Secteur Sciences du GFEN

Rencontres du secteur

 

Journées « Sciences »
Samedi 13 avril et dimanche 14 avril 2019

salle Voltaire, Place Voltaire, Ivry sur Seine (94)

Samedi : 9h-12h & 14h-17h30
– Ce qu’observer veut dire.
– Sciences et philosophie.
Dimanche : 8h30 -11h30 & 13h-16h30
– Quand les boules nous font perdre la boule !
– Faut-il croire aux statistiques ?
programme-inscription
 

 

Réunions
  • novembre 2018 : Préparation des 2 journées sciences en région parisienne en 2019.
  • octobre 2018 : Préparation de l’action de formation périscolaire en CP etmaternelle, Ile de France en 2019
  • octobre 2018 : Préparation des actions de formation académique Bourgogne Franche-Comté  pourles enseignants de maternelle en 2019
Stage
  • Un autre visage de la Science.
    Penser, vivre et enseigner les sciences autrement, créer en sciences
    Les 24, 25, 26 et 27 août 2018, Bédarieux (34)
    Donner le goût des sciences……en redonnant du goût aux sciences
    Jour 1 : Penser, imaginer, inventer, créer en sciences
    Jour 2 : Sciences et création
    Jour 3 : L’expert et le citoyen
    programme-inscription
Contact : CATHERINE LEDRAPIER : ledrapier.catherine@gmail.com , tel : 06 77 42 07 87

Appel à participation
De la nécessité d’un « groupe sciences »

Extrait  : Comme le disait un scientifique célèbre, il est de bon ton dans certains milieux dits « cultivés », à l’occasion d’une manifestation culturelle, vernissage, présentation d’une pièce ou de tout autre évènement culturel de s’esclaffer que l’on ne comprend rien aux sciences, et que d’ailleurs l’on a toujours été nul(le) en maths. Comme si ces deux états de fait devaient être l’apanage de toute personne cultivée. Dans les milieux plus modestes, il n’en est pas ainsi. Cependant on constate que nombreux sont ceux qui sont « mal à l’aise », voire très mal à l’aise, dès qu’il s’agit de sciences. En effet, l’ignorance dès qu’il s’agit de sciences est parfois sidérante ! Des lacunes du même ordre dans des domaines artistiques, littéraires ou historiques choqueraient, offusqueraient, mais en sciences, non. Comme si les sciences s’avéraient plus difficiles que les autres domaines, réservées à ceux qui en ont le goût ou les facultés ! Cela nous apparaît comme une confiscation de tout un domaine de savoir, et donc de pouvoir, à notre époque plus que jamais auparavant. Là comme ailleurs : tous capables ! Voilà la raison de ce « groupe sciences »lire l’appel à participation

Des sites à découvrir

Projet de loi pour une « Ecole de la confiance » : position du GFEN

24 mars 2019
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Une véritable formation professionnelle pour un enseignement visant la réussite de tous les élèves

La loi pour une « École de la confiance » fait suite à une série de chantiers lancés par le ministère de l’Éducation nationale depuis deux ans : détricotage de réformes liées à la loi de refondation de 2013 (retour à la semaine de quatre jours, disparition du dispositif « plus de maîtres que de classes » au profit du dédoublement des CP et CE1 en REP+, remise en cause des programmes de 2015), logique de concurrence entre établissements du second degré et disparition de toute politique volontariste de promotion de la mixité sociale et scolaire, pilotage et organisation de l’institution (réorganisation de la carte des rectorats et de l’organisation des services déconcentrés, réorganisation de la territorialisation notamment en éducation prioritaire). Ces réformes passées à coup d’ordonnances ou d’amendements forment système et visent à transformer l’école pour adapter les élèves et leurs enseignants aux besoins d’une société libérale organisée autour de l’individualisme, la concurrence, la valorisation des héritages : tout se déroule sans concertation avec les acteurs impliqués mais en faisant appel à des « experts » chargés de concevoir et penser à la place des citoyens et des professionnels, réduits au rang d’exécutants soumis au contrôle et à l’évaluation. 
 
 
Nous, GFEN, prenons la parole pour alerter sur les dangers de cette loi et dénoncer ce sabordage sans précédent de l’école publique, celle qui tant bien que mal, a cherché à relever le pari de la démocratisation, en défendant des valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons. Nous affirmons que tous les enfants sont capables de réussir à l’école, d’exercer une pensée critique et se former à un rapport au savoir distancié pour prendre pouvoir sur leur vie et sur le monde. Si nous dénonçons une démocratisation ségrégative de l’école, nous soutenons que celle-ci peut évoluer à condition qu’on forme les enseignants à des pratiques pédagogiques plus émancipatrices, à une analyse réflexive de situations scolaires dans des collectifs de travail internes aux établissements et dans le cadre d’une formation continue.
 
 
Pour un enseignement public de qualité
Nous avons l’ambition d’un enseignement public de qualité qui ne se réduise pas à l’exécution de « bonnes pratiques » rythmées par des évaluations semestrielles standardisées qui ne tiennent pas compte de la diversité des approches pédagogiques. Comment ne pas craindre la mise en concurrence des établissements par la publicité des évaluations dans une logique de marché scolaire pour les familles ?
La terminologie utilisée a son importance : les sciences de l’éducation s’effacent au profit des sciences cognitives. La création du conseil scientifique de l’Éducation nationale chargé de l’élaboration d’outils et prescriptions se traduit par le développement d’injonctions pédagogiques rigides et descendantes notamment pour l’apprentissage de la lecture en privilégiant un protocole et sans prendre en compte des résultats d’autres recherches en ce domaine. Nous réaffirmons notre attachement à la liberté pédagogique permettant des controverses professionnelles fécondes. Or depuis peu les enseignants qui osent exprimer leur désaccord sont l’objet de menaces de plus en plus pressantes au nom du prétendu « devoir de réserve ». Les injonctions successives et un contrôle excessif de leur application risquent d’entrainer une perte de la professionnalisation du métier d’enseignant tout en vidant de leur contenu les savoirs à enseigner. Parce que nous savons qu’apprendre est un processus qui nécessite du temps, un temps variable selon les individus, nous refusons l’imposition de repères annuels obligatoires au détriment de la logique des cycles institués par les programmes de 2015. 
 
 
non soumis à la marchandisation
Nous ne voulons pas d’une école soumise au marché. Le marché de l’école privée ne s’est jamais aussi bien porté. Les écoles dites alternatives fleurissent ainsi que les officines privées d’enseignement, de soutien scolaire et même de préparation aux concours de recrutement des professeurs. Dans les lycées, on profile de plus en plus les filières et les établissements au mépris de l’égalité territoriale et sociale ; de plus en plus d’établissements ont la liberté de recruter en fonction des projets, des spécificités affichées. Le  délit  d’initié qui permet aux familles les mieux dotées financièrement et culturellement d’adopter les stratégies « payantes » fonctionne largement ; il est amplifié par Parcoursup, par la réforme des programmes du lycée.
 
 
Enseigner, un métier qui s’apprend
Un enseignement de qualité passe par une formation des enseignants digne de ce nom. Les ESPE devenus Instituts nationaux du professorat et de l’éducation (INSPE) accueilleront des étudiants qu’on placera dès la seconde année de licence en préprofessionnalisation ; en effet l’article 14 du projet de loi prévoit de leur confier « des charges d’éducation, de pédagogie et d’enseignement ». Ainsi, si cette loi est adoptée, ces missions pourront être confiées à des personnes n’ayant ni les savoirs ni les compétences pour les exercer. Le remplacement de professeurs par des AED (avec rémunération mais inférieure à celle d’un titulaire) peut-il être considéré comme une formation professionnelle même s’il s’agit de personnes souhaitant devenir enseignants ? Quel statut pour ces assistants d’éducation ni fonctionnaires, ni stagiaires mais corvéables à merci ? Présenté par le ministre comme un « très beau dispositif » et « éminemment social », il serait une possibilité d’accès au professorat pour des étudiants issus de milieux modestes ; on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit là d’une façon de gérer la pénurie à moindre coût sans que les dispositifs de formation en soient consolidés pour autant.
 
 
Devenir enseignant ne s’improvise pas, c’est un métier difficile qui s’apprend. Ce n’est pas seulement savoir  « gérer un groupe », « bricoler », « se débrouiller pour survivre », « acquérir quelques techniques et bonnes pratiques ». Il ne s’agit pas seulement d’imiter sans réfléchir un collègue devenu tuteur mais d’appuyer son action sur trois piliers indissociables : pédagogie, didactique et savoirs disciplinaires. Si certains de ces jeunes étudiants « en apprentissage » seront affectés dans des équipes solides et étayantes, pour d’autres l’aventure sera semée d’obstacles car ils seront exposés aux difficultés rencontrées avec les élèves, les parents, l’institution. Et que dire des conséquences sur les apprentissages des élèves qui subiront les effets de ce déficit de formation sans parler de l’inquiétude de leurs parents ?
      
           Ainsi sur fond d’accroissement inédit des inégalités sociales et de bouleversement généralisé du rapport au travail, on assiste à une profonde mutation de l’éducation, au niveau de son organisation structurelle et de ses contenus. Jamais le ministère de l’Éducation nationale n’a tenu aussi peu compte des professionnels de l’éducation et de leurs représentants, organisant de simples consultations, refusant le travail en commun ou la possibilité d’aborder certains sujets. Dans des termes législatifs ouvrant à l’interprétation discrétionnaire, la liberté pédagogique est interpellée et le « devoir de réserve » s’impose aux esprits chagrins. Si on ne peut s’exonérer du cadre défini par les instructions officielles, on voit mal comment assurer la formation de la personne et du citoyen (exigeant réflexion personnelle, créativité, échange et  rationalité critique)  en en privant les agents chargés d’y préparer les élèves !
 
 
La réduction des inégalités scolaires passe par une formation professionnelle de qualité et répondant aux besoins mais également par une égalité de traitement entre l’école publique ouverte à tous et les établissements dérogatoires à la carte scolaire tels que les Établissements Publics d’Enseignement International créant des filières internationales d’élite sélective dès le primaire dans toutes les grandes métropoles. 
Si l’école est le creuset de la société, la question centrale à se poser est celle-ci : à quelle société souhaite-t-on former les élèves ?  

Lire, c’est comprendre – Eveline Charmeux

Donc apprendre à lire, c’est apprendre à comprendre ce qui est écrit
Eveline Charmeux, Editions Universitaires Européennes, 2018

Livre bilan d’une vie de recherche passionnée, en réponse à l’actualité révélée par l’enquête PIRLS 2016 sur les médiocres performances des élèves français en matière de compréhension, faisant écho à ce qui  (il y a plus de 50 ans déjà)  avait légitimé les recherches de l’INRP ayant abouti dans les années 70 au Plan de rénovation de l’Enseignement du Français.

Abondamment illustré par des exemples de pratiques et une proposition de progression du cycle 1 au cycle 4 , l’ouvrage débute par la mise en cause de ce qui, aujourd’hui encore, constitue le quotidien de beaucoup d’enfants, la pratique laborieuse du déchiffrage, considéré comme prémisse incontournable de l’apprentissage de la lecture, et l’oralisation, utilisée comme moyen de sa propre finalité, faussement baptisée « lecture ». Interpellation de fond de ce qui (à nouveau aujourd’hui) est réactualisé comme voie royale pour l’apprentissage.
Si lire c’est comprendre, est-il nécessaire, souhaitable, de former préalablement les jeunes élèves à autre chose qu’apprendre à comprendre ? Interpellation forte dès les années 70-75, questionnant ces préalables comme étant de fausses pistes induisant chez les élèves une conception erronée de l’activité lecture, malentendu redoutable et qui s’avère durable pour ceux qui n’ont pas ou peu d’appui en dehors de l’école pour en contrecarrer les effets.
Quel argumentaire est avancé pour contrer cet allant de soi qui perdure ? Une relative indépendance entre ce qu’on voit et la façon de le prononcer, la valeur sonore des unités graphiques dépendant de la signification. Ainsi par exemple, l’exemple des mots homophones (ses, ces, sais, sait, c’est, s’est) dont la prononciation ne suffit pas à les comprendre, ou la terminaison graphiquement semblable mais prononcée différemment dans : il se retient, il est patient ou ils balbutient.
Autrement dit, s’il reste important se découvrir une relation entre sons et signes graphiques, il s’agit de faire percevoir aux élèves qu’elle est variable selon le contexte. « Ce qui implique (…) que cet apprentissage du fonctionnement des signes de l’écrit ne peut être le tout premier, puisqu’il ne peut s?effectuer que sur des écrits connus et compris. Toutefois  il reste indispensable, de façon à la fois distincte du travail sur la compréhension et, en même temps, parallèlement à lui. » (p. 12)
Suit un long exposé des principes d’apprentissage, à la croisée du pédagogique et du didactique, qui fait écho à l’approche du GFEN, se démarquant de ce qui relèverait d?une « méthode » pour y préférer une « démarche », attentive au déjà-là des élèves et les impliquant dans une attitude scientifique de recherche.  Quelles en sont les grandes lignes ?
  • Contrairement à l’approche usuelle qui le considère comme table rase, l’élève sait déjà des choses (sans en avoir toujours conscience) et a besoin de ressorts pour investir le travail : le besoin d’apprendre, très diversement ressenti, doit donc être stimulé et soutenu. Outre l’importance du sens des situations à cet égard, l’espace d’apprentissage gagne à être sécurisé : la clarté cognitive, une sollicitation graduelle, l’échange entre pairs, l’attention aux progrès et le climat de classe y contribuent, tout comme le temps accordé à l’apprentissage dans le cadre des cycles, encore trop souvent malmenés.
  • L’approche de l’apprentissage s’inscrit dans une dialectique libération / structuration, prenant appui sur une pédagogie du projet référant aux pratiques sociales du lire-écrire (propres à légitimer, à finaliser, à donner sens à l’apprentissage), qui conduisant à la conscience de besoins, traités en alternance lors de moments d’apprentissage. Comprenant situations-problèmes et activités d’entraînement et de réinvestissement, ces activités de construction de savoirs visent plusieurs compétences : d’orientation dans l’univers de l’écrit (connaissance des objets à lire), sémiotiques (portant sur l’activité lecture elle-même, sollicitant interprétation, mises en relation et raisonnement) et langagières (explorer les différentes variations langagières et le fonctionnement spécifique de l’écrit, au service d’une communication différée exigeant précision et concision).
  • Contre les présupposés usuels en matière d’apprentissage de la lecture, est réaffirmée l’idée qu’installer préalablement des « mécanismes » du déchiffrage au prétexte de libérer le travail nécessaire à la compréhension ne fait qu’endormir  la vigilance des élèves quand a contrario la lecture nécessite constamment raisonnement et réflexion. Par ailleurs, il n’existe pas de « savoir lire de base » qui serait mobilisable dans toutes les situations de lecture : la lecture se caractérise par une intention (on lit pour), s’exerce sur des supports spécifiques et nécessite des conduites adaptées. Ce qui a des incidences sur la nature des situations proposées en classe.

L’ouvrage décline ensuite les objectifs souhaitables selon les divers cycles, dont la réalisation est illustrée par de très nombreux exemples de pratiques expérimentées dans des classes.

  • Pour le cycle 1, les objectifs croisent les programmes officiels, invitant à la découverte et l’exploration de la diversité d’objets à lire, ainsi qu’à l’approche des spécificités de la langue écrite par rapport à la langue orale d’usage.
  • Le rappel de la légitimité de l’inscription de l’apprentissage dans une large temporalité n’est pas inutile pour le cycle 2, à l’heure où certaines recommandations semblent en faire l’impasse. Des exemples sont donnés de situations « vraies » (album, conte, chanson, poème, affiche) amenant les élèves à faire des hypothèses à partir de la pluralité des indices et à débattre collectivement de la signification, mais aussi de soumettre ces hypothèses à la vérification. Parallèlement, sont exposées des activités explorant le fonctionnement de l’écrit. Outre la précision des pratiques relatées, la progressivité des objectifs va des observations des premiers jours du CP à l?exercice de la lecture à haute voix (distinguée de l’oralisation) et à la lecture d’étude (de consignes, de documentaires, de manuels) au CE2, en prélude des cycles qui suivent.
  • Pour les cycles 3 et 4, l’auteure rappelle qu’il reste beaucoup à apprendre pour parvenir à la maîtrise, à des niveaux où trop souvent, on a pu considérer que l’essentiel était fait. Avec toujours ce souci de mailler des situations incitatrices où s’éprouve le plaisir de lire et des activités de structuration, il s’agit alors d’asseoir les stratégies de compréhension, d’apprendre à lire vite mais aussi de maîtriser la lecture à haute voix, d’apprivoiser la lecture documentaire comme la lecture littéraire, d’approcher les oeuvres intégrales et la lecture de réflexion. Là encore, les exemples sont nombreux et détaillés.

Si on y ajoute le glossaire et les références, c’est au total un ouvrage dense qu’Eveline Charmeux nous propose, à la typographie fine pour des contraintes d’édition, au risque d’une profusion visant l’exhaustivité  qui, si elle risque d’être préjudiciable à une lecture aisée, a l’immense mérite de poser avec force des problématiques de travail ambitieuses et exigeantes auxquelles le GFEN ne peut que souscrire.

En rupture avec le ressac des formules nostalgiques qui périodiquement préconisent de faire simple, c’est une invitation à l’audace intellectuelle et à la finesse d’approche d’un apprentissage complexe, étayée par de nombreux exemples qui l’opérationnalisent, comme autant d’opportunités pour faire fructifier l?intelligence des élèves.
Jacques Bernardin

« Dans et hors l’école. Réussir, ils en sont tous capables ! »

Le 26 mai se déroulaient à Ivry sur Seine les 11èmes rencontres nationales sur l’aide du GFEN. Dans une période où les annonces ministérielles visant à « réformer » notre système éducatif se succèdent, nombre de participants à cette journée ont trouvé salutaire de se poser et réfléchir collectivement aux problématiques proposées.


Introduites par Pascal Diard, ces rencontres se veulent un moment de réflexion sur ce qui fait impasse à la réussite scolaire de bon nombre d’enfants issus de milieux populaires (mais qu’est-ce que la réussite scolaire ? Qui décide de la réussite ? Et pourquoi ? Comment ?). Il décrit le contexte dans lequel ces rencontres se déroulent : discriminations, coupes budgétaires, répression contre les étudiants qui protestent contre le « tri sélectif » à l’entrée de l’université. On assiste à une marchandisation de l’éducation (Teach for France, entreprendre pour apprendre pour ne citer que ceux-là), aux replis individualistes quotidiens face aux difficultés scolaires. Il rappelle les principes fondateurs du GFEN : le « Tous Capables ! », le refus des inégalités, la nécessité du collectif pour penser les métiers de l’éducation, une approche de la formation qui s’appuie sur une mise en situation des stagiaires permettant un travail réflexif sur les pratiques. Il souligne  le travail local avec la municipalité d’Ivry sur Seine et le conseil départemental du Val de Marne.  Remerciant tous les organisateurs de cette manifestation, il déplore l’absence d’Anne Barrère victime d’un accident de la route et hospitalisée. Il rappelle la liste des partenaires présents : Café pédagogique, les CEMEA, les partenaires du CAPE, SNUipp et FSU, FNAREN, FNAME.

Méhadée Bernard, adjointe aux affaires scolaires et des politiques éducatives de la ville d’ivry, déclare, au nom du Maire empêché,  que la ville d’Ivry est fière d’accueillir les rencontres du GFEN. La municipalité d’Ivry est consciente que l’école ne peut faire réussir tous les élèves que si on fait évoluer les pratiques. La municipalité d’Ivry mène de nombreuses actions pour une éducation plus juste, mieux adaptée aux besoins. Méhadée Bernard rappelle les partenariats avec différentes associations, mais également avec des institutions comme le Louvre. Réussir, ils en sont tous capables, oui mais si on apprend ensemble : c’est par exemple ce que montrent des pratiques comme « le texte recréé » qui permet de travailler et construire de façon collective. Il est urgent aujourd’hui de s’engager pour redonner du sens au mot éducation.
Evelyne Rabarel, vice-présidente du Conseil départemental du Val de Marne salue les participants. Elle relève que les débats et les mises en pratique de problématiques de cette journée sont  d’une grande modernité : innovantes et audacieuses. De même que la pertinence des actions menées dont la biennale de l’éducation nouvelle qui s’est déroulée en novembre 2017.  « Dans la situation actuelle, il nous faut articuler résistance et efficacité ». C’est le sens donné au partenariat entre le GFEN et le conseil départemental du 94. Contre la sélection et la politique libérale défendues par le nouveau ministre de l’éducation nationale, le département est décidé à continuer à soutenir un système scolaire de qualité : s’engager au-delà des compétences dévolues pour le soutien à l’éducation dans et hors l’école. Le pari du « Tous capables! » est un pari partagé qui va dans le  sens du projet départemental mais également l’importance donnée à la place des parents qui doivent tous être reconnus dans leur statut. « Dans cette période complexe, vous êtes bienvenus en Val de Marne ! «  lire l’intervention

Serge Boimare : « Comment en arriver à une école de la réussite pour tous ? »

Tous capables d’accord ! Mais une école de la réussite de tous ? Faire en sorte que chacun continue sa progression ? Il faudrait arrêter le soutien et la méthodologie  à outrance qui caractérisent les dispositifs d’aide actuels dans les établissements scolaires français.  Il dit fréquenter des jeunes intelligents qui sortent de l’école sans bagage culturel leur permettant de s’insérer économiquement et socialement. Il préconise un nourrissage culturel afin de se construire un véritable fonctionnement intellectuel et sortir de l’empêchement de penser. Une des questions à se poser est la suivante : Qu’est-ce qui fait que certains fabriquent des stratégies pour sortir des apprentissages ?

1 – La réalité de l’empêchement de penser
Cet empêchement est à la fois un manque de culture et une pratique langagière déficiente. Il donne l’exemple d’un préadolescent  réfractaire à l’apprentissage qu’il a suivi récemment. J. est vif d’esprit mais en grande difficulté devant les apprentissages de base. Pourquoi n’arrive-t-il pas à apprendre à l’école ? J. entre en 6ème. Ses parents sont très pris par leur métier. Le jour de la rentrée, il est inquiet mais porte le maillot du PSG et de belles chaussures. Au bout d’un mois, il est rassuré, parce « bien respecté » mais ses résultats scolaires sont problématiques. Au niveau de la lecture, il « plonge dans le texte et brode autour », ses connaissances sont  essentiellement phonétiques ; il n’est pas capable d’enchainer deux arguments et termine ses phrases par « sur la vie de ma mère ! ». C’est l’élève sur cinq dans nos statistiques. Quelles réponses de l’institution ?  Marginalisation, groupe de soutien, carnet de liaison (comportement agité pour se faire exclure : avertissement pour le travail et la conduite.) qui devient un objet de discorde entre l’école et la famille qui ne veut pas enfoncer l’enfant. 
Pourquoi cet état de fait ? Si l’on médicalise ce cas, on diagnostiquera « Hyper actif avec troubles de l’inconscient » et l’on trouvera une médication « adaptée ».
Mais que dit J. de ces difficultés : « C’est quand je ne trouve pas tout de suite et que je dois chercher. Tout se brouille dans ma tête et ça m’énerve. Ou c’est trop dur ou c’est l’exercice bidon. » J. n’a pas construit les compétences psychiques nécessaires aux situations d’apprentissage : frustration et entrainement aux interactions langagières, reconnaitre ses manques. Apprendre, c’est accepter d’entrer dans un cadre et vivre un moment de solitude. Ceci déclenche l’arrivée de peurs et de déstabilisation.
 J. se protège par l’empêchement de pensée : évitement systémique du temps du doute nécessaire aux apprentissages, développement des stratégies de réponses immédiates. A cela s’ajoute la dictature du slogan qui s’appuie sur des poncifs ou quelques conformismes, d’où une inhibition intellectuelle ou une rigidité mentale. 

Quelles propositions ? 
Il faut éviter de vouloir combler les manques. Il faut l’aider à remettre en route un fonctionnement de la machine à penser, l’alimenter et l’entrainer à fonctionner. Comment ? en apportant de la culture : lecture de textes sur les questions existentielles puis faire passer ces nouvelles représentations en mots. Parmi ces lectures, les Contes de Grimm sont pertinents. A partir de ces lectures et d’un échange à partir de ce qu’il en a compris, petit à petit il  a pu  préciser sa pensée, se fabriquer une écoute puis revenir sur le récit. La construction d’un langage argumentaire s’inscrit dans le temps (environ 6 mois) mais c’est ce qui permet de supporter ce temps réflexif autour des apprentissages.
A partir de ce cas individuel, comment transférer ces propositions pour la classe ?

2 – Le nourrissage culturel 
Peut-on mettre cela en place cela dans les classes ? Serge Boimare affirme que oui en listant les  bienfaits de cette pratique :
– cela offre une chance d’intéresser les décrocheurs et aller les chercher,
– cela convient à tous les élèves et apporte une cohésion au groupe,
–  on construit un patrimoine commun pour étudier ensemble et donner du sens au savoir,
– c’est au programme de toutes les classes,
– on protège les enseignants de l’empêchement de penser.
Il souligne que faire ce travail en équipe dans une école multiplie la réussite. Il faut prendre du temps pour réinscrire ces élèves dans le développement de la pensée.
Il existe des applications en collège : une question d’équipe avec une rencontre hebdomadaire du groupe d’enseignants. Chaque séance est suivie d’un écrit sur un cahier de médiation culturelle. Ces traces ne sont pas forcément corrigées mais permettent de lancer les élèves dans l’écrit.

Les ateliers du matin : « Faire avec les différences sans les penser et les vivre comme des inégalités »

Dans l’atelier Parents/professionnels de l’éducation, rencontre pour une coéducation effective, Jean Bernardin accueille une vingtaine de personnes constituant un public varié : enseignants du premier et du second degré, animateurs sociaux, responsables de collectivités locales. Dans un premier temps, chacun va trouver trois bonnes raisons de travailler avec les parents ; puis il s’agira de préparer une réunion de parents avant de mettre en commun les différentes propositions. L’objectif est le suivant : comment prendre appui sur les compétences réelles des parents auteurs des premiers apprentissages pour les réhabiliter dans leurs capacités éducatives et construire avec eux une complicité éducative au service du développement et de la scolarité de leur(s) enfant(s) ?

Dans une salle du Petit Robespierre, l‘atelier  Tous capables d’apprendre ! Oui mais comment ? démarre avec une démarche de « texte à trous » pour faire approcher le concept de réflexivité mais sans en prononcer le mot puisque le texte doit apporter des connaissances à ce sujet. Il s’agit d’un texte de Jacques Crinon extrait du livre dirigé par Chabanne et Bucheton « Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire » (PUF,2002).

Une mise en activité individuelle, un travail en petits groupes et une mise en commun permettent de se plonger dans les rapports entre langage et pensée et de confronter ses idées avec celles des autres. Il est bien question de pratiques langagières scolaires plus efficaces et plus réflexives que d’autres selon les situations d’enseignement-apprentissage mises en œuvre.  Dans un deuxième temps, Justine Donnard, l’animatrice de l’atelier, donne quelques éléments théoriques en référence aux travaux de Bernard Lahire sur l’oral pratique des familles et l’oral scriptural de l’école et à ceux de Jacques Crinon qui préconise l’usage d’un « journal des apprentissages » avec les élèves.
Ceux-ci écrivent chaque jour ce qu’ils pensent avoir fait ou appris dans la journée de classe. Les élèves de Justine sont au CM2 et commencent souvent par des ressentis (j’ai aimé, c’était drôle), puis peu à peu, entrent dans les disciplines scolaires puis dans les savoirs à proprement parler. Par groupes, nous étudions les écrits de trois élèves à trois moments de l’année. Justine nous décrit précisément comment elle met en place ce dispositif. Une collègue dit l’utiliser en CE et une autre au collège. La conclusion renvoie à des « écrits intermédiaires », proches de ce que Vygotski appelait du « langage pour soi », « tout à la fois traces et outils de l’activité cognitive des sujets en train de résoudre des problèmes et construire des savoirs ».

Plus loin,on s’interroge autour de la phrase de Rimbaud « moi, suis-je un autre ? » et les représentations que nous entretenons sur l’égalité filles/garçons. Marie –Pierre Dubernet explique la genèse du projet dans l’école où elle enseigne. Tout commença par une activité d’acrogym où les groupes de 7 élèves devaient réaliser une pyramide puis en analyser la stabilité ainsi que le mode d’organisation choisi.  Pour poursuivre la réflexion, Marie Pierre propose la démarche « histoire de Julie » à vivre en accéléré lors de cet atelier. Soit un extrait d’un album de Christian Purel et sa traduction en espagnol : il s’agit de retrouver un choix de traduction qui ne semble pas correspondre au mot français. Pourquoi  « garçon manqué »  en français se traduit-il par « garçon mal éduqué, grossier » en espagnol ? Or dans l’histoire, il s’agit d’une fille « Julie » ; mais qui parle ainsi de Julie et à qui ? On comprend assez vite qu’il s’agit d’un échange entre ses parents sur le comportement de leur fille bien éloigné de leurs attentes. Mais ces attentes sont-elles les mêmes selon les cultures, les époques ? Sont-elles les mêmes pour une fille ou un garçon ? Deux groupes sont alors constitués : on donne à chacun des groupes une banque d’images issues de l’album « Julie qui avait une ombre de garçon ». Un groupe dispose des images de Julie, l’autre des images de son ombre (les deux groupes pensent avoir les mêmes images!). Il s’agit d’utiliser ces images, les coller sur une ou plusieurs feuilles et illustrer le hors-champ (qui est avec elle ? que pense –t-elle ? pourquoi cette position ?). Les productions sont affichées sachant qu’il s’agira de commenter l’exposition lors de la venue de l’autre groupe. Quelle surprise lorsqu’on s’aperçoit que selon le « genre » les attentes et les attitudes sont bien différentes ! Une démarche très stimulante donc qui permet de s’interroger sur ce qui fait blocage à l’égalité filles/garçons et pas toujours où l’on croit que ça se niche.

Dans l’atelier « Carte postale ? Mais c’est terminé avec internet ! «  le secteur arts plastiques propose d’aller au-delà de la perception que nous avons tous de nos aptitudes dans un domaine qui nous semble « étranger ». Tous à nos crayons, pinceaux, colle et ciseaux à l’encontre des idées du don mais sur le partage, la solidarité, l’étonnement et la surprise !

petite pause à la librairie

Ateliers de l’après-midi :  » Pas de liberté de pensée sans égalité de pensée « 

Justement parlons d’égalité : Le mot « égalité », ça veut dire quoi ?  Laurent Carcéles propose un partage d’expériences pour questionner l’égalité et mettre en route la machine à penser. Il présente la démarche qui va être vécue : « texte à trous  » que certains nomment « démarche vocabulaire » conçue dans les années 70 par des enseignants du premier degré ; c’est une situation à vivre où chacun est mis d’emblée en difficulté et contraint de s’appuyer sur le groupe pour réussir l’exercice. Pour l’instant, il s’agit de l’extrait d’un Rapport présenté au Sénat à propos d’une proposition de loi  en 1880. On comprend assez vite qu’il s’agit d’éducation mais de l’éducation de qui ? Il nous revient qu’un certain Jules Ferry était alors Ministre de l’Instruction Publique ; l’une d’entre nous se souvient même qu’il étendit aux jeunes filles l’enseignement secondaire, voilà ce qui pourrait nous aider à retrouver les « bons » mots. Pas si simple ! Malgré tout on retrouve l’essentiel et par la même occasion, on perçoit le chemin parcouru depuis cette période pour l’obtention juridique d’un accès à l’enseignement secondaire pour tous ; pour autant l’accès au savoir pour tous reste à construire. 

Dans la cour du Petit Robespierre, place au Théâtre de l’opprimé initié par Augusto Boal qui déclarait en 2009 à l’UNESCO lors de la célébration de la journée mondiale du théâtre : « Nous sommes tous des acteurs : être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer ». La méthode du théâtre de l’opprimé partage les convictions du GFEN : la conviction que l’être humain possède le langage théâtral (tous capables !) et la conviction que le théâtre comme l’éducation nouvelle peuvent et doivent être un outil pour changer le monde par une émancipation qui ne peut être qu’individuelle et solidaire. Quelques exercices d’échauffement pour apprendre à se connaître et se faire confiance, puis le groupe produit un théâtre forum qui est déjà l’occasion de changer la société : à partir d’une question d’actualité la troupe interprète une scène au dénouement dramatique dans laquelle se joue un rapport de domination. Une occasion de réfléchir, de mettre en action ses idées, ses alternatives, sa volonté de changer la situation.

Changer la situation, ce fut le combat des peuples colonisés dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Décoloniser les consciences : une urgence d’égalité! A partir d’un texte de Galieni après la démarche « questions préalables », il est demandé de faire le portrait du malgache selon les colonisateurs, sur un plan individuel mais également sur un territoire. Sous le trait de crayon de Pascal Diard, se reconstruisent les stéréotypes coloniaux : proche de l’état de nature, primitif, peu éduqué, vivant de peu, naïf. 

Il est rappelé la grande révolte de 1947 à Madagascar qui fut réprimée violemment. Pour les historiens, il existe deux conceptions de la décolonisation : la décolonisation (pacification)  ou la guerre de libération. Décoloniser les consciences s’applique  d’abord aux colonisateurs mais cela concerne également les colonisés qui ont intériorisé sans le vouloir certains des stéréotypes listés précédemment. Ce que décrit très bien Franz Fanon dans « Peau noire, masques blancs ». «L’objectivité scientifique m’était interdite, car l’aliéné, le névrosé, était mon frère, était ma sœur, était mon père».

Rencontrer l’autre, ses écrits, ses doutes et ses richesses. Le secteur écriture nous propose de s’inviter dans les parages et les pages d’une ville au détour d’un atelier d’écriture. Il s’agit de sortir des murs, d’écouter de manière inattentive, de se plier aux contraintes  cependant pour mettre en travail une langue. Commençons par une lecture de textes dont on retiendra quelques bribes pour faire une fresque à l’aide de feutres et de couleur. Avec comme seul bruit de fond le crissement de la pointe des feutres sur l’affiche, les textes défilent au sein desquels s’échappent les mots. Mais déjà on roule la fresque et on l’emmène ; on prend les feutres, un carnet et un stylo pour faire de la matière : vagabondage assuré !

De mots, il est encore question dans un « colloque des philosophes » réunissant Platon, Hobbes, Rousseau, Kant, Stuart Mill et Lucien Sève autour de la question « Les hommes sont-ils égaux ? ». Cette démarche construite par le secteur « philo » et animée par Nicole Grataloup semble répondre aux questionnements posés dans les autres ateliers. Quel concept de l’égalité peut nous être utile ? L’égalité est toujours à construire ; dans la pratique, selon que j’envisage une activité en pensant égalité ou non je ne pratique pas de la même façon. L’égalité n’est pas un état et selon le contexte elle se construit lorsque chacun s’autorise à dire « je » et apprend à dialoguer avec la pensée de l’autre. L’égalité s’appuie sur le principe de négociation de droits. De l’avis des participants, la démarche a permis de construire de l’égalité dans le sens où tout le monde est déstabilisé au départ, mais chacun a réussi à développer sa pensée dans un domaine qui n’est pas le sien.
Un grand merci aux organisateurs et petites mains locales qui ont permis un bon déroulement de cette journée. 

Jacqueline BONNARD
Voir aussi :

Comité consultatif ANLCI

L’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme (ANLCI) a été créée en 2000, sous la forme d?un groupement d’intérêt public, dans le but de fédérer et d?optimiser les moyens de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et de la société civile en matière de lutte contre l’illettrisme. Dans ce cadre, l’ANLCI mobilise et travaille avec et pour ceux qui agissent au niveau institutionnel et sur le terrain pour prévenir et lutter contre l’illettrisme. Son rôle est de définir des priorités d’action et d’accélérer leur mise en oeuvre : mesure de l’illettrisme, élaboration et diffusion d’un cadre commun de référence, impulsion et coordination de projets.

Le GFEN est membre du comité consultatif de l’ANLCI et participe aux différentes réunions de ce comité.
La dernière réunion s?est déroulée le 15 mai à la bibliothèque de la cité des sciences et de l’industrie.
Les points abordés
Le projet de pacte national pour agir ensemble contre l?illettrisme : « de la dépendance à la liberté » qui se décline en 10 engagements :
Ensemble de manière coordonnée et organisée
Regarder la réalité en face
Utiliser la définition commune de l?illetrisme
Installer des comités consultatifs régionaux
Créer un environnement inclusif pour que le numérique profite à tous
Proposer un accompagnement de qualité
Considérer l’accompagnement des personnes comme un investissement essentiel
Réaffirmer le rôle central de l?action culturelle
Agir dès le plus jeune âge et avec les familles
Associer les personnes concernées

– L’après-midi a été consacré à la présentation du projet « Détours et déclics » qui relate une vingtaine de projets portés par des associations locales qui interrogent la place de la culture pour permettre à ceux qui ne maîtrisent pas les codes linguistiques  d’accéder aux ressources symboliques qui fondent le sentiment d’appartenance à la Cité.

Deux supports ont été édités : un support écrit sous la forme d’un ouvrage édité par le Ministère de la culture, un film avec reportages, analyses, entretiens, contributions d’experts. Ce film réalisé par Philippe Worms : « Les orages, ça finit par passer » tourné dans des lieux très différents montre comment l’action culturelle  peut provoquer chez une personne en difficulté linguistique un déclic pour découvrir d’autres façons d’être au monde, de retrouver confiance en soi, d’accroître son pouvoir d’agir tout en participant à la vie de la cité. Témoignages forts qui interpellent tout citoyen sensible au problème de l’illettrisme et tout pédagogue soucieux de faire réussir tous les élèves quel que soit son milieu social d’origine.

Bande annonce : « Les orages, ça finit par passer… » écrit et réalisé par Philippe Worms à l’initiative du ministère de la Culture.

« Oubliés de la réussite scolaire, taulards ou exilés, ils se trouvent souvent dans des situation d’exclusion ou de grande précarité. Tous ont en commun d’avoir participé à des projets culturels et artistiques menés par des structures et associations de terrain soutenues par le ministère de la Culture (Délégation générale à la langue française et aux langues de France) à travers deux appels à projets « Action culturelle et langue française ». 
A travers ces actions, les enjeux pour eux sont gigantesques. Avec leurs mots, leurs émotions, ils se sont confiés ici, afin que d’autres, peut-être, fassent le même chemin. Car, avec beaucoup de volonté, d’humanité, et le soutien de personnes engagées corps et âmes dans ce travail, « les orages ça finit par passer ». »
 
Jacqueline Bonnard

Associations complémentaires de l’école : partenariat réussi avec L’ESPE Centre Val de Loire

Depuis 2015, sur l’académie d’Orléans-Tours, les associations complémentaires de l’école* se sont constituées en CAPE académique. En concertation avec le directeur de l’ESPé, une journée et demie de formation pour chacun des six sites départementaux  est proposée aux étudiants MEEF2 du 1er et du 2nd  degré. Intégrée au tronc commun de la formation, cette action porte sur La place du projet, le travail d’équipe et la dimension partenariale au service de la réussite de tous.

 
Lors de la rencontre avec le directeur de l’ESPE Val de Loire, une trame de l’action a été proposée avec les objectifs de formation associés. Il a été convenu que la première journée suivrait le même schéma directeur sur les six sites que compte L’ESPE, la troisième demi-journée s’appuyant sur des demandes locales des étudiants stagiaires. L’académie étant très étendue, ce sont les représentants locaux des différentes associations qui encadrent cette formation en accord avec les responsables de formation des différents sites de l’ESPé.
A partir du cadre académique, sur chaque département des équipes se sont constituées autour de deux référents pour proposer des ateliers permettant la découverte de la diversité d’un tissu associatif local aux valeurs communes : coopération, émancipation par le savoir, principe d’éducabilité, pédagogie du projet. La plupart du temps, ces ateliers sont co-animés par deux associations permettant une complémentarité de points de vue et/ou d’approches. L’exemple de la journée du site de Blois
Sur chaque site, une réunion avec le responsable de formation a lieu en amont ainsi qu’avec les responsables de filière le souhaitant. Ces points d’étapes permettent d’aborder les aspects matériels, les modalités d’inscriptions aux ateliers, la communication auprès des étudiants.
C’est au total un réseau de 70 militants qui s’est constitué sur le plan académique, organisés localement pour répondre à la demande. Pour la majorité des étudiants, c’est une véritable découverte tant sur le plan humain que pédagogique.
Le bilan des stagiaires
A l’issue de chacune des journées, un questionnaire (trois questions ouvertes + une question fermée) est proposé aux participants. Une très grande majorité des étudiants ont jugé cette journée intéressante voire très intéressante. Ils ont marqué leur étonnement en découvrant la diversité des associations partenaires de l’école, les valeurs affichées, le partenariat possible, l’apport pédagogique des ateliers proposés. Ils ont proposé des aménagements pour les années à venir : calendrier de ces journées, la durée de cette formation, les interactions possibles. Beaucoup d’échanges informels avec les animateurs d’ateliers et des contacts pour la suite.
Chacun de ces bilans a été envoyé aux responsables de site, aux animateurs des ateliers, au directeur de l’ESPE Centre Val de Loire.
Des effets inattendus
La préparation décentralisée a permis aux différentes associations de se rencontrer localement autour de ce projet et de renforcer les liens en organisant la co-animation. Si la trame de la journée était commune, les ateliers se sont construits en fonction des compétences locales. Et ce sont  70 animateurs locaux s’investissent sur les différents ateliers, créant ainsi un maillage sur l’ensemble de l’académie et une mise en réseau des militants associatifs.
Les DDEN ont depuis intégré le CAPE académique et nous accueilleront l’an prochain les Francas.
Jacqueline Bonnard
* La coordination du CAPE académique Orléans-Tours est assurée par le GFEN37 (Jacqueline Bonnard).  Une plaquette de présentation a été élaborée.

EPS et société – Dossier Spécial : L’EPS en primaire

Ce dossier spécial est un outil destiné aux enseignant.es du primaire. Il est le fruit d’un travail collaboratif entre une équipe de formateurs (ESPE, CPD, PEMF, CPC) et de professeurs des écoles qui expérimentent les situations proposées.

Ce dossier se décline en quatre thématiques
Les fiches APSA (Activités Physiques et Sportives Artistiques) qui sont des fiches pratiques  élaborées avec des collègues du premier degré et testées en classe. Ces fiches sont classées selon le niveau d’enseignement abordé : élémentaire ou maternelle. Chacune de ces activités donne lieu à une présentation détaillée dans laquelle les enseignants « testeurs » relatent leurs expériences à partir des situations proposées. Elle décline le but pour l’élève, les critères de réussite ainsi que les règles du jeu et les contraintes liées au milieu. Au-delà du « faire », les fins de séances sont l’objet d’une réflexion sur le sens du jeu et l’organisation. Il s’agit alors de prendre conscience de ce que l’on fait, d’évaluer sa performance et comment on s’y est pris. Seul, il est difficile de se « regarder pédaler » mais l’institution du regard extérieur (juges de performance, juges de limite garants des contraintes posées) permet de corriger le geste, de l’affiner pour progresser.   De la performance individuelle à la performance collective, cela se construit dans la jubilation d’avoir appris ensemble. Chaque proposition rappelle les attendus de fin de cycle, de possibles prolongements et une invitation à partager questions et  expériences  avec les concepteurs du dossier. Des textes théoriques permettent d’approfondir les notions et concepts abordés.
Des conseils pour enseigner l’EPS qui se déclinent en « repères » qui apportent des éléments programmatiques et institutionnels d’une part, des pratiques ciblant des activités sportives et artistiques qui peuvent apparaître aux professeurs des écoles difficiles à aborder (ex : danse, rugby, gymnastique) d’autre part.
– La thématique « EPS et enjeux de l’école » propose des textes qui répondent aux questions essentielles posées par l’enseignement de l’EPS. Cette partie s’adresse davantage aux étudiants qui préparent un mémoire, aux formateurs en quête de textes théoriques pour étayer leur propos, aux cadres intermédiaires lorsqu’ils préparent une conférence pédagogique : diaporama pointant les enjeux et les contours de l’EPS à l’école primaire, repères sur les APSA et les acquisitions à l’école primaire, l’EPS en tant que discipline scolaire, des réflexions comme « apprendre n’est pas jouer » (C. Passerieux et O. Bassis), « Egalité filles/garçons en EPS à l’école primaire : Enjeux et petits riens qui changent tout ! » (Claire Pontais). Apports complétés par un entretien avec Stéphane Bonnéry ou encore des articles de spécialistes.
– La partie « Recherches et débats » vise à faire vivre débats et controverses pour que l’on avance ! Il existe peu de recherches  sur l’EPS à l’école primaire. Ce dossier met en valeur le travail d’Antoine Thépaud  qui, lors d’une thèse sur les sports collectifs à l’école primaire,  a fait un tour d’horizon des recherches sur les contenus disciplinaires et les enjeux du processus d’enseignement apprentissage à l’école primaire. Ces recherches interrogent le statut scolaire de la discipline, les pratiques de référence selon le niveau d’enseignement, le rapport au langage dans les activités dites sportives comme facteur de développement de la pensée et des apprentissages moteurs.
Un dossier très intéressant et complet alliant pratiques et réflexions qui s’adresse à tous les professionnels de l’éducation (et pas seulement les enseignants ou formateurs) qui souhaitent aborder les activités physiques et sportives artistiques avec les enfants de trois à douze ans, en se posant la question des savoirs en jeu et ce délicat passage de l’acte à la pensée pour favoriser les apprentissages.
Jacqueline Bonnard
Mai 2018

Ecole maternelle: les assises ministérielles… et après ?

Suite aux assises ministérielles de l’Ecole Maternelle, le GFEN a pris l’initiative d’une réunion interassociative qui s’est déroulée au siège à Ivry le samedi 21 avril dernier. Elle a rassemblé de nombreux syndicats, associations et mouvements pédagogiques

24 personnes étaient présentes, représentant les organisations suivantes : AFEF, AFPEN, AGEEM, Collectif des ATSEM de France, Collectif Education 94, GFEN, ICEM, SE-UNSA, SNUipp-FSU. Etaient excusés : CEMEA, FNAME, FNAREN. D’autres associations avaient été sollicitées : SGEN, FCPE, CAPE, ANCP, CGT Educ’action
Des échanges fructueux ont eu lieu sur les positions respectives de chacune de nos associations, ce qui a participé à une meilleure connaissance mutuelle. De nombreuses thématiques ont été traitées et de nombreuses problématiques soulevées (nos visions des assises, les neuro-sciences, la co-éducation, la professionnalité enseignante, la bienveillance, les apprentissages, la formation, etc) avec une convergence de points de vues et l’accord principal suivant : l’Ecole Maternelle est une école à part entière, une école première où on apprend ensemble.
 
Le réseau constitué ce jour-là a décidé :
– de partager des documents sur un padlet avec accès protégé
– d’écrire et diffuser un communiqué de presse
– de l’élargir aux syndicats et associations non présents
– d’organiser en contrepoint des assises ministérielles, un évènement national appelé « FORUM DES ACTEURS ET DES ACTRICES DE L’ECOLE MATERNELLE » à Paris, bourse du travail le samedi 17 novembre 2018, de 9h à 17h
– des évènements locaux déclinés à différentes échelles et selon les associations présentes dans les territoires, durant la même période.
Une prochaine réunion aura lieu en juin pour donner des suites à notre action collective.
Télécharger le Communiqué de presse

Journal de l’alpha 208 : les conflits

Le journal de l’ALPHA est le périodique de LIre et Ecrire (Wallonie-Bruxelles). Il se propose d’aborder la notion de conflit au coeur des dynamiques d’alphabétisation populaire.

Maria-Alice Médioni (secteur Langues du GFEN) et Michel Neumayer (GFEN Provence) y ont écrit chacun un article.
  • Faire du conflit un levier pour l’apprentissage pour Maria-Alice Médioni. p.64 lire
  • Opposant ? Adjuvant ? Du conflit comme trésor pour le pédagogue pour Michel Neunayer. p11 lire

TRACeS n°234 Tous capables, Hein !? Un dossier de la CGé où les propositions se succèdent pour que la profession de foi devienne réalité.

Que nos amis de la CGé décident d’explorer notre pari philosophique dans un dossier, voilà qui nous intéresse et nous intrigue. Comment vont-ils le décliner? Quels angles d’attaque? Quel(s) public(s)? Questions de société? Questions de métier?

 
Tout commence par l’édito qui permet de revisiter le « tous capables » d’écrire un édito ! Au-delà du risque à prendre quel cadre bienveillant permet de dépasser ses peurs, de se dédouaner du regard de l’autre ? Ecrire un édito, c’est trouver dans les textes du dossier un fil conducteur, une problématique qui traverse les différents articles. « Croire au Tous capables amène finalement à se demander : à quoi sert l’école ? À quoi voulons-nous qu’elle serve ? Tous capables, oui, mais, pour faire quo? »
 
 
Posture exigeante. Véronique Baudrenghien pose le dilemme auquel l’enseignant est confronté lorsqu’il faut décider d’une orientation d’un élève vers un enseignement spécialisé. A-t-on raté quelque chose ? Est-ce une question de compétences professionnelles ? Après la décision prise à la satisfaction des adultes référents, d’où vient ce malaise lorsqu’on a le sentiment de séparer l’enfant de ses camarades d’une même classe d’âge ?  L’auteure constate la corrélation entre inégalités sociales et inégalités scolaires et  s’interroge sur le destin de ces enfants s’ils avaient été issus d’un autre milieu social : enfants d’enseignants par exemple. « Il s’agit ici de tout ce que les familles de milieux culturels proches de l’école peuvent mettre en place pour leurs enfants en grandes difficultés scolaires, parce qu’ils comprennent mieux les enjeux d’une orientation,  parce qu’ils ont les moyens financiers nécessaires pour suppléer aux manques d’encadrement dans l’enseignement ordinaire pour ces enfants [ ] ».
 
 
De fortes complicités. Jacques Liesenborghs revient sur le contexte dans lequel le « Tous capables » du GFEN s’est invité en Belgique dans les années 80 lors de formations : une véritable provocation !  Le vécu des démarches d’autosocioconstruction en ont convaincu plus d’un à inventer de nouvelles pratiques en puisant notamment dans les propositions de la pédagogie institutionnelle. Il s’agit d’un pari éthique s’appuyant sur le principe d’éducabilité qui transforme le regard posé sur l’autre, son propre rapport au savoir, à la société, au monde.
 
 
L’orthographe, un défi pour l’égalité ? Danièle Cogis identifie la maîtrise orthographique comme marqueur social même si les enfants de toutes les classes sociales peuvent être atteints par la peur de la faute. Elle démonte la croyance selon laquelle « c’était mieux avant » lorsque les enseignants ne présentaient au certificat d’études que les élèves prêts à réussir en dictée.  On est loin du mythe de toutes les grands-mères qui ne faisaient aucune erreur.  C’est par un apprentissage réflexif que la compréhension de la langue se construit et favorise une mise en ?uvre orthographique pertinente. 
 
 
Tous capables ? Mais de quoi ? Dominique Bucheton énumère les visées d’une réforme de l’éducation : apprendre à tout élève de penser par lui-même, qu’il inscrive son développement dans un contrat scolaire, qu’il trouve les formes d’enseignement et les dispositifs lui permettant de comprendre et de s’adapter aux attentes de ce socle, que les élèves apprennent à vivre et à travailler avec leurs pairs. Ce qui oblige à repenser collectivement le métier d’enseignant afin de s’adapter à la grande hétérogénéité sociale, culturelle et langagière des élèves accueillis. Cela peut passer par des changements simples pour commencer et oser faire varier les dispositifs dans la conduite de la classe.
 
 
Les Cerfs-volants de Trois-Ponts. Pascale Lassablière s’inscrit dans une filiation, celle du tous capables, tous chercheurs, tous créateurs depuis sa rencontre, il y a une quinzaine d’années avec Odette et Michel Neumayer. Elle présente le projet d’une maison de quartier et d’une bibliothèque pour accompagner de jeunes mineurs demandeurs d’asile en leur faisant vivre un moment dense et positif. Tout part d’un objet culturel très fort en Afghanistan : le cerf-volant. En fabriquer, en parler, écrire et échanger autour de la métaphore de l’objet : Quel rapport entre un cerf-volant et la vie ? En travaillant sur des textes de poètes ayant écrit sur la liberté, le vent, l’amour de la vie, les mots et les images surgissent. A chaque atelier, un texte collectif est produit et progressivement les relations se tissent.
 
 
Un support pour réussites. Marie-Luce Latran nous présente un outil mis en place dans sa classe de maternelle : un porte-folio qu’on nommerait en France  « cahier de réussites ». Loin de l’évaluation formelle, il permet à l’enfant de s’inscrire dans un projet : grandir dans la classe et à l’école. Chacun repère ce qu’il a réussi même si c’était difficile, appris : dessins, photos, dictée à l’adulte avant de présenter cela à ses parents lors d’une visite à l’école. Chaque enfant a l’occasion de mettre en avant ses forces et ses qualités et d’énoncer un défi. Un projet à analyser et à consolider.
 
 
La plasticité cérébrale, clé de l’apprentissage. Catherine Vidal montre que les neurosciences ont permis de modifier notre perception du développement du cerveau et de battre en brèche certaines théories selon lesquelles tout serait joué avant six ans : le cerveau est un organe dynamique qui évolue tout au long de la vie. L’imagerie cérébrale permet de visualiser les régions du cortex concernées selon les apprentissages et les grandes capacités de plasticité  de celui des enfants. L’opposition entre inné et acquis semble dépassé puisque l’interaction avec l’environnement est la condition indispensable au développement et au fonctionnement du cerveau. Mais à chacun son cerveau car aucun cerveau ne ressemble à un autre, chacun ayant son histoire personnelle faite d’interactions lors de rencontres personnelles et d’expériences individuelles. Mais peut-on voir un cerveau penser ? Chaque cliché est une image dans une situation pour une personne donnée et à un instant « t » et ne dit rien de ce qui la mobilise.  C’est dans la relation avec le monde et avec les autres humains que se forge la personnalité et que se structure la pensée.
 
 
 
Des visages, des figures. Thomas Michiels, volontaire dans une école de devoirs, aborde le thème de l’évaluation. A quoi servent les notes, interroge-t-il ? Il constate l’impact désastreux de la « mauvaise note » chez les élèves en difficulté au niveau de l’image de soi et de leur capacité à se projeter jusqu’à les conforter dans l’idée qu’ils relèveraient d’un enseignement spécialisé. La note devient un outil à trier et sélectionner qui renvoie à l’élève et ses parents la responsabilité de l’échec sans expliciter les pistes d’action à envisager pour surmonter les difficultés rencontrées.
 
 
Pourquoi l’idéologie des intelligences multiples plait-elle tant ? Pierre Waaub interroge : cette théorie sonnerait-elle le glas du tous capables ? Ou ne serait-elle qu’une nouvelle forme plus policée de justification des inégalités scolaires ? La proposition de Gardner est une théorie scientifiquement contestée et pourtant elle rencontre un certain succès dans le monde de l’éducation. Il existe une ambiguïté entre ensemble d’habiletés et intelligences. Pour valoriser un individu, on peut mettre en avant ses habilités et lui proposer des apprentissages s’appuyant sur « son type d’intelligence » au risque de ne pas développer chez lui d’autres aptitudes nécessaires à la formation de tout un chacun. Cette théorie permet de classer les élèves selon leurs intelligences et de proposer un panel d’apprentissages adaptés dans lequel chacun pourra picorer dans son bol ce qui le motivera à venir à l’école. Ceci va à l’inverse de ce qu’il faudrait : travailler toutes les habiletés avec tous les élèves pour les rendre tous capables de réussir des apprentissages dans tous les domaines, porter pour tous les élèves l’ambition d’une culture commune et exigeante.
 
 
 
Gênés en maths. Renaud Coché s’insurge contre le fatalisme affiché des « nuls en maths » et affirme que tous les élèves sont capables d’y réussir : mais sont-ils tous également capables ? Il réfute l’idée que sous prétexte que l’élève éprouve des difficultés en mathématiques, il faudrait lui en donner moins. Il propose d’adopter une autre posture : établir une relation de confiance et travailler progressivement sur le rapport de l’élève au savoir mathématique. Mais cela ne suffit pas à lever tous les obstacles lorsque les bases ne sont pas maîtrisées. La faute à l’évaluation ? Une extrême dépendance didactique aux années précédentes ? La question de l’enseignement des mathématiques est un dossier à investir.
 
 
Du sur mesure plutôt que de la taille unique. Joanne Deprez enseigne à l’école maternelle. Véronique Baudrenghien l’interroge sur le pari du Tous capables lorsqu’on accueille de jeunes enfants dont l’origine sociale est très hétérogène. Penser l’enfant capable d’apprendre c’est le mettre dans de bonnes conditions d’apprentissage, c’est l’accueillir tel qu’il est et rendre accessibles les savoirs visés. Certains ont davantage besoin d’étayage que les autres : selon les aptitudes et les comportements repérés, l’enseignant adapte les demandes pour stimuler le désir d’apprendre. C’est dans les activités quotidiennes qu’on peut repérer ce que les enfants sont déjà capables de faire  (pas besoin de test ou d’évaluation normée), et sur ce déjà-là, on bâtit des apprentissages « plus disciplinaires ».
 
 
Le CEFA, l’école autrement. Claudia Taronna relate le parcours de Paolo dans « cette école de la dernière chance ». Comment accueillir ces jeunes, primo arrivants, que la barrière de langue isole dans les relations sociales ? C’est par une prise en charge collective des différentes problématiques liées à son parcours de vie par les professionnels que progressivement la situation s’est améliorée : maîtrise de la langue, apprentissage des gestes professionnels, intégration sociale. Tous capables de mener chacun au plus loin de sa formation professionnelle, personnelle et sociale suppose de laisser à chaque jeune le temps d’exercer son pouvoir sur les choses, de faire des erreurs et progresser car on croit dans son potentiel et sa capacité de réussite.
 
 
       Un dossier très intéressant  donc  (à la conception graphique équilibrée, très agréable pour le lecteur !) qui permet de décliner ce pari du TOUS CAPABLES sur tous les niveaux de scolarité.  Il manquerait peut-être un volet concernant la formation initiale et continue des personnels de l’éducation en termes d’apports théoriques pour étayer le principe d’éducabilité.  Le parti-pris philosophique ne suffit pas à lever les doutes liés au paradoxe  du développement  de la pensée chez l’élève qui ne s’accompagne pas toujours d’une réussite scolaire dont les critères institutionnels s’appuient sur des compétences acquises dans les familles en connivence avec l’école mais de ce fait facteurs de discrimination pour les autres.
 
 
Jacqueline Bonnard
février 2018

Les enjeux du métier à l’école maternelle


Les enjeux du métier à l’école maternelle

Christine Passerieux

Rencontres Nationales du GFEN :

Pour que la maternelle fasse école. 27 janvier 2018

Il y a 10 ans les rencontres sont nées après que le ministre de l’époque, Xavier Darcos ait déclaré au Sénat : Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’Etat, que nous fassions passer des concours à bac+5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? Je me pose la question, ces personnes ayant la même compétence que si elles étaient par exemple institutrice en CM2

10 ans plus tard, Boris Cyrulnik, qui n?est pas un spécialiste de l?éducation mais neuropsychiatre affirme lors d?une interview à Ouest-France le 6 janvier : L’expérience montre que les enfants ne s’attachent pas forcément à celui qui a le plus de diplômes, mais à celui qui établit les meilleures interactions avec lui. Et aussi : quand les enseignants maîtrisent bien la relation, la transmission du savoir se fait très facilement. En dehors du fait que cette affirmation n’a aucune validité scientifique, on retrouve la rhétorique chère à Céline Alvarez (largement soutenue en son temps par l?’nstitut Montaigne et le ministre actuel) un peu dans l’ombre depuis que son expérience s’est révélée être une imposture puisqu’elle n’a jamais été évaluée. 10 ans après les premières rencontres, l’école maternelle est à nouveau sur la sellette, dans ce qui ressemble de plus en plus à une offensive contre l’école publique. Cela passe par une remise en cause du métier d’enseignant par les autorités de tutelles, par nombre de médias, sur le mode du mépris, de la culpabilisation, alors que ne cesse de grandir le ressenti partagé d’un véritable empêchement à faire son métier, c’est-à-dire à faire réussir les enfants lors de leur entrée dans les apprentissages scolaires. Et l’activité ainsi empêchée intoxique la vie professionnelle et personnelle, comme le remarque Y. Clot, ce qui crée chez les enseignants un sentiment d’impuissance, l’intégration d’une espèce de fatalité : alors que les propos de Darcos avaient fait scandale, ceux de Cyrulnik ne provoquent guère de remous ! Les annonces quasi quotidiennes concernant l’école provoquent un effet de sidération, qui paralyse et favorise le repli sur soi. 

10 ans après 

En dehors du contexte socio-économique général, de l’absence de formation initiale et de quasi disparition de la formation continue, les enseignants se trouvent depuis quelques mois confrontés à des prescriptions, voire des injonctions en contradiction avec les textes qui structurent leurs pratiques, à savoir les programmes. Ceux de 2015, malgré des limites et des ambiguités, ont été plutôt bien accueillis par la profession et ont favorisé, y compris dans un temps trop court et dans des conditions loin d’être idéales, des discussions sur le métier, un travail collectif de confrontation de pratiques, d’analyses, de questionnements. 
Quelques mois plus tard et alors que les enseignants n’ont pu ni complètement les intégrer faute de formation, et de temps, ni en mesurer encore les effets, les annonces ministérielles, via les médias se succèdent à une cadence infernale, et les remettent en cause.
les fondamentaux tels que définis par le ministre ne rendent pas compte de la complexité du développement enfantin ni des connaisances désormais établies sur ce qui différencie les jeunes enfants à leur entrée dans les apprentissages scolaires. Mais plutôt que de prendre en compte des années de recherche en sciences de l’éducation, il est fait appel pour la mise en place d’assises, à une personnalité qui n’a aucune expertise en matière d’enseignement, mais qui défend l’idée que les fondements de la théorie de l’attachement peuvent s’apprendre simplement et rapidement. Comment oser dire à des enseignants que quelques fondamentaux, simples et rapidement acquis, vont leur permettre d’exercer leur métier et de réduire l’échec ? Mais tout s’organise fort bien puisque Boris Cyrulnik dirige un organisme (Institut Petite Enfance) qui met en oeuvre des formations sur l’attachement et ne se préoccupe nullement de savoirs à transmettre, car là n’est pas son objet. On retrouve là un vieux serpent de mer qui revient régulièrement sur le devant de la scène et qui vise à faire d’une manière ou d’une autre disparaitre l’EM en tant qu’école. Le métier se trouve réduit au charisme individuel, à l’empathie certes nécessaire, mais rend les enseignants individuellement responsables de l’échec scolaire. Un échec en même temps relativisé par un ministre qui, sans aucune validation scientifique, affirme la différence de talents, remettant en cause la loi d’orientation. Une manière pas très nouvelle de justifier l’inégalité de l’accès aux savoirs. 
Retour aux fondamentaux qui évacue la dimension culturelle des apprentissages. Le langage appréhendé dans sa seule dimension lexicale ne permet pas de comprendre ce qui pose problème et encore moins d’apporter des solutions. En effet l’acquisition de vocabulaire, s’il est nécessaire ne répond en rien à la nécessité de passer d’un langage de communication à un langage d’élaboration, alors que là sont les plus grandes différences entre enfants. Parler de bain de langage, c’est laisser à penser qu’il suffirait de fréquenter des objets de savoirs pour se les approprier. Pas plus les bains de langage que les bains de lecture n’ont jamais réduit les écarts. Passer d’un langage du quotidien à un langage du questionnement, de la réflexion, de la formalisation nécessite de changer totalement de posture, de regard sur les objets et nécessite l’appropriation d?outils langagiers et cognitifs que tous ne maîtrisent pas quand ils arrivent à l’école. Véronique Boiron, Sylvie Cèbe, Stéphane Bonnéry, Elisabeth Bautier ont montré qu’entrer dans un texte littéraire exige un travail qui ne peut se mener dans la seule écoute d’un texte.   
Le pilotage du système scolaire par des indicateurs de performance est très en phase avec le discours des neuroscientifiques, qui met en avant l’évaluation dite «objective» des résultats de leurs expériences, y compris lorsque leur validité pose problème. Par exemple à propos du dispositif PARLER : au-delà de ses fondements pédagogiques, ce n’est pas la formation des enseignants qui est visée mais la promotion de modules clefs en mains, c’est-à-dire la diffusion d’un produit qui peut ouvrir un marché. C’est ce qui a permis qu’explose le marché Montessori, après la mise en avant de « l’expérience » d’Alvarez. Or, dès 2011 la DEPP concluait que ce dispositif ne produisait pas de différence significative entre le groupe test et le groupe témoin et Édouard Gentaz, professeur à l’Université de Genève, interrogeait en 2013 les liens entre le travail en laboratoire et celui de la classe . Le dispositif PARLER est promu par l’Association Agir pour l’école, émanation de l’Institut Montaigne, au nom de résultats convaincants, alors qu’ils ne sont pas avérés. […]

Les espaces parents dans les collèges : comment accompagner le développement d’une politique de coéducation ? »

Le 25 janvier, la Direction de l’Éducation et la Jeunesse de la Seine Saint Denis a organisé une journée sur la co-éducation, dédiée principalement aux partenaires du département et la communauté éducative.

Une journée de réflexion et d’échanges sur  les pratiques partenariales entre tous les acteurs impliqués dans la vie de l’élève et sur la mise en place d’une politique de coéducation au sein des collèges publics du territoire : « Les espaces parents dans les collèges : Comment accompagner le développement d’une politique de coéducation ? »
Jacques Bernardin, président du GFEN, y a tenu une conférence intitulée « Quels enjeux de la coéducation ? ».
Après avoir étudié les obstacles à la venue des parents de milieux populaires, il a mesuré l’impact de l’implication parentale sur la réussite scolaire au collège.
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Quels enjeux de la coéducation ?

Jacques BERNARDIN
(Circeft-ESCOL, Université Paris 8 / Président du GFEN) 
Les textes officiels, de la loi d’orientation au référentiel de l’éducation prioritaire, prescrivent d’instaurer des relations pérennes avec les parents, dans une démarche de coéducation visant la réussite de tous. S’il faut saluer l’investissement du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui veille à ce que les conditions optimales d’accueil des parents soient réunies, avec la construction de locaux spécifiquement dédiés dans les nouveaux collèges, il appartient désormais aux acteurs de terrain de les faire vivre. 
Vous témoignez, par votre présence, de votre engagement à cet effet. Cependant, nous savons tous que cela ne va pas de soi, tant cela dérange les habitudes des uns et des autres, de part et d’autre de la scène éducative. Si certains parents s’inscrivent volontiers dans cette démarche de coéducation et rencontrent aisément les enseignants, d’autres sont moins à l’aise vis-à-vis de l’univers scolaire et plus rétifs à venir au collège, notamment ceux de milieux populaires. Pourquoi ? Mieux vaut en connaître les raisons, car la méconnaissance réciproque est facteur de distance, de malentendus et de tensions, préjudiciables à la scolarité des jeunes.
Des obstacles à la venue des parents de milieux populaires  
1/ Leur rapport à l’école :
Outre des raisons objectives pour ne pas venir (compatibilités des horaires de travail, garde des enfants, etc.),  les parents qui ont peu fréquenté l’école, que ce soit à cause du contexte de leur époque ou parce qu’ils n’ont pas fait de longues études, ne sont pas très « chauds » pour y retourner. Plusieurs raisons à cela :
Le poids des souvenirs scolaires
Beaucoup de parents ont une expérience négative. Ainsi par exemple, ce père agent SNCF invité à évoquer son rapport à l’école, alors que sa fille entre au CP : « L’école, ça n’a été qu’une douleur. Je n’ai jamais rien choisi, on a toujours choisi pour moi » et un autre, cuisinier : « l’école, ça sert à rien. S’il y avait que moi, il n’irait pas à l’école ») . Certains évoquent des scènes d’humiliation, des paroles blessantes à leur égard ou à propos de leurs enfants. On ne va pas volontiers vers ce qui nous a rejetés.
Les conditions de la rencontre 
Les parents sont souvent appelés quand il y a des difficultés scolaires ou des comportements réprouvés : les pratiques familiales, les modes de vie peuvent être alors mis en cause. Etre convoqué, c’est le signe d’un problème, d’une conduite répréhensible. Ils ont le sentiment d’être suspectés ou désignés comme responsables de problèmes qui leur échappent, d’avoir des pratiques non-conformes, illégitimes par rapport à un standard implicite du « bon parent » (en fait, conduites propres aux classes moyennes et supérieures, érigées en modèle universel). Partagés entre inquiétude et culpabilité, les parents disent se sentir « sur la sellette ». La fuite est une manière d’échapper au contrôle social et à ce qu’on ressent comme une situation de domination ; l’agressivité est une autre manière de gérer ces situations inconfortables.
Les échanges avec les enseignants
Les interactions sont dissymétriques et inégales sur les plans institutionnel, culturel et langagier. Dans ces rencontres, il s’échange de l’autorité, de la reconnaissance ou de la dénégation de l’autre. Les parents sont extrêmement sensibles à la façon dont ils sont accueillis et à la tonalité des échanges, savent très vite s’ils sont réellement respectés et écoutés. S’entendre dire que son enfant a un comportement insupportable fait revivre ce qu’on a déjà vécu, réactive les souvenirs de sa propre scolarité. Les reproches de mauvais résultats ou de manque de travail renvoient à ce qui est ressenti comme une insuffisance parentale quant au suivi scolaire.  
L’auto-dévalorisation
Beaucoup de parents estiment ne pas être en mesure d’aider leur(s) enfant(s), en évoquant leur niveau scolaire ou leur trop faible maîtrise du français (« Ma femme et moi, on est pas beaucoup allés à l’école »). Ce sentiment d’infériorité, fréquent, conduit à cacher ce qu’on ressent comme un manque d’instruction. Parfois, les parents craignent que les rencontres produisent des effets négatifs sur leur enfant, et limitent les informations sur eux pour ne pas renforcer de perception négative des enseignants (et parallèlement, les jeunes eux-mêmes n’aiment pas que leurs parents viennent à l’école, et de moins en moins avec l’adolescence). Pour Daniel Thin, « De la même manière qu’il existe des formes d’autocensure dans les échanges langagiers, l’évitement de l’école par les parents, leur non-participation aux réunions, leurs silences sont des anticipations des sanctions menaçant leur présence, leur langage, leurs pratiques, leur être sur le terrain de l’école » . 
–      et le sens de sa place
Fréquemment, les parents de milieux populaires estiment qu’ils « n’ont pas leur place » dans l’école . Ils pensent ne pas y être légitimes, dans une logique de séparation assez stricte entre l’école et la famille, les enseignants étant jugés seuls spécialistes des apprentissages qui s’y réalisent. [  ]  lire le texte intégral

Dixième anniversaire des Rencontres Maternelle : 250 personnes y ont participé !

Les rencontres Maternelle ont réuni ce samedi 27 janvier 2018, à la bourse du travail de Paris 250 personnes, le record absolu de
participation depuis 10 ans. Certain.e.s sont des fidèles parmi les fidèles, venu.e.s chaque année ; d’autres régulièrement mais pas tous les ans. On s’y retrouve entre copines ou entre collègues, enseignant.e.s d’écoles maternelles, formateurs ou formatrices (nombreuses), étudiant.e.s de l’université Paris 8 et des ESPE, arrivant de Savoie, de Nantes, Avignon, Montreuil ou Bordeaux, de Bruxelles ou de Genève pour prendre « une sorte de bouffée d’oxygène » comme Christelle nous l’a écrit. Les Rencontres sont cette occasion unique dans le paysage annuel de s’enrichir mutuellement et penser collectivement le métier.

 
 

Le contexte actuel est inquiétant concernant les intentions du ministre pour l’Ecole maternelle. Il est bon de ne pas se sentir seul.e. Les Rencontres l’ont permis, en organisant  les regards croisés des sciences de l’éducation, de la sociologie, de la didactique, de la pédagogie en favorisant les échanges sur des questions vives et en faisant vivre des pratiques dans des ateliers de démarches et témoignages.

 
 
 
 

Merci aux intervenant.e.s, enseignant-chercheur.e.s, militant.e.s qui ont animé les ateliers. Merci à l’équipe d’organisation, merci aux participant.e.s, sans qui ces rencontres ne seraient pas ce qu’elles sont, un espace de reconnaissance du travail et de formation efficace, dans un endroit symbolique. Certain.e.s ont même eu du mal à le quitter samedi soir après la clôture.

 
 

Biennale de l’Education Nouvelle… Nous l’avons fait ! (1ère biennale-2017)

Près de 300 militants des six mouvements organisateurs* ont répondu présents à cette première biennale internationale de l’éducation nouvelle pour mieux se connaître, échanger, présenter expériences et pratiques : un programme riche et varié à retrouver sur le site de la biennale. Qui aurait parié sur cette réussite, il y a environ deux ans, lorsqu’à l’invitation des CEMEA, le comité de pilotage de cet évènement s’est réuni pour en définir l’organisation ? Le lieu, les contenus, les intervenants et surtout la faisabilité financière, autant d’interrogations nous avaient alors assaillis sur notre capacité à gérer tous les paramètres d’une telle entreprise.
 
 

Le lieu : l’ESENESR

Certains pourraient penser quil y a quelques contradictions à faire résonner les idées de l’éducation nouvelle dans ce lieu de formation des cadres de l’Education nationale. Ce serait oublier que cette maison financée par nos impôts fait partie du patrimoine commun. C’est un geste politique de l’investir en la meublant de slogans et pensées d’éducation nouvelle, comme un pied de nez à quelques bonnes vieilles recettes sur le retour contre lesquelles nous nous insurgeons en posant les enjeux de notre action  : accès pour tous à une éducation émancipatrice porteuse d’un haut niveau d’exigence.

En ouvrant cette biennale, Jean-Luc Cazaillon (directeur général des CEMEA) a posé les visées de cette manifestation : « Face à la montée d’idéologies de l’exclusion et de fermeture aux autres, face aux dangers de marchandisation de l’éducation, luttant pour promouvoir la culture et l’éducation pour tous, les valeurs de laïcité, de démocratie et pour la défense des droits humains, nos mouvements ont un message fort à affirmer, mais aussi des débats à impulser alors même que se développent des discours pauvres et démagogiques sur ces sujets. » (discours d’ouverture)
 
Les contenus : conférences, tables rondes, débats, forum des pratiques ont alimenté ces quatre jours de rencontre alternant les formats pour un échange constructif sur les convergences de points de vue mais également les différences d’approches traversant les mouvements. Plus de 50 propositions d’ateliers de pratiques dont 9 du GFEN, 15 débats, 4 tables rondes où nous étions représentés à chaque fois, de quoi permettre à chacun de se « faire son parcours ». (re)voir le programme

Les conférences portées par Edwy Plenel, Claude Lelièvre, Marjorie Vidal ont rappelé ce dont les mouvements d’Education nouvelle sont porteurs : un idéal politique d’émancipation, un mouvement permanent qui se renouvelle grâce à une autodaxie constante.

Dans une ambiance aussi studieuse que fraternelle, le programme a été ponctué de rendez-vous culturels et de détente organisés par des militants locaux : à l’espace Mendès France (centre de culture scientifique, technique et industrielle) avec une intervention de Philippe Meirieu, la projection du film « une journée dans la classe de Sophie » à Canopé, une pièce de théâtre à la Quintaine, salle de spectacle de Chasseneuil du Poitou : « Gisèle. Le combat c’est vivre » suivie d’un repas convivial, sans oublier le marché des producteurs pour découvrir les spécialités locales ou encore ces espaces de détente où chacun pouvait à loisir prendre un verre, s’essayer au jeu ou feuilleter un livre. Un grand merci aux organisateurs et animateurs qui ont su allier réflexion et convivialité.
Le dimanche matin, les initiateurs de la Biennale ont reçu le prix de l’association des amis de Jean Zay. Ce prix récompense une personne ou une organisation qui par son activité professionnelle et pratique et par la nouveauté de ses idées en matière de pédagogie  rend des services signalés à l’Éducation, à la culture et à ce qu’il est convenu d’appeler l’Éducation populaire.

Philippe Meirieu,  grand témoin de ces quatre jours tonifiants, a proposé dans sa conférence de clôture douze chantiers pour l’éducation nouvelle en reprenant quelques thématiques rencontrées à l’occasion de cette biennale : coopération, réflexivité, clarté de la formulation… pour « chercher, résister, combattre ». lire le diaporama de l’intervention

Il souligne que « Les tenants de l’éducation nouvelle, née dans les années vingt aux lendemains de la Grande Guerre, s’interrogeaient sur l’avenir de la société et des enfants. C’est encore le cas aujourd’hui. ». Il ajoute : « J’ai trouvé ici de l’exigence, des gens attentifs à la rigueur des apprentissages, loin du prêt-à-porter pédagogique. Il n’y a pas de recettes, pas de dogmes, on a parlé travail ».
Dans le discours de clôture, les organisateurs dressant un premier bilan de « cette aventure coopérative arrivée à bon port » soulignent que si des points sont à améliorer, d’ores et déjà un patrimoine commun est assuré permettant d’envisager un prolongement à cet évènement. Une édition 2019 et certainement une autre en 2021, pour le centenaire de la création de la ligue Internationale de l’Education nouvelle !
Formidable ovation de tout le public au final pour remercier les équipes d’accueil, de transport, d’hébergement, de restauration, de communication, de régie, de librairie et table de lecture, de convivialité, des espaces et environnements suscitants, de secrétariat, de sécurité, d’orientation, de propositions locales, de remplacement sans lesquelles le succès de cette biennale n’aurait pas été possible.
*Ceméa, les CRAP/Cahiers pédagogiques, la FESPI, l’ICEM, la FICEMEA et le GFEN
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Des liens pour compléterLe site de la biennaleSur le site de Philippe Meirieu :
Le diaporama de son inervention : « 
Que peut la pédagogie face aux défis d’aujourd’hui ? » lire

Sur le site des cahiers pédagogiques
– Un projet pour la société lire
– L’éducation nouvelle promeut le débat pédagogique inventif lire

Sur le site de Médiapart

L’éducation Nouvelle : chercher, résister, combattre lire

Sur le site de l’AFEF lire

Mais également

Sur le blog de Jean-Michel Zakhartchouk
Biennale de l’éducation nouvelle, le plein d’énergie. lire

Jacqueline BONNARD

Biennale de l’Education Nouvelle

Du 2 au 5 novembre se déroulera la première Biennale Internationale de l’Education Nouvelle à l’ESEN-ESR, sur la technopole du Futuroscope à l’initiative de six mouvements pédagogiques. 250 participants dont une trentaine d’internationaux sont attendus. Près de cent ans après la création de la Ligue Internationale de l’Education Nouvelle, les Ceméa, le Crap-Cahiers pédagogiques, la Fespi, l’Icem, la Fi-Ceméa et le GFEN s’associent afin de mettre l’éducation active, la pédagogie, la formation, la recherche au coeur d’un espace collectif de réflexion, de partage d’expériences et d’échanges.
Des débats, tables rondes, conférences rythmeront cet évènement. La conférence d’ouverture sera faite par Edwy Plenel, Claude Lelièvre viendra apporter un regard historique sur l’Education nouvelle, Marjorie Vidal se tournera vers l’avenir. Philippe Meirieu sera présent du début à la fin de la manifestation, comme « grand témoin ». Il tentera de tirer les fils entre les différentes activités, de synthétiser les apports de l’Education nouvelle aujourd’hui et de proposer des perspectives.
Savoir et émancipation, formation, innovation, création et/ou culture, laïcité, parole des jeunes, neurosciences, marchandisation de l’éducation, voici quelques thématiques qui irrigueront les échanges et les travaux des militants pendant ces quatre jours. La totalité des propositions sont consultables sur le programme.

9ème UE du secteur Langues. Changer ses pratiques

Changer ses pratiques

Entre remaniements, déplacements,
renversements et coups de balais
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22-25 août, Vénissieux
70 enseignants se sont retrouvés à la 9ème université d’été du secteur Langues du GFEN, durant quatre jours dans l’École du centre de Vénissieux pour réfléchir et travailler collectivement à ce que signifie et suppose changer ses pratiques. Pari audacieux en cette période de « marche arrière, toute ».

Jour 1 : « Le savoir comme énigme « 

Dans le discours d’ouverture, Maria-Alice Médioni dresse l’état des lieux de cette rentrée scolaire qui voit s’installer au ministère l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire de Luc Chatel. Elle pointe la volonté de « détricotage » de ce qui a pu être fait antérieurement « en surfant sur le mécontentement » des élus locaux sur la mise en place des rythmes scolaires ou des enseignants sur la réforme du collège. On voit poindre un retour aux « bonnes vieilles recettes » comme le recours au redoublement, le retour aux fondamentaux : « Lire, écrire, compter » alors que, selon Eurostat, qui vient de publier son rapport annuel sur les temps d’instruction en Europe, l’école française est déjà celle qui y accorde le plus de temps.
N’oublions pas la réduction des effectifs à 12 élèves par classe en CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire au détriment du dispositif  « plus de maîtres que de classe » dont l’évaluation est en cours. Pourtant nombre de recherches montrent qu’il n’y a pas de corrélation entre la baisse des effectifs et la réussite des élèves si elle n’est pas accompagnée de changement de pratiques.
Le changement des pratiques, c’est le sujet de cette université qui propose d’y réfléchir dans le concret d’une pratique enseignante exigeante qui nécessite des remaniements, des déplacements lorsqu’on considère les problèmes autrement, voire des renversements en retournant la situation totalement sans oublier les coups de balai pour un nettoyage en profondeur de ce qui semblait aller de soi. C’est un véritable défi que d’oser rompre avec les habitudes non pour changer l’habillage sous couvert d’innovation (artéfacts numériques par exemple) mais pour porter le regard sur les gestes professionnels, la posture des apprenants et celle de l’enseignant. Chacun est donc invité à revisiter avec audace ces questions au cours des ateliers, démarches, mises en situation qui posent des problèmes et proposent une élaboration collective des réponses. Lire le texte d’ouverture

Une même démarche à vivre pour tous : Comment se construisent les savoirs ?

Trois ateliers en parallèle animés par Nathalie Fareneau, Valérie Franc, Maria-Alice Médioni, Valérie Péan, Eddy Sebahi.

 
A partir de problèmes d’ordre épistémologique (histoire des sciences et des techniques, de sociologie, d’ethnologie, de psychologie cognitive, d’ergonomie, de linguistique), il s’agit de résoudre des énigmes qui ont été celles de l’humanité. Après un échauffement « trouver trois synonymes de savoir comme une aventure humaine« , les échanges portent sur les différentes conceptions du savoir ou de la connaissance, de la part de l’individuel et/ou du collectif.
Puis des énigmes issues de différents champs disciplinaires sont réparties dans les groupes. Chaque groupe en reçoit une qu’il doit tenter de résoudre. Pas évident de se replacer dans une époque historique pour contextualiser la demande : « Comment faisaient les bûcherons de l’Ancien Régime pour évaluer le cubage d’un arbre ? » ou « Comment faisaient les arpenteurs du pharaon quand les crues du Nil avaient tout effacé ? ». Quelques savoirs scolaires remontent à la surface : on sent bien qu’il y aurait bien du Thalès ou du Pythagore là-dessous mais ces bucherons et ces arpenteurs connaissaient-ils ces théorèmes ? Quelle place d’un théorème dans la construction d’un savoir d’expérience ? Lors de la restitution, chacun affute ses arguments et l’on s’aperçoit qu’il n’est pas simple de faire le pas de côté nécessaire pour imaginer une solution cohérente. Les documents-ressources apportant la réponse aux énigmes permettent de mesurer l’écart entre nos représentations initiales et les savoirs mis en oeuvre par les agents historiques.
Chaque groupe élabore ensuite un schéma permettant d’identifier  les différents types de savoirs repérés, leurs relations et les conditions de leur production. Les affiches sont présentées et commentées.
Dans l’analyse qui a suivi, il apparaît que tout savoir se construit en réponse à une question ou un problème qui se pose à un groupe social : c’est un processus qui s’inscrit dans le temps et nécessite la confrontation de points de vue, des ruptures, des inter-relations multiples entre les individus d’une même société mais également entre différentes sociétés. Dans la démarche proposée, il a été mis en évidence l’importance d’une réflexion individuelle avant la phase de travail en groupe, l’apport de chacun à la construction collective et l’accompagnement bienveillant des animateurs de l’atelier.

Jour 2 : « Transformer le rapport au savoir »

Le matin. : quatre ateliers en parallèle
 
Roger Fusté Suñé  nous fait  pénétrer dans l’oeuvre d’un des artistes catalans les plus importants du XXème siècle, Joan Miró. Miró, ou comment « devenir chaque jour plus maladroit ». Chacun y est entré par le processus de la création conçue, contrairement à l’image souvent véhiculée, non comme un acte magique, mais comme un travail observable, permettant à la fois de mieux le comprendre et de le rendre plus proche, plus « étincelant », selon le mot de l’artiste.
Maria Alice Médioni propose de revisiter le verbe GUSTAR ou aimer à toutes les personnes. Que de débats à propos d’un verbe si ordinaire dans la langue espagnole ! Que de confusions entretenues par les explications simplistes fournies aux élèves pour aider ! C’est vrai que GUSTAR oblige l’apprenant francophone à se décentrer par rapport à ses conceptions. Une démarche pour permettre la prise de conscience jubilatoire de tout le parti qu?on peut tirer de ce verbe.
Valérie Franc invite à la compréhension de quelques codes du Flamenco, une rythmique, une letra. Un genre difficile du fait de sa complexité technique et de sa codification extrême, mais aussi, pour un public adolescent, de l’éloignement culturel, du rapport au corps et à l’altérité qu’il propose. Un atelier où le corps et l’intelligence sont constamment sollicités, interagissent et qui a animé différents espaces de cette cour d’école.
Agnès Mignot travaille la localisation en allemand pour des enfants de l’école primaire en prenant appui sur le conte des frères Grimm « Le loup et les 7 chevreaux ». Grâce aux nombreuses péripéties qu’il offre, ce conte permet l’articulation entre localisation et compréhension de l?intrigue. A l’aide de cartes imagées, il s’agit de suivre la « dictée dessinée » en reclassant les éléments du décor énoncés. Progressivement mots et chiffres sont mémorisés. Puis arrivent les personnages principaux du conte, le chevreau et les emplacements possibles pour les cachettes. Lorsqu’il s’agit d’utiliser ces cachettes utiles lors de l’arrivée du loup, le brouillon d’oral permet de s’entrainer à utiliser les prépositions. La présence de 3 genres en allemand est matérialisée par 3 colonnes. En effet les mots sont ordonnés selon ce critère et l’organisation du tableau de correspondance constitue une aide à la production orale entre localisation/préposition/article. Progressivement, l’histoire est reconstituée grâce à une banque d’images.
L’analyse qui a suivi a porté sur le rôle de l’activité, la posture du prof, le rôle de l’écoute. L’activité à la fois physique et intellectuelle (agencer et ordonner) vise l’appropriation d’une langue par prise d’indices ou moyens mnémotechniques et grâce aux inférences avec une autre langue. L’élève essaie de donner du sens (chronologie, orientation spatiale) tout en mémorisant les mots. L’activité en petits groupes permet de travailler la place de l’erreur par la confrontation de points de vue, s’organiser dans une construction collective. La validation des exercices est faite par les élèves. L’écoute favorise des entrées successives dans la compréhension facilitées par les paroles en allemand et les mimes de l’animateur. en savoir plus
L’après-midi : quatre ateliers en parallèle
Jessika Picarle dans Le geste et le trait nous fait découvrir ce qui se cache derrière l’écriture chinoise. Dessin de la réalité ? Dessin d’une idée ? Et derrière le rempart de ces traits sur lesquels il ne nous semble pas y avoir de prise ?  Un atelier, comme une clé pour entrer pour entrer dans ce système d’écriture si lointain, où le geste fait sens. Florence Bourgade aborde l’éclipse. Et si la culture, les connaissances, les savoirs étaient nécessaires mais pas suffisants pour transformer le monde et le rendre plus tolérant et fraternel ? Comment transformer le rapport au savoir pour en faire une ressource de transformation du monde ?
Et si on s’émancipait des frontières spatio-temporelles ? C’est le défi lancé par Eddy Sebahi en réunissant le temps d’un colloque « virtuel », des artistes qui ne se sont sans doute jamais rencontrés ? Andy Warhol, Agatha Christie, W.H. Auden et Benjamin Britten ont accepté l’invitation. A chacun d’apporter sa pierre à cette initiative. Mais pour cela, pour pouvoir prendre la parole en leurs noms respectifs, il a fallu s’outiller, et comprendre le regard que porte chacun de ces artistes sur l’art, sur la création, sur le monde.
Qu’est-ce qu’on attend pour oser ? Quand les impasses deviennent des tremplins. Aude Limet propose aux participants un outil permettant d’explorer le paysage intérieur dont nous sommes porteurs. Derrière les mots mettons-nous les mêmes images ? Sans jugement de valeur, essayons de comprendre les différentes réalités d’une même situation selon les points de vue des différents acteurs. Avec l’aide du groupe et en utilisant le langage épuré, il s’agit de revisiter certains évènements qui ont fait rupture et d’en comprendre le sens.
 
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Après une pause restauration : conférence gesticulée par Vicky Juanis et Fabien Masson
Fabien et Vicky
Tous analphabètes !
Vicky et Fabien sont travailleurs en alphabétisation en Belgique et membres de l’association Lire et Ecrire, pris entre le marteau des politiques d’intégration, d’activation, des subsides et l’enclume des méthodologies, des pédagogies et de leurs propres modèles d’apprentissage. Ils nous invitent à entrer dans leur univers peuplé d’hommes et de femmes que la vie n’a pas épargnés mais qui, malgré tout, veulent apprendre à parler et lire dans la langue du pays d’accueil, et vite !
Lire au quotidien, c’est quoi ? Le matin, je regarde l’heure sur mon réveil. Je regarde si j’ai reçu des messages sur mon téléphone, j’en écris un ou deux en réponse, puis je vais lire les nouvelles du jour sur internet. Je vais sur un site de météo, un petit tour sur des blogs que je suis. Puis je réponds à deux-trois mails, note de nouveaux rendez-vous dans mon agenda. Je consulte l’heure du bus et m’en vais (en courant) l’attraper. Je lis un livre en attendant mon arrêt. Quoi de plus banal comme début de journée !
Sauf que depuis des décennies, pour une personne sur dix c’est totalement impossible : elles ne savent ni lire ni écrire ; exclues de ce monde de l’écrit. Chacun a son histoire, son itinéraire : dans beaucoup de pays le droit à l’école dépend des conditions économiques des familles qui sont contraintes de choisir celui qui pourra y aller. Au gré des migrations, certains arrivent dans nos pays mais le rêve se brise sur une réalité qu’ils essaient coûte que coûte d’apprivoiser en entrant dans les dispositifs qu’on leur propose dans l’espoir de garder la tête hors de l’eau. Devant Vicky, on voit défiler un monde haut en couleur aux langues et accents divers, avec des préconceptions qui percutent les meilleures intentions de l’animateur en alphabétisation. Avec humour, Fabien décrypte ses impasses et ses réussites tout en ayant conscience que les décideurs dont il dépend se soucient fort peu de la formation de ces travailleurs en alphabétisation. Un moment très fort de partage, exempt de misérabilisme, où la question du changement des pratiques s’impose aux professionnels pour mettre en cohérence gestes professionnels et valeurs humanistes. Situation qui interroge directement l’école et sa mission lorsque les analyses montrent qu’aujourd’hui, en France, 7% des adultes ayant été scolarisés sont en situation d’illettrisme.

Jour 3 :  » Aventure individuelle dans une dynamique collective » 

Intervention d’Olivier Maulini, professeur associé à l’Université de Genève et Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation (LIFE)
 
Dans un premier temps, Olivier Maulini s’arrête sur le projet de l’UE. Donner un coup de balai sur les pratiques, est-ce une rhétorique propre au GFEN ? Dans les universités, on est sensé faire cela, mais quelle réalité ? Faut-il cela dans les pratiques ordinaires ou l’ordinaire des pratiques ? Ce dialogue entre les marges et la page porté par le GFEN interpelle l’institution : les militants sont-ils trop exigeants lorsqu’ils réclament un échange entre recherche militante et recherche universitaire?
Changer les pratiques est une question éminemment politique. On peut distinguer trois niveaux : un niveau tautologique « bouger pour changer » en espérant que cela apporte quelque chose ; un deuxième niveau « bouger pour mieux faire » dans une logique de perfectibilité ; un troisième niveau « bouger pour transformer la société ». Les situations en France et en Suisse sont différentes. Ce qui compte en France, c’est la puissance du verbe lorsqu’en Suisse on recherche la concordance qui consiste à accepter de se serrer la main et rester ensemble en trouvant des modes d’accommodements pour conserver les différentes conceptions. Mais force est de constater qu’actuellement le savoir émancipateur devient de moins en moins répandu.
Les enseignants ordinaires changent leurs pratiques souvent pour se faire plaisir, ils acceptent d’aborder cela sur le mode du dialogue. Il y a un contrat dans la manière d’interagir pour éviter la confrontation. Prenant l’exemple du débat sur l’autorité, Maulini démontre que le conflit cognitif est un conflit de normes : instaurer les règles en positif ou négatif, ce n’est pas la même chose. Mais sur le terrain, « chacun fait comme il veut », il faut que « ça nous corresponde ». Les jeunes enseignants ont un corpus idéologique très fort le corpus convivialiste (individualisme, authenticité, épanouissement, différenciation). On est loin du savoir émancipateur qui fait comprendre le monde et donne envie d’aller vers de nouveaux savoirs (insubordination cognitive). Dans l’articulation théorie/pratique, deux courants s’affrontent : les pragmatistes qui misent sur l’espoir plutôt que le savoir ; les rationalistes qui disent que la vérité est le résultat des discussions. Il faut faire l’effort de se donner un monde commun, installer un arbitrage par l’expérience, l’enquête, l’argumentation. L’enseignant doit être le garant pour éviter la rupture du contrat pédagogique.

Quelle évolution des pratiques (sur deux millénaires) ?
Dans l’histoire de la pédagogie, il y a la rhétorique pédagogique et la pratique, la rhétorique du renversement et le déroulement du changement. C’est une valse à trois temps : l’ère du compagnonnage, l’ère du quadrillage, double contrainte et différenciation.
Le compagnonnage se caractérise par la transmission du savoir avant l’invention de l’école et ce, dès le paléolithique : les jeunes générations apprennent par imitation et imprégnation. La théorisation est subsidiaire : on ne pose pas de question pendant le travail mais après si nécessaire. L’ère du quadrillage (Foucault) consiste à rationaliser les rapports sociaux pour un meilleur rendement. Dans ce cadre l’exposition théorique domine et les pratiques sont auxiliaires. On voit apparaître les disciplines et le quadrillage du savoir qui rationalise l’accès du savoir avec le poids de la religion. Chacun peut l’utiliser dans l’objectif qu’il souhaite. L’exposé par l’enseignant prédomine, les jésuites instaurent les notes de 1 à 6 pour éliminer la fin de la cohorte. Double contrainte et différenciation : on cherche un équilibre entre savoir et pratique. Le projet de l’Éducation nouvelle est de proposer des situations avant d’exposer. D’autres assument cette contrainte en instaurant la différenciation. Les indicateurs d’équilibrésitation de cette période se caractérisent par : une forme scolaire problématisée (variété, variations, négociations) ; le triomphe du discours dialogué (entre contrôle et participation), le maître se calant sur l’élève « moyen fort » ; l’empilement des dispositifs institués (recours à l’élève qui ne suit pas), réponses symboliques au tri social. Dans ce cadre, le mouvement de fond se définit par la sécularisation des rapports sociaux entre socialisation et subjectivation, une double extension du moi entre revendication et discussion des droits, une légitimation instrumentale ou symbolique ou composite ou stratégique.
Quelles options pour demain ? 
Elles peuvent être politiques : libéralisation ou bureaucratisation ou professionnalisation. Elles peuvent être éthiques : conviction, responsabilité, monde partagé. Elles peuvent être pédagogiques : double conceptualisation de la pratique et de la théorie via des unités significatives de signification car le concept est un outil d’émancipation, approche qui est caractéristique du GFEN.
A l’instant « t », comment les pratiques pédagogiques changent-elles, et pour quel profit exactement ? Elles peuvent changer pour au moins deux raisons : d’abord parce que nous le voulons, ensuite parce que nous changeons aussi à notre corps défendant, voire inconsciemment. Une part d’idéalisme est ainsi nécessaire pour imaginer d’autres manières de faire ; et une dose de réalisme pour éviter de s’aveugler, de se tromper de cible ou de méthode, bref, de confondre nos désirs avec la réalité. 

des auditeurs attentifs
 
Après-midi : quatre ateliers en parallèle
C’est bien connu pour mémoriser, il faut répéter et répéter sans cesse : enfin c’est ce qu’on dit ! Dans son atelier, La tête et les jambes. Et le reste, Eddy Sebahi pose le paradoxe de la répétition au service des apprentissages : on répète rehearsing, mais on ne répète pas repeating! Un atelier en anglais pour penser des stratégies de mémorisation avec de jeunes apprenants à partir d’un incontournable des écoles primaires ! L’idée étant de cesser d’apprendre par le conditionnement du « mime collectif », qui ne permet, par l’imitation, que de réussir la tâche sans jamais comprendre. Dans cet atelier, on est mis en situation de pouvoir mobiliser les ressources au-delà de la simple exécution d’un chant amusant. Dans une salle voisine, Valérie Soubre propose une démarche d’écriture/réécriture à partir d’un album de littérature jeunesse, Frédéric de Léo Lionni, transposable en toutes langues. Des provisions pour l’hiver : entrer dans la pratique de l’écrit, en donnant du sens à la réécriture et montrer que l’écriture commence avant la mise en page sur un pari : tous capables ! Dans l’atelier Le Réceptionniste, Valérie Péan propose une réflexion sur la compréhension, l’acquisition du vocabulaire et la remobilisation des acquis dans des tâches de résolution de problèmes. Cet atelier met en avant une modalité de travail qui permet d’utiliser le collectif et l’hétérogénéité du groupe comme un levier, comme une ressource pour porter plus loin le travail d’acquisition de la langue. Non loin de là, voyageons en terre inconnue et pourtant si proche géographiquement : le pays gaumais. Christine Corbi nous propose un parcours intérieur à la découverte d’une culture, d’une langue. Reporter en terre gaumaise, nous plantons le décor : paysage vallonné, villages et rivières, bois et senteurs mais aussi les forges et fonderies des siècles passés. En France ? En Belgique ? Au Luxembourg ? Parfois les frontières semblent artificielles. Par le biais d’une fable « les deux chiens », on s’essaie à la langue gaumaise pensant y reconnaître quelques mots mais attention au contresens ! Progressivement en associant mots et tournures de phrases aux jeux d’images, on reconstruit collectivement le sens de l’histoire jusqu’à en comprendre la morale.

Jour 4: « L’avenir en projets »

Pour cette dernière matinée, les trois ateliers proposés explorent des pistes pour « faire autrement ». Michèle Prandi nous propose Une baignade à Asnières : de la National Gallery à la classe. Dans une période où les finalités des voyages scolaires échappent parfois aux acteurs, elle aborde quelques pistes pour saisir les opportunités d’un tel projet en s’appuyant sur la pluridisciplinarité. Approche mathématique, approche artistique, approche des mots, approche d’un moment de l’histoire : un essai pour changer le regard et faire parler le tableau pour le découvrir. Autre grand classique de l’activité scolaire et ce, quelle que soit la discipline : l’exposé que Maria Alice Médioni invite à revisiter. Cette activité séduisante à première vue pour rompre avec le cours magistral est souvent frustrante car l’exercice est plus difficile qu’on ne croit et la prestation parfois inintéressante pour tout un chacun. Comment faire pour rendre tous les apprenants acteurs et sujet de la tâche ? L’atelier vise à créer une situation de construction collective, où chacun peut s’emparer de la recherche produite par d’autres.
Embarquons-nous,  Agnès Mignot interroge l’idée selon laquelle les élèves apprennent mieux « lorsque c’est ludique ». Elle nous organise donc une recherche au trésor pédagogique ! Epreuves à la recherche du son, du sens, des jeux grâce à un fonds de ressources impressionnant : bibliothèque de livres jeunesse, comptines et jeux divers, banque sonore et visuelle pour s’initier aux virelangues. Chaque groupe explorant une piste permet à tous de découvrir lors de la restitution collective différentes facettes de ce qui peut apparaître ludique dans l’activité. Dans l’analyse qui a suivi, ce qui a semblé le plus intéressant dans cette proposition, c’est l’approche kinesthésique associée à la nécessaire coopération entre les participants pour faire progresser l’ensemble du groupe La pratique du jeu en pédagogie ne se suffit pas en elle-même, elle doit s’accompagner d’une réflexion sur ce qui s’apprend en s’appuyant sur la force du collectif.
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La synthèse de clôture de Marie Alice Médioni s’articule autour de trois questions : Pourquoi changer ses pratiques ? Pourquoi faire ? Quelles urgences ?
Le changement peut être suggéré ou imposé de l’extérieur et caractérisé par une technique, une méthode ou une procédure. Plusieurs caractéristiques du changement : l’éphémère, l’alternance, l’inertie. Mais ce qui est nouveau, l’est par rapport à quoi ? Le changement s’enracine dans des amonts qu’ils soient déclarés, occultés ou ignorés. Il présuppose que l’intention est de mieux faire mais cela peut survenir par une demande pressante, des incitations. Elle rappelle la citation de Jean Houssaye (2014) : « [ ] si les choses ne bougent pas, ou pas vraiment, c’est bien parce que, majoritairement les enseignants font tout, ou presque, pour cela. [ ], l’isolement et l’individualisme forment une combinaison favorable au conservatisme pédagogique. Les enseignants privilégient les formes d’enseignement « ayant fait leurs preuves », ils limitent les risques. » C’est que cette aventure implique une prise de risque et l’abandon des routines familières ; le changement est facteur de créativité mais aussi d’incertitude, de désordre et de conflit. Mais ne pas changer ne comporte-t-il pas des risques ?
Souvent le changement se heurte à des résistances et chacun se questionne sur les finalités du changement. S’il y a nouveauté, la rupture est-elle suffisamment subversive pour transformer véritablement les pratiques ? L’institution ?
« Certaines pratiques aux habits de modernité peuvent s’avérer discriminantes, leurrer les élèves sur ce qui importe, les aveugler sur l’essentiel faute de clarté. Pour le GFEN, l’innovation est moins dans l’habillage des situations que dans une refonte de leur conception et de leur conduite pour créer les conditions d’une réussite partagée, au sein d’un collectif classe solidaire. » (GFEN 2013)
Quelles urgences aujourd’hui ? Une mise en oeuvre effective et de l’émancipation, une autre conception de la formation. Cela nécessite une autre pédagogie basée sur le pari de l’éducabilité, l’accent doit être mis sur la réussite et la compréhension des enjeux de l’apprentissage.   Rien ne se fera sans une élévation du niveau de conscience politique des enjeux d’appropriation de ces savoirs et des logiques sociales qui participent à la disqualification scolaire. Pour cette mise en place, plutôt que des exécutants dociles, les enseignants doivent être des expérimentateurs hardis ! Lire la synthèse de clôture
Les participants sont cordialement invités à participer aux prochaines activités ou manifestations prévues pour la prochaine année scolaire.
Mais ce compte-rendu serait incomplet  sans les remerciements à David Rouveure et son équipe pour l’organisation sans faille de l’accueil et de la restauration : convivialité qui installe ce cadre sécurisant propice à toute réussite !
Jacqueline Bonnard
photos : Jacqueline Bonnard et Eddy Sebahi

Lire les documents de l’UE et le calendrier de l’année sur le site du secteur Langues

Stage de rentrée à Chartres

Réussite de tous : des intentions aux actes

Stage de préparation de rentrée

Chartres, 28 et 29 août 2017

Dans un contexte d’incertitudes sur les intentions du ministère de l’éducation nationale en ce qui concerne les principes et objectifs de la politique de la Refondation, 49 enseignant.e.s issu.e.s de maternelle, élémentaire, collège, formateurs.trices venant d’Eure-et-Loir mais également d’autres régions se sont retrouvés les 28 et 29 août 2017 dans les locaux de l’ESPÉ de Chartres pour participer au stage de préparation de la rentrée « Réussite de tous : des intentions aux actes »

Lors de ce stage, chacun a choisi de participer à 3 ateliers parmi les 8 proposés : « Le théâtre au service des apprentissages », « Construire appétence et compétence à écrire », « Construire un projet de lecteur en maternelle », « Activités en lecture pour aider à la compréhension d’un texte ? », « Ecrire dans toutes les disciplines pour apprendre et penser », « Faire place aux activités de création : les enjeux dans les apprentissages coopératifs », « Ils manquent de vocabulaire ! », « Résolution de problèmes en mathématiques de la maternelle au collège ».
Le dernier après-midi a été consacré à la préparation de la rentrée : tenir sa classe ou la constituer ?
Chacun puis par petits groupes était invité à explorer la consigne suivante : « A partir de votre expérience professionnelle et de ce que vous avez vécu lors du stage, qu’est-ce qui vous semble de nature à mobiliser-remobiliser les élèves sur les apprentissages, à construire une posture d’apprenant dès le premier jour de la rentrée. 
Quelles caractéristiques des situations d’apprentissage ? Quelles formes de travail ?Quelle conduite de classe et posture de l’enseignant.e ? »
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Ce qui suit rend compte des travaux des groupes 

Quelles caractéristiques des situations d’apprentissage ?

– Apprendre à connaître dès le début d’année, par des questionnaires , le sens qu’ils donnent à leur présence à l’école et à la scolarité, leur rapport au savoir et à apprendre. Quelles sont leurs représentations et les moyens qu’ils pensent devoir mettre en œuvre pour apprendre ?
– Mettre en place des défis collectifs : projets, challenges, démarches de construction de savoirs et de création qui constituent la classe comme collectif d’apprenants solitaires et sont de nature à restaurer une image positive de soi et ses capacités, notamment chez les élèves les plus fragiles.
– Des situations ambitieuses, pour être à la hauteur de leurs attentes, où les élèves sont chercheurs, se questionnent, osent prendre la parole pour expliciter ce qu’ils ont fait et comment, débattre, justifier, argumenter, qui « autorisent » le brouillonnage de la pensée et les erreurs, facteurs inhérents à tout apprentissage qui est, historiquement, un processus fait d’erreurs successivement rectifiées.
« [ ] Les fonctions essentielles de l’intelligence consistent à comprendre et inventer, autrement dit à construire des structures en structurant le réel. Il apparaît, en effet, de plus en plus que ces deux fonctions sont indissociables puisque, pour comprendre un phénomène ou un évènement, il faut reconstituer les transformations dont ils sont la résultante et que, pour les reconstituer, il faut avoir élaboré une structure de transformations, ce qui suppose une part d’invention ou de réinvention. Or, si les théories anciennes de l’intelligence (empirisme associationniste, etc.) mettent tout l’accent sur la compréhension (en l’assimilant même à une réduction du complexe au simple, sur un modèle atomistique où la sensation, l’image et l’association jouaient les rôles essentiels) et considéraient l’invention comme la simple découverte de réalités déjà existantes, les théories plus récentes et de plus en plus contrôlées par les faits subordonnent la compréhension à l’invention en considérant celle-ci comme l’expression d’une construction continuelle de structures d’ensemble. » (Piaget)
– Lever les malentendus sur ce qui est attendu : les exercices ne sont qu’un prétexte à faire leçon.
D’où l’importance des moments de retours réflexifs qui incitent les élèves à « tirer leçon » du faire pour construire les notions travaillées et expliciter les stratégies intellectuelles mises en œuvre.
– Commencer à construire des référentiels communs : outils de référence (Cf. affichages) et procédures utilisées.

Quelles formes de travail ?

– Créer un cadre structuré – structurant par une organisation spatio-temporelle et une ritualisation de certaines activités, notamment en tout début d’année.
– Prendre en compte le temps des élèves : faire alterner les activités qui demandent une grande concentration et d’autres qui sont moins exigeantes.
– Systématiser le débat de preuve : c’est moins la justesse de la réponse qui est attendue que la capacité à justifier de la pertinence des éléments de preuve qui amènent à la proposition d’une réponse.
– Construire une cohésion du groupe classe par des défis, des jeux, des projets…
– Articuler des temps de travail individuel — travail par petits groupes ou en équipes — travail collectif, adaptés aux objectifs d’enseignement (en savoir plus sur  le travail de groupe)

Conduite de classe – posture de l’enseignant

– Créer un cadre sécurisé / sécurisant : prise en compte de la parole des élèves, encouragements à oser, acceptation de la non-maîtrise, valorisation des progrès, recherche des « champs de réussite » des uns et des autres.
– Pour un enseignement explicité (pour en savoir plus) : la pensée part de l’action pour retourner à l’action
* Penser avant d’agir : éclaircir les enjeux, le but de l’activité et les moyens à mettre en œuvre pour la réaliser. Repousser le moment du « faire ».
* Agir et penser : les pauses de régulation pour réorienter le travail, faire des relances…
*Agir pour penser : structurer les apprentissages en prenant du recul par rapport à la tâche effectuée, notamment lors de séances de découverte d’une nouvelle notion.
– Retour réflexif à l’issue de l’activité et/ou en fin de journée : Identifier l’objet central de l’activité : « Qu’ai-je appris ? »
– Expliciter les dynamiques intellectuelles : « Qu’est-ce qui m’a aidé ? Gêné ? A quoi vais-je devoir faire attention lors de la prochaine séance ? »
– Relier à ce qui a été fait antérieurement pour dévoiler la progressivité des apprentissages
– Explorer des suites possibles.
– Éviter autant que possible les relations duelles avec l’élève qui a des difficultés et vient demander une aide, espérant parfois que l’enseignant résolve à sa place le problème posé ! Relancer la question au petit groupe et/ou au groupe classe.
– Etre fiable : dire ce qu’on fait et surtout faire ce qu’on dit.
– Une bienveillance qui ne soit ni complaisante ni condescendante : le respect se marque par l’exigence accordée moins aux comportements qu’à la qualité du travail intellectuel demandé.
– Savoir se taire pour « autoriser » les élèves à oser parler ! Être celui/celle qui renvoie en miroir les propositions des élèves pour les obliger à expliciter,  justifier,  argumenter.
– Rapports école/milieu environnent : construire une clôture symbolique qui ne soit pas clôture sociale.

Pour conclure : face aux critiques adressées par certains à la pédagogie et aux pédagogues, face à un avenir incertain il est urgent de construire des collectifs professionnels solidaires qui se réapproprient le travail enseignant pour construire l’émancipation intellectuelle des élèves et participer à la réalisation d’une École véritablement démocratique.

Les valeurs à l’épreuve des pratiques : valeurs à l’école, valeurs de l’école

Les 10èmes Rencontres Nationales de Saint Denis se sont déroulées le 25 mars, à l’IUT de la Halle Montjoie. Au-delà des discours sur le « vivre ensemble », c’est au coeur même des pratiques que les valeurs prennent sens, celles qui prônent « l’apprendre ensemble » et visent la réussite de tous. Tâche difficile lorsqu’il s’agit de faire partager les valeurs de la République pour Jean Paul Delahaye ou enseigner le monde social pour Jérôme Deauviau.

Dans son introduction, Jacques Bernardin rappelle que dans cette période de rendez-vous politiques décisifs, il est important d’interroger ce qui est au fondement du lien social : les valeurs qui lesquelles un groupe social s’appuie pour faire corps. Pour ne prendre que celles qui s’affichent au fronton des écoles « liberté, égalité, fraternité », quelle(s) réalité(s) recouvrent-elles lorsque l’école a tant de mal à enrayer les inégalités sociales et que l’individualisme s’installe battant en brèche les principes de coopération ou de solidarité. Lire le texte d’ouverture

Jean-Paul Delahaye, IGEN honoraire, ancien directeur de l’enseignement scolaire et auteur du rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire » (2015) ouvre ces rencontres sur la difficile mission de l’école lorsqu’il s’agit de faire partager les valeurs de la République. Reprenant les textes fondateurs, il rappelle que depuis sa création, l’école de la République a toujours eu mission de faire partager aux élèves ces valeurs. Il affirme que « la République ne pourrait exister si l’école ne formait pas ou ne formait plus de républicains. Cette mission n’est donc pas optionnelle, elle est obligatoire, [ ] et que l’on est Français parce qu’on adhère à ces valeurs dont on connaît l’histoire et les combats ». Principe repris par les deux dernières lois de refondation.

Mais pour rendre possible le partage des valeurs de la République, il faut que l’école et la société agissent de concert. Comment transmettre les valeurs de respect des règles et des institutions, de l’effort ou de la solidarité quand la société prône l’argent vite gagné, le culte de l’individualisme ou la défense des intérêts particuliers ?
Si la mission de l’école est difficile, c’est parce que l’ensemble de la société est en mal d’intégration. Prenant l’exemple de la charte de la laïcité, il s’insurge contre une tendance à croire que seules les populations défavorisées ou d’origine immigrée auraient besoin de recevoir un brevet de laïcité. Le problème aujourd’hui est que certains conçoivent le « vivre ensemble » comme un « vivre entre soi, sans contact avec les autres ». Il donne en exemple le refus des habitants du XVIème arr. de Paris d’un lieu d’accueil pour personnes en difficulté, les qualifiant même de « nuisances ». Lorsque la mixité sociale est considérée comme un drame épouvantable par certains, les valeurs de la République ne sont-elles pas en danger ?
Et la question des valeurs n’est-elle pas en lien avec la justice socio-économique au sein de la société ? Dans les territoires en grande détresse sociale, les habitants les perçoivent  davantage comme des incantations que des réalités vécues. De façon générale, « les zones d’exclusion et les ghettos ne sont pas compatibles avec l’idéal républicain ».
Proclamer le « vivre ensemble » tout en refusant le « scolariser ensemble », c’est dénoncer de les inégalités de façon théorique sans rien faire pour les combattre. C’est l’institution scolaire elle-même qui doit donnerl’exemple de pratiques conformes aux valeurs qu’elle doit faire partager auxélèves.
Ce faisant, Jean Paul Delahaye poursuit par un propos optimiste car il existe des établissements ayant des pratiques en cohérence avec les valeurs affichées : promotion d’une éthique éducative basé sur le principe d’éducabilité, affirmation que la promotion de tous ne nuit à personne et que l’hétérogénéité est un tremplin. Ces établissements sont accueillants. Ils sont justes (note comprise, orientation consentie), non laxistes, respectueux et ambitieux pour tous les élèves. Car en fait, on sait ce qu’il faut pour réussir (toutes les pratiques ne se valent pas) et on a dépassé certaines contradictions. Il faut savoir réunir et animer les réseaux en s’appuyant sur le principe de coéducation et permettre une diversification des parcours scolaires. Il existe des marges de manoeuvre inexploitées et au-delà du choix pédagogique il faut s’interroger : quel type de citoyen veut-on former ? lire le texte intégral
L’après-midi, les participants se répartissent dans différents ateliers

Atelier Citadelle.

Créée par Colette Charlet et reprise par le  groupe odébi, cette démarche propose d’interroger le processus de création dans la rencontre entre écriture et arts plastiques à partir du mot citadelle. Dans un premier temps, on pose les mots qui viennent sur une fresque pour en faire ensuite une lecture effervescente où chacun imprime sa vision du monde. Il n’y a pas de citadelle interdite… alors construisons ensemble ! A partir d’une banque de photos de « citadelles », on repère puis extrait les éléments supposés caractéristiques d’une citadelle. Et les murs sortent de terre à partir des matériaux mis à disposition, oeuvres collectives de qu’il conviendra de visiter. Dans la phase d’analyse, les processus de construction se mettent à jour dans leur complexité.

Dans une autre salle,  le propos porte sur l’exercice de la démocratie par la pratique du débat (colloque et controverse). La démarche s’appuie sur un travail mené en classe avec des élèves de 5ème. Comment  les négatifs sont-ils devenus nombres ? Quels obstacles rencontrés ? 

En petits groupes, les participants sont confrontés  à des travaux d’élèves dont les résultats s’affichent sur les murs. Dans un premier temps, les élèves ont donné leurs représentations sur les nombres négatifs qui s’appuient sur une approche matérielle des nombres et posent la problématique de l’addition, de la soustraction et du « zéro ». Les blocages des élèves sont les mêmes que ceux rencontrés par les hommes lors de la construction des règles de calcul. Où l’on découvre que les règles se construisent par tâtonnements et sont l’objet de débats. Par la mise en place d’un jeu de rôle (Vous êtes banquiers. A la fin de chaque mois, vous faites le bilan des comptes en banque de vos clients), on passe d’une écriture symbolique des calculs à l’élaboration  de règles de calcul qui amènent à comparer des nombres relatifs puis à rompre avec la représentation majoritaire : « soustraire, c’est diminuer ». Le colloque permet d’inscrire les élèves dans une histoire de savoirs mathématiques qui se sont construits par tâtonnements. La verbalisation permet d’éclaircir les notions.

Sur l‘Île des religions, on planche sur une situation où les 500 derniers survivants de l’humanité se retrouvent sur un même territoire et tentent de cohabiter  dans le respect des différentes religions. Il s’agit d’imaginer deux ou trois scénarii pour envisager un cadre commun : jours travaillés, fêtes religieuses, échanges, partage des lieux de vie, éducation des enfants. La décision de « cadre commun » est due à la nécessité de la survie suite aux évènements tragiques récents. Deux scénarii possibles : consensus ou guerre civile où les plus nombreux prendraient le pouvoir (alliance forcée). Un autre scénario serait de se séparer géographiquement selon la culture d’origine (risque de conflit et de guerre). A moins qu’on ne soit sur une ritualisation de l’ancien ou une technocratie en raison des urgences vitales qui nécessite une coopération.

Chaque groupe   essaie ensuite de catégoriser les scénarii proposés en s’appuyant sur six types d’organisations politico-religieuses. La  réflexion est approfondie  grâce à des textes théoriques sur la laïcité.

Quant à démontrer que la Terre tourne autour du soleil (mais dans quel sens ?) et pourquoi on ne voit pas la même chose dans le ciel selon les moments de l’année (mais comment le prouver ?), c’est l’objet de l’atelier  » Esprit critique contre dogmatisme : en sciences, croire ou savoir, on peut choisir ! »  Les participants sont répartis en trois groupes. Chaque groupe a une facette du phénomène et va représenter corporellement leur interprétation du problème. Dans quel sens la terre tourne-t-elle  et à  quelle vitesse ? La rotondité de la terre, quelle preuve d’après le texte d’Aristote (comment à l’instant « t » on ne voit pas la même chose en face selon le lieu d’observation sauf pour ce qui est au-dessus?). Pourquoi la terre tourne autour du soleil (le déplacement de la terre permet d’expliquer les différentes constellations vues au fur et à mesure de l’année) ? Pas facile d’être le soleil ou une planète lorsqu’on est soi-même partie prenante du phénomène étudié. Mais le fait d’essayer d’interpréter les observations (corporellement, verbalement ou en dessinant) permet de structurer sa pensée.

Après l’intervention de Jérôme Deauviau  portant sur  « Enseigner le monde social : enjeux et pratiques », Jacques Bernardin a invité à participer aux différentes initiatives prochaines :
A lire sur le Café Pédagogique, dans l’Expresso du 27 mars  :

  • Rencontres GFEN : Comment mettre les valeurs républicaines en pratique à l’Ecole ? lire
  • Jacques Bernardin (GFEN) : Maintenir vivant l’objectif de démocratisation de l’Ecole lire
Jacqueline Bonnard

Accompagner les élèves. Jean-Pierre Bourreau et Michèle Sanchez

 
 éditions Chronique sociale, 2016. 139 pages. 12,90 euros
 
 

Dans la plupart des établissements du second degré, des dispositifs d’aide personnalisée ou d’accompagnement se multiplient. Qu’est-ce qu’aider l’élève de façon personnalisée ? Comment l’accompagner dans les apprentissages? Et si l’accompagnement commençait d’abord au sein de la classe.

Pour basculer de l’Accompagnement personnalisé (AP) à l’accompagnement dans la classe, les auteurs (enseignants du second degré et formateurs) proposent cinq « renversements » possibles qui peuvent s’opérer progressivement dans le cadre du cours pour aider tous les élèves à réussir. Utilisant la parabole du voyage accompagné suivant un protocole, ils déclinent les gestes professionnels utiles pour permettre à chaque élève de trouver sa voie.
 
 
 
Le premier renversement : inverser les rôles dans le couple parler/écouter.
S’appuyant sur le fait que majoritairement, la réalité de la classe est « le cours dialogué » durant lequel l’enseignant parle  à des élèves qui écoutent au risque de ne pas comprendre et apprendre, ils prônent une écoute active de ce que les élèves auraient à en dire. Dans la pratique de l’accompagnement personnalisé en groupes restreints, les auteurs caractérisent ce qu’une écoute active signifie : montrer aux élèves qu’on est là pour accueillir leur parole, faire expliciter les propos des élèves tout en favorisant les interactions, respecter leur parole. Ce qui semble des évidences n’est pas chose facile à établir tant les habitus (aussi bien du côté de l’enseignant que de l’élève) freinent la rencontre des points de vue. Cette écoute active n’est pas qu’une question de techniques, c’est aussi l’installation d’un cadre sécurisant pour chacun du groupe de paroles et la mise en place de retours réflexifs sur les apprentissages.
 
 
Deuxième renversement : passer du face à face au côte à côte.
Traditionnellement, l’interaction enseignant/élève se fait en face à face. Comme pour l’accompagnement d’un groupe de voyageurs, les auteurs proposent de passer au « côte à côte » pour cheminer avec les élèves ; ils isolent trois registres de l’accompagnement : guider, cheminer avec, soutenir. Chacun de ces registres correspond à des positionnements différents de l’accompagnateur tantôt devant, à côté, derrière selon qu’il souhaite diriger, conduire, assister, secourir.
Pour guider un groupe d’élèves, deux points de passages obligés : fixer le cadre organisationnel des séances, permettre à chacun d’entrer dans la réflexion. Le cadre proposé s’appuie sur un même schéma temporel : le quoi de neuf ? et le retour sur la séance précédente en début de séance, une activité commune, une clôture de séance avec la pause « fil rouge ». Ceci impose le respect du temps alloué à chacune des phases. Pour entrer dans la réflexion, un temps de réflexion individuelle précède les échanges de points de vue en petits groupes qui peuvent se prolonger par une production d’affiches ou d’écrits collectifs. Cheminer avec un groupe d’élèves, suppose que le parcours emprunté ne soit pas entièrement balisé mais s’adapte au fur et à mesure des besoins, des ressentis, des réactions. Souplesse qui s’accompagne néanmoins d’une anticipation d’une séance sur l’autre tout en évitant de se tromper de chemin. Chemin difficile pour certains qu’il faudra soutenir sans focaliser sur les difficultés en mettant en place un accompagnement personnalisé discret et en faisant le pari du soutien par le groupe de pairs. Il est parfois utile de stimuler le cheminement des élèves en apportant des informations utiles en lien avec les interrogations des élèves, non pour donner des recettes mais pour fournir les éléments utiles à une réflexion pertinente. C’est le rôle de l’expert que de servir de passeur. Mais rien ne se fera sans la mise en mots des « difficultés à  » et l’accompagnateur se doit d’être facilitateur en formulant ou en faisant reformuler les élèves pour qu’ils accèdent à une connaissance des possibles. Ces deux rôles de l’accompagnateur ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et l’on passe de l’un à l’autre au cours d’une même activité. Ce qui amène à transposer cet accompagnement personnalisé au sein même de la classe : on peut aisément le faire lors des travaux de groupe centrés sur une production (orale ou écrite), lors de la conduite d’un projet pluri ou interdisciplinaire au niveau d’une classe, dans le processus d’apprentissage des élèves dans les tâches complexes ou encore lorsqu’on anime des débats au sein de la classe.
 
 
Troisième renversement : laisser le temps au temps.
Les auteurs préconisent d’instaurer un autre rapport au temps des apprentissages et de la formation. Faut-il obéir à la sacro-sainte obsession de terminer les programmes ou laisser aux élèves le temps de faire des pauses, leur accorder le droit de réfléchir au sens donner à leur expérience scolaire ? Il est sans doute difficile aux enseignants de stopper le cours de la progression mais l’accompagnement personnalisé offre la possibilité de faire « des pauses réflexives » pour un retour sur les savoirs en jeu dans les cours. Si l’exercice s’avère difficile dans un premier temps, il est bénéfique tout particulièrement aux élèves en difficulté peu habitués à s’interroger sur leur capacité à apprendre et à reconstituer « le puzzle   d’un savoir en miettes » pour en tirer profit. Par l’échange entre pairs, sous le regard bienveillant de l’animateur qui suit et relance le débat, chacun peut reconstituer la trame d’un cours, d’un documentaire, d’une lecture suivie.  Il en est de même pour les « gestes d’études » où chacun peut comparer son propre fonctionnement à celui de l’autre, non en concurrence mais en complémentarité.
Très souvent le temps scolaire n’est pas en concordance avec la temporalité personnelle de l’apprenant. Quand la formation imprime un rythme ou un contenu trop éloigné des attentes de l’élève, l’entreprise perd de son sens. Lorsque des jeunes sont dans une situation de survie, la recherche d’une rentabilité immédiate prend le pas sur la mise à distance d’efforts inévitablement infructueux à court terme. L’accompagnement personnalisé doit permettre ces « parenthèses » où l’institution permet une pause et favorise des temps de passages dans d’autres structures pour confirmer ou infirmer l’envie de s’engager dans une filière. Le temps du détour, lorsqu’il est valorisé, restaure l’image de soi et l’engagement du jeune dans la voie ainsi choisie. Mais toutes les bonnes intentions et dans les limites du cadre institutionnel sont vouées à l’échec si l’on n’accepte pas l’idée que les jeunes ont un autre rapport au temps.
Cette expérience de l’accompagnement personnalisé pose la question de la transposition des éléments observés dans les temps de formation en classe et en établissement : pause réflexive à l’issue d’un cours ou d’une séquence dans des modalités diverses et à instituer de façon collective. Mais cela suppose certainement pour bon nombre d’enseignants un véritable travail sur soi et une véritable réflexion sur les attendus des programmes : perdre un peu de temps en début d’année en instituant des « pauses réflexives » peut permettre d’en gagner par la suite.
 
 
Renversement n°4 : se centrer sur l’élève en tant que personne en construction.
L’école a tendance à tendance à s’intéresser davantage aux performances scolaires de l’élève qu’à son développement personnel, c’est même une part importante de la tâche de l’enseignant qu’on nomme évaluation qu’elle porte sur le comportement, le travail, les résultats, ses compétences. On oublie souvent que derrière ces notes et commentaires, il existe des personnes inscrites dans un environnement familial et social qui influe sur cette performance. Du fait du petit nombre d’élèves en accompagnement personnalisé, il est plus facile d’installer une relation interpersonnelle et de prendre en compte l’individu dans sa globalité plutôt que de l’aborder en termes de résultats chiffrés. Tous entrent dans ce dispositif en raison de difficultés repérées par l’équipe éducative et souvent confrontés à des situations personnelles compliquées. Dans cette parenthèse, les adultes prennent le temps d’aborder avec eux leur vécu scolaire, leurs aspirations, l’éventail des possibles en termes d’orientation professionnelle.  Il s’agit d’aider la personne à se (re)construire, entreprise parfois difficile car il ne suffit pas de vouloir aider pour que ceci soit accepté : la logique du professionnel  ne rencontre pas forcément celle du jeune imbriqué dans une attitude de rejet de tout ce qui peut représenter l’institution scolaire. Si chaque parcours est différent, l’objectif visé est d’enseigner « ce qu’est être humain » au-delà du parcours scolaire et ses embûches. Plutôt que de subir, il s’agit de comprendre le fonctionnement du système scolaire, d’aborder les gestes de l’apprendre et le sens de l’expérience scolaire. Tout ceci se fait dans le respect de l’autre et de son droit à l’erreur : chacun a le droit de se tromper dans son parcours de formation et revoir ses choix d’orientation. Ce passage de la fonction enseignante à celle d’accompagnateur oblige à remettre en question le sens à donner au mot « réussite » et ce qui pourrait être mis en place dans la classe en opérant ce renversement n°4 : des projets collectifs et coopératifs, l’entraide entre élèves, l’auto et la coévaluation par exemple.
 
 
Renversement n°5 : apprendre auprès des élèves pour leur permettre de mieux apprendre.
La fonction de l’enseignant est de « faire apprendre les élèves » dans une relation dissymétrique entre celui qui détient le savoir (même s’il n’est plus le seul) et ceux qui aspirent à s’en approprier les contenus. Les auteurs proposent aux enseignants d’opérer un renversement en apprenant de leurs élèves pour parfaire leurs pratiques en levant les malentendus faisant obstacle aux apprentissages. Un préalable : accepter de se laisser surprendre, d’être déstabilisé par les propos des élèves. Ecouter la perception que les élèves ont de leur expérience scolaire, pour autant qu’elle soit déstabilisante, installe les prémisses d’un échange susceptible de faire opérer des déplacements. Allons plus loin, en favorisant l’expression de tous les points de vue, sans langue de bois et sur tous les sujets qui cristallisent les tensions dans les établissements. Cette phase passée, on peut constituer une mémoire collective et construire une parole « efficace » qui permet aux élèves de dépasser leur ressenti négatif pour reprendre pied dans une scolarité avec des perspectives positives.
 
Cette expérience de l’accompagnement personnalisé pose les bases de la nécessaire posture d’accompagnement dans la classe. La situation de classe n’est pas la même que celle des dispositifs d’aide ou d’accompagnement.
La posture d’accompagnement s’appuie sur trois dimensions :
– une dimension incarnée qui montre la volonté de l’animateur de prêter attention à l’autre et accueillir sa parole ;
– une dimension spatio-temporelle par la proposition d’un cadre en rupture avec le cadre dominant ;
– une dimension éthique par l’ambition éducative et émancipatrice que l’animateur affiche.
Les contraintes institutionnelles liées à l’organisation même des enseignements dans le second degré entravent la volonté des enseignants à modifier leur posture pour aller vers davantage d’accompagnement des élèves pour les aider à prendre conscience de leur potentiel. Rien ne se fera sans une réelle formation professionnelle à ce sujet.
 
Aujourd’hui l’accompagnement personnalisé est cantonné à la périphérie de l’École. Pourtant, de nombreuses activités scolaires ne prennent leur sens que lorsque l’enseignant devient accompagnateur de ses élèves. L’ouvrage pose les bases d’une réflexion sur une professionnalité enseignante qui pourrait intégrer dans les cours les principes développés ici. Encore faudra-t-il que cela fasse l’objet d’une formation pour lever les empêchements à penser la classe autrement.
 
 

Reportage des 9e Rencontres Maternelle, 2017

« Pour que la maternelle fasse école »

 Bourse du travail, Paris – 28 janvier 2017

Les rencontres « Apprendre à comprendre le monde : le pari de la complexité dès l’école maternelle » ont eu lieu le 28 janvier dans ce magnifique lieu dédié au travail et aux travailleurs qu’est la bourse du travail à Paris. Revenons sur l’événement qui a rassemblé 180 personnes venues de tous horizons (enseignants, formateurs, étudiants) et de partout (Ile de France surtout, vu la proximité géographique mais aussi des Hauts de France, d’Auvergne Rhône-Alpes ou de la région Centre-Val de Loire)

 Reportage de la journée

Sous le regard impressionnant des relieurs, ébénistes, orfèvres et autres artisans au-dessus de nos têtes et sous la figure tutélaire de Jean Jaurès, Véronique Boiron axe ses propos sur les rapports entre parler et penser, activité collective à l’école maternelle. Le langage est le moyen pour l?’nseignant d’accéder à la « boite noire de l’enfant » et pour l »enfant de ressentir « ça pense en moi » avant qu »il puisse faire « je pense ». Le rôle de l’enseignant est primordial, il va verbaliser, formaliser, expliciter, reformuler pour mettre des mots sur le « faire » et donner du sens à l »école et aux apprentissages. C »est une construction lente, délicate et fondamentale et on est bien loin des doxa spontanéistes.

Il y a eu ensuite les espaces appelés « questions vives », non tranchées, qui traversent les réflexions des équipes d’écoles maternelles. Les intervenantes ont présenté un état des lieux de la question qui servira de base pour alimenter les discussions et les réflexions dans les groupes.

Evaluer pour fixer ou pour avancer ?

L’évaluation, constituante de l’acte d’enseigner et de l’acte d’apprendre, à quoi sert-elle ? qui sert-elle ? Evelyne Collin, IEN Maternelle, a beaucoup travaillé la question, dans son département du val d’Oise, et dans le groupe qui a produit  des documents d’accompagnement des programmes. Elle donne le prescrit et propose des pistes pour instrumenter l’observation des élèves, activité qui va permettre de les évaluer en dehors de moments institués, de « donner une valeur » à leur travail, aux procédures et aux résultats de ce travail. Elle pose aussi aux participantes quelque peu déstabilisées LA double question : « l’école enseigne-t-elle bien tout ce qu’elle doit enseigner » et « l’école n’évalue-t-elle que ce qu’elle a enseigné » ? La discussion peut s’engager.

L’enseignement de l’oral, oui, mais comment faire ?

Avec les plus jeunes élèves en particulier, Maryse Rebière a travaillé avec des collègues de petite section ; elle est enseignante chercheure, membre de l’AFEF, l’association française des enseignants de français, partenaire de la journée. C’est à ce titre qu’elle est intervenue. Pourquoi est-ce si difficile ? L’oral est un objet aux contours flous, il n’existe pas UN oral mais DES oraux, pour communiquer, pour évoquer ce qui n’est pas là, pour entrer dans l’écrit des albums. Le langage de l’école n’est pas celui de la maison. M. Rebière présente des activités qui permettent de passer de l’un à l’autre avec toujours, la médiation de l’enseignant : préciser le langage des activités familiales quotidiennes, apprendre le langage des activités scolaires, en petit groupe, en grand groupe, pour passer de l’accompagnement de l’action à sa représentation.

L’imagination, ça s’apprend ?

Dans le développement de l’enfant, apprentissage et imagination sont-ils compatibles ? Anne Clerc-Georgy, enseignante chercheure, spécialiste des apprentissages fondamentaux à Lausanne, montre que les trois concepts sont imbriqués, complémentaires et qu’il ne sert à rien de les opposer. Dans une perspective vygotskienne, apprendre c’est d’abord s’approprier des « outils de pensée » construits par les hommes au cours de leur histoire pour répondre à des problèmes rencontrés et devenir capable de faire usage avec l’enseignant et les autres d’abord et progressivement seul de ces savoirs « culturels ». Apprendre c’est aussi imaginer, se représenter ce qu’on ne connait pas (en histoire ou en géographie par exemple) et imaginer, c’est se nourrir des apprentissages.

Quels temps pour apprendre ?

Viviane Bouysse, Inspectrice générale de l’Éducation nationale dont tout le monde connait l’engagement sans faille pour l’école maternelle au sein de l’institution et partout où on l’invite pour la défendre et la transformer. Pour elle, il faut des temps longs pour tout : satisfaire les besoins physiques et affectifs, changer de statut, d’enfant à celui d’élève qui agit, pense et réfléchit, passer « de moi à nous », apprendre à différer ses envies et entrer dans la logique et le temps du groupe. Il faut aussi tenir compte des différentes composantes du temps, pas seulement la durée mais aussi son lien aux espaces (indissociables), aux rythmes, temps forts/temps faibles, répétition, à la dynamique des processus, de la notion de parcours, etc. Elle termine par une très belle citation de Saint-Exupéry : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. »

 

Quelles idéologies derrière les « innovations » en vogue qui menacent l’école maternelle dans ses missions ?

Christine Passerieux, formatrice d’enseignants, membre du GFEN, a écrit à ce sujet deux articles, dans la revue Dialogue et dans Carnets rouges, dont elle est la rédactrice en chef. Elle met en lumière les idées véhiculées par certains  » innovateurs » et largement relayées par les médias qui consistent à dénigrer les enseignants et ringardiser le service public d’éducation et l’école maternelle en particulier. En mettant en avant l’individu, les « lois naturelles », le « bien-être », ces idéologies  attaquent l’école maternelle dans ses missions mêmes : construire le besoin d’apprendre (au sens de Léontiev), construire du « commun », démocratiser les savoirs.

Les ateliers de l’après-midi sont conçus autour de situations d’apprentissage co-construites par un formateur d’adultes et un enseignant de l’école maternelle pour balayer les différents domaines du programme.

Dans la petite salle de grève, Jacqueline Bonnard et Damien Sage proposent d’observer et manipuler des objets et « parler » le monde. S’interroger sur des objets inconnus, c’est entrer dans une histoire, celle des hommes qui nous ont précédés et ont imaginé des solutions techniques en réponse aux problèmes rencontrés. En fonction des contextes et des périodes socio-historiques, ces réponses sont différentes et constituent un patrimoine culturel commun auquel chacun doit avoir accès. Et l’on découvre que l’adulte en questionnement renoue avec la posture du jeune enfant face à la complexité du monde. L’articulation entre le geste et la mobilisation du langage est un gage de compréhension de cet univers. En suivant la démarche des élèves de Damien Sage dans leur exploration d’objets inconnus, on comprend l’importance des échanges où les points de vue se confrontent permettant l’acquisition d’un vocabulaire adapté.

La salle Ambroise Croizat résonne encore des essais proposés par Sophie Reboul et Nicolas Charrière pour comprendre la complexité du monde sonore. Il ne suffit pas de produire des sons, il faut en comprendre la portée par un travail à la fois sur la physique des sons, leur dimension musicale, les pratiques langagières et culturelles associées. L’atelier prend appui sur un travail de classe conséquent sur ce domaine afin de produire un spectacle sonore : des essais pour produire des sons aux effets sonores escomptés en fonction des matériaux et objets utilisés jusqu’à leur combinaison pour obtenir une harmonie. En faisant résonner toutes sortes d’objets et d’instruments, les participants ont pu vivre les étapes par lesquelles les élèves sont passés pour construire leur projet.

Apprendre à catégoriser est incontournable pour appréhender la complexité du réel

et cela dans tous les domaines. Catherine Ledrapier et Khoulfia Léonard s’appuient sur la question du classement des animaux, la définition des concepts scientifiques et de leurs attributs pour faire comprendre le lent cheminement qui mène à la classification des espèces. Il s’agit d’analyser ces processus d’abstraction (la catégorisation et sa représentation) qui se doivent d’être travaillés dès l’école maternelle comme outil fondamental pour apprendre. Des vidéos d’activités réelles d’une classe de grande section de classe portant sur la matière, ses propriétés et ses états ont illustré le propos.

Prenant le contrepied de quelques idées reçues, Pascale Boyer affirme qu’il convient de mobiliser le langage pour réussir des activités physiques. « Faire des exploits avec un ballon », le faire rouler, rebondir, le lancer haut, etc. les élèves agissent d’abord, les adultes aussi qui s’y essaient pour éprouver ce que réussir peut vouloir dire dans ce domaine.  Lors  des  retours  réflexifs,  ils apprennent  à  verbaliser  et  formaliser  leurs  actions motrices pour mieux les réussir. Le processus qui va de l’acte au développement de la pensée est décrypté et analysé à partir d’enregistrement d’échanges entre élèves durant lesquels on entend leurs réflexions et leur vocabulaire s’affiner au fil des séances.

Faut-il d’abord avoir les mots pour comprendre la trame d’un texte ou s’appuyer sur le contexte pour comprendre un texte et s’approprier le sens des mots ? Caroline Pecqueur et Claire Benveniste proposent de  recréer un texte et entrer dans la compréhension du sens (démarche phare du GFEN). Mettant les participants à l’épreuve selon le principe d’homologie, le défi porte sur le texte du poète palestinien Mahmoud Darwich : « Il y a une noce à deux maisons de la nôtre, ne fermez pas les portes. ».  Il s’agit de travailler conjointement le fond et la forme du texte. Les désaccords amènent à fouiller et à préciser les choix et leur pertinence. On fait ici le pari que des élèves, même jeunes, peuvent réussir à recréer une poésie ou une comptine ; une recréation qui se fera collectivement, à l’oral, par dictée à l’adulte.

L’intervention de clôture a été faite par Anne Clerc-Georgy, qui a joué le rôle de grand témoin, tissant des liens entre la conférence introductive qui posait le principe « d’être en langage », construire un rapport au monde, à soi et aux autres et les ateliers qui développaient  des activités pour apprendre à parler et penser ensemble.
Comprendre qu’il n’y a pas d’apprentissage sans imagination et pas d’imagination sans apprentissage ; avoir conscience que l’enseignement de l’oral est essentiel pour que l’enfant devienne familier des pratiques langagières scolaires ; interroger les façons d’évaluer les élèves pour que l’exercice soit positif ; prendre en compte les temps nécessaires pour construire le besoin d’apprendre ; connaitre les « nouvelles idéologies »pour mieux les interroger ;  autant de questions vives, de recherches ou de métier posées aujourd’hui et qui  ont pu trouver quelques éléments de réponses.
Les différents ateliers de l’après-midi ont fait manipuler des objets du quotidien, des matériaux sonores, des ballons, des mots mais tous ont montré le rôle du langage pour comprendre la complexité du monde à travers les langages technique, artistique, scientifique, corporel et  littéraire qu’ils convoquaient.
La librairie du GFEN, l’exposition des livres de Rue du monde et la présence des éditions Chronique sociale montrent toute l’importance accordée aux écrits pour prolonger la journée et aller plus loin.
L’évènement hivernal constitue un temps fort de réflexions et d’échanges mais les activités continuent toute l’année. Le groupe Maternelle  se réunit régulièrement et constitue un collectif de travail qui réfléchit et échange. Une lettre d’informations est réalisée tous les mois.
L’équipe adresse un grand merci à toutes les intervenantes, animatrices et participantes avant d’annoncer quelques rendez-vous avec :
– un reportage sur ces rencontres sur le site,
– un projet éditorial (parution 2017)
– les Rencontres de Saint Denis le 25 mars 2017.
Isabelle Lardon et Jacqueline Bonnard