Interventions de chercheurs

Interventions de chercheurs

Comment rendre les savoirs accessibles à tous les élèves ?

Trois enseignants-chercheurs ont dialogué pour présenter leurs recherches et apporter des éclairages complémentaires sur la problématique du rapport au savoir des élèves.

Sylvie CEBE, laboratoire ACTé, université de Clermont-Ferrand, intervient sur : « Permettre au très jeune enfant présentant une déficience intellectuelle d’apprendre à l’école : quelles pratiques d’enseignement ? ».

Elle explique que « toutes les pratiques d’enseignement ne se valent pas » et elle propose des pistes aux enseignants d’école maternelle.

Huit ans après sa mise en application effective, la loi du 11 février 2005 a permis une augmentation significative du nombre d’enfants présentant une déficience intellectuelle scolarisés en milieu ordinaire, notamment à l’école maternelle. Si l’on ne peut que se féliciter de cette avancée, il reste à démontrer que l’inclusion scolaire produit bien les effets attendus sur le développement de l’enfant et qu’elle ne se limite pas à un apprentissage de la « socialisation ». Certes la construction des capacités sociales est essentielle pour que l’enfant avec un handicap puisse prendre sa place dans le groupe-classe et participer aux activités menées en collectif mais, si l’on ne vise que cet objectif, on risque de cliver socialisation et apprentissages et de concourir à faire construire une représentation trompeuse des connaissances requises à et par l’école. Nous pensons que les apprentissages sont le moyen privilégié dont dispose l’école maternelle pour faire éprouver aux élèves présentant une déficience intellectuelle leur capacité à penser et, par conséquent, pour favoriser leur socialisation. C’est pourquoi nous soutenons que l’objectif de l’inclusion scolaire est de permettre aux jeunes enfants d’acquérir les connaissances et les compétences qui sous-tendent un développement harmonieux ; et, sur ce point, toutes les pratiques d’enseignement ne se valent pas. Dans notre intervention, nous nous attacherons à présenter celles qui ont fait la preuve de leur efficacité. 

Jacques BBERNARDIN, président du GFEN (Groupe français d’éducation nouvelle) montre comment observer les élèves et analyser leurs erreurs permettent de déterminer la nature de leurs difficultés à entrer dans les apprentissages : « Changer le rapport au savoir des élèves, un moyen de prendre en compte les handicaps à l?école ? ».

Faible investissement dans la scolarité faute de trouver utilité aux contenus proposés, postures allant de l’attente passive à l’engagement mais sans repère, difficulté à investir les consignes, fragilité face aux situations de recherche, doute fréquent et piètre estime de soi, dépendance excessive à l’enseignant : autant de caractéristiques du rapport au savoir des élèves fragiles. 
Produit de leur expérience passée, ce rapport n’est pas immuable et peut évoluer au gré des activités proposées. Plusieurs pistes s’avèrent fructueuses quel que soit l’âge des élèves et leur histoire scolaire. S’attacher à (re)donner sens aux situations d’apprentissage, restituer la valeur opératoire des savoirs, user de situations défis, de projets, optimiser les conditions pédagogiques visant la réussite collective? c’est provoquer des déplacements simultanément cognitifs et identitaires, ouvrir l’horizon, relancer la dynamique de développement. 

Patrick PICARD, directeur du Centre Alain Savary à l’Ifé (Institut français de l’éducation) pose « La question de la formation : Des gestes professionnels adaptés aux élèves les plus fragiles ».

S’il est une certitude qui anime les membres de l’équipe du Centre Alain Savary, c’est qu’en matière d’éducation comme dans bien des domaines, il ne suffit pas de « prescrire », de définir des référentiels ou des normes de « bonnes pratiques » pour que la « réussite », éducative, pédagogique ou scolaire soit au rendez-vous. Surtout si on se centre sur les élèves que l’école ne parvient toujours pas à faire réussir : élèves des milieux populaires, élèves identifiés comme porteurs de «troubles» (et les définitions sont souvent controversées…) ou élèves reconnus «handicapés».
A l’expérience des nombreuses équipes et territoires accompagnés, le CAS a pu vérifier que devant les difficultés de l’ordinaire du travail, les professionnels doivent trouver les ressources nécessaires pour s’attaquer à ce qu’ils ne savent pas encore faire. Questions de personnes ? Pas uniquement. Questions collectives, surtout. Il y a quelques années, dans la Nièvre, en collaboration avec plusieurs circonscriptions, une formation «filée» avait été l’occasion, pour les enseignants, membres de RASED, conseillers pédagogiques, référents ou IEN de prendre conscience que pour pouvoir avancer sur la question des élèves difficiles, c’était surtout du «filet» de la collaboration inter-métiers dont on avait besoin…

Quelles collaborations pour co-produire de l’éducation ?
Deux autres enseignants-chercheurs ont dialogué sur la problématique du partenariat.
Marie THERY, CREN, université de Nantes, travaille sur le partenariat dans la classe : « Enseignant et auxiliaire de vie scolaire, quel partage du travail ? ».
Au titre de la compensation du handicap, la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) peut notifier l’accompagnement d?un Auxiliaire de vie scolaire individuel, sur tout ou partie du temps de scolarisation d’un élève handicapé. Un système bicéphale dissymétrique enseignant-AVS (Leroy, 2005, Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2009) voit alors le jour dans l’espace commun de la classe. Plusieurs questions se posent alors :
Quelle partition du travail s’opère entre l?enseignant et l’AVS ? Peut-on parler de travail conjoint ?
La présence d’un AVS rend-elle plus accessible les situations d’apprentissage? 
En quoi les aménagements et réaménagements des situations opérés par le professeur et l’AVS agissent-ils favorablement sur les apprentissages de l’élève inclus ?
Nous proposerons, une analyse de quelques situations de travail dans des classes d’école primaire qui montrent que l’agencement des positions et rôles des professeurs et des AVS est délicat.

Serge THOMAZET montre que le travail collectif fait partie de ce travail invisible que font les enseignants : « Le travail en partenariat, à quelles conditions ? ».

La mise en place de l?école inclusive bouscule les relations entre enseignants, enseignants spécialisés et professionnels du secteur médico-social car chaque professionnel est maintenant concerné par l’accueil de tous les élèves. En conséquence, la nécessité d’un travail collaboratif entre les  enseignants, les enseignants spécialisés, mais aussi les familles et les partenaires du secteur médico-éducatif  s’en trouve renforcée.
La communication rendra compte d’une étude menée depuis 2011, dans le premier degré, avec des enseignants néo titulaires. A partir d’une approche croisant sociologie et psychologie, nous avons étudié l’activité de ces enseignants et nous montrerons que le travail collectif existe mais qu’il est le plus souvent « invisible » et peu formalisé. Nous montrerons aussi que ces nouveaux enseignants ont des difficultés à mettre en oeuvre un travail en partenariat car il génère des dilemmes professionnels. Ainsi, un travail réellement partenarial avec les enseignants spécialisés et les professionnels de l’aide se heurte à d’autres formes de collaborations, comme la « délégation de service », qui a l’avantage d’alléger le travail de l’enseignant. La communication permettra de présenter quelques-unes des tensions professionnelles observées et la façon dont elles sont analysées, et parfois résolues par les néo titulaires eux-mêmes, ou par des professionnels plus chevronnés.
Les textes présentés ici sont les présentations des interventions des chercheurs écrites par eux-mêmes, qui figurent dans la brochure de 20 pages remise à tous les participants du forum.