9ème UE du secteur Langues. Changer ses pratiques

Changer ses pratiques

Entre remaniements, déplacements,
renversements et coups de balais
*********************
 
22-25 août, Vénissieux
70 enseignants se sont retrouvés à la 9ème université d’été du secteur Langues du GFEN, durant quatre jours dans l’École du centre de Vénissieux pour réfléchir et travailler collectivement à ce que signifie et suppose changer ses pratiques. Pari audacieux en cette période de « marche arrière, toute ».

Jour 1 : « Le savoir comme énigme « 

Dans le discours d’ouverture, Maria-Alice Médioni dresse l’état des lieux de cette rentrée scolaire qui voit s’installer au ministère l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire de Luc Chatel. Elle pointe la volonté de « détricotage » de ce qui a pu être fait antérieurement « en surfant sur le mécontentement » des élus locaux sur la mise en place des rythmes scolaires ou des enseignants sur la réforme du collège. On voit poindre un retour aux « bonnes vieilles recettes » comme le recours au redoublement, le retour aux fondamentaux : « Lire, écrire, compter » alors que, selon Eurostat, qui vient de publier son rapport annuel sur les temps d’instruction en Europe, l’école française est déjà celle qui y accorde le plus de temps.
N’oublions pas la réduction des effectifs à 12 élèves par classe en CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire au détriment du dispositif  « plus de maîtres que de classe » dont l’évaluation est en cours. Pourtant nombre de recherches montrent qu’il n’y a pas de corrélation entre la baisse des effectifs et la réussite des élèves si elle n’est pas accompagnée de changement de pratiques.
Le changement des pratiques, c’est le sujet de cette université qui propose d’y réfléchir dans le concret d’une pratique enseignante exigeante qui nécessite des remaniements, des déplacements lorsqu’on considère les problèmes autrement, voire des renversements en retournant la situation totalement sans oublier les coups de balai pour un nettoyage en profondeur de ce qui semblait aller de soi. C’est un véritable défi que d’oser rompre avec les habitudes non pour changer l’habillage sous couvert d’innovation (artéfacts numériques par exemple) mais pour porter le regard sur les gestes professionnels, la posture des apprenants et celle de l’enseignant. Chacun est donc invité à revisiter avec audace ces questions au cours des ateliers, démarches, mises en situation qui posent des problèmes et proposent une élaboration collective des réponses. Lire le texte d’ouverture

Une même démarche à vivre pour tous : Comment se construisent les savoirs ?

Trois ateliers en parallèle animés par Nathalie Fareneau, Valérie Franc, Maria-Alice Médioni, Valérie Péan, Eddy Sebahi.

 
A partir de problèmes d’ordre épistémologique (histoire des sciences et des techniques, de sociologie, d’ethnologie, de psychologie cognitive, d’ergonomie, de linguistique), il s’agit de résoudre des énigmes qui ont été celles de l’humanité. Après un échauffement « trouver trois synonymes de savoir comme une aventure humaine« , les échanges portent sur les différentes conceptions du savoir ou de la connaissance, de la part de l’individuel et/ou du collectif.
Puis des énigmes issues de différents champs disciplinaires sont réparties dans les groupes. Chaque groupe en reçoit une qu’il doit tenter de résoudre. Pas évident de se replacer dans une époque historique pour contextualiser la demande : « Comment faisaient les bûcherons de l’Ancien Régime pour évaluer le cubage d’un arbre ? » ou « Comment faisaient les arpenteurs du pharaon quand les crues du Nil avaient tout effacé ? ». Quelques savoirs scolaires remontent à la surface : on sent bien qu’il y aurait bien du Thalès ou du Pythagore là-dessous mais ces bucherons et ces arpenteurs connaissaient-ils ces théorèmes ? Quelle place d’un théorème dans la construction d’un savoir d’expérience ? Lors de la restitution, chacun affute ses arguments et l’on s’aperçoit qu’il n’est pas simple de faire le pas de côté nécessaire pour imaginer une solution cohérente. Les documents-ressources apportant la réponse aux énigmes permettent de mesurer l’écart entre nos représentations initiales et les savoirs mis en oeuvre par les agents historiques.
Chaque groupe élabore ensuite un schéma permettant d’identifier  les différents types de savoirs repérés, leurs relations et les conditions de leur production. Les affiches sont présentées et commentées.
Dans l’analyse qui a suivi, il apparaît que tout savoir se construit en réponse à une question ou un problème qui se pose à un groupe social : c’est un processus qui s’inscrit dans le temps et nécessite la confrontation de points de vue, des ruptures, des inter-relations multiples entre les individus d’une même société mais également entre différentes sociétés. Dans la démarche proposée, il a été mis en évidence l’importance d’une réflexion individuelle avant la phase de travail en groupe, l’apport de chacun à la construction collective et l’accompagnement bienveillant des animateurs de l’atelier.

Jour 2 : « Transformer le rapport au savoir »

Le matin. : quatre ateliers en parallèle
 
Roger Fusté Suñé  nous fait  pénétrer dans l’oeuvre d’un des artistes catalans les plus importants du XXème siècle, Joan Miró. Miró, ou comment « devenir chaque jour plus maladroit ». Chacun y est entré par le processus de la création conçue, contrairement à l’image souvent véhiculée, non comme un acte magique, mais comme un travail observable, permettant à la fois de mieux le comprendre et de le rendre plus proche, plus « étincelant », selon le mot de l’artiste.
Maria Alice Médioni propose de revisiter le verbe GUSTAR ou aimer à toutes les personnes. Que de débats à propos d’un verbe si ordinaire dans la langue espagnole ! Que de confusions entretenues par les explications simplistes fournies aux élèves pour aider ! C’est vrai que GUSTAR oblige l’apprenant francophone à se décentrer par rapport à ses conceptions. Une démarche pour permettre la prise de conscience jubilatoire de tout le parti qu?on peut tirer de ce verbe.
Valérie Franc invite à la compréhension de quelques codes du Flamenco, une rythmique, une letra. Un genre difficile du fait de sa complexité technique et de sa codification extrême, mais aussi, pour un public adolescent, de l’éloignement culturel, du rapport au corps et à l’altérité qu’il propose. Un atelier où le corps et l’intelligence sont constamment sollicités, interagissent et qui a animé différents espaces de cette cour d’école.
Agnès Mignot travaille la localisation en allemand pour des enfants de l’école primaire en prenant appui sur le conte des frères Grimm « Le loup et les 7 chevreaux ». Grâce aux nombreuses péripéties qu’il offre, ce conte permet l’articulation entre localisation et compréhension de l?intrigue. A l’aide de cartes imagées, il s’agit de suivre la « dictée dessinée » en reclassant les éléments du décor énoncés. Progressivement mots et chiffres sont mémorisés. Puis arrivent les personnages principaux du conte, le chevreau et les emplacements possibles pour les cachettes. Lorsqu’il s’agit d’utiliser ces cachettes utiles lors de l’arrivée du loup, le brouillon d’oral permet de s’entrainer à utiliser les prépositions. La présence de 3 genres en allemand est matérialisée par 3 colonnes. En effet les mots sont ordonnés selon ce critère et l’organisation du tableau de correspondance constitue une aide à la production orale entre localisation/préposition/article. Progressivement, l’histoire est reconstituée grâce à une banque d’images.
L’analyse qui a suivi a porté sur le rôle de l’activité, la posture du prof, le rôle de l’écoute. L’activité à la fois physique et intellectuelle (agencer et ordonner) vise l’appropriation d’une langue par prise d’indices ou moyens mnémotechniques et grâce aux inférences avec une autre langue. L’élève essaie de donner du sens (chronologie, orientation spatiale) tout en mémorisant les mots. L’activité en petits groupes permet de travailler la place de l’erreur par la confrontation de points de vue, s’organiser dans une construction collective. La validation des exercices est faite par les élèves. L’écoute favorise des entrées successives dans la compréhension facilitées par les paroles en allemand et les mimes de l’animateur. en savoir plus
L’après-midi : quatre ateliers en parallèle
Jessika Picarle dans Le geste et le trait nous fait découvrir ce qui se cache derrière l’écriture chinoise. Dessin de la réalité ? Dessin d’une idée ? Et derrière le rempart de ces traits sur lesquels il ne nous semble pas y avoir de prise ?  Un atelier, comme une clé pour entrer pour entrer dans ce système d’écriture si lointain, où le geste fait sens. Florence Bourgade aborde l’éclipse. Et si la culture, les connaissances, les savoirs étaient nécessaires mais pas suffisants pour transformer le monde et le rendre plus tolérant et fraternel ? Comment transformer le rapport au savoir pour en faire une ressource de transformation du monde ?
Et si on s’émancipait des frontières spatio-temporelles ? C’est le défi lancé par Eddy Sebahi en réunissant le temps d’un colloque « virtuel », des artistes qui ne se sont sans doute jamais rencontrés ? Andy Warhol, Agatha Christie, W.H. Auden et Benjamin Britten ont accepté l’invitation. A chacun d’apporter sa pierre à cette initiative. Mais pour cela, pour pouvoir prendre la parole en leurs noms respectifs, il a fallu s’outiller, et comprendre le regard que porte chacun de ces artistes sur l’art, sur la création, sur le monde.
Qu’est-ce qu’on attend pour oser ? Quand les impasses deviennent des tremplins. Aude Limet propose aux participants un outil permettant d’explorer le paysage intérieur dont nous sommes porteurs. Derrière les mots mettons-nous les mêmes images ? Sans jugement de valeur, essayons de comprendre les différentes réalités d’une même situation selon les points de vue des différents acteurs. Avec l’aide du groupe et en utilisant le langage épuré, il s’agit de revisiter certains évènements qui ont fait rupture et d’en comprendre le sens.
 
*******************
 
Après une pause restauration : conférence gesticulée par Vicky Juanis et Fabien Masson
Fabien et Vicky
Tous analphabètes !
Vicky et Fabien sont travailleurs en alphabétisation en Belgique et membres de l’association Lire et Ecrire, pris entre le marteau des politiques d’intégration, d’activation, des subsides et l’enclume des méthodologies, des pédagogies et de leurs propres modèles d’apprentissage. Ils nous invitent à entrer dans leur univers peuplé d’hommes et de femmes que la vie n’a pas épargnés mais qui, malgré tout, veulent apprendre à parler et lire dans la langue du pays d’accueil, et vite !
Lire au quotidien, c’est quoi ? Le matin, je regarde l’heure sur mon réveil. Je regarde si j’ai reçu des messages sur mon téléphone, j’en écris un ou deux en réponse, puis je vais lire les nouvelles du jour sur internet. Je vais sur un site de météo, un petit tour sur des blogs que je suis. Puis je réponds à deux-trois mails, note de nouveaux rendez-vous dans mon agenda. Je consulte l’heure du bus et m’en vais (en courant) l’attraper. Je lis un livre en attendant mon arrêt. Quoi de plus banal comme début de journée !
Sauf que depuis des décennies, pour une personne sur dix c’est totalement impossible : elles ne savent ni lire ni écrire ; exclues de ce monde de l’écrit. Chacun a son histoire, son itinéraire : dans beaucoup de pays le droit à l’école dépend des conditions économiques des familles qui sont contraintes de choisir celui qui pourra y aller. Au gré des migrations, certains arrivent dans nos pays mais le rêve se brise sur une réalité qu’ils essaient coûte que coûte d’apprivoiser en entrant dans les dispositifs qu’on leur propose dans l’espoir de garder la tête hors de l’eau. Devant Vicky, on voit défiler un monde haut en couleur aux langues et accents divers, avec des préconceptions qui percutent les meilleures intentions de l’animateur en alphabétisation. Avec humour, Fabien décrypte ses impasses et ses réussites tout en ayant conscience que les décideurs dont il dépend se soucient fort peu de la formation de ces travailleurs en alphabétisation. Un moment très fort de partage, exempt de misérabilisme, où la question du changement des pratiques s’impose aux professionnels pour mettre en cohérence gestes professionnels et valeurs humanistes. Situation qui interroge directement l’école et sa mission lorsque les analyses montrent qu’aujourd’hui, en France, 7% des adultes ayant été scolarisés sont en situation d’illettrisme.

Jour 3 :  » Aventure individuelle dans une dynamique collective » 

Intervention d’Olivier Maulini, professeur associé à l’Université de Genève et Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation (LIFE)
 
Dans un premier temps, Olivier Maulini s’arrête sur le projet de l’UE. Donner un coup de balai sur les pratiques, est-ce une rhétorique propre au GFEN ? Dans les universités, on est sensé faire cela, mais quelle réalité ? Faut-il cela dans les pratiques ordinaires ou l’ordinaire des pratiques ? Ce dialogue entre les marges et la page porté par le GFEN interpelle l’institution : les militants sont-ils trop exigeants lorsqu’ils réclament un échange entre recherche militante et recherche universitaire?
Changer les pratiques est une question éminemment politique. On peut distinguer trois niveaux : un niveau tautologique « bouger pour changer » en espérant que cela apporte quelque chose ; un deuxième niveau « bouger pour mieux faire » dans une logique de perfectibilité ; un troisième niveau « bouger pour transformer la société ». Les situations en France et en Suisse sont différentes. Ce qui compte en France, c’est la puissance du verbe lorsqu’en Suisse on recherche la concordance qui consiste à accepter de se serrer la main et rester ensemble en trouvant des modes d’accommodements pour conserver les différentes conceptions. Mais force est de constater qu’actuellement le savoir émancipateur devient de moins en moins répandu.
Les enseignants ordinaires changent leurs pratiques souvent pour se faire plaisir, ils acceptent d’aborder cela sur le mode du dialogue. Il y a un contrat dans la manière d’interagir pour éviter la confrontation. Prenant l’exemple du débat sur l’autorité, Maulini démontre que le conflit cognitif est un conflit de normes : instaurer les règles en positif ou négatif, ce n’est pas la même chose. Mais sur le terrain, « chacun fait comme il veut », il faut que « ça nous corresponde ». Les jeunes enseignants ont un corpus idéologique très fort le corpus convivialiste (individualisme, authenticité, épanouissement, différenciation). On est loin du savoir émancipateur qui fait comprendre le monde et donne envie d’aller vers de nouveaux savoirs (insubordination cognitive). Dans l’articulation théorie/pratique, deux courants s’affrontent : les pragmatistes qui misent sur l’espoir plutôt que le savoir ; les rationalistes qui disent que la vérité est le résultat des discussions. Il faut faire l’effort de se donner un monde commun, installer un arbitrage par l’expérience, l’enquête, l’argumentation. L’enseignant doit être le garant pour éviter la rupture du contrat pédagogique.

Quelle évolution des pratiques (sur deux millénaires) ?
Dans l’histoire de la pédagogie, il y a la rhétorique pédagogique et la pratique, la rhétorique du renversement et le déroulement du changement. C’est une valse à trois temps : l’ère du compagnonnage, l’ère du quadrillage, double contrainte et différenciation.
Le compagnonnage se caractérise par la transmission du savoir avant l’invention de l’école et ce, dès le paléolithique : les jeunes générations apprennent par imitation et imprégnation. La théorisation est subsidiaire : on ne pose pas de question pendant le travail mais après si nécessaire. L’ère du quadrillage (Foucault) consiste à rationaliser les rapports sociaux pour un meilleur rendement. Dans ce cadre l’exposition théorique domine et les pratiques sont auxiliaires. On voit apparaître les disciplines et le quadrillage du savoir qui rationalise l’accès du savoir avec le poids de la religion. Chacun peut l’utiliser dans l’objectif qu’il souhaite. L’exposé par l’enseignant prédomine, les jésuites instaurent les notes de 1 à 6 pour éliminer la fin de la cohorte. Double contrainte et différenciation : on cherche un équilibre entre savoir et pratique. Le projet de l’Éducation nouvelle est de proposer des situations avant d’exposer. D’autres assument cette contrainte en instaurant la différenciation. Les indicateurs d’équilibrésitation de cette période se caractérisent par : une forme scolaire problématisée (variété, variations, négociations) ; le triomphe du discours dialogué (entre contrôle et participation), le maître se calant sur l’élève « moyen fort » ; l’empilement des dispositifs institués (recours à l’élève qui ne suit pas), réponses symboliques au tri social. Dans ce cadre, le mouvement de fond se définit par la sécularisation des rapports sociaux entre socialisation et subjectivation, une double extension du moi entre revendication et discussion des droits, une légitimation instrumentale ou symbolique ou composite ou stratégique.
Quelles options pour demain ? 
Elles peuvent être politiques : libéralisation ou bureaucratisation ou professionnalisation. Elles peuvent être éthiques : conviction, responsabilité, monde partagé. Elles peuvent être pédagogiques : double conceptualisation de la pratique et de la théorie via des unités significatives de signification car le concept est un outil d’émancipation, approche qui est caractéristique du GFEN.
A l’instant « t », comment les pratiques pédagogiques changent-elles, et pour quel profit exactement ? Elles peuvent changer pour au moins deux raisons : d’abord parce que nous le voulons, ensuite parce que nous changeons aussi à notre corps défendant, voire inconsciemment. Une part d’idéalisme est ainsi nécessaire pour imaginer d’autres manières de faire ; et une dose de réalisme pour éviter de s’aveugler, de se tromper de cible ou de méthode, bref, de confondre nos désirs avec la réalité. 

des auditeurs attentifs
 
Après-midi : quatre ateliers en parallèle
C’est bien connu pour mémoriser, il faut répéter et répéter sans cesse : enfin c’est ce qu’on dit ! Dans son atelier, La tête et les jambes. Et le reste, Eddy Sebahi pose le paradoxe de la répétition au service des apprentissages : on répète rehearsing, mais on ne répète pas repeating! Un atelier en anglais pour penser des stratégies de mémorisation avec de jeunes apprenants à partir d’un incontournable des écoles primaires ! L’idée étant de cesser d’apprendre par le conditionnement du « mime collectif », qui ne permet, par l’imitation, que de réussir la tâche sans jamais comprendre. Dans cet atelier, on est mis en situation de pouvoir mobiliser les ressources au-delà de la simple exécution d’un chant amusant. Dans une salle voisine, Valérie Soubre propose une démarche d’écriture/réécriture à partir d’un album de littérature jeunesse, Frédéric de Léo Lionni, transposable en toutes langues. Des provisions pour l’hiver : entrer dans la pratique de l’écrit, en donnant du sens à la réécriture et montrer que l’écriture commence avant la mise en page sur un pari : tous capables ! Dans l’atelier Le Réceptionniste, Valérie Péan propose une réflexion sur la compréhension, l’acquisition du vocabulaire et la remobilisation des acquis dans des tâches de résolution de problèmes. Cet atelier met en avant une modalité de travail qui permet d’utiliser le collectif et l’hétérogénéité du groupe comme un levier, comme une ressource pour porter plus loin le travail d’acquisition de la langue. Non loin de là, voyageons en terre inconnue et pourtant si proche géographiquement : le pays gaumais. Christine Corbi nous propose un parcours intérieur à la découverte d’une culture, d’une langue. Reporter en terre gaumaise, nous plantons le décor : paysage vallonné, villages et rivières, bois et senteurs mais aussi les forges et fonderies des siècles passés. En France ? En Belgique ? Au Luxembourg ? Parfois les frontières semblent artificielles. Par le biais d’une fable « les deux chiens », on s’essaie à la langue gaumaise pensant y reconnaître quelques mots mais attention au contresens ! Progressivement en associant mots et tournures de phrases aux jeux d’images, on reconstruit collectivement le sens de l’histoire jusqu’à en comprendre la morale.

Jour 4: « L’avenir en projets »

Pour cette dernière matinée, les trois ateliers proposés explorent des pistes pour « faire autrement ». Michèle Prandi nous propose Une baignade à Asnières : de la National Gallery à la classe. Dans une période où les finalités des voyages scolaires échappent parfois aux acteurs, elle aborde quelques pistes pour saisir les opportunités d’un tel projet en s’appuyant sur la pluridisciplinarité. Approche mathématique, approche artistique, approche des mots, approche d’un moment de l’histoire : un essai pour changer le regard et faire parler le tableau pour le découvrir. Autre grand classique de l’activité scolaire et ce, quelle que soit la discipline : l’exposé que Maria Alice Médioni invite à revisiter. Cette activité séduisante à première vue pour rompre avec le cours magistral est souvent frustrante car l’exercice est plus difficile qu’on ne croit et la prestation parfois inintéressante pour tout un chacun. Comment faire pour rendre tous les apprenants acteurs et sujet de la tâche ? L’atelier vise à créer une situation de construction collective, où chacun peut s’emparer de la recherche produite par d’autres.
Embarquons-nous,  Agnès Mignot interroge l’idée selon laquelle les élèves apprennent mieux « lorsque c’est ludique ». Elle nous organise donc une recherche au trésor pédagogique ! Epreuves à la recherche du son, du sens, des jeux grâce à un fonds de ressources impressionnant : bibliothèque de livres jeunesse, comptines et jeux divers, banque sonore et visuelle pour s’initier aux virelangues. Chaque groupe explorant une piste permet à tous de découvrir lors de la restitution collective différentes facettes de ce qui peut apparaître ludique dans l’activité. Dans l’analyse qui a suivi, ce qui a semblé le plus intéressant dans cette proposition, c’est l’approche kinesthésique associée à la nécessaire coopération entre les participants pour faire progresser l’ensemble du groupe La pratique du jeu en pédagogie ne se suffit pas en elle-même, elle doit s’accompagner d’une réflexion sur ce qui s’apprend en s’appuyant sur la force du collectif.
**************************
La synthèse de clôture de Marie Alice Médioni s’articule autour de trois questions : Pourquoi changer ses pratiques ? Pourquoi faire ? Quelles urgences ?
Le changement peut être suggéré ou imposé de l’extérieur et caractérisé par une technique, une méthode ou une procédure. Plusieurs caractéristiques du changement : l’éphémère, l’alternance, l’inertie. Mais ce qui est nouveau, l’est par rapport à quoi ? Le changement s’enracine dans des amonts qu’ils soient déclarés, occultés ou ignorés. Il présuppose que l’intention est de mieux faire mais cela peut survenir par une demande pressante, des incitations. Elle rappelle la citation de Jean Houssaye (2014) : « [ ] si les choses ne bougent pas, ou pas vraiment, c’est bien parce que, majoritairement les enseignants font tout, ou presque, pour cela. [ ], l’isolement et l’individualisme forment une combinaison favorable au conservatisme pédagogique. Les enseignants privilégient les formes d’enseignement « ayant fait leurs preuves », ils limitent les risques. » C’est que cette aventure implique une prise de risque et l’abandon des routines familières ; le changement est facteur de créativité mais aussi d’incertitude, de désordre et de conflit. Mais ne pas changer ne comporte-t-il pas des risques ?
Souvent le changement se heurte à des résistances et chacun se questionne sur les finalités du changement. S’il y a nouveauté, la rupture est-elle suffisamment subversive pour transformer véritablement les pratiques ? L’institution ?
« Certaines pratiques aux habits de modernité peuvent s’avérer discriminantes, leurrer les élèves sur ce qui importe, les aveugler sur l’essentiel faute de clarté. Pour le GFEN, l’innovation est moins dans l’habillage des situations que dans une refonte de leur conception et de leur conduite pour créer les conditions d’une réussite partagée, au sein d’un collectif classe solidaire. » (GFEN 2013)
Quelles urgences aujourd’hui ? Une mise en oeuvre effective et de l’émancipation, une autre conception de la formation. Cela nécessite une autre pédagogie basée sur le pari de l’éducabilité, l’accent doit être mis sur la réussite et la compréhension des enjeux de l’apprentissage.   Rien ne se fera sans une élévation du niveau de conscience politique des enjeux d’appropriation de ces savoirs et des logiques sociales qui participent à la disqualification scolaire. Pour cette mise en place, plutôt que des exécutants dociles, les enseignants doivent être des expérimentateurs hardis ! Lire la synthèse de clôture
Les participants sont cordialement invités à participer aux prochaines activités ou manifestations prévues pour la prochaine année scolaire.
Mais ce compte-rendu serait incomplet  sans les remerciements à David Rouveure et son équipe pour l’organisation sans faille de l’accueil et de la restauration : convivialité qui installe ce cadre sécurisant propice à toute réussite !
Jacqueline Bonnard
photos : Jacqueline Bonnard et Eddy Sebahi

Lire les documents de l’UE et le calendrier de l’année sur le site du secteur Langues