Guyane : retour de stages

A l’invitation de SNUipp Guyane

Jean et Jacques Bernardin ont animé deux stages : “Pratiques pour(re)mobiliser les élèves”, les 5-6 novembre 2018, à St Laurent du Maroni et les 8-9 novembre 2018, à Cayenne, ainsi qu’un autre sur “La place de l’écrit” le 7 novembre, à Cayenne.

A l’invitation de Sud Éducation Guyane

Pascal Diard, Hélène Cohen-Solal et Françoise Laplace du GFEN sont intervenus dans deux stages sur le thème : “Education Populaire et Pédagogies Émancipatrices”, les 28, 29 et 30 novembre 2018 à St Laurent du Maroni et les 3, 4 et 5 décembre 2018 à Cayenne.

4ème stage Sud Education en Guyane avec le GFEN : les graines semées poussent aussi en climat équatorial !

Contrairement aux années précédentes, j’entame le compte-rendu seulement une fois les 2 stages terminés. Sans doute parce que les démarches animées étaient plus épuisantes ; sans doute aussi parce que les enjeux de notre présence une quatrième année augmentait d’un cran supplémentaire, rendant plus intense la mise à l’épreuve de nos valeurs ; sans doute parce que le thème choisi, « Sciences et arts plastiques », était loin d’être évident à coller avec « pédagogies alternatives » ; sans doute enfin parce que je ne savais pas encore si les paris lancés les autres fois avaient été relevés à la hauteur espérée ?

L’accueil réservé à l’équipe GFEN a été, comme de bonne habitude, généreux, fraternel, prévenant. On ne remercie jamais assez l’équipe d’organisation de ces stages, surtout quand les militant.es de ces syndicats restent sur la brèche de la défense des personnels, de l’amélioration des conditions de travail, et, cerise sur le gâteau, d’une période électorale contrariée par des modalités de vote qui visent à réduire le nombre de votant.es, et donc à réduire la représentativité de celles et ceux pour qui la lutte est le moteur essentiel de leur activité.
Alors, encore mille fois merci à Thomas, Claire, Sébastien, Marie, Philippe, Marion, Eva, Aurore, Ophélia, Béatrice, Maëlle, Alexandra, Stéphane et toutes les autres belles personnes qui ont contribué à la réussite de ces 2 événements !!!!

L’équipe GFEN ?  Cette année, elle était composée d’Hélène Cohen-Solal, de Françoise Laplace et de moi-même ; donc une équipe à la fois habituelle et inédite puisqu’Hélène et Françoise prenaient contact avec la Guyane pour la première fois. L’air de rien, cette dynamique, nous aimons l’entretenir au GFEN, à l’image d’une dialectique entre rupture et continuité, entre « je connais » et « je découvre », au diapason des stagiaires qui, les un.es venaient pour la 4ème fois, les autres pour la 1ère fois. Sans compter le travail préparatoire entre Hélène et Jean-Louis Cordonnier qui, lui, était déjà venu animer des démarches et des ateliers en Guyane par deux fois. Il y a bien là un véritable réseau social, autrement « communiquant » que les outils que l’on nous impose comme tel !

Mais cette équipe a été élargie … par les camarades du coin puisque, comme l’an passé, ils et elles ont osé mener leurs propres ateliers : Thomas s’est enfin lancé à animer un atelier « fusée » au plus près de ce qu’il fait avec ses élèves, Eva a mené jusqu’au dernier jour sa création arts plastiques « libérer le trait », pendant que Sébastien osait seul initier les stagiaires au « théâtre de l’opprimé ». Le pari de la transmission de démarches, sans pratiques transmissives, déjà lancé l’année précédente était à nouveau tenu !
De plus, Alexandra, prof de lettres dans un lycée de Cayenne, ou bien Philippe, professeur des écoles sur le Maroni, témoignaient des réussites engrangées depuis le dernier stage. Il aurait été souhaitable de garder trace écrite de ces expériences, mais le temps nous a bousculé vers d’autres priorités.

Premier stage à Saint-Laurent du Maroni avec plus de 40 personnes (les 28, 29 et 30 novembre).

Après discussion la veille avec les camarades du syndicat, décision prise de faire vivre des ateliers tout de suite, le travail pouvant être facteur de cohésion entre des personnes ne se connaissant pas de prime abord. Pari en grande partie réussi, même si quelques stagiaires regrettaient qu’il n’y ait pas eu, comme l’an passé, le débat mouvant qu’Etienne puis Eva avaient animé en ouverture. A bien y réfléchir, nous nous sommes dit au final que tout dépendait aussi des contenus mis en partage et en débat.
Dans l’ensemble les ateliers de création comme les démarches (message codé, texte recréé, les allumettes, les attentes, la mesure du temps, le problème sans question, lancer une fusée, théâtre de l’opprimé) ont été source de jubilation et de réflexion soutenue. Il suffisait presque de voir exposer les ?uvres plastiques et les travaux d’écriture, il suffisait d’entendre Chris nous obligeant à réagir à une situation de théâtre invisible préparée avec Sébastien pour comprendre ce qui se jouait et se construisait alors.
Parfois cependant, la disposition des carbets n’a pas permis d’aller jusqu’au bout du pari du « Tous capables », comme dans le 1er atelier « allumettes » où je n’ai pas pris conscience assez vite à quel point la position des unes par rapport aux autres m’empêchait de rester attentif aux interrogations et hésitations de Béatrice. Lors d’un bilan d’étape, sa critique tapait juste et, paradoxalement, m’a incité à improviser dès le lendemain, pour 8 personnes, un atelier « allumettes » en accéléré et en concentré, suivi du problème sans question qui, alors, donnait de la consistance pratique à ce qui se joue dans l’analyse des situations pédagogiques.
L’auto-socio formation qu’Henri Bassis met en valeur dans un article de 1985, est bien un processus émancipateur ! Notre travail de « formation » est d’en prendre conscience pour que s’opère aussi pour nous la transformation.

Deuxième stage à Cayenne avec près de 60 personnes (les 3, 4 et 5 décembre).

Autre lieu, autre disposition des salles : des changements de dernière minute nous ont obligés à faire migrer les ateliers de création ailleurs ; pas facile de se concerter en cours de route ; pas facile d’entendre les stagiaires des autres ateliers réagir à chaud !

Autre stage ? En grande partie oui car, dès le 1er jour, nous décidons de faire recréer en plénière et en première mondiale le discours sur la dette de Thomas Sankara (juillet 1987) et ce, en duo, Hélène et moi. Ce qui nous a permis de confronter nos façons différentes d’animer cette démarche, plus complémentaires qu’opposées. Au final, ce texte très politique a eu des effets importants pour lancer une dynamique de stage articulant pédagogie et politique.

Seconde « innovation » : la coanimation avec Thomas d’un atelier combinant travail de recherche sur des procédures expérimentales (« lancer une fusée ») et travail de conceptualisation et de construction d’un savoir (« la mesure du temps »). Effet garanti : le débat sur ce qu’il est alors possible de faire vivre comme démarche scientifique de la maternelle au lycée a été passionnant. Effet imprévu : le lendemain Thomas assumait seul les 2 ateliers, moi-même étant sollicité pour mener une 2ème fois les « allumettes ». Ses collègues de SVT et de Technologie (Mélanie, Elodie, Stéphane et Grégory) qu’il avait réussi à faire venir à ce stage, ont ouvert alors des voies de collaboration possible pour plus tard, comme par exemple faire construire les instruments de mesure du temps (sablier et clepsydre).

Troisième surprise : j’ai enfin réussi à oser m’emparer de l’animation de la démarche « dessine-moi un vélo », en la couplant avec celle du problème sans question (que je me sens mieux à même de faire vivre). Intéressant ce moment flottant pendant lequel on se confronte à des questions et des remarques que l’on n’avait pas prévues : les consignes données sont-elles pertinentes ou bien trop explicites ou bien pas assez ? Le vélo est-il un simple objet technique ou, plus fondamentalement, un système technique, ou bien encore les deux ? Quelle distinction faire dans l’analyse du pourquoi ça marche, et à quel moment le faire, entre système, organe et fonction ? Autant d’éléments de débat ce jour-là qui obligent, pour les prochaines fois, à enrichir l’animation d’une telle démarche. Mais n’est-ce pas ainsi ce qui se passe avec les élèves quand, précisément, on laisse place à leurs questions, on facilite alors leurs questionnements ? Pourquoi ce qui apparaît valable pour les adultes en formation, ne le serait-il pas pour les enfants en apprentissage scolaire ?

Il y aurait sans doute encore beaucoup de choses à dire. Hélène, Thomas, Eva, Françoise et Sébastien pourront compléter ce compte-rendu si elles et ils le souhaitent (sur le site du GFEN ou/et par d’autres canaux de communication).

Je voudrais finir par dire et souhaiter que l’aventure continue. Et ces souhaits sont tout sauf utopiques car une adhésion au GFEN a été enregistrée ; car des envies de s’organiser pour prolonger ces moments de transformation ont été exprimées en public, et ce malgré les difficultés du quotidien ; car il reste des frustrations (celles qui engendrent le désir d’aller plus loin, de vivre mieux son métier, son travail et sa vie en général) ; car ces deux stages ont été vécus par l’ensemble des personnes comme un précieux et indispensable moment de ressourcement ; car comme me l’a dit Julie au sortir de la démarche des « allumettes » : « Merci à toi de m’avoir fait prendre conscience que j’étais capable ! », la même parole en écho que celle des agents du CD94 à Vitry, la même parole en écho que celle de Samira, élève de 3ème à Saint-Denis, en 1997 !

Merci donc à celles et ceux qui nous ont autorisé à les rencontrer pour de vrai !

Pascal Diard, guyanais pour la 4ème fois.