Pédagogie explicite contre pédagogie de la découverte ?
Jacqueline BONNARD | le 27/02/2014 00:00
Et si la question était mal posée...
Si l'on admet que la pédagogie est l'ensemble des méthodes et pratiques...En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
La section 3 du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la république, relative au développement de l'enseignement numérique propose d'installer « un service public de l'enseignement numérique et de l'enseignement à distance » (art. 10), « une formation à l'utilisation des instruments et des ressources numériques » (art.11), de simplifier l'application du code de la propriété intellectuelle en l'élargissant à l'exception pédagogique afin de permettre aux enseignants d'utiliser des extraits d'œuvre disponibles via une édition numérique de l'écrit. (art.12)
L'ambition est louable et l'annonce de la création de Conseils et Comités chargés de coordonner les différents acteurs (éducation nationale, collectivités territoriales, représentants de la communauté éducative, partenaires privés de la filière numérique éducative...) présente l'avantage d'une approche globale des conditions d'équipement informatique et d'accès aux ressources numériques pour l'ensemble des établissements scolaires.
Pour autant suffit-il d'équiper les établissements de façon uniforme et donner accès aux ressources numériques aussi pertinentes soient-elles pour refonder l'école ?
Suffira-t-il aux élèves d'avoir du contenu en ligne, des corrigés du brevet et du bac pour apprendre et se construire une représentation cohérente du monde dans lequel ils vivent ?
Suffira-t-il aux enseignants de bénéficier d'une formation à distance pour mettre en place une pédagogie propice à « accompagner les élèves dans la société du numérique » dans une approche citoyenne ?
Technologies nouvelles, nouvelles pratiques sociales
Personne ne conteste que nous baignions dans une société du numérique qui transforme profondément les comportements et les rapports humains. Ainsi que l'écrivait Bruno JACOMY dans « une histoire des techniques », les nouveaux outils « ne prolongent plus seulement nos mains, nos jambes, nos muscles. Ils prolongent nos sens, nos organes de communication et dans une certaine mesure notre cerveau. » L'homme d'aujourd'hui a accès à une multitude d'informations, prenant appui sur des médias aux formes diverses. Les élèves baignent dans ce milieu numérique à la recherche du plaisir immédiat, « icôno-zappeurs » passant d'une information à une autre sans but précis apparent, activité le plus souvent individuelle qui laisse des traces dans l'inconscient sans qu'il y ait réflexivité.
Technologies nouvelles et apprentissages scolaires
L'enseignement vise à faire organiser les informations reçues par celui qui apprend afin de modifier ce qu'il croyait vrai de la réalité observée en se construisant des savoirs extériorisés et formalisés de cette réalité. Il peut être intéressant de s'appuyer sur cette réalité virtuelle, mais est-ce suffisant ? Ce n'est qu'un apport parmi d'autres et s'il permet de sortir d'une transmission frontale par l'introduction d'un objet tiers (le poste informatique, vecteur des informations du Net), il ne suffit pas à construire du savoir chez l'élève. Mettre les élèves en stabulation libre devant les postes informatiques est tout aussi inefficace que de les soumettre à des exercices répétitifs dénués de sens pour eux.
Technologies nouvelles, nouvelle pédagogie ?
Il ne faudrait pas pour autant nier les compétences numériques acquises par les élèves hors l'école même s'il semble évident que les acquisitions soient inégales selon les milieux sociaux. Encore faut-il en avoir conscience et proposer des situations pédagogiques prenant en compte les acquis. L'apport du numérique permet de diversifier les représentations du réel et de mettre en place une différenciation pédagogique dans le cadre d'une séquence d'apprentissage qui vise à mobiliser tous les élèves sur un même objet de savoir, laissant la possibilité à chacun de suivre des itinéraires singuliers. C'est lors d'une synthèse active (construite collectivement) que la structuration des connaissances permettra à chacun de s'approprier le savoir visé.
Mais cette approche pédagogique se heurte à plusieurs écueils :
- un sous
équipement informatique dans les établissements scolaires.
- des
offres insuffisantes de ressources numériques éducatives de qualité.
- une
formation insuffisante aux nouvelles technologies (le C2I2E suffit-il pour
maîtriser les différents outils à disposition ?)
- une
réflexion quasi inexistante sur la
pédagogie à mettre en œuvre intégrant les apports numériques, sans pour autant
individualiser les parcours ce qui mènerait à l'effet inverse de ce qui est
annoncé : la réussite de tous.
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