Extraits Dialogue N° 175

Dialogue n° 175 – J’enseigne donc je conçois

 
Éditorial
  • Concevoir ses pratiques   Lire
    Jean-Jacques VIDAL
Concevoir pour quoi ?
  • Concevoir : une histoire humaine au futur présent
    Pascal DIARD, Formateur nomadisantConcevoir ses pratiques quand on est enseignant, cela peut sembler aller de soi puisque ce métier n’est pas de simple exécution. En fait, rien ne va de soi à partir du moment où l’on essaye de penser ses pratiques, d’élaborer des savoirs sur ses expériences. Et c’est à cet endroit stratégique de la pensée humaine que la dialectique de la pensée et de l’action, de la théorie et de la pratique s’avère plus que jamais nécessaire.
    La conception d’une démarche ne sert que si l’on en use !
    Cela fait déjà un bout de temps que je fais vivre le texte à trous pour entrer dans la compréhension du « Code Noir ». Mon objectif au départ, avec mes élèves de 2nde, était, tel que je le leur formulais, une invitation à se vivre capables de lire des textes historiques difficiles, exigence formelle honorable s’il en est. Dernièrement, j’ai reçu le témoignage de 2 enseignants, Tristan et Gatien, qui ont réinvesti de manière créative cet « outil » qui, du fait, s’est avéré plus que cela : un vrai moment de démarche !
  • Ouvrir de nouveaux espaces de pensée
    Odette BASSISDevenir enseignant n’est pas chose facile. Un monde s’ouvre, tendu entre devoir de tenir les attendus professionnels et désir d’ouvrir — et déjà pour soi-même — un espace de vie et d’initiatives enrichissantes. Un espace où apprendre est au centre. Mais quel « apprendre » ? Celui du maître qui enseigne, celui de l’élève qui reçoit ?
    Et si l’enjeu, pour l’enseignant, pouvait devenir, et déjà pour lui-même, d’ouvrir de nouveaux espaces de pensée, de nouvelles entrées dans ce qu’est savoir ? Mais alors, de quoi bousculer son propre rapport au savoir !? Oui, sans doute, mais pour ajouter du vivant et ouvrir un champ réflexif au déjà là ! Et faire que l’apprenant ne soit plus seulement celui qui reçoit, retient et applique, mais puisse devenir pleinement acteur sur cette scène où se joue son propre rapport à savoir. Un horizon transformateur pour l’enseignant, par l’enseignant.
  • Huit expériences de transformation
    Le GROUPE MATERNELLE 25Le groupe « maternelle 25 » a entrepris l’année dernière de questionner huit enseignant-es dans leurs classes : quatre dans un quartier en REP+, trois maternelles et une élémentaire, une grande section et un CP dans des écoles de la périphérie bisontine, un CP « en ville » et une classe maternelle dont l’enseignante a été nommée sur «projet innovant ».
    Tous ont réorganisé leur enseignement grâce à un regard réflexif sur la pédagogie, à partir de leurs convictions sur le sens de l’école, par des chemins différents, pour transformer leurs pratiques. Cela nous intéressait : sans tous se réclamer explicitement d’un type de pédagogie ou des valeurs d’un mouvement d’éducation, les profs d’école en question ont décidé de ne plus faire «comme la plupart», ou comme ils faisaient eux-mêmes auparavant. Progressivement ou à l’occasion d’une nouvelle nomination, d’un changement de niveau, avec ou sans la participation à des réunions et des temps de réflexion avec d’autres, on agit particulièrement sur certains aspects professionnels, parfois de manière globale.
  • Inconcevables pratiques ?
    Jean-Jacques VIDALLa lettre laissée par notre collègue directrice d’école, « épouvantablement fatiguée », décrivait l’impasse où se retrouvent les enseignants qui font fonctionner l’école élémentaire : complètement ou partiellement « déchargé-es », avec une classe un, deux ou trois jours par semaine, selon la taille et le secteur de l’école, on attend d’eux une ingénierie sans limite.
    Interlocutrices systématiques des administrations, des collectivités territoriales, souvent des parents et bien sûr des élèves, les personnes chargées de « diriger » comme le dit l’institution, d’ « organiser » pour leurs collègues, d’ « être » l’école comme le voient les usagers, sont donc comme celle-ci : en équilibre précaire ou épuisées. Chacun s’adresse à elles, non seulement pour transmettre, assurer les liaisons, faire les liens, répondre à tous et à tout sans leur en donner le temps ni les outils. D’ailleurs tout arrive en même temps, rien n’est définitivement résolu, « ce qui est normal dans ce métier, mais on ne s’y attend pas à ce point-là», dit une directrice. « Tout est dans l’immédiateté… »
    Ainsi, sauf à considérer que la possibilité et l’intérêt de concevoir ses pratiques ne concernent que les dispositifs pédagogiques en classe, on montrerait qu’on méconnaît le travail réel et tout ce qu’il rend possible en éclairant exclusivement le versant didactique de l’école.

Concevoir : inventer ? adapter ? interpréter ?…

  • Concevoir sa pratique une activité complexe ou comment, entre reprise et rupture, créer du nouveau
    Maria-Alice MÉDIONI, Secteur Langues GFEN Centre de langues-Université Lyon 2Qu’est-ce que concevoir ? Tout inventer ou ré-inventer, interpréter en fonction d’une intention qui pilote l’action, d’un problème à résoudre ? Seul ou à plusieurs ? Comment se saisit-on d’une pratique existante dans le GFEN particulièrement, pour en faire du nouveau ? Car, pourquoi inventer le fil à couper le beurre quand on dispose d’une mallette bien remplie ? Et comment s’y prend-on alors ?
    Telles sont les questions qui se sont imposées à moi à l’annonce de ce numéro de Dialogue sur ce que signifie « concevoir sa pratique ».
  • Tambouille culinaire et patouille pédagogique
    Damien SAGE, GFEN 75Cela fait 12 ans que je suis Professeur des Écoles — et quasiment autant de temps que je fréquente le GFEN. Comme le diraient Goscinny et Uderzo : je suis tombé dans le GFEN quand j’étais petit. Grâce à cette fréquentation régulière des pratiques et des idées de l’Éducation Nouvelle, j’ai rapidement commencé à construire mes pratiques de classe.
    Je ne revendique aucune originalité : nombre de situations que je propose ressemblent fortement à ce qui peut se faire dans d’autres classes. L’enjeu pour moi n’est pas là. Les enjeux sont plutôt : qu’est-ce qui, à un moment, me rend nécessaire l’exploration d’un type de pratique ? Comment est-ce que j’aménage ma pratique pour m’assurer que les élèves sont bien en train de construire des savoirs ?
  • La tour de Babel
    Jean-Louis CORDONNIERRétrotraduction d’un mythe
    Une démarche ne sort pas adulte de sa coquille comme la Vénus de Botticelli. La démarche « Tour de Babel » a une longue histoire.
    En 1992, dans l’éditorial du dernier numéro de Dialangue « Babel reconstruite », Joëlle Cordesse écrivait « Qu’est-ce que la paix ? un retour à l’éden originel : disparition des langues, retour à une langue universelle, qui n’en serait pas une puisqu’elle serait seule de son espèce, mais un harmonieux décalque de la réalité. […] A-t-on besoin de parler des langues différentes pour ne pas se comprendre ? Et si nous reprenions le chantier ? […] S’autoriser toutes les langues, c’est une chance de plus pour une idée vivante du savoir. D’ailleurs, une autre lecture du mythe est avancée : Dieu envoya les langues aux hommes non pour les punir, mais parce que l’homme n’est homme que dans la diversité. ”Quand ”tu» n’est pas un autre, ”nous» n’est personne. »

  • Comment remettre la virgule à sa place
    Michel BARAËRUn récent numéro de Dialogue, le 173, l’a affirmé : la liberté est nécessaire aux pédagogues. Il s’est fondé sur le fait que, pour réussir leur enseignement, ils ne peuvent être de simples exécutants de méthodes, de guides, de référentiels… Ils doivent pouvoir concevoir leurs pratiques.
    Ce principe est, constatons-le, largement partagé, même si — particulièrement par les temps qui courent — la volonté d’encadrer fortement les praticiens est d’actualité. Mais qu’entendre par « concevoir ses pratiques » ? Le dictionnaire nous indique combien le verbe concevoir peut prendre des sens largement différents : former un concept, avoir une idée claire, imaginer… et qu’il peut accepter des synonymes variés : comprendre, envisager, supposer, inventer, échafauder, élaborer… De plus, souvent un enseignant qui conçoit adapte, réutilise, transforme… des dispositifs, des activités. Puisqu’il s’agit d’une pratique, on ne peut dissocier sa conception du contexte dans lequel elle sera mise en oeuvre. Ajoutons que le processus de conception n’est pas le même s’il est produit par un praticien seul ou par un collectif.
  • Plagier, se réapproprier : les mutations d’une démarche
    Alexis AVRIL, membre du GFEN et du LIENSi je suis entré au GFEN c’est en tant que prof de philo. J’ai été séduit par les démarches d’auto-socio-construction proposées par le secteur philo dans la revue Pratiques de la philosophie et me suis ensuite pleinement engagé dans la réflexion menée par ce secteur.
    Si je porte un regard rétrospectif, après quatre années de GFEN, sur ce qui a motivé mon engagement dans le mouvement, je constate qu’un décalage s’est opéré. La fréquentation assidue aux réunions du GFEN Provence, la lecture de Dialogue et la participation aux stages d’autres secteurs ou encore aux rencontres du LIEN en Roumanie, ont changé mon rapport à la construction des savoirs.
    Pour le dire simplement, vivre des démarches venues d’autres horizons disciplinaires m’a fait toucher du doigt la porosité des savoirs au sein des démarches du GFEN. Le détournement de certaines consignes – qui peut parfois déboucher sur des résultats croisant des savoirs de plusieurs disciplines – ne démontre-t-il pas cette porosité inévitable quand on se confronte à des objets de pensée complexes ?
  • Peut-on concevoir son cours en philosophie ?
    Rémy DAVID, Enseignant de philosophie au lycée Philippe Lamour de Nîmes, Directeur de programme au Collège international de philosophieLe verbe concevoir renvoie aux deux acceptions du concept : produire une conception, et produire son objet de manière originale.
    Classiquement, les professeurs de philosophie organisent leurs savoirs disciplinaires et conçoivent leurs cours au sens où ils tissent un discours qui peut différer de celui de tous leurs collègues. C’est la conception d’un discours, de type dissertatif –on  parle parfois de « leçon » philosophique – qui répond à un canon, à une norme académique. Peut-on alors réellement parler de conception ? Sans doute, au sens de contenu d’une conception, en un sens descriptif, mais pas au sens dynamique d’une inventivité intellectuelle qui amène à produire un nouveau concept, à créer de nouvelles modalités formatives qui transforment réellement le cours, ce qu’on y fait ou ce qui s’y joue. Si la composition d’un tel discours relève de la responsabilité de son auteur, ni la question, ni le problème, ni les concepts engagés relevant de l’histoire de la philosophie, de ses figures et des doctrines, ne sont à proprement parler conçues ici, mais reconduites, réagencées dans une approche plus ou moins éclectique. Or si les auteurs de ces discours en revendiquent la « conception », c’est en sens bien pauvre de concevoir, qui s’illusionne sur sa réelle inventivité, et sur la conformation à un modèle de cours reposant sur la magistralité, et sur un « penser par soi-même » qui soit globalement le même pour tous.
Collaboration collective ?
  • Une expérience collective de recherche-création : l’invention de l’atelier
    Patricia CROS, Secteur Poésie & Écriture du GFEN, Animatrice d’ateliers d’écriture, Professeur des écolesL’expression « recherche-création », relativement nouvelle dans le paysage artistique et universitaire, recouvre plusieurs types de pratiques et de réalités mais il permet notamment « d’envisager la création comme une forme de recherche ». C’est une perspective intéressante pour comprendre l’expérience collective d’invention d’un atelier d’écriture que je vais décrire ici, expérience dans laquelle le collectif permet de concevoir et d’interroger ses pratiques.

  • Ainsi naquit une démarche
    Brigitte ANGELI, GFEN Franche ComtéLe groupe du GFEN Franche-Comté, dont je fais partie, travaille depuis un an sur les écrits réflexifs : leurs rôles et pertinences au sein de nos classes. Nous nous sommes d’abord interrogés sur les définitions et le bien-fondé de ces écrits intermédiaires.
    Chacun de nous s’est approprié ce concept type et l’a décliné selon ses propres choix pédagogiques. La confrontation de ses travaux très disparates nous a révélé la nécessité de dégager un sujet de travail commun.
    Et si nous inventions une démarche adaptable à tous niveaux…
  • Un prix littéraire de jeunesse : regrettable outil « clé en main » ou véritable support de transformation de pratiques ?
    Marie-Pierre DUBERNETDernier conseil école/collège : un grand moment ! Un powerpoint, des tableaux… Nos élèves, désormais en 6e, ont les meilleurs résultats de l’académie, de la circonscription et sont nettement au-dessus des nationaux. Le moral des troupes est au beau fixe ! Une infime minorité s’avère « en difficulté » et seulement sur certaines compétences : lecture implicite, résolution de problèmes, géométrie, mesures… Zut, c’est fichu pour la prime au mérite ! Un air de déjà entendu. […]
    Enseignante depuis près de 30 ans en CM2 dans une petite ville de la proche banlieue bordelaise, je constate, comme mes collègues, une dégradation du niveau de lecture de mes élèves dans le quotidien de la classe. Dégradation qui semble s’accélérer ces dernières années malgré les changements de programmes et les divers dispositifs de soutien imposés par le ministère (accent mis sur le déchiffrage, Activités Pédagogiques Complémentaires axées sur la lecture dans notre académie, quart d’heure lecture, projet d’école…) La moindre consigne demande reformulation, explicitation même pour les « bons » élèves.
  • La copie promenée : genèse d’une démarche
    Annabelle RODRIGUES, GFEN 67Partir de l’utilisation de démarches conçues par le GFEN a d’abord été un premier moyen de se lancer, de se constituer un répertoire de pratiques communes, d’analyser ce qui était en jeu et ce qui justifiait l’engagement dans un nouveau groupe. Nous avons vu dans les démarches du GFEN avant tout la mise en oeuvre d’un regard commun à la fois sur :
    %u2022 l’élève et l’idée que chacun d’eux était capable d’apprendre
    %u2022 les apprentissages et une conviction profonde que l’on apprend pour soi mais toujours avec les autres.
    Au départ, une réflexion menée sur l’enseignement explicite
    La conception d’une démarche sur la copie a ensuite été le fruit d’une réflexion menée sur l’enseignement explicite, suite aux nombreuses formations auxquelles nous participions sur le sujet au moment de l’application des programmes de 2015. Nous ne pouvions que nous faire l’écho des lamentations des collègues sur « les élèves ne savent pas copier ».
Le cahier du LIEN
  • Édito
    Pascale BELLEFLAMME (GBEN) Michel NEUMAYER (GFEN) Étiennette VELLAS (GREN)La nouveauté de la Biennale de l’Éducation nouvelle 2019 fut d’être vraiment internationale. Le LIEN, par son implication dans son organisation, le nombre de ses inscrits, ses animations, ateliers, débats et participations aux tables rondes a joué pleinement sa part dans ce défi relevé.
    Ce 4 pages de Dialogue a l’ambition de refléter notre présence à Poitiers.
  • Tout commence par l’accueil
    Pascale BELLEFLAMME
  • Une Biennale bel et bien internationale ! Une expérience militante
    Bernard CORVAISIER (CRAP)
  • Échos d’ateliers et débats du LIEN
    Catherine LEDRAPIER (GFEN) Diana DRAGHICI Wallid SFEIR (GROEN & GFEN)
  • S’approprier l’héritage culturel du LIEN/GFEN
    Colette CHARLET (GFEN)
  • La marchandisation de l’éducation nouvelle dans les écoles privées
    Jalila BEN ZINEB (GTEN)
  • Éduquer et/ou punir
    Jean-Marc RICHARD Betty LABOREL (GREN)
  • Immigré ou émigré ?
    Mounira KHOUADJA Heger KHIARI (GTEN) Lorson OVILMAR Macson LUZINCOURT Tatiana DELPÊCHE (IEPENH)
  • Écologie et développement durable : problématiser le partage équitable de notre planète
    Catherine LEDRAPIER Jean-Louis CORDONNIER (GFEN)
  • L’éducation nouvelle pour conserver l’espoir
    Lorson OVILMAR Macson LUZINCOURT Tatiana DELPÊCHE (IEPENH)