Rencontre de l’AFEF

« Profession enseignante : quelles responsabilités collectives aujourd’hui ? »

11 mai 2019

 

La conférence d’ouverture a été faite par Dominique Bucheton.

Comment réinventer le métier enseignant pour que nos élèves soient en mesure d’apporter des réponses aux grandes questions actuelles, sociétales, climatiques ?
Quelle culture pour les accompagner dans l’invention d’une société plus juste et plus humaine ?

Pour elle, enseigner entraine des responsabilités parce que :

1/  le monde est au bord du gouffre

L’humanité en péril traverse une crise majeure des valeurs d’humanisme
Notre responsabilité d’enseignant est une urgence : inventer un humanisme de notre temps

2/ l’école est dans la tourmente  et dans un choc de valeurs sans précédents

Le système scolaire est déstabilisé, en perte de repères, la démocratisation est en panne…
Nos élèves ont du mal à penser, il y a une crise du recrutement. Le métier est à défendre, à protéger, à ré-inventer, à ré-enchanter

Tentative de transformer en profondeur le système éducatif : des alertes

  • Les neurosciences qui nient l’élève dans son environnement social et la dimension collective des apprentissages
  • L’évaluation par rapport à des « normes » fixées par des « experts »
  • La mise en place de « protocoles » tout faits
  • Le formatage en formation

Une gouvernance autoritaire, hiérarchique
Management, méritocratie, austérité, ségrégation…

3/ l’espoir de l’ambition à la hauteur de nos problèmes

Il faut avoir un projet éducatif ambitieux et novateur, prendre en compte un enchâssement des
savoirs, des valeurs dans leur complexité, une éthique professionnelle basée sur trois principes :

  • Le principe démocratique : tous capables
  • Faire plus penser les élèves
    Enseigner est un métier de créativité : inventer des formes, projets, s’ajuster aux élèves, aux savoirs, à l’environnement. On ne peut pas appliquer des protocoles.
  • Interroger les savoirs enseignés, les dépoussiérer, les décloisonner. Les savoirs sont hybrides, en mouvement… Nos élèves de collège s’ennuient ! Accepter de remettre en cause leurs
    enseignements

4/ la classe de français, pilier de l’école
Il faut partir du postulat du rôle central du langage et de son pouvoir réflexif, être ambitieux en français, développer le fabuleux pouvoir de la langue et de la culture littéraire et artistique pour dire et comprendre le monde.
La conclusion est dynamique. Dominique Bucheton croit en des enseignants sont des professionnels engagés, responsables, acteurs dans des collectifs, auteurs dans leur classe

La suite de la journée enchaine des témoignages de pratiques prises tour à tour dans le premier et le second degrés, selon les thématiques suivantes.

1/ Dispositifs contraints
Régulièrement l’institution prescrit de nouvelles façons de faire. L’actualité nous offre 2 dispositifs dans les écoles et en LP. Cela interroge le métier. Dans quelle mesure ces dispositifs entrainent-ils un changement de posture et d’identité professionnelles ?

En CP : L’enseignement à deux dans une classe a été regardé et évalué dans le cadre d’une recherche-action associant circonscription et ESPE, utilisant notamment l’analyse de l’activité avec vidéo et entretiens d’auto-confrontation.

A Montpellier, 45 % des classes sont dédoublées dans des locaux différents et 55 % travaillent à
deux en co-enseignement. Ce sont des condition pour inventer de nouvelles manières de faire.

Les premiers résultats montrent que sont discutées les questions concernant l’entente, le « rôle
en appui », l’autorité à deux, la communication en classe.

Ce dispositif doit disparaitre à la rentrée avec l’injonction du ministre en personne pour le maire d’aménager des locaux pour les dédoublements de classes.

En LP : Coenseignement entre une professeure de français et une professeure d’économie-gestion par le biais des ateliers rédactionnels (« rédiger une note de synthèse ») qui nt deux référentiels de compétences dans les deux disciplines. C’est une expérience sur 3 ans de la 2nde à la terminale avec 3 enseignants

La complémentarité des connaissances, les postures des enseignantes comme « guidant » et
pas seulement « sachant » sont de réelles plus-values.

2/ Créativité et langage
Trois expériences en théâtre et écriture sont présentées.

Expression dramatique à l’école primaire : Serge Herreman (ré)affirme que les activités artistiques permettent de : construire sa personnalité, condition pour apprendre et d’acquérir une culture.

Il faut pratiquer soi-même pour faire pratiquer et aller jusqu’à produire un spectacle.

Les programmes de 2016 sont très bien faits en théâtre.

Écriture poétique à l’école primaire : Ande Poggi nous fait entrer dans la poésie en classe sous contrainte oulipienne : cela fait écrire les élèves et leur permet de devenir auteur et poète.

De multiples exemples de contraintes sont proposés : le centon, le logo-rallye, le lipogramme, la boule de neige, la méthode S + 7, les bristols, etc…

La salle est d’ailleurs invitée à écrire un bristol « d’estomac creux » en utilisant 5 ou 6 mots. L’accumulation des bristols sera lue à la reprise de l’après-midi.

Atelier d’écriture au long cours (1 fois par semaine sur plusieurs semaines) pour un groupe d’élèves en difficultés encadrés par 4 adultes, au lycée du Futuroscope à Poitiers. Une maison d’édition numérique a même été créée par les lycéens qui gèrent tout d’un bout à l’autre de la chaine du livre. Hélène Paumier témoigne.

3/ Conditions du développement professionnel

Du côté de l’institution

Le réseau CANOPE qui est devenu l’opérateur de formation du ministère construit de nouvelles modalités d’accompagnement des enseignants : gestion du stress, estime de soi, co-design en éducation, inventer un prototype, démarche collaborative, intelligence collective, coéducation, pratiques collaboratives, établissement apprenant et atelier prototypé dans le grand est qui va essaimer au niveau
national : les résidences d’accompagnateurs en établissements scolaires.

En formation initiale

Isabelle Henry, ESPE de Caen, se demande quel enseignant former : un fonctionnaire exécutant : application, obéissance vs un sujet pensant : conception, création, réfléxivité

A quelles conditions ? Laisser émerger les besoins réels, les laisser éprouver des difficultés pour mieux les analyser — interroger leur propre rapport au savoir dans la discipline  (face à la lecture, l’écriture)

En formation continue

Karine Risselin, coordonnatrice du groupe académique Maitrise de la langue de Créteil, soutient que la formation continue est un lieu pour interroger les pratiques au secondaire dans l’accompagnement d’équipes qui n’ont pas toujours choisi la formation.

Elle fait référence aux 4 invariants de la formation : analyser, débattre entre pairs, partager la métis (F Lantheaume — les ruses, les habiletés), connaitre et produire des ressources ; au sentiment de reconnaissance (ref à Lantheaume encore) : jugement d’utilité ou jugement de beauté

Pour elle, un formateur qui accompagne doit surtout être lui-même formé…

Enjeux du travail collaboratif des enseignants

Danielle Alexandre a accompagné une circonscription de REP+ et recueilli des représentations du « travail d’équipe » qui n’ont trait qu’à des ressentis. Elle a donc professionnalisé le travail collectif des enseignants pour que ceux-ci se recentrent sur les élèves et les apprentissages à travers des appuis théoriques issus de la recherche (Bucheton) ; un va et vient théorie/pratique avec un tiers bienveillant, le formateur ; des observations dans les classes… L’usage de l’outil vidéo s’est banalisé et elle a constaté des avancées concernant la problématisation et la professionnalisation des analyses.

L’intégralité du compte rendu sur le site de l’AFEF

Isabelle LARDON