« L'école maternelle que nous voulons »
Valérie Pinton | le 10/01/2023 00:00
Le groupe forum Maternelle regroupant associations, syndicats, enseignants spécialistes de la maternelle a été...En savoir plus
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Par le biais d'une modification de circulaire qui commente la nouvelle
composition des conseils de discipline, le ministre de l'Éducation
nationale réintroduit subrepticement la possibilité d'infliger
des punitions collectives.
Certes, le ministre rappelle « qu'il est utile de souligner le principe
d'individualisation de la punition ou de la sanction ». Mais c'est
pour ajouter aussitôt dans le paragraphe intitulé «
moyens d'action à la disposition des enseignants en matière
disciplinaire », «qu'une punition peut être infligée
pour sanctionner le comportement d'un groupe d'élèves identifiés
qui, par exemple, perturbe le fonctionnement de la classe. Par ailleurs,
dans le cadre de l'autonomie pédagogique du professeur, quand les
circonstances l'exigent, celui-ci peut donner un travail supplémentaire
à l'ensemble des élèves».
Ainsi, très clairement, «le travail supplémentaire»
donné «à l'ensemble des élèves»,
est envisagé comme un moyen d'action en matière disciplinaire.
Cette disposition, qui cherche un alibi un peu grossier dans « l'autonomie
pédagogique du professeur », constitue un recul sans précédent,
à la fois du point de vue de la justice, du point de vue de l'autorité
de l'enseignant et du point de vue éducatif :
- elle contrevient au principe de l'individualisation des sanctions, selon
lequel «toute sanction, toute punition s'adressent à une
personne ; elles sont individuelles et ne peuvent être, en aucun
cas, collectives» (circulaire n° 2000-105 du 11-7-2000) ; plus
largement, elle est contraire aux principes fondamentaux du droit français
; de surcroît, en introduisant la notion de «travail supplémentaire»
comme un moyen d'action de nature disciplinaire, elle rétablit
une confusion dommageable à et condamnée dans la circulaire
déjà citée à entre «les punitions relatives
au comportement des élèves» et «l'évaluation
de leur travail personnel» ;
- cette disposition bat en brèche l'autorité des chefs d'établissement
et des enseignants, que le ministre se targue par ailleurs de réhabiliter
: en offrant cette solution de facilité et en contraignant à
ce constat d'impuissance que constitue la punition collective, il pourrait
laisser entendre que des équipes pédagogiques sont incapables
d'anticiper une situation, de gérer un conflit et de cerner les
responsabilités ;
- enfin, le recours à la punition collective, outre un aveu implicite
d'échec, est contre-éducatif en tant qu'il incite dans la
quasi-totalité des cas à la délation : la seule alternative
consiste à dénoncer autrui, ou à subir collectivement
la punition.
Élèves, enseignants, parents, chefs d'établissement,
personnels d'éducation ont travaillé longtemps ensemble
pour établir les règles les plus justes et les plus équilibrées
en matière disciplinaire. Ils ont prévu ensemble des procédures
alternatives au conseil de discipline, qui visent à anticiper les
conflits, à les traiter à la racine, et à les résoudre
d'abord et avant tout dans une perspective éducative. Cette tâche
est difficile, délicate et requiert la mobilisation de toute la
communauté éducative.
Cette dernière ne peut accepter qu'on fragilise la vie de l'établissement
scolaire par des mesures qui, conjuguant l'autoritarisme et l'arbitraire,
engendrent l'injustice.
CEMEA, CRAP-Cahiers pédagogiques, DEI-France, Éducation & Devenir, FCPE, FERC-CGT, FOEVEN, GFEN, ICEM-Pédagogie Freinet, Ligue de l'enseignement, Ligue des droits de l'Homme, OCCE, SNPDEN-UNSA, UNL.