Lire/écrire : difficultés et malentendus
Yann Gibert | le 01/01/1970 00:00
Les différences entre élèves dans l'accès au lire/écrire est lié à des rapports...En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
C'est pourquoi, si ce qui nous occupe concerne plus spécifiquement
les champs de la grammaire et de l'orthographe, nous devons savoir que
l'étude de ces fonctionnements ne prend son sens que dans une articulation
quotidienne avec des moments de production, orale comme écrite,
qu'en liaison avec la production de textes véritables tant
dans les domaines littéraires que scientifiques.
Mais enseigner la grammaire, c'est faire passer de l'expérience
concrète que tout locuteur a de sa langue à son observation
réfléchie. Cette démarche est si peu naturelle qu'il
faudra attendre le XVI" siècle pour qu'en France cette posture
soit officiellement adoptée par quelques-uns de nos premiers «
grammairiens ».
Dans les classes aujourd'hui ce qui fait la différence dans la
réussite scolaire, c'est que les uns se sont construit un point
de vue distancié sur la langue et les autres pas. Un élève
qui réussit son parcours dans le système scolaire actuel
et pourra entreprendre des études universitaires est un élève
pour lequel l'exercice de la métacognition est devenu spontané.
Il ne s'agit pas d'apprendre quelque chose pour le retenir mais de savoir
comment on l'a appris, avec quelle autre connaissance on peut le mettre
en relation, dans quelle autre circonstance on pourrait l'utiliser. C'est
ce rapport métacognitif qui assure une véritable prise de
pouvoir sur ce savoir, sa véritable maîtrise.
Réfléchir sur la langue c'est aussi adopter une attitude
scientifique sur un objet particulier, exceptionnellement performant,
qui permet de construire des aptitudes nouvelles transférables
dans bien d'autres champs de savoirs. C'est en fait adopter une nouvelle
posture par rapport aux apprentissages, et sans doute une autre culture.
Faire de la grammaire à l'école est donc, de ce fait, particulièrement
nécessaire.
Alors, quelles pratiques, pour quels contenus ?
En fait, la véritable difficulté ne réside pas dans
le choix entre deux champs de savoirs sur la langue ; une grammaire plutôt
sémantique ou une approche plutôt linguistique. Des affrontements
parfois violents entre tenants de l'une et de l'autre de ces approches
ont engendré beaucoup d'incompréhension et laissé
la plupart des enseignants démunis quant à leurs pratiques.
Or, toutes les recherches récentes engagent à prendre en
compte les savoirs sur le fonctionnement de la langue, orale et écrite,
dont la connaissance ne peut être ignorée sous peine d'en
abandonner la maîtrise, donc le pouvoir, à ceux-là
seuls qui ont pu y accéder.
Si l'enseignement de la grammaire ne saurait faire l'impasse sur les apports
précieux de la linguistique, si le structuralisme puis les travaux
de psycho et socio-linguistiques en ont été des étapes
décisives, se borner à livrer les savoirs finis de la linguistique
sans les faire reconstruire par les enfants n'a guère de sens.
Or, dans de multiples classes le remplacement d'une méthode par
une autre a conduit les enfants et les adolescents à dessiner force
arbres et schémas, avec ou sans couleur, sans qu'on puisse conclure
à quelque bénéfice au plan de l'acquisition de savoirs
en grammaire, ou à celui d'un regain de sens par rapport à
la pratique d'une grammaire traditionnelle.
Toute la difficulté réside dans le changement de «
posture » qu'implique le passage d'une activité à
l'autre : quelles pratiques élaborer pour amener l'enfant, seul
et avec les autres, à différer provisoirement le sens pour
se construire des savoirs sur le fonctionnement ?
Cette capacité à décontextualiser ne pourra advenir
que dans la mesure où elle prendra appui sur l'usage que les enfants
font de la langue, un usage très contextualisé duquel il
faudra progressivement « s'extraire » pour accéder
au travail réflexif nécessaire à la construction
de savoirs en grammaire.
Il y a donc lieu de proposer aujourd'hui une démarche, qui engage,
dans un premier temps, des « faire » sous des formes diverses
(mimer, jouer, dessiner, classer, trier...), premières productions
qui, bien que non dégagées de l'aspect pragmatique des usages
de la langue, permettent de faire passer au second plan la dimension du
sens, mais reste cependant toujours là comme réfèrent,
pour ne s'intéresser in fine qu'au fonctionnement.
On trouvera un grand avantage à mettre en œuvre dans des moments
bien distincts, repérables par les enfants et apparaissant de manière
explicite dans l'emploi du temps affiché dans la classe, ces activités
qui impliquent des postures différentes. (On pourra, à l'occasion,
remplacer l'horaire hebdomadaire par de mini-stages de grammaire où
la réflexion sur la langue sera vécue de façon plus
intense, comme un projet de recherche, ce à quoi nous invitent
également les textes officiels.)
Les deux activités s'articulent en travaillant la structure grammaticale
de textes ou de phrases extraits des lectures ou des productions des enfants.
Toutefois on aura avantage à enclencher le travail de grammaire
sur des corpus judicieusement choisis en fonction des objectifs visés.
Les travaux du Groupe français d'Education nouvelle (GFEN) ont
permis d'élaborer des pratiques analysées, théorisées
et enrichies des apports de la recherche. La langue est, de longue date,
au cœur des recherches et des travaux de ce mouvement pédagogique
qui fut un des premiers mouvements à inventer et conduire des ateliers
d'écriture.
Mises en œuvre sur des terrains divers, dans et hors l'école,
dans les différents cycles des établissements scolaires
de centre ville comme de banlieues, les séquences que nous présentons
sont toujours fondées sur le pari éducatif que les enfants
ont tous des potentialités insoupçonnées qu'ils se
sont révélés à eux-mêmes ou à
leurs éducateurs, chaque fois que les uns et les autres ont fait
le pari de leur réussite.
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