Extraits Dialogue N° 177

Dialogue n° 177 – Pour que les élèves se saisissent pleinement de leur travail personnel

Éditorial

  • Un numéro historique ? Lire
    Patrick RAYMOND

Le travail personnel : de quoi parle-t-on ?

  • Le «travail personnel» de l’élève : une histoire plus longue que l’on ne croit
    Claude LELIÈVRESi l’on fait un grand bond en arrière d’un siècle et demi, bien au-delà des péripéties des  »devoirs faits » ou des  »orphelins de 16 heures  » de notre XXIe siècle, ou même des « accompagnements » individualisés voire personnalisés, bien au-delà aussi des tentatives de développement du  »travail autonome » des années 1970, on peut se retrouver en plein coeur du fonctionnement ordinaire des élèves de l’enseignement secondaire dans les années 1870 par la description qu’en fait alors Michel Bréal, l’un des grands idéologues républicains des débuts de la Troisième République. Elle vaut d’être largement citée car elle est tout à fait significative, et même  »renversante ».
    « En classe, le professeur contrôle le travail de l’étude et fournit pour l’étude de nouveaux matériaux à mettre en oeuvre. Assurément le professeur exige en classe une certaine somme d’attention et d’activité ; mais personne ne niera que le principal effort se fait à l’étude. C’est là que l’élève exerce son esprit et étend ses connaissances en faisant les devoirs, en apprenant les leçons, en préparant les auteurs. Quand il vient s’asseoir sur les bancs de la classe, il sait déjà d’avance, il a déjà manié tous les objets dont on va l’entretenir.

  • Le travail personnel : devoir ou nécessité ?
    Jacques BERNARDINLe manque de travail personnel est souvent évoqué comme facteur aggravant voire cause de difficultés scolaires. Mais de quoi parle-t-on : de l’investissement personnel dans la classe ou de l’effectuation du travail demandé en dehors de la classe ? Dans la réalité, on sent bien que l’un va avec l’autre. L’élève accroché en classe est fréquemment celui qui rechigne le moins à «faire ses devoirs» à la maison. À l’inverse, les élèves qui les désinvestissent sont fréquemment les plus fragiles en classe. Finalement, le manque de travail personnel est-il cause ou conséquence de ce qui se passe en classe ?
    Les uns ne font leur devoir d’écolier que sous la contrainte (« si on n’est pas derrière… », disent les parents), par souci de se mettre en conformité avec ce qu’ils perçoivent comme une exigence de l’institution scolaire (il faut faire ses devoirs), quand les autres estiment nécessaire de prolonger le travail de l’école pour en tirer tous les bénéfices, de façon durable.
    Quelles sont les raisons de cette désaffection du travail personnel par certains élèves ? Sur quoi peuton agir pour transformer les choses ? Mais tout d’abord, interrogeons la place du travail demandé hors la classe dans la réussite scolaire.
  • Le travail personnel : les gestes de l’étude
    Maria-Alice MÉDIONIIl convient, me semble-t-il, d’interroger la notion de « travail personnel » pour lever certaines confusions. Le mot « travail » renvoie nécessairement à l’idée d’effort mais nous savons que beaucoup des apprenants dont on regrette qu’ils ne travaillent pas assez passent pourtant beaucoup de temps à s’efforcer de faire les tâches demandées par l’enseignant, parfois davantage que d’autres qui, eux, apprennent « sans effort ». Les premiers souffrent d’un sentiment de profonde injustice lorsqu’ils entendent ce type de reproche et voient, parallèlement combien l’enseignant loue les mérites des seconds qui se sont beaucoup moins « tués à la tâche ». Mais si l’on se réfère à la définition du travail selon le CNTRL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), il faut distinguer le travail qui « vise à la modification des éléments naturels, à la création et/ou à la production de nouvelles choses, de nouvelles idées » et « améliore nos facultés morales ou intellectuelles », de l’« Activité contraignante qui occupe. (…) Besogne, tâche ». Le mot « personnel », quant à lui, renvoie à l’apprenant lui-même et au fait que ce travail ne peut être fait par personne à sa place, mais, à l’école, l’on a tôt fait d’assimiler « personnel » à « individuel ». Enfin, le « travail personnel » est, dans l’immense majorité des cas, compris comme le travail hors la classe, concrètement, celui des devoirs à la maison. Je me souviens, par exemple, d’une formation suivie à l’IFE en 2014 sur le travail personnel où seule la question des devoirs à la maison avait été, en fin de compte, abordée.

C’est en classe que ça commence…

  • Un carnet intime des savoirs. Le bloc-notes
    Aurélie JUGANLa participation au groupe GFEN 25 qui s’intéresse aux écrits réflexifs m’a permis d’imaginer un dispositif qui permettrait de systématiser l’exercice de l’expression des représentations des élèves dans un lieu suffisamment sécurisant pour permettre leurs remises en cause. Cet espace d’expression écrite avait pour ambition d’engager l’élève dans la mise à jour de ses représentations du savoir travaillé au cours de la séance. L’objectif est de mettre en chantier ces représentations en les confrontant à d’autres. Ces dernières peuvent être celles des élèves d’un groupe de travail, des auteurs de documents proposés, des oeuvres artistiques, ses propres représentations initiales consignées auparavant ou encore des intervenants extérieurs.
  • Mettre les élèves en travail pour qu’ils s’émancipent : une question de méthode ?
    Florent RODIERJ’ai très vite compris quel professeur je ne voulais pas être. Il m’aura, en revanche, fallu du temps pour entrapercevoir enfin le professeur que j’aspire à devenir. Lors de mes premières années en tant qu’enseignant, j’ai été animé par trois sentiments : l’illégitimité, l’insatisfaction et l’irrésolution. Illégitimité parce que je ne me sentais pas en capacité d’aider les élèves. Insatisfaction parce que je portais un regard très sévère sur mon travail. Irrésolution, enfin, car « pour quoi éduquer ? » était une question qui ne me quittait pas.
    Pendant trois années, animé par ces sentiments voisins, j’ai multiplié les tâtonnements, les errements, mais aussi les lectures et les découvertes. Puis, à la fin de l’année scolaire 2019, je me suis lancé un défi : « Tu as accumulé des connaissances, maintenant, sers t’en afin de créer ta propre méthode. Et une fois que tu auras créé ta méthode, satisfais-t’en jusqu’à ce que tu en trouves une meilleure. » Et ainsi, trois mois durant, j’ai mis au point cette « méthode », fruit de plusieurs d’années de réflexions tous azimuts. « Le tous capables ! », si cher aux militants du GFEN, vaut aussi, et peut-être même au premier chef, pour les enseignants.
  • Du travail en classe au travail personnel. Présentation d’une action de formation
    Pascale BILLEREY, Philippe LAHIANISur la question du travail personnel de l’élève, beaucoup de demandes de formation en direction d’enseignants, d’assistants d’éducation, d’acteurs périscolaires et de parents nous ont été adressées ces dernières années. Cela peut s’expliquer par le fait que depuis ses origines, le GFEN se préoccupe d’enrichir le pouvoir d’agir des citoyens afin qu’ils osent s’engager dans une réflexion / action critique « Contribuer conjointement à former l’Homme et le Citoyen, à éclairer l’action par la pensée, à vivifier la pensée par l’action. » (Henri Wallon)1
    Comment dépasser le large consensus qui affirme que l’accès à la réussite se développe par le travail personnel, sans s’attaquer à la question des inégalités dans le rapport au savoir et à la culture scolaire, sans analyser le processus de la transmission des savoirs ?
    Comment faire prendre conscience aux élèves, enseignants et acteurs éducatifs que le travail scolaire nécessite un questionnement « instruit », pas de simples informations ou connaissances à décliner, mais une appropriation de concepts et que finalement, le travail personnel, ça peut se préparer déjà dans la classe ?

Pour quoi s’engager ?

  • Travail personnel de l’élève : comment créer du désir sur le temps de classe ?
    Damien SAGELa question du travail personnel de l’élève est souvent abordée sous la question des devoirs faits à la maison. L’élève qui ferait ses devoirs serait celui investi dans ses apprentissages et inversement celui qui ne fait pas ses devoirs serait démobilisé par rapport aux apprentissages. Ce point de vue a été critiqué par la recherche en sciences de l’éducation1, même si ces critiques sont restées très confidentielles, que ce soit pour les parents – qui restent toujours très en attente des devoirs, même si ceuxci pourrissent leur vie de famille – et pour les enseignants – collègues qui sont nombreux à ne pas « comprendre » pourquoi les élèves ne font pas leurs devoirs et les sanctionnent pour les devoirs nonfaits.
    La question sousjacente est celleci : une fois que l’élève est sorti de l’école, que faitil de ce qu’il y a fait et appris ? Peutil intégrer ce qu’il a fait et appris sans y revenir en dehors du cadre du cours ? La question est donc celle de l’appropriation des savoirs par les élèves.
    En maternelle, où je travaille, la question des devoirs ne se pose pas : il n’y en a pas ! Et pourtant, mes élèves construisent des savoirs, grandissent, apprennent, bien qu’il n’y ait pas de travail imposé à la maison ! Comment l’investissement personnel des élèves de maternelle dans leurs apprentissages (et pas seulement dans leur travail scolaire) peutil permettre de penser différemment la question du travail personnel de l’élève ?

  • Accompagnement au travail personnel d’un jeune réfugié apprenant notre langue
    Joëlle CORDESSEJe suis marraine d’un jeune réfugié afghan. Je le vois peu, habituellement une fois par semaine. Il est logé dans un foyer de réfugiés à 60 km et deux heures de bus de chez nous. Il vient dormir à la maison le mardi soir après l’entraînement de volley. Quelquefois, le mercredi matin, je passe un peu de temps avec lui pour lui faire travailler le français. Il est en France depuis un peu plus de deux ans. Il voit peu de Français, à part son « social ».
    Au début, il ne communiquait que par l’intermédiaire de son Iphone, à l’aide d’un traducteur automatique auquel il dictait ses phrases dans sa langue. Il montrait ensuite le texte obtenu sur le téléphone, quand on n’avait pas réussi à se comprendre en anglais. Une de mes premières victoires a été de le convaincre de demander à son téléphone une traduction vers le français plutôt que vers l’anglais. Il a d’abord eu un peu de mal à croire que, vivant en France, l’anglais ne lui suffirait pas.
  • Je triche donc j’apprends   Supplément en ligne
    Jean-Louis CORDONNIER

Les parents : un relais nécessaire

  • Parents/enseignants : le pari de la reconnaissance et de la complémentarité
    Pascale BOYER, Claire BENVENISTEEn partant des apprentissages réussis par les enfants à la maison, donner à voir aux parents la fonction culturelle et socialisante des apprentissages scolaires.
    Voyant les parents déserter nos réunions de rentrée ou ne pas répondre à nos demandes de rendezvous, nous sommes parfois tentés de céder aux sirènes médiaticopolitiques qui déclarent les familles populaires démissionnaires. Sans même avoir à en appeler à nos valeurs démocratiques et émancipatrices, les chiffres de l’Insee1 et le travail ethnographique mené par S. Kakpo2 nous remettent les idées en place : les familles populaires se mobilisent autour de la question des devoirs, ont foi en leur utilité, et prescrivent même souvent du travail supplémentaire. L’engagement de ces familles montre sans ambiguïté qu’elles ne sont pas démissionnaires.
    Comment expliquer alors que les enseignants éprouvent tant de difficultés à les rencontrer ?
  • Parents confinés, parents éloignés ?
    Sophie REBOULSophie enseigne en grande section de maternelle dans un quartier défavorisé de Besançon. Ce texte rend compte de ses commentaires après avoir vécu les quinze premiers jours de confinement. Je propose un programme journalier composé d’activités qui touchent aux cinq domaines d’apprentissage (même l’activité physique). Chaque activité mobilise les parents dix à quinze minutes. Il n’y a pas l’obligation de tout réaliser, mais j’encourage à « faire travailler chaque jour son enfant, qu’on peut m’en rendre compte et que je répondrai ». J’envoie par mail les consignes de travail pour le lendemain pour qu’ils puissent en prendre connaissance la veille, me questionner et s’organiser. Les parents semblent satisfaits de cette formule, ils m’ont tous répondu que cela leur convenait, la plupart sont demandeurs. Ils me disent « on fait au mieux, on fait comme on peut » mais ne veulent pas que je modifie cette façon de travailler. Je pense que cet envoi régulier les rassure, qu’ils ont besoin de suggestions pour occuper leur enfant dans leur minuscule appartement, qu’ils sont fiers de « montrer à la maîtresse » ce qu’ils font avec leur enfant. Ils apprécient ce lien avec moi : je reçois des messages constamment.

  • Mes chers élèves, chers parents
    Damien SAGEDamien enseigne en école maternelle. Dans cet article les courriels qu’il a fait parvenir à ses élèves et à leurs parents dans les premières semaines de la période de confinement.

Quand le confinement contraint à penser autrement

  • Le travail personnel de l’élève au temps du coronavirus compte rendu
    Sophie REBOUL, Michel BARAËR
    Le thème de ce Dialogue 177 – le travail personnel de l’élève – a été choisi bien avant l’arrivée du coronavirus mais les conséquences de la pandémie : la fermeture des lieux scolaires, la « continuité pédagogique » à distance, ont fortement modifié les conditions d’exercice de ce travail personnel. Pour tenter de mesurer les effets – importants – du confinement, nous avons proposé le questionnaire suivant à plusieurs enseignants (les réponses portent sur la période qui a précédé les vacances de printemps). 20 collègues nous ont répondu.

  • Comment le passage au tout numérique fait naître l’évidence du travailler ensemble pour
    vivre ensemble

    Marie-Pierre DUBERNETIl y avait l’avant Covid19, il y aura un après. Seule certitude du moment… Mais quel après ? Qui tirera la leçon de la situation que nous subissons aujourd’hui ? Quelles ruptures avec le monde d’avant ? Pour quelle alternative ? Etrangement, à l’heure où le GFEN s’apprête à fêter son centenaire, le monde vit une situation que certains se plaisent à comparer aux pires moments de conflits de l’Histoire de l’humanité. Alors, plus jamais ça ! Lorsque je suis rentrée chez moi, le vendredi 13 mars, après avoir quitté mes élèves et sans être sûre de les revoir — et oui, je fais en plus partie des personnes à risque — une seule obsession m’habitait. Comment faire de cette continuité pédagogique imposée, un objet de réflexion, d’analyse de pratiques, de mise en oeuvre d’une pédagogie fidèle à nos valeurs, d’occasion de créer du lien, non seulement entre mes élèves et moi, entre eux et leurs parents, entre leurs parents et moi… ? Mais surtout une occasion de tenter de construire, pour beaucoup d’entre eux, un nouveau rapport au savoir !
  • Des bancs de l’École à la maison
    Erell BARAËRErell est professeur de français en lycée. Ce texte rend compte de ses commentaires après le vécu des premières semaines de confinement.
    Le travail personnel vient habituellement s’ajouter en amont ou en aval à celui réalisé en classe. Dans le cadre du confinement, la « classe » dans sa dimension physique, dans sa temporalité habituelle, disparaît. Le travail n’est donc plus que personnel à mon sens, même s’il est stimulé, « accompagné » à distance par l’enseignant et même si celuici peut solliciter des interactions entre élèves. D’où son caractère extrêmement inégal d’ailleurs : les élèves ne peuvent pas tous, pour des raisons matérielles, certes, mais peutêtre plus encore sociales et culturelles, fournir ce travail personnel. Ce constat ne remet toutefois pas en cause, à mes yeux, la nécessité d’une continuité pédagogique (ces inégalités existent déjà à l’École quand elle se fait en présentiel, même si elles sont actuellement très nettement accrues) mais invite à la réfléchir autrement, à penser autrement le travail personnel.
    De point de départ ou de matière à consolidation en temps normal, il devient le « coeur » du travail, le seul possible en temps de fermeture des écoles/établissements. Dès lors, il peut devenir très lourd pour certains élèves, notamment ceux plus fragiles scolairement qui ont particulièrement besoin du groupe classe et de ses échanges pour créer du sens et saisir l’implicite de l’école. Il peut aussi ne pas être fait, comme en temps normal, ce qui pose d’ailleurs toujours la question de la pertinence du travail personnel et de son risque d’accentuer les inégalités. Mais, puisque dorénavant, il est le « coeur » du travail, il devient particulièrement nécessaire.
  • Quand les élèves ont dû travailler… tous seuls à la maison  Supplément en ligne
    Patrick RAYMOND

 

Note de lecture

  • Les langues-cultures moteurs de démocratie et de développement coordonné par Martine
    BOUDET

    par Jean-Louis CORDONNIER

Le cahier du LIEN

  • Corps/esprit… Un couple inséparable
    Jalila BEN ZINEB (ITEN), Michel SIMONIS (GBEN), Oleg de ROBERTY (GREN) Mélanie NOESEN (GLEN) Mike RICHARTZ (GLEN)Dans la suite du N°170 de Dialogue «Éducation et sexualité», ce supplément du LIEN veut introduire un chainon entre l’éducation et la sexualité : celui du corps tout entier, des cinq sens et la motricité, nourrissant la réflexion sur la dimension «politique» de notre action : positions de pouvoir, aliénation ou émancipation ?
    Les mesures de confinement actuelles mettent en lumière que la distanciation dite «sociale» a généré à la fois de l’isolement social avec les multiples formes de « mise à distance» consenties et/ou imposées et le manque de contact corporel. Le port du masque altère une bonne part de la communication, met en évidence combien celle-ci est largement non verbale, donc corporelle.