temps distincts. Ils invitent le lecteur à confronter sa propre pédagogie aux
diverses pédagogies rendues ici visibles à travers quelques-unes de leurs facettes. Cet échange, assez rare,
de « théories pratiques » est un encouragement à mutualiser les savoirs pédagogiques.
- Le temps où l'on vit des démarches d'auto-socioconstruction des savoirs
Chaque atelier est une approche pédagogique de la démarche. Une occasion de faire connaissance avec de nouvelles démarches et d'en analyser d'anciennes pour souligner et travailler les particularités pédagogiques de notre mouvement.
- Le temps où l'on précise ce qu'est l'auto-socioconstruction des savoirs
Odette Bassis théorise certains aspects de la DASC
(1). Et pour forcer quelques portes de la boîte noire que représentent
toujours la création et l'animation de démarches
- pour les débutants de notre mouvement et ceux qui le connaissent moins - nous levons le voile sur quelques gestes essentiels, récoltés par entretien.
- Le temps où l'on présente les ateliers des partenaires du GFEN
Sont présentés ici des ateliers des mouvements d'Éducation autres que le GFEN et le GREN. Porteurs des mêmes valeurs que nous, menant des recherches proches des nôtres, ils présentent des aspects de leurs « théories pratiques».
Le temps où l'on repère les liens entre pédagogie et politique
Quelques reflets d'une table-ronde rappellent que la pédagogie questionne les choix politiques comme les politiques interrogent nos pédagogies. Ce sont des responsables d'institutions, avec qui nous sommes engagés dans divers projets, qui se sont prêtés à ce jeu difficile : articuler pédagogie et politique et, pour cela, ne pas confondre ces deux domaines.
L'intervention qui suit d'Yves Fournel, adjoint de la Ville de Lyon à l'Éducation, la Petite Enfance et la Place de l'enfant dans la Ville, a eu lieu dans l'Hôtel de Ville de Lyon. Ce discours - prononcé en ouverture du colloque, en interaction avec les mots d'accueil aux participants de Gérard Médioni, responsable du Groupe du Lyonnais du GFEN, organisateur du colloque avec le Secteur Langues du GFEN et le Groupe Romand d'Éducation Nouvelle - porte la trace des intérêts, valeurs et objectifs qui peuvent être partagés entre une ville, impliquée dans le Réseau national des villes éducatrices, et un Mouvement pédagogique.
Le temps où l'on ouvre des pistes
Walo Hutmacher et Stéphane Bonnéry nous entraînent à réfléchir en quoi « faire au mieux » pour éduquer passe aussi tant par des choix de gouvernance nationale qu'une acceptation de notre part d'analyser, lucidement et de manière critique, nos pédagogies. Pour mieux repérer les effets positifs de nos théorisations, mais aussi leurs biais que nous retrouvons sur le terrain... et dont nous nous désolons, sans parfois nous reconnaître comme faisant partie du problème !
Jacques Bernardin rappelle alors nos projets, nos espoirs de pédagogues de l'Éducation nouvelle. Il nous incite à ne pas lâcher prise quant à notre lutte contre l'exclusion en rendant nos pédagogies toujours plus vives et vivantes pour maintenir un haut niveau d'exigence.
La synthèse de Maria-Alice Médioni nous permet de constater le chemin conceptuel parcouru par les participants
au colloque. Et, nous l'espérons, par vous, lectrices et lecteurs de ce Dialogue (2).
1 Démarche d'auto-socio-construction du savoir.
retour au texte2 Le lecteur pourra trouver un supplément à l'adresse www.gfen.asso.fr/fr/revue_dialogue
