Le GFEN à la CGT, une rencontre fructueuse

Pascal DIARD
24 mai 2022

C’est la 2ème fois en Île de France que le GFEN est invité à proposer des ateliers pendant un stage syndical CGT éduc’action, la 1ère fois pour le 94, cette fois-là pour l’ensemble de l’académie de Créteil. Et nous sommes passés d’une journée à deux jours, les 19 et 20 mai 2022 donc.

La présentation de ce stage par le syndicat donnait le ton : « Pédagogie: entre théorie, analyses collectives et pratiques ». Une tonalité différente des stages Sud, plus généraliste que revendicative, plus centrée sur le métier que sur le changement social, même si revendications et visée émancipatrice n’étaient pas absentes des prises de parole des stagiaires. Un point commun fort : quand un syndicat de transformation sociale s’empare de la question pédagogique, celle-ci prend toute sa dimension politique !

L’ambition des camarades de la CGT était clairement affichée dans l’invitation aux collègues : « La CGT Educ’action porte un projet d’école fort s’appuyant sur les recherches en sciences de l’éducation, les expériences pédagogiques… En effet, nous ne nous limitons pas seulement à la défense des conditions de travail des personnels et militons également pour de meilleurs conditions d’apprentissage de nos élèves. Face aux attaques idéologiques du ministre Blanquer, il est nécessaire que les miltant.es puissent s’emparer et maîtriser les concepts pédagogiques qui constituent notre outil de travail. ».

Ce rapport entre théorie et pratique affirmé d’entrée de jeu a été confirmé dans l’organisation des deux journées : un jeudi de conférence et un vendredi d’ateliers.

La première conférence, celle de Laurence de Cock, était centrée sur les enjeux politiques et idéologiques de l’enseignement de l’histoire en France, en particulier dans ses rapports avec l’Etat. Sa conclusion nous interpelle directement : comment outiller nos élèves si l’on conçoit une histoire des possibles réalisés, laissant toute sa place aux « invisibles » passé.es jusque-là à la trappe (les femmes, les peuples, les luttes sociales, les frontières mouvantes, etc.) ?

La conférence de Philippe Goémé, intitulée « Pédagogies et idéologies », tentait une synthèse des formes pédagogiques dites innovantes et de leur fondement idéologique (des écoles mutuelles jusqu’au paradigme utilitariste actuel). Le débat permanent que Ph. Goémé a laissé se dérouler pendant son intervention m’ont permis alors de commencer à mieux cerner ce sur quoi « accrocher » la question des pratiques.

Une surprise m’attendait le lendemain dans les ateliers, surprise qui dit beaucoup sur une des qualités de ce syndicat : celle de recruter dans tous les métiers de l’éducation puisque j’ai eu dans mes ateliers une assistante sociale, des enseignants de LP, de maternelle, d’élémentaire et du secondaire, des contractuelles travaillant à l’ITEP ou avec des personnes autistes.
Une belle “hétérogénéité” pour travailler et réussir le texte recréé !!

Avec des résistances bienvenues : simple reconstitution pour saisir ce que les mots veulent dire ou recréation du sens qui laisse toute sa place à l’interprétation des lectures ? Entrer en compréhension scolaire d’un texte et/ou s’autoriser à s’approprier une œuvre mise en partage ?

Autant de résistances qui nous ont permis de mener un débat de fond sur “transmettre des savoirs sans pratique transmissive” pour que le sujet qui apprend puisse et veuille s’émanciper de la parole du maître quand celui-ci est injonctif-dogmatique. Ce qui était, somme toute, la visée principale de l’atelier.

Et puis j’en ai profité pour faire recréer un texte pour la première fois : “Va-nu-pieds” de Lisette Lombé (tiré de son recueil “Brûler, brûler, brûler” ; voir son site : Mes livres | Lisettelombe) ; une belle rencontre poétique !

Après les stages Sud Education et SNUIpp, cette heureuse rencontre avec la CGT remonte le moral : la diversité des organisations syndicales dans l’éducation n’empêche nullement, au contraire, de se battre ensemble sur les enjeux anthropologiques qui sont au cœur de la question éducative ! La prise de conscience de tels enjeux est même perçue comme urgente par les temps qui courent.

Et c’est tant mieux !