A propos d aide
Yann Gibert | le 01/01/1970 00:00
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
État des lieux :
1) Une
très grande diversité de situations
* Sur les moments qui dépendent fortement des
conditions matérielles locales : possibilités municipales d'accueil, de
transport et de restauration scolaire, mise en place de dispositifs
d'accompagnement à la scolarité le soir (aide aux devoirs)... Dans certains
lieux 4 fois ? h par semaine, le midi ou le soir (quand élèves et enseignants
sont fatigués !), dans d'autres 3 fois 40 minutes, et dans certaines villes 2
heures le mercredi matin.
* Sur les élèves retenus :
- qui font l'objet d'un PPRE, à l'exclusion de ceux qui bénéficient d'une aide
du RASED (ce qui pose des problèmes éthiques puisque ces élèves en grande
difficulté sont « interdits » d'aide en dehors de celle du RASED...
- et/ou qui ne font pas l'objet d'un PPRE mais qui ont des difficultés
passagères sur telle ou telle notion abordée en classe...
- et/ou qui sont en grande difficulté mais qui ne peuvent bénéficier d'une aide
d'un RASED...
* Sur le temps de l'aide : temps illimité ou temps limité ?
Dans ce dernier cas que faire avec les élèves qui restent en difficulté mais
doivent quitter le dispositif d'aide et qui prendre en charge : ceux qui n'ont
pas de difficultés avérées ?
* Sur les réactions des parents : refus dans des écoles de
centre ville pour cause de marquage et de stigmatisation de leurs enfants et/ou
inflation de demandes dans des quartiers où des parents attendent tellement de
l'École que plus il y a et mieux ce sera pour leurs enfants. Beaucoup trouvent
anormal que l'on ait retiré 2 heures d'enseignement à tous les élèves !
* Certains enfants sont en situation de rejet de cette aide
(refus de faire, absentéisme,...)
2) Des
constats partagés :
* Sur le fonctionnement du dispositif tous les participants
s'accordent à dénoncer :
- le morcellement, le manque de suivi et de continuité des apprentissages,
d'autant plus que les enseignant(e)s doivent indiquer dans le PPRE le nombre de
séances pour chaque enfant;
- le temps d'apprentissage moindre pour tous : 40h d'aide en moyenne pour
quelques uns est loin de combler le retrait du samedi ou du mercredi matin où
beaucoup prenaient le temps de mettre en place des ateliers par groupes de
besoins. Une réduction horaire qui incite à « ne pas perdre de temps »,
notamment dans les classes de CE1 et CM2 où plane le couperet des évaluations (1) ;
- l'homogénéité du public rend les tâches insurmontables : comment développer
le langage dans un groupe qui ne réunit que des « petits parleurs » ? Comment
développer l'appétence à écrire dans un groupe où ne se retrouvent que des
élèves qui disent (et pensent) n'avoir rien à dire, pas d'idées, et qui fuient
cette activité ?
- L'aide du mercredi matin permet d'avoir des élèves (et des enseignants) plus
reposés, qui ne sont pas sous le regard de leurs camarades.
* Sur ses effets : s'il est trop tôt pour véritablement
pouvoir les mesurer et très difficile de savoir ce qui relève de cette
structure ou d'une autre (soutien organisé dans la classe, aide aux devoirs,
etc.) :
- tous s'accordent sur le fait qu'elle peut avoir des effets bénéfiques pour
les élèves qui ont une difficulté passagère (qui n'ont pas compris telle ou
telle notion, par exemple), mais qu'elle en a peu, voire pas du tout, sur les
élèves qui ne donnent pas sens à leur scolarité et aux apprentissages et/ou sur
ceux qui ont de grosses difficultés dans certains apprentissages (langage -
lecture à production d'écrits à numération, etc.). Des enseignant(e)s
remarquent même un désinvestissement de certains élèves dans la classe.
- Ce temps aide les enseignant(e)s à mieux repérer la nature exacte des
difficultés et a permis d'engager une réflexion plus générale sur l'aide au
sein des équipes ; réflexion qui interroge les pratiques usuelles
d'apprentissage...
- Des élèves qui sont contents que l'on s'occupe d'eux ; d'être dans une
relation de proximité avec un adulte bienveillant, beaucoup plus disponible
pour eux et à l'écoute de leurs avis, questions, etc.
- Le « pas
d'avance » (cf. Goigoux et Cèbe) se révèle être une marche énorme pour les
enfants qui ne voient pas la relation entre ce qui est fait lors du dispositif
d'aide et ce qui est fait en classe, malgré les sollicitations de
l'enseignant(e).
- Des petits progrès de certains pour faire (au sens de manipuler), mais
toujours autant de résistances pour penser, réfléchir.
Et, comme partout dans le pays, des attentes des enseignant(e)s mises à mal par leur impuissance à faire réussir ces élèves qui (s') échouent, des interrogations sur la pertinence du dispositif et un sentiment d'abattement et/ou de colère de devoir assumer seul(e) et sans aucune aide ce défi.
3) Des
interrogations multiples :
- Ne travailler que sur les difficultés repérées ne risque-t-il pas de les
fixer ? Comme nous le savons, l'acharnement pédagogique produit toujours un
effet négatif.
- Que faire avec les quelques élèves qui refusent l'aide ? Est-il possible d'apprendre sans être (symboliquement) « autorisé » à ne pas apprendre ?
- Compte tenu des évaluations (CE1 et CM2) n'y a-t-il pas le risque d'entrer dans une logique de bachotage et de ne travailler que les points qui seront évalués ? Surtout si, comme nous l'indiquent les premières prévisions officieuses qui ont filtré, ce serait la quasi totalité des points du programme en maths et français qui seraient évalués...
- Peut-on exclure de ce dispositif les élèves qui bénéficient d'une aide d'un RASED comme peut l'indiquer une lecture des préconisations officielles et les prescriptions de certains IEN ? Ce qui pose à beaucoup d'enseignant(e)s un problème éthique.
- Que faire des élèves qui, à l'issue de leur x séances d'aide personnalisée, se retrouvent toujours en difficulté, et qu'ils ne peuvent plus « bénéficier » de ce type d'aide ? Comment les remplacer par d'autres élèves qui ont des difficultés moindres ? Faudrait-il produire de l'échec pour alimenter le dispositif comme le propose malicieusement un participant ?
- Comment annoncer aux parents que l'aide s'est révélée peu efficace pour leurs enfants sans que cela alimente des attentes négatives sur leurs enfants, sur eux-mêmes et sans être déjugé dans notre professionnalité à leurs yeux ? Car quand la réussite promise (par le ministre via les médias) et attendue n'est pas au rendez-vous nous savons que cela produit du ressentiment, voire de la colère...
- Pourrait-on mieux articuler ce qui se fait en classe (continuité des apprentissages) et ce qui se fait dans ce dispositif morcelé ?
Bref : l'externalisation de l'aide à l'intérieur de l'école ne risque-t-elle pas de renforcer un accompagnement scolaire de l'exclusion sociale ?
3) Des pistes à explorer... malgré les conditions objectives très défavorables : groupes homogènes d'élèves en difficulté, externalisation de l'aide, morcellement du dispositif, injonctions à ne travailler que sur des conséquences (compétences non maîtrisées) et non sur les causes des véritables difficultés (estime de soi et sens donné à sa présence à l'école et aux apprentissages), solitude de chacun(e), pressions de l'administration ici et des parents là...
A à Pour les élèves qui ont des difficultés relatives à la maîtrise d'une notion chacun(e) s'accorde à dire qu'une pratique de remédiation de type « soutien à rattrapage » peut se révéler efficace. Ce qui n'est pas négligeable mais pouvait se travailler en groupe classe (mercredi ou samedi matin) dans une pratique de groupes de besoins.
B à Pour les élèves qui cumulent les difficultés d'ordre identitaire (estime de soi) et d'ordre épistémique (sens donné à la scolarité et aux apprentissages) il semble qu'il y ait nécessité de « pervertir » le dispositif pour entrer dans une logique de re-médiation qui tourne le dos aux pratiques de compensation par un soutien rattrapage. Plusieurs voies s'ouvrent à condition de s'émanciper du prescrit des Instructions Officielles.
* Oser
engager les élèves dans des projets « étonnants » par rapport
à l'ordinaire de la classe : théâtralisation d'un texte, création d'un album de
poésies, réalisation d'un quipu péruvien pour expliquer le principe de
numération positionnelle, montage d'expériences scientifiques, production de
performances plastiques, etc... Projets qui seront portés par leurs auteurs
devant toute la classe où chacun devra expliquer sa réalisation et expliciter
la démarche suivie pour la réaliser. Projets pour modifier l'image de soi et
des autres... et donner envie aux autres de venir à ces heures d'aide
personnalisée !
Cela pourrait être l'objet de notre prochaine réunion sur l'aide, non ?
* Pour aller plus loin, oser mettre en place des groupes hétérogènes pour que chaque élève puisse être associé à des projets culturels que nous n'avons pas toujours le temps de mettre en place dans la classe vu la réduction des horaires et la lourdeur des programmes...
* S'emparer
de l'idée mis en place dans les écoles du XXème arrondissement par l'Inspecteur
de circonscription Robert Gloton (années 1960 à 1970) dont l'objectif était de
créer pour CHAQUE élève un champ de réussite. Robert Gloton,
alors président du GFEN et élève de Henri Wallon, pensait qu'il fallait pouvoir
s'appuyer sur une réussite avérée (en patin à roulettes comme en grammaire) de
chacun pour reconstruire de l'estime de soi indispensable pour oser s'aventurer
dans les apprentissages où apprendre nécessite d'accepter la frustration de ne
pas savoir.
Nous avons proposé une rencontre à Chartres à Serge BOIMARE, (CMPP Claude
Bernard à Paris, auteur de "Ces enfants empêchés de penser") pour
intervenir sur la question « Comment ré-enclencher le travail de la pensée ? ».
Il nous a donné son accord (janvier ou février 2009).
* Tout en
restant attentif, à chaque fois, en classe comme ailleurs, à :
- en début d'activité : différer le temps du faire pour inciter à penser en
faisant rappel de ce qui a déjà été fait (continuité des apprentissages), en
explicitant le but de l'activité (vers où voudrions nous aller) et les moyens à
mettre en œuvre (comment faire) pour pouvoir réaliser les tâches proposées,
- pendant l'activité : faire des pauses pour échanger sur là où chacun en est
(dire le faire), prendre conscience de l'impasse rencontrée (nommer l'obstacle
qui oblige à déconstruire ce que l'on sait pour reconstruire autre chose) et
rappeler le but visé,
- en fin d'activité : avoir un retour réflexif qui mesure l'écart entre ce qui
a été réalisé et ce qui était visé, les stratégies mises en œuvre par les uns
et les autres, anticiper les suites possibles...
(voir courrier de novembre 2008 qui explicite les étapes de cette démarche
socio constructiviste)
(1) « La montée en puissance d'une demande générale pour que le système éducatif puisse « rendre des comptes » publiquement, régulièrement et à tous les niveaux, sur ses performances, a renforcé la pression à la production d'indicateurs standardisés, par des examens ou des tests à grande échelle, et la polarisation proportionnelle du système éducatif sur ces épreuves sommatives qui concentrent de nombreux enjeux critiques ». Selon deux auteurs britanniques, « ce modèle de la performance qui a substitué une évaluation basée sur des productions et des critères explicites et chiffrés, a favorisé une tension croissante dans les établissements scolaires (anglais), le climat de compétition et de concurrence allant de pair avec un accroissement de la violence et de la polarisation sociale sur fond de moindre solidarité. » Et ils ajoutent : « Ces effets du modèle de la performance peuvent s'avérer finalement contre-productifs à terme, y compris sur le plan économique, car contradictoire avec l'idéologie d'une société de la connaissance tout au long de la vie, dans la mesure où la satisfaction d'indicateurs de court terme décourage l'apprentissage à plus long terme, particulièrement pour ceux qui échouent dans leur scolarité initiale. » (Extrait de l'article L'évaluation au cœur des apprentissages à Laure Endrizzi et Olivier Rey à 18 p. - Dossier d'actualité n° 39 de novembre 2008 du Service de Veille scientifique et technologique à consultable sur le site http://www.inrp.fr/vst ou sur demande auprès de G.F.E.N.28@wanadoo.fr ) retour au texte