Manifeste pour Une École démocratique dans une société numérique L’idée de ce Forum initié par l’AFEF a émergé d’un groupe d’associations dont le GFEN. La question centrale qui a traversé la journée a été le frottement entre deux visions du numérique, celle d’un ensemble d’outils efficaces, et celle d’un monde organisé par le numérique. Voici la synthèse des débats et le manifeste Forum École Alternumérique 4 novembre 2020 : Le Forum soutient le numérique à l’École, mais pas à n’importe quelles conditions. Les enseignant.e.s ont fait de leur mieux durant le confinement, avec les outils dont ils disposaient, et beaucoup ont fait preuve d’une grande inventivité. La réponse ministérielle, très verticale, n’a pas vraiment tenu compte de la réalité de leur travail pour penser la place et le rôle du numérique à l’École. L’idée du Forum École Alternumérique a émergé d’un groupe d’associations, l’AFEF a servi de base logistique et elle s’est engagée dans ce Forum pour des raisons essentielles liées à la discipline français : la question de la communication, centrale en français et reprise dans toutes technologies audio-visuelles-numériques ; la question des langages, de la langue et des discours : les manipulations du langage et des discours sont au centre de la désinformation, mais aussi du harcèlement et du complotisme sur les réseaux ; la littérature se saisit de ces sujets, non comme thème, mais parce que c’est le corps même de son œuvre, mettre des mots sur les questions qui traversent le monde. Lire la suite de la synthèse Manifeste pour « Une École démocratique dans une société numérique » La révolution numérique a eu lieu. Notre environnement est, de fait, numérique. La société est aujourd’hui insérée dans cet univers qui pourrait bien lui dicter ses lois. Et comme la société, l’École est sommée d’évoluer avec le numérique. Parler simplement de numérique pour l’éducation ; ou de numérique à, pour, dans l’École ne suffit plus. Ce serait réduire et s’interdire de comprendre cette révolution tant technologique que culturelle et ainsi paralyser, restreindre les évolutions nécessaires des pratiques enseignantes, voire laisser les enseignants utiliser le numérique sans en comprendre les enjeux. L’heure n’est plus à regarder passer la révolution d’un œil critique et à s’en accommoder par ci par là au besoin. Elle est à s’y impliquer pour en en être les acteurs, des acteurs créatifs, conscients de tous les possibles fabuleux qu’apporte le numérique à l’intelligence humaine comme de ses dérives marchandes, deshumanisantes, et ségrégationnistes ainsi que de sa réalité, inégalitaire. Une culture numérique émerge, imbriquée dans nos cultures classiques et populaires. À l’École, à l’université, le numérique n’est pas une greffe qui s’ajoute à la culture traditionnelle des institutions et des jeunes. Il n’est pas un ensemble d’outils high tech, il est un véritable écosystème qui modifie profondément nos modes de pensée, de socialisation, nos formes de travail. Si la période de confinement a permis le déploiement tâtonnant dans l’éducation, d’un ensemble d’outils – de communication, de recherche, de diffusion à distance –, inventés à la marge par des enseignants innovants, elle a aussi révélé la crise de la pensée qui affecte l’École face à la révolution numérique. Oui, il faut regarder en face plusieurs menaces que le confinement a révélées : L’accroissement des inégalités socio-scolaires, la marchandisation de l’École, l’absolue nécessité du maintien d’une relation pédagogique en présentiel et en collectif, l’inefficience et le danger d’une gouvernance verticale par les chiffres et les oukases, l’importance d’une réflexion sur l’articulation entre les usages scolaires et récréatifs du numérique ainsi que sur l’usage des réseaux sociaux. Oui il faut se reposer les questions fondatrices : Quels citoyens, personnes, professionnels, la société demande-t-elle à l’École et aux associations complémentaires de l’École de former ? Quelles transformations dans l’institution éducative, sa gouvernance, ses contenus, ses formes scolaires le numérique permetil ? Comment permettre à l’École et tous ses acteurs de se mettre à l’heure d’un numérique au service de la culture, de l’émancipation, de la démocratisation, de la construction d’un commun collectif et répondant au défi de l’avenir de la planète ? Au service des relations, des interactions et des apprentissages ? C’est sur ces constats et questions que nos associations, réunies dans le collectif Alternumérique lors du Forum « École alternumérique » du 4 novembre 2020 ont proposé des principes fondateurs pour que l’École fasse sienne la révolution numérique. Ne la subisse pas, mais y prenne sa part afin qu’elle ne soit pas asservissante. Elles revendiquent l’institution d’une coopération entre tous les acteurs de l’École : enseignants, cadres, élèves, parents d’élèves, associations éducatives complémentaires et collectivités dans le but d’organiser la démocratisation du numérique. Elles fixent trois enjeux. L’École, dans la société numérique, pour rester fidèle à ses principes fondateurs, travaille à : Une organisation participative Elle met en place une organisation participative : elle initie une convention citoyenne sur la question de la démocratisation du numérique. Elle donne la parole aux différents acteurs par leurs organisations et associations et tient compte de leur avis pour les décisions sur les orientations, les formations/accompagnements et les équipements qu’elles induisent. Une formation à et par la citoyenneté Elle forme des citoyens : elle développe les capacités à diversifier ses sources d’information, débattre sereinement et rigoureusement, faire des choix, hiérarchiser, problématiser, faire preuve d’esprit critique. Elle forme des acteurs culturels : elle développe les connaissances et compétences artistiques, la créativité, la fréquentation des lieux de culture et des genres culturels, elle forme l’aptitude à faire des choix culturels et à s’engager dans la création culturelle. Une éducation aux médias et à l’information Elle développe un projet politique et culturel d’éducation aux médias et à l’information : elle forme à la liberté d’expression et d’opinion, à la fréquentation des médias, à la vérification des sources, à la recherche, et cela dans l’ensemble de ses enseignements et activités. Il ne peut être question de s’en remettre, sur ces enjeux, à des spécialistes ; tous les professeurs, cadres éducatifs, éducateurs doivent porter et mette en œuvre ensemble cette responsabilité. L’institution éducative se transforme dans son environnement numérique par : Une dynamique d’ouverture Grâce au numérique l’École peut plus facilement s’ouvrir sur le monde : elle instaure des communications régulières avec ses différents acteurs dans et hors la classe, dans et au dehors de la culture de référence. Elle place les connaissances académiques dans leur double ancrage historique et social. Des leviers pédagogiques Le numérique contributif facilite les pédagogies de coopération et de projet : par son environnement de partage et d’échange, il permet l’apprentissage coopératif, l’écriture collaborative, la créativité, le travail d’équipe qui contribuent à l’apprendre ensemble. Des pédagogies en accord avec nos valeurs éducatives Respect mutuel, confiance en soi et en les autres, solidarité guident le choix des pédagogies dans l’environnement numérique. Nos valeurs éducatives ne peuvent pas s’accorder ni avec un individualisme exacerbé, ni avec un fichage des individus à des fins idéologiques, commerciales ou de contrôle, ni avec des évaluations stérilisantes. Les acteurs de l’institution évoluent grâce à : Une formation collective et sur le terrain des enseignants à une culture numérique avec des moyens importants ; une formation à penser et construire une culture numérique. Une éthique et des valeurs qui sous-tendent la formation : elles amènent à se construire comme une nouvelle figure enseignante et à penser la posture enseignante, les gestes professionnels, la place de l’élève, la figure apprenante, dans leur rapport avec l’exigence de précision, de justesse et de vérité. Un rapport au temps serein, non oppressant, indispensable pour permettre la créativité pédagogique, la réflexivité, la construction de la pensée. Prendre le temps de réfléchir avant d’agir ce n’est pas perdre du temps, mais en gagner pour la suite. L’institution d’une communauté éducative élargie et en réseau à laquelle participe le corps enseignant, avec tous les acteurs dans et hors l’École. Page Facebook du Forum 29 décembre 2020 Valérie Pinton