“L’école et les élèves des milieux populaires. Réduire les inégalités vers la réussite de tous !”

1ère Université d’Automne du SNUipp de Haute-Garonne

ESPÉ de Toulouse 28 avril 2017

Interventions du GFEN

A Toulouse le SNUipp a fait intervenir le GFEN dans un stage  de formation syndicale le Vendredi 28 avril 2017 sur le thème : « L’École et les  élèves des milieux populaires. Réduire les  inégalités vers la réussite de tous ! »

115 professionnels de l’école primaire (tous niveaux) ont participé le
matin à une conférence de Jacques Bernardin avec échanges, et
l’après-midi vécu et analysé un atelier d’éducation nouvelle (cf. ci-dessous). Une occasion  donc de faire le point de la recherche sur le
rapports au savoir des élèves milieux populaires et de définir des axes de travail pédagogiques, puis d’explorer, de s’approprier des outils du GFEN dans différents domaines, de réfléchir aux possibles réinvestissements et ainsi dégager des pistes pour la transformation de l’école.

Un moment intense et riche de rencontre, de formation, de questionnement, de mobilisation individuelle et collective pour une autre école nécessaire et possible.

Cette journée élaborée coopérativement entre militants syndicaux et pédagogiques a été plébiscitée par tous (organisateurs et participants) et tout le monde s’est donné rendez-vous l’an prochain, peut-être même sur deux jours.

Notre intervention GFEN s’est focalisée sur les orientations suivantes : lutter contre les inégalités (scolaires…) c’est rompre avec les fatalités du monde. Tous capables…de le devenir, à quelles conditions ? Quels sont les principes, les pratiques qui permettent de faire réussir en compréhension, re-mobiliser tous les élèves ?

  • Comment réhabiliter l’estime de soi ?
  • Comment faire avec les différences sans générer des inégalités ?
  • Comment faire vivre le savoir comme aventure humaine ?

Les 6 ateliers proposés :

Atelier d’arts plastiques réalisable à tout âge : à partir de photocopies de divers matériaux, produire des « tablotins ».

Atelier d’écriture pour découvrir les processus de création. Écrire seul avec l’aide des autres.

UNE CLASSE DIFFICILE : comment s’en sortir ? A partir d’une situation vécue dans une classe, inventer et construire des possibles.

Technologie : de l’objet au principe incorporé. Une occasion de travailler sur tout ce qui peut faire sens pour les élèves.

L’accord des participes passés, quelle histoire ! ?  Ou comment engager les élèves à la conquête
de leurs savoirs en orthographe.

Maths-sciences : du familier à des situations qui interrogent pour comprendre. A la recherche du temps perdu et de ses savoirs.

Alain MIOSSEC

 La conférence de Jacques BERNARDIN

L’école face aux inégalités

Jacques BERNARDIN (GFEN)

Ce que vivent certains parents…

  • La pauvreté en France…                     14,1  %  de  la  population  (3,6  M  de  mal logés)
  • Une pauvreté qui progresse                14,2  %  en  2014  (remontée  après  baisse  en 2012-2013)
  • Montée de la précarité                          recul des CDI // Hausse des CDD – Intérim
  • Plus de familles monoparentales         12,4 % en 1990 – 16,9 %en 1999 > 20,9 % en 2009
  • La pauvreté selon le type de ménage en 2012…    20 % des familles monoparentales

Un  psychologue  qui  exerce  depuis  27  ans  à  la  PMI  de  la  cité  Franc-Moisin  de  Saint-Denis constate :  « Les  familles  sont  différentes,  elles  sont  désormais  souvent  monoparentales,  les pères  sont  parfois  absents  et  les  mères,  de  plus  en  plus  isolées.  Les  cellules  familiales,  la société de base dans les quartiers, la cohésion sociale au sens populaire du mot, tout cela se fissure, se désarticule. Les gens se retrouvent face à eux-mêmes et, pour trouver de l’aide, ils n’ont plus que les institutions publiques comme les nôtres. » (21 fév. 2017)

Quelles incidences éducatives ?
Essayons  d’explorer  les  conséquences  de  ces  conditions  de  vie  sur  la  façon  dont  les enfants sont initiés à la réalité. Cela pourrait expliquer certains comportements…

La construction d’un  rapport au monde…

Sorties  limitées,  crainte  de  l’inconnu.  Le  manque  de  ressources,  l’isolement,  la  perception dévalorisée de son statut conduisent à préférer les lieux et les relations de proximité à ce qui est  — ou  apparaît  — lointain  et  inconnu.  On  note  ainsi,  dans  les  quartiers  populaires,  une tendance à l’enfermement dans le familier et l’entre soi par crainte de ne pas « se sentir à sa place » :  beaucoup  d’enfants/élèves  n’ont  pas  « passé  le  périph’ »…  Si  on  y  ajoute  les préférences en  matière  de  loisirs, on  pourrait parler d’une relative clôture culturelle. Or, la curiosité est un moteur central des apprentissages.

Surinvestissement  affectif. Dans un monde rude, l’affection des enfants est un rempart à la détresse et à l’effondrement. Cela pourrait expliquer le comportement de surprotection à la maison et parfois à l’égard de ce qui se  passe au-dehors : certains  parents  ont  tendance  à « couvrir » l’enfant pour le protéger, se protégeant ainsi de ce qui est perçu comme agression. Ce  surinvestissement  affectif  peut  maintenir  l’enfant  dans  l’immaturité,  la  toute-puissance infantile.  Chacun  a  constaté  la  quête  affective  de  certains  élèves  à  notre  égard,  alors  que  le rapport  pédagogique  exige  plus  de  distance  pour  que  la  réflexion ne  soit pas excessivement parasitée par les affects. Ou parfois, la difficulté de certains à gérer leur frustration devant ce qui résiste, à se confronter à des normes (de conduite ou d’orthographe).

Repères instables. La montée en puissance du travail précaire, l’imprévisibilité du lendemain installe  dans  l’urgence  du  présent,  contribuent  à  faire  primer  la  réalité  palpable  de  l’ici  et maintenant sur  l’anticipation  d’un  avenir  trop  incertain,  voire  impensable.  Ce  qui  compte d’abord,  c’est  le  quotidien,  l’ici  et  maintenant  tangible,  dans  une  gestion  à  court  terme.  Or, les apprentissages intellectuels ne se maîtrisent jamais du jour au lendemain : ils nécessitent anticipation, persévérance sur une certaine durée.

Insécurité psychique. L’incertitude des horaires de travail, de la présence des adultes voire de leur  comportement,  perturbé  par  les  conditions  de  vie,  le  cadre  flou  sont  des  facteurs d’inquiétude, de tension, d’insécurité psychique : l’agitation pourrait n’être que le symptôme de l’angoisse que génère le sentiment de n’être sûr de rien, l’inhibition étant une autre façon de se protéger vis-à-vis de l’inconnu.
Expérience  du  monde  réduite ;  manque  de  confiance  en  soi ;  passivité  ou  agitation  ; sentiment d’indignité voire honte : voilà comment certains enfants nous arrivent, pas toujours constitués en élèves.

… et d’un rapport à l’école
[…]

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