Retour du stage Sud Education Réunion, 25-29 avril 2022 Stage Sud Education Réunion, 25-29 avril 2022 Aux antipodes il se passe toujours quelque chose ! Dans la perspective d’un 3ème tour social, sur l’île de la Réunion, près de 120 personnes ont décidé de s’emparer de la question pédagogique et éducative comme une question politique. Le titre de cette formation syndicale disait déjà beaucoup : « Pédagogies critiques et émancipatrices : pour qui ? Pourquoi ?». Dans l’histoire courte des stages syndicaux, sur 12 ans, il est intéressant de voir comment la manière de poser la question du double rapport école/société et pédagogie/éducation a évolué. A l’origine, ces stages PASE (pédagogies alternatives et syndicalisme d’émancipation) remettaient au goût du jour et sur le tapis la question lancinante des mouvements révolutionnaires : que faut-il changer d’abord, la société ou l’école ? En cascade, se greffait la question syndicale des moyens matériels et humains pour enclencher cette transformation. Et pendant longtemps, ne nous le cachons pas, la dimension pédagogique de cette visée était minorée à tout le moins, voire ignorée. Puis, patatras, la qualification d’alternatif était reprise par des courants pédagogiques qui ne remettaient pas fondamentalement en cause les rapports sociaux hors l’école, même si ces courants se présentaient comme une remise en question des rapports éducatifs dans l’école. Un des mouvements emblématiques de cette position pédagogique était alors, est encore le mouvement Montessori. Le succès quantitatif et qualitatif des stages à Paris, à Créteil, en Guyane, à Angers, en Vendée, à Reims et Nancy, à Lyon et Marseille, à Caen et à Nantes, près de Gap, à Amiens ou Alençon, à Limoges comme à Besançon, partout où le GFEN est intervenu aux côtés d’autres mouvements, ce succès nous a obligé à modifier l’intitulé de la question en travail. L’alternative est devenue émancipation et critique ! Une autre conception de la formation enseignante a commencé ainsi à se construire. Aujourd’hui, c’est dans un cadre tropical automnal, hémisphère Sud oblige, que des militant.es et des enseignant.es de la Réunion s’offrent une première séance de recherche-action. Tous les mots sont importants, nous le savons, et il s’agit bien de créer les conditions de se mettre en recherche comme en action, donc en activité intellectuelle, sur les questions pédagogiques, à l’articulation des luttes syndicales. Sacré stage, pour une première ! Benjamin, le camarade de Sud Réunion qui y travaille depuis 3 ans, perturbé par les contraintes de temps et d’espace, mais jamais découragé, nous a concocté un programme très ambitieux et copieux (qu’est-ce qu’on mange bien depuis 5 jours !). Prof de philo soucieux de concilier théorie et pratique, Benjamin, avec l’aide de ses camarades, a fait appel tous azimuts à celles et ceux que le syndicat Sud considère comme légitimes pour animer une telle formation, à la visée critique et émancipatrice. En alternance complémentaire, des conférences et des ateliers : Nico Hirtt pour la critique de l’offensive néolibérale et de l’approche par compétences dans sa version «Commission européenne» ; Laurence de Cock pour la critique des politiques de contre-démocratisation en voie d’accélération et d’exacerbation depuis 5 ans ; les ateliers du collectif «Questions de classe(s)» animés par Magali Jacquemin, Mathieu Billière (rencontré lors de la réunion de Convergences à Calais il y a quelques mois) et Arthur Serret (de l’ICEM Paris qui a déjà pris langue avec les camarades du GFEN Paris) ; l’atelier de pédagogies critiques animé à distance par Irène Pereira et en présence sociale par Rachel Salem ; l’atelier ICEM-Freinet animé par des militant.es locales ; et 3 ateliers du GFEN animés par mes soins. Triple moment jubilatoire que vivent aussi bien les stagiaires que l’animateur : enchaîner texte recréé («Le sultan» de Jacques Prévert) et problème sans questions (en maths et en histoire) a été possible parce que les 2 groupes étaient réduits (7 et 10 personnes) mais les participant.es particulièrement motivé.es et critiques ; l’atelier d’écriture du lendemain («Binômes imaginatifs» à partir du mot «cerveau») a déjà donné envie de le réinvestir à 2 enseignantes de l’élémentaire comme à cette prof doc et à cette enseignante de RASED. Dans le 2ème lieu de stage, même mot mais des textes différents et une réflexion inédite sur l’entrée en matière de l’atelier (minute de pensée brouillonnante ou minute qui impose le silence à la pensée ?) mais aussi prise de conscience que nous ne pouvons pas émanciper les élèves, en particulier dans le rapport à l’écriture, à leur place. Comme l’a écrit Henri Bassis, nous ne pouvons que créer les conditions idéelles et matérielles pour que les sujets puissent et veuillent s’émanciper. Et ça, c’est déjà énorme !! J’avoue avoir jubilé grave dans ces moments de rencontre d’intelligence collective ! Car ce qui s’est joué alors c’est l’appropriation, pour soi et pour les autres, et pour nos élèves en particulier, de la possibilité réelle, quotidienne, d’une transformation concrète des pratiques d’enseignement et d’éducation, et par conséquent des conditions d’apprentissage. Peut-être plus encore ? L’émergence et/ou la continuité d’un processus de conscientisation des enjeux anthropologiques d’une transformation radicale du rapport au savoir, du rapport à savoir, et plus généralement du rapport à l’éducation. Radicale, disiez-vous ? Comprenez-le comme une tentative, à la fois théorique et pratique, d’une révolution du quotidien, au quotidien ! Nous n’en avons pas fini avec la bataille d’idées de l’Education Nouvelle… et c’est tant mieux ! Et tout ça grâce aux camarades de la Réunion ! Merci, mille mercis à Benjamin, Léna, Isabelle et Éric, François et Agnès, Nathalie pour leur accueil chaleureux, leurs disponibilités quotidiennes, leur patience et leurs sourires quand tout allait bien enfin ! Spéciale dédicace aux rhums arrangés artisanaux… qui ne m’ont nullement dérangé. Pascal DIARD 12 mai 2022 Valérie Pinton