15ème Université du Secteur Langues, « Les « fondamentaux » dans l’apprentissage des langues étrangères »

du 22 au 25 août 2023

à l’Ecole Jean Moulin, 10 Av. Vladimir Komarov, Vénissieux (69)

Le discours et l’accent mis, ces dernières années, sur les « fondamentaux », définis comme le « lire écrire-compter-respecter autrui », et dont la maîtrise est devenue la priorité à l’école, ont concentré l’attention et l’énergie au détriment d’une véritable réflexion de fond sur ce qui est important d’apprendre à l’école. Ils ont révélé non seulement leur ambition particulièrement restreinte par rapport à celles de l’école il y a 130 ans – au point qu’elles ont pu être taxées d’anté-républicaines (Lelièvre, 2019) –, mais aussi leur égarement, au vu des effets produits : « La promotion des apprentissages fondamentaux a servi une politique de restauration conservatrice contribuant à édifier une pauvre école pour les enfants de pauvres » (Bernardin, 2022). La focalisation sur ces « fondamentaux », de « bon sens », a pourtant créé un allant de soi – parce que le «simple» ça rassure – qui mérite d’être interrogé.

Il existe, en effet, un malentendu sur la notion de « fondamentaux » qui dérive du latin fundamentum, désignant la « base » et renvoyant ainsi à la fois aux « fondations » et aux « fondements ». Comme en architecture, les « fondations », c’est ce qui stabilise, et les « fondements » désignent plutôt les caractéristiques du projet qui préside à la construction et définit son usage. S’il est nécessaire de commencer par les « fondations », celles-ci doivent être conditionnées par les « fondements » qui leur donnent sens (Meirieu, 2021).

Prioriser ainsi les « fondations » sans réflexion sur les finalités des apprentissages revient à promouvoir une « pédagogie du préalable » conduisant à l’inflation d’instruments de mesure faciles et visant davantage l’entrée sur le marché du travail et la montée des attitudes consuméristes des familles et des élèves eux-mêmes, plutôt que l’ouverture de questionnements.

Qu’en est-il dans le domaine des langues ? S’il n’existe pas de discours institutionnel sur les « fondamentaux », force est de constater que les dernières instructions, « Enseignement de l’anglais et des langues vivantes étrangères tout au long de la scolarité obligatoire. Mesures pour améliorer les apprentissages des élèves » s’en rapprochent nettement. La promotion spécifique de l’anglais, la préconisation de « séquences brèves autour de savoirs ou savoir-faire à enseigner successivement et à évaluer dans la foulée, sans vision de progression à long terme » (APLV, 2022), « l’idée – la croyance – que la transparence de l’évaluation en langues est à la fois possible et nécessaire, et qu’elle peut être atteinte et assurée par la mise en oeuvre de procédures relevant des statistiques expérimentales » (Huver, 2014) dessinent le même horizon utilitariste et nuisible : « l’abrégé » (les rudiments) au détriment de « l’élémentaire » (les fondements) (Astolfi, 2008).
La 15ème Université d’Été du Secteur langues du GFEN se propose d’engager une réflexion sur un certain nombre de « fondements » qui donneraient sens à l’apprentissage et à l’enseignement des langues aujourd’hui.

Apprendre les langues pour apprendre à penser
Le Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, entre autres préconisations, incite les enseignants à « Aider les élèves à développer leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, à savoir argumenter et à respecter la pensée des autres ».
Comment recentrer le travail sur les contenus, concepts-clés et objectifs obstacles, les savoirs nouveaux censés produire « un retournement de la pensée » (Astolfi, 2008), qui ont trop tendance à disparaître au bénéfice des savoir-faire, pour autant incontournables ?
Comment « dégager les noyaux conceptuels et problématiques centrales des contenus prescrits » (Bassis, 1981).
Comment articuler la construction des outils et du sens ? Construire des savoirs et des compétences comme moyens de compréhension et d’action pour se transformer et transformer sa relation aux autres et au monde.
Comment lier la pratique langagière et la conceptualisation ? l’acquisition des connaissances et la posture réflexive ?
Comment faire accéder à une aventure intellectuelle où les questionnements ouverts sont plus importants que les réponses fermées et qui permette de se confronter à la complexité et à l’incertitude ?

Communiquer c’est toujours résoudre un problème
Communiquer ne se réduit pas à l’échange d’information. À travers les problèmes auxquels il.elle se confronte inévitablement, l’apprenant.e se construit des repères nouveaux, différents de ceux que la situation de classe ordinaire peut lui offrir. Il s’agit d’agir avec les autres pour résoudre un problème, une difficulté grâce à l’enquête (Dewey, 1938), un obstacle par l’invention de nouveaux chemins.
Comment redonner à l’objectif de communication sa dimension de résolution de problèmes, sans laquelle il ne peut y avoir de construction de savoir ?
Comment définir, sélectionner le problème en langues étrangères ? Quelles sont les tâches, les ressources et les modalités de travail qui peuvent contribuer à sa résolution ?
Comment constituer le problème en défi suffisamment stimulant et, à la fois, à la portée des apprenants ?

Ce qui unit et libère
Ce qui unit, c’est ce qui vaut la peine d’être enseigné parce que c’est ce qui intègre chaque individu, de façon durable, à une communauté aussi large que possible. Ce qui libère, c’est ce qui délivre des préjugés, fait agir, permet de s’exprimer et de penser par soi-même (Reboul, 1989).
Comment (re)créer de la cohérence entre les finalités et les pratiques : autonomie vs dépendance, coopération vs compétition, pensée critique vs adhésion sans réflexion, plaisir d’apprendre vs ennui et souffrance ? Faire du groupe d’apprenants un collectif d’apprentissages solidaires.
Quels outils et quelles pratiques pour repenser les éléments différenciateurs, les modalités d’action usuelles qui génèrent et perpétuent les inégalités ?
Comment traiter les questions culturelles en termes de relations et de complémentarités ?
Comment construire une conception de l’altérité non pas comme prise en compte des différences et par le biais de comparaisons, mais plutôt comme attention au commun, à ce qui fait lien et unit : « imaginer et (…) réinventer une didactique de la diversité et de l’hétérogénéité, du mouvant et du composite, du paradoxe et de la différence » (Castellotti et Moore, 2008) ?
Comment penser la question des langues à l’aune des enjeux sociaux et politiques présents et à venir, dans une perspective plurilingue et pluriculturelle ? Quelles pratiques pour construire un autre rapport à l’autre et une conception du monde plus émancipatrice ?

Au programme :

  • Conférence de Véronique Castellotti (Université de Tours) :  » Fondamentaux ou fondamental en DDL ? Pour une didactique du sens et de la relation. »
  • 12 ateliers proposés