Ecole ouverte, recherche-action, société éducatrice, de Raymond MILLOT

« Et je sais que de

tout ce que nous aurons

accompli tous ensemble,

quelque chose

continuera à vivre. »

Robert GLOTON (1)

Du rêve de Jaurès préconisant « des méthodes nouvelles » au sein de l’école de Jules Ferry à la mise en oeuvre d’un projet social innovant incluant une « école ouverte ». 

 

Dans cette brochure au propos vivifiant, Raymond MILLOT retrace une expérience d’Education Nouvelle vécue à Grenoble (de 1970 à 2000) s’appuyant sur une recherche-action  et dont il nous livre les enseignements.

L’action prend corps dans un projet social innovant : la conception d’un nouveau quartier – la Villeneuve –  bénéficiant « d’équipements intégrés ». La ville de Grenoble souhaitait à cette occasion  mettre en synergie les différents temps de l’éducation. Élaboré à partir d’une réflexion ouverte à toutes les personnes et associations intéressées, ce projet fut soutenu par l’Institut National de Recherche et de Documentation Pédagogique travaillant sur le concept de « l’école ouverte ». Cinq groupes scolaires  et un collège furent concernés et le projet résistera trente années malgré l’hostilité plus ou moins ouverte des cadres institutionnels.

« Ecole ouverte ? »

Les pratiques d’éducation nouvelle favorisant le travail en petits groupes et la vie coopérative s’accompagnent d’une conception du bâti cassant les habitudes : pas de cour de récréation, pas de clôture mais des portes de classes donnant sur un parc de 19 hectares.

Une ouverture vers les différents professionnels de l’éducation et l’inscription dans le concept de coéducation pour développer le dialogue et la coopération avec les parents et qui se concrétise dans de nombreux projets pédagogiques. Des dispositifs et outils sont élaborés (exemple : projet de Charte). Un décloisonnement des activités s’installe tant au niveau de l’utilisation des locaux que des ressources locales. Projet qui touche également la prise en charge de la petite enfance.

Cette ouverture de l’école sur son environnement favorise le développement d’une pédagogie du projet, les enseignants s’efforçant de s’ancrer dans la vie locale ou nationale en permettant aux élèves d’exercer leur pensée et de prendre des responsabilités. Ces expériences sont mutualisées et donnent lieu à des écrits, la maîtrise de la langue écrite ayant été retenue comme objectif majeur dès le début du projet. Cela vaut autant pour les élèves (ex : « Des Enfants S’en Mêlent »-journal scolaire) que pour les professionnels (ex : « Vivre à l’école en citoyens » – éd. Voies Livres)

Les apports de l’expérience des écoles du 20ème  (Vitruve)

Au début des années soixante, Robert GLOTON crée le Groupe Expérimental du 20ème arrondissement de Paris : 34 classes des écoles rue Vitruve, rue Levau, rue Riblette, creusant une brèche dans l’acceptation fataliste de l’échec scolaire. Raymond MILLOT fera partie de l’équipe d’enseignants de ce groupe expérimental et dit avoir poursuivi à Grenoble les principes mis en place à Vitruve.

Relevons par exemple l’organisation en cycles : cycle1 pour les enfants de 2-3-4ans, cycle2 ceux de 5-6-7 ans, cycle3 8-9-10ans. A noter que le besoin de constituer des groupes hétérogènes a conduit à adopter la classe « multi-âges », favorisant les interactions et permettant le tutorat des petits par leurs aînés.

Un élément central : l’approche collective du métier avec l’obligation de fonctionner en équipe et de se concerter.

Le rôle formateur de la recherche-action

Le terme Recherche-action apparaît en 1986 lors d’un colloque de l’INRP avec la définition suivante : « Il s’agit de recherches dans lesquelles il y a une action délibérée de transformation de la réalité ; recherches ayant un double objectif : transformer la réalité et produire des connaissances concernant ces transformations. »

Dans l’expérience relatée, il s’agissait, en partant du projet et de la charte, de coordonner la réflexion par des réunions régulières de représentants des 5 équipes, d’aider à la communication interne et externe, d’analyser les projets en cours, de faire un travail de théorisation. Accompagnés par l’INRP, les enseignants ont pu formaliser les connaissances produites par cette recherche-action.

En ces temps de refondation de l’école quels enseignements tirer de cette recherche sur « l’ouverture de l’école » ?

D’abord que cette volonté de transformer les pratiques pour faire en sorte que l’école joue un rôle émancipateur et non un rôle reproducteur d’inégalités sociales est en tout point semblable à celle qui nous anime au GFEN. On pourrait penser que le contexte actuel est plus favorable que dans les dix dernières années et qu’il conviendrait de faire avancer nos idées pour que les choses changent véritablement.

Une des idées avancées est de favoriser la recherche-action comme élément moteur d’un projet pédagogique d’une part, comme élément de formation professionnelle et de développement personnel d’autre part. Quelques conditions à réunir pour mettre en place une recherche-action :

– des enseignants volontaires porteurs du projet mais en interaction avec des partenaires ;

– des objectifs formalisés dans les grandes lignes, mais l’idée d’un contrat qui engage les différentes parties sur la durée du projet ;

– des lieux d’implantation possibles : établissement neuf, établissement de ZEP, établissement possédant des enseignants prêts à s’engager dans un projet collectif.

Raymond MILLOT a milité  au GFEN ; il est co-auteur de « à la recherche de l’école de demain » éd. Casterman, « Une voie communautaire » éd. Casterman, “Écoles en rupture” éd. Syros, « Vivre à l’école en citoyens » éd. Voies-livres, « Émancipation, avenir d’une utopie » éd. Voies-livres.

Jacqueline BONNARD

(1) Robert GLOTON, A la recherche de l’Ecole de demain,  A. Colin, coll. Bourrelier, 1970

 R. GLOTON, Au pays des enfants masqués, Casterman, 1979