Bilan et perspectives pour l’éducation prioritaire avec l’OZP

Le séminaire de l’OZP sur l’évaluation de l’éducation prioritaire

Le 30 novembre dernier (2019), l’OZP a demandé aux membres de son conseil scientifique de présenter les premiers éléments de l’évaluation que l’observatoire a lancée en 2018. Anne Armand, Marc Bablet et Jean Yves Rochex ont montré les acquis de la refondation de l’éducation prioritaire, les obstacles et les leviers identifiés. Cette enquête donne de sérieuses pistes et des perspectives crédibles pour continuer de travailler et de démocratiser l’école.

Lire ci-dessous des extraits des exposés des experts et des éléments de conclusion de la journée, ainsi
que des liens vers les média qui ont relayé l’information.

Et pour commencer une belle citation faite par Marc Bablet


Sur le site de l’OZP

1/Introduction par Marc Douaire, président de l’association

Le conseil scientifique a construit un document d’auto-évaluation proposé sous le mode d’une enquête collaborative. Ce qui est visé par cette enquête porte sur des questions majeures pour la réussite de la
refondation de l’éducation prioritaire : l’usage de référentiel et le renforcement des apprentissages fondamentaux, le climat scolaire, la formation des personnels, le travail collectif dans le réseau, le pilotage à tous les niveaux, la gestion des ressources humaines et des moyens engagés. Lire

2/La refondation : des acquis ? – synthèse par Marc Bablet

Une première remarque que l’on peut faire consiste à dire
que beaucoup de nos collègues considèrent que rien n’est vraiment acquis car les ministres changent sans cesse les bases du travail (exemples : la disparition des PDMQDC, l’abandon de l’accueil des deux ans, les changements des repères des programmes, de nouveaux dispositifs comme CP et CE1 à 12, des
instructions nouvelles…). Il y a aussi des sujets sur lesquels on trouve des réponses partagées : 53% pensent que les difficultés sociales du réseau se sont accrues, 53% pensent que le référentiel est connu dans ses grandes lignes par les enseignants, 62% pensent que le référentiel a été utile, 62% pensent que le travail collectif s’est développé. […]

Les propos très riches des réponses bien renseignées témoignent que certains fondamentaux ne sont pas remis en cause en éducation prioritaire : les cycles (en particulier le cycle 3 très souvent cité), le
travail d’un collectif professionnel, l’importance primordiale du pédagogique, les relations avec les parents, les projets et en particulier le projet de réseau, l’importance d’une formation adaptée qui réponde aux besoins…

L’axe 1 : Maitriser le lire, écrire, parler et enseigner plus explicitement  […]
Quand on regarde les évolutions positives par axe du référentiel, on voit que pour l’axe 1 du référentiel, on en appelle à l’institution pour faire évoluer le recrutement ou la formation ; le besoin de formation entre pairs et de constitution d’outils communs sont mentionnés. La question de la co-intervention et des croisements de regards qu’elle permet (PDMQDC – cités dans 15% des réponses à l’ensemble des questions) et des CP CE1 à 12 (cités dans 34% des réponses concernant cet axe) comme modalité
de travail pour mieux mettre en œuvre l’axe 1 sont vus positivement. […]

L’axe 3 : Coopérer avec les parents et les partenaires
S’il y a bien un champ dans lequel on peut percevoir un ensemble structuré d’acquis c’est celui qui concerne les relations avec les parents d’élèves (axe 3) qui sont détaillées dans divers dispositifs et diverses pratiques. On évoque une « embellie » portée par les multiples qualités des actions décrites (authenticité, investissement des équipes, inscription dans la durée, dimension collective) et
par les valeurs portées (respect, confiance, reconnaissance de compétences des parents). Lire

3/Analyse synthétique des réponses sur l’axe 3 du référentiel, par Martine Husson

Rien ne se fait sans devoir surmonter de nombreux obstacles  : par exemple le temps qui manque, la mobilité des familles, leur passé scolaire, leur méconnaissance de la langue française ; le manque d’expérience d’une majorité des acteurs, la complexification des missions, les locaux inadaptés, la formation qui néglige les compétences de communication, les ressentis sur le manque de confiance de l’institution, la difficulté de faire réseau, la multiplicité des partenaires et/ou leur indisponibilité. Lire

4/La synthèse des réponses sur les obstacles à la mise en oeuvre du référentiel, par Anne Armand

Les obstacles à la mise en œuvre du référentiel de l’éducation prioritaire relèvent de trois catégorisations :
– ce que les acteurs ne veulent pas faire,
– ce qu’ils ne savent pas faire,
– ce qu’ils ne peuvent pas faire.
Ces catégorisations ne sont pas toujours étanches, mais elles permettent de donner une vision claire des obstacles recensés.  Lire

 

 

 

 

Conclusion du séminaire Lire

Ce qui ressort principalement de l’enquête :

  • L’éducation prioritaire s’inscrit dans une histoire, celle de la lutte contre les inégalités sociales.
    Comme telle, elle subit les contrecoups des discontinuités du pilotage politique national et pourtant la lecture des réponses à l’enquête souligne combien l’éducation prioritaire est vivante.
  • Il existe partout des éléments positifs des effets de la refondation de la part des acteurs mis en
    valeur en particulier en ce qui concerne la centration sur l’action pédagogique, le développement des cycles, notamment le cycle3 école/collège, le travail collectif, les relations avec les parents d’élèves et le projet de réseau.
  • A l’évidence, la grande majorité des réponses provient de professionnels qui réfléchissent et
    s’approprient des démarches collectives. Une professionnalité de réseau est en cours de construction.
  •  Si une très grande hétérogénéité des réponses concernant les acquis apparait, elle s’inscrit dans une affirmation forte d’un désir d’équipe et la volonté de travailler collectivement.
  • Par contre, l’homogénéité des réponses concernant les principaux obstacles est évidente :

– la question du temps qui revient dans toutes les réponses comme un obstacle majeur à la bonne mise en œuvre des projets ;
– la formation. Ce qui est attendu c’est une formation à l’initiative des acteurs du réseau, prenant en compte leurs besoins ;
– le rapport avec les familles considéré à la fois comme un obstacle et comme un levier (ce qui revient souvent : « on ne sait pas en faire des partenaires ») ;
– les interrogations sur le pilotage local et national : les contrecoups sur le terrain d’une politique nationale trop discontinue mais également des pilotages départementaux, académiques et nationaux apparaissant trop lointains et déconnectés des réalités locales.

  • S’emparer des obstacles pour en faire des leviers  : les principaux effets agissant sur le travail engagé par les réseaux sont les suivants :

– l’effet structures : ex : changements fréquents des pilotes, PDMQDC supprimé brutalement, problèmes de remplacements, mauvaise gestion des ressources humaines…, bref, tout ce qui échappe au pouvoir des acteurs de terrain ;
– l’effet formation : faire de la formation une politique de réseau ;
– l’effet mobilisation collective professionnelle : la refondation a fait émerger une conscience collective de responsabilisation dans la réussite des projets engagés localement.

  • Des acquis encore fragiles qu’il faut consolider : en particulier comment mieux faire réseau
    d’une part en prenant en compte les différences de cultures professionnelles entre les deux degrés pour faire émerger une culture commune et d’autre part en améliorant le pilotage du réseau

Perspectives de travail de l’OZP

  •  Au printemps 2020, publication du document final présentant l’enquête
  • Le 16 mai 2020 : poursuite du travail sur des questions majeures (pilotage, formation, collectif
    professionnel…)

Dans la presse

Où va l’éducation prioritaire ?

L’OZP fait paraitre un communiqué inquiet. Marc Bablet publie des articles extrêmement bien documentés et affirme des positions tranchées sur la question. Pour l’association et pour cet ancien IA-IPR qui a mis en place la refondation de l’éducation prioritaire sous le gouvernement précédent, il n’y a pas d’évaluation de l’éducation prioritaire, pas de formation de formateurs, pas de pilotage mais une communication uniquement basée sur les dédoublements de classes et les Cités éducatives qui ne mettent pas l’Ecole au cœur du système.

Le GFEN, qui intervient avec ses formateurs et formatrices à tous les échelons de la formation en REP+ et de la formation de formateurs, soutient ces deux formes d’expression : le communiqué et le blog.

Il vous incite à lire le communiqué de l’OZP.

Il engage les acteurs et actrices du terrain à répondre au questionnaire d’évaluation de l’OZP qui est encore disponible.

Le GFEN engage ses lecteurs à suivre sur Mediapart le blog que tient M. Bablet, fin connaisseur de l’éducation prioritaire, inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional retraité.

Celui-ci y écrit : « Depuis l’arrivée du ministre Blanquer, l’éducation prioritaire n’est plus pilotée. Il n’y a de communication que sur le dispositif des CP et CE1 dédoublés qui donnent lieu à une transmission d’instructions descendantes autoritaires comme on en a rarement vu. »

Il publie, entre autres articles sur les cités éducatives, la violence à l’école, la mixité sociale, les dédoublements des classes, etc., quatre articles sur le pilotage de l’éducation prioritaire. Extraits et liens ci-dessous.

  • L’éducation prioritaire n’est plus pilotée (4) – le 25 juin 2019 « Plus de visée systémique responsabilisante pour les professionnels »

En ce qui concerne le dispositif des CP et CE1 dédoublés, désormais seul outil considéré comme sérieux dans le cadre de la lutte contre les inégalités, on voit bien qu’il n’y a plus de politique de réseau et plus de visée systémique, plus de travail collectif, plus de valorisation de la responsabilité des enseignants. Les principes du référentiel qui en appelaient à la réflexion collective sont oubliés au profit d’instructions qui doivent être appliquées par chacun avec son groupe d’élèves sans visée de travail partagé, de cohérence dans le temps et dans l’espace. »

  •  L’éducation prioritaire n’est plus pilotée (3) – le 18 juin 2019 – Lire

« Fin de la formation de formateurs éducation prioritaire (FEP)

Considérant que la formation était une priorité pour améliorer la situation des professionnels dans les classes de l’éducation prioritaire, nous avons dans le cadre de la refondation mis en place depuis 2014 jusqu’en 2017 des formations de formateurs pour l’éducation prioritaire qui avaient vocation à enrichir le vivier des formateurs. De longue date des rapports et les ministres en appellent au développement de la
formation, mais peu de choses étaient vraiment réalisées et les changements de désignation des écoles en instituts et des instituts de formations en écoles pour la formation initiale n’ont que contribué à mettre en évidence le besoin criant de constituer un vivier de professionnels de la formation
professionnelle des enseignants. Lire

  • L’éducation prioritaire n’est plus pilotée (2) – le 11 juin 2019

« Plus de pilote national à la DGESCO, l’éducation prioritaire, un territoire comme les autres.

Depuis l’arrivée du ministre en 2017,  les correspondants académiques pour l’éducation prioritaire n’ont plus été réunis sur ce thème, signe que le pouvoir n’a rien à leur dire. Et surtout que la diffusion des orientations ne doit pas reposer sur ce canal. Il fut déjà très clair que la question des CP et CE1 à 12 devait être traitée par la bureau en charge des écoles et que le bureau de l’éducation prioritaire y fut très peu associé. J’avais montré toutefois que dans les premiers mois nous avions produit des propositions pédagogiques   qui n’eurent pas l’heur de plaire à la mission qui est de fait à la DGESCO responsable de ces orientations dans une position transversale où elle est donneuse d’ordre au
bureau des écoles dont la marge de manœuvre est très faible actuellement. On voit bien, sur internet, en cherchant un peu, comment la DGESCO est amenée à répéter le livre orange sur la lecture et le discours convenu sur les évaluations. Le ministre sait ce qu’il faut faire dans la classe et toute la
chaîne hiérarchique répète à l’envi ce qu’il croit bon comme si c’était à un ministre de dire comment enseigner. » Lire

  •  L’éducation prioritaire n’est plus pilotée (1) – le 4 juin 2019

« Le ministre annonce depuis bien longtemps déjà qu’il veut modifier la politique d’éducation prioritaire pour « la rendre plus efficace ». « Les Échos » ont donné à lire cette citation : « Les moyens considérables qui sont mis par la France dans son éducation prioritaire doivent être beaucoup plus efficaces dans le futur, et la philosophie est de se dire comment les moyens doivent, non pas indemniser la difficulté, mais stimuler la réussite et permettre de se fixer des objectifs », affirme
Jean-Michel Blanquer. La formule d’une éducation prioritaire qui actuellement « indemnise la difficulté » est particulièrement  insultante pour l’ensemble des collègues qui travaillent en éducation prioritaire. Quant à dire que les moyens mis sont considérables, même s’ils ont significativement augmenté en 2015 avec la mise en place des REP+, des « plus de maîtres que de classes » puis en 2017 avec les CP dédoublés, ils sont encore assez loin de ce que recommandait l’OCDE dès 2013 qui proposait de
consacrer 0.13% de PIB à l’école en éducation prioritaire. » Lire

Isabelle Lardon, le 27 juin 2019