Extraits Dialogue n° 182

Dialogue n° 182
100 ans d’Education Nouvelle : une histoire à partager

Editorial
  • Cette histoire… qui n’est pas que la nôtre !   Lire
    Collectif de réalisation du numéro, issu du GFEN et du LIEN

Glossaire

  • Sigles et abréviations
L’Éducation Nouvelle a une histoire
  • Louise Michel, précurseure de l’Éducation Nouvelle ?
    Jean-Jacques VIDALEn 1871, quand la Commune de Paris s’insurge durant quelques semaines et tente d’installer les fondamentaux d’une République sociale, Louise Michel, totalement engagée dans les évènements et très investie sur les questions pédagogiques depuis ses débuts comme maîtresse d’école, fait des propositions au gouvernement communard en faveur d’une nouvelle méthode d’enseignement dans des écoles laïques.
    À cette époque, le terme d’Éducation nouvelle circule déjà depuis une décennie : ses enjeux s’élaborent au travers de la réflexion éducative et de toutes ses expérimentations durant le 19e siècle. Mais, quoique déjà nouvelle, cette éducation n’est pas encore « Nouvelle ».
    Pourtant, les enseignantes engagées dans la construction dès l’école communale d’une citoyenneté éclairée pour leurs élèves apportent par leurs pratiques des réponses forcément militantes à des questions qui ne sont pas posées, ni par la société de l’époque, ni par les réflexions en cours pour construire l’ « école républicaine ».
  • Paul Faucher, aventurier de l’Éducation Nouvelle
    Colette CHARLET et Jean-Louis CORDONNIERPaul Faucher est bien connu comme fondateur des Albums du Père Castor. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il fut un pionnier de l’Éducation Nouvelle et joua un rôle important dans les débuts du GFEN, dont il a été président en 1935 et 1936.
    Paul Faucher est né en 1898. En 1916, il finit ses études en obtenant le brevet de capacité pour l’enseignement primaire. Mais c’est la guerre… À 18 ans, il peut s’engager comme soldat, puis participer en 1919 à l’occupation de l’Allemagne. Il en gardera un profond dégoût face à l’inanité de la guerre. Bien qu’ayant le brevet d’instituteur, il ne rejoint pas l’instruction publique, et en 1921,  devient commis libraire chez Flammarion. On y remarque son sens de l’organisation et ses connaissances en littérature : en 1922, il est nommé gérant de la succursale du Havre.
    C’est ainsi qu’en 1923, il entre en contact avec le Conseiller français du commerce extérieur de la France à Londres, Tony Guéritte. Par cet intermédiaire, il fait connaissance avec son épouse, Madeleine Guéritte, qui lui présente alors sa revue, La Nouvelle Éducation (L.N.E.). Avec Roger Cousinet, elle vient de fonder L.N.E. juste avant le congrès fondateur de la LIEN – Ligue Internationale de l’Éducation Nouvelle en 1921 à Calais.
  • « Je ne conçois pas l’éducation sans référence à l’Éducation Nouvelle »
    Entretien avec Gaston MIALARET par Odette et Michel NEUMAYER, Étiennette VELLAS, Jean-Marc RICHARDDans mon jeune temps, j’ai commencé comme instituteur, je préparais mon professorat à ce moment-là et, de très bonne heure, j’ai été conseiller pédagogique, c’est-à-dire maître de classe d’application. Dès que j’ai été conseiller pédagogique, et c’était juste après la Libération, je me suis intéressé aux “points de vue” de l’Éducation Nouvelle. Et j’ai adhéré au GFEN en 49-50. Dès ce moment-là, préparant l’inspection primaire aussi, je me suis documenté sur les travaux de Decroly, Montessori, et j’ai découvert quelque chose qui me paraissait quand même nécessaire si on voulait devenir vraiment un éducateur digne de ce nom. Arrivant à Paris à l’École supérieure de Saint-Cloud, pour y faire une inspection, je me suis lancé complètement. J’ai rencontré l’Éducation Nouvelle, les groupes, les gens. J’assistais aux réunions, et comme ça, petit à petit, j’ai travaillé avec Wallon. J’ai été nommé membre du bureau du GFEN, puis ensuite président. L’Éducation Nouvelle, c’est quand même pour moi quelque chose qui fait partie de ma vie. Je crois que je ne conçois pas l’éducation sans avoir cette référence à l’Éducation Nouvelle.
  • Le GÉMAE, affluent constitutif du GFEN
    Entretien avec Josette JOLIBERT par Joëlle CORDESSE et Jean-Louis CORDONNIERNous, la quinzaine de jeunes profs qui avons créé le GÉMAE, avions en commun :
    – d’être des profs débutants qui commençaient à enseigner alors qu’ils n’avaient reçu aucune formation pédagogique durant leurs études, ni en fac, ni en École Normale Supérieure ;
    – d’avoir pratiqué un long militantisme contre la guerre d’Algérie – laquelle avait accompagné toutes nos études et venait, en 1962, de se terminer – et d’y avoir acquis une expérience variée d’actions collectives. Nous étions d’anciens étudiants de l’UNEF, de l’UEC, du PSU, cathos de gauche, etc. et, à un ou deux ans près, nous avons
    eu notre premier poste autour de 1962 ; d’être, pour beaucoup d’entre nous, d’anciens élèves d’Écoles Normales primaires, qui, à ce titre, avions fait en seconde (le recrutement en École Normale se faisait alors en fin de troisième) un stage obligatoire de formation de moniteurs de colonies de vacances dans le cadre des CÉMEA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation
    Actives). On découvrait ainsi l’Éducation Nouvelle non pas à l’école mais dans les colos. Ça se terminait par le BAFA (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur) que nous avions à peu près tous.
  • Parler d’histoire et de mémoire. Propos sur l’atelier d’écriture
    Josette MARTYLa rupture qu’apportait l’atelier d’écriture en prônant ce faire ne fut pas intégrée en tant que rupture avec l’idéologie dominante. L’atelier apportait et apporte une pratique structurée par des consignes élaborées. Il met en scène l’acte d’écriture. Il propose une « méthodologie » qui sort la création de l’élitisme. Activité de groupe, chacun écrit et lit, s’écoute et s’entend. Les mots prennent du corps. Dans le cours de l’atelier le Moi de chacun devient un Je actif. Ce pouvoir gagné sur les mots est une force d’émancipation. Le sujet s’autorise à écrire, à élargir ses lectures. Il devient curieux de l’écriture des autres. Tout texte perd son mystère et s’éclaire de son sens plein de pensées à découvrir. La bibliothèque du sujet écrivant s’élargit.
  • L’école Al Doustourya : Regards sur l’École Constitutionnelle (Jérusalem 1909)
    Ramzi TadrosJe voudrais ici évoquer le parcours d’un homme, Khalil Al Sakakini dont j’ai, non sans mal, découvert les écrits. Ils me semblent témoigner d’une étonnante pensée pédagogique qui me semble proche de ce que j’ai découvert de l’Éducation Nouvelle d’hier et d’aujourd’hui à travers ma fréquentation du GFEN en Provence et du LIEN.
    En 1909 Khalil Al Sakakini et Ahmed Khalidi fondent l’école Al Doustouria (École de la Constitution) où ils mettent en place une pédagogie et des pratiques hors normes pour l’époque. En effet, ils constatent la désuétude de l’enseignement traditionnel ainsi que celui des écoles de l’état ottoman d’une part, tout en critiquant par ailleurs l’inadaptation des écoles missionnaires catholique et protestante qui étaient en plein développement.

Être porteur de cette histoire

  • Éducation Nouvelle : audace contre routine ?
    Michel HUBERDans la perspective de ces deux numéros de Dialogue sur les 100 ans de l’Éducation Nouvelle, Étiennette Vellas, au nom du Lien,
    m’invite à réagir à la fameuse critique qui nous a toujours été faite : « Vous êtes dangereux, vous leur apprenez à penser ! ». Pour répondre à cette accusation, je me permettrai de mobiliser mes expériences professionnelles et personnelles formalisées dans un de mes derniers écrits.
    Professeur d’Histoire-Géographie, je ne supportais pas que mes élèves s’ennuient pendant mes cours. Au bout de 3 ans d’enseignement en Lycée, à Corbeil-Essonnes (91) et à Antony (92), le cours magistral traditionnel me procurait peu de joie. J’envisageais même de quitter l’enseignement lorsqu’une collègue, professeur de Philosophie, me parla du GFEN, un mouvement pédagogique proche de notre courant syndical.
  • Notre recherche d’une éducation nouvelle : bribes d’histoire et traces de pratiques
    Joëlle CORDESSE et Étiennette VELLASL’histoire de l’Éducation Nouvelle n’a pas encore été faite.
    La voir comme une recherche en éducation, recherche d’une éducation nouvelle pour une ère nouvelle, commencée depuis plus de 100 ans, est l’entrée que nous proposons dans notre texte.
    – En rappelant par quelques-unes de ses facettes développées dans nos propres Mouvements du GFEN et du LIEN (15 mouvements aujourd’hui) que cette recherche est multiple et diverse.
    – En nous concentrant sur cette manière de chercher que nous nommons une auto-socio-construction des savoirs, qui se veut, dans le même temps et dès l’origine, construction des personnes qui la vivent et de la société.
    – En mettant l’accent sur l’histoire de cette recherche faite à l’intérieur du GFEN. Sa recherche pionnière faisant écho à celles des mouvements du LIEN, à travers rencontres, écritures en commun.
  • 1921- 2021, un courant de l’Éducation Nouvelle en mouvements
    Infographie de Saskia VELLAS

  • Culture de paix, écriture et Éducation nouvelle « Naître après »
    Michel NEUMAYERJe voudrais ici faire l’éloge d’une pensée pédagogique qui sache ne pas faire fi des complémentarités entre “petite” et “grande” histoire. Je voudrais qu’elle nourrisse une conception de “l’engagement en pédagogie”, notion importante dont nous avons tant besoin, que nous pensions aux apprenant.e.s, aux formatrices et formateurs, aux enseignant.e.s.
    Ce texte débute par un bref exergue qui situe l’origine de ma réflexion. Il est suivi de rapides fragments biographiques. Ma thèse centrale en matière d’écriture et d’émancipation est ensuite explicitée et brièvement étayée par trois exemples d’ateliers d’écriture de “culture de paix”.

L’Éducation Nouvelle, caractéristiques et enjeux

  •  D’hier à aujourd’hui, les apports de l’Éducation Nouvelle au débat éducatif
    Jacques BERNARDINIl est bien difficile de parler de l’éducation nouvelle au singulier, tant les courants qui la composent sont divers au niveau de la philosophie qui les inspire comme à celui des outils et méthodes qui les caractérisent. L’amalgame prête le flanc aux critiques et procès, mais aussi aux récupérations idéologiques : de la condamnation des « pédagogistes » au nom d’une culture qu’ils sont censés négliger à la promotion d’une éducation « alternative »… mais privée, le conservatisme élitiste prospère, sur fond de dégradation du crédit de l’école publique. Cela posé, quels éléments singularisent l’apport de l’éducation nouvelle au débat éducatif ?
    Si l’éducation vise l’insertion dans la société, doit-elle se plier aux seuls besoins de l’économie, prioriser l’accès à l’emploi et la reconduction de l’ordre social, comme cela a prévalu historiquement ? Depuis ses origines – qu’on peut faire remonter, dans ses aspirations, au Siècle des lumières – l’Éducation Nouvelle vise essentiellement l’émancipation intellectuelle, la capacité pour chacun de penser par soi-même tout en s’inscrivant dans une socialisation élargie, de participer aux débats de son époque et de contribuer à l’évolution des rapports sociaux. C’est de ce point de vue qu’elle juge les méthodes : au-delà même des contenus d’apprentissages explicites, à quelles finalités préparent-elles ?
  • « Plus jamais ça ! » Du slogan à l’action
    Maria-Alice MEDIONIPlus jamais ça ! ». Cette formule est bien connue dans l’Éducation Nouvelle. Elle fait partie de son histoire, d’un moment de rupture dans les consciences qui garde encore (hélas ?) toute son acuité.
    L’objet de cet article est de revenir sur l’émergence de cette prise de position et de s’interroger sur sa dramatique persistance au point qu’on pourrait s’exclamer tout autant aujourd’hui en disant : « Encore ça ! ». Qu’est-ce qui a fait « faillite » dans ce beau projet, où sont nos freins, nos incapacités, sur quoi faut-il porter le travail et l’action encore aujourd’hui ? Sans prétendre à l’exhaustivité quant à la présentation des origines de la formule, ni à la prétention quant aux « solutions » à envisager, je propose juste un modeste temps d’arrêt pour réfléchir à ce mot d’ordre, dans notre histoire.

  • 100 d’Éducation nouvelle toujours nouvelle. Continuité et nouveautés
    Catherine LEDRAPIERLe centenaire est l’occasion de faire le point sur l’Éducation Nouvelle, si mal connue. Je vais tenter de cerner ce qui a fait unanimité au sein de la grande diversité qu’est l’Éducation Nouvelle, de discerner quelques différences et quelques évolutions au cours de ces 100 ans.
    On dit que l’Éducation Nouvelle a cent ans, car la LIEN qui officialise le réseau international a 100 ans. Mais les écoles nouvelles existaient bien avant ! Apparues en divers endroits du globe fin XIXe, ce sont des initiatives audacieuses, en rupture avec les pratiques traditionnelles (d’où leur nom), poursuivant le même but : que l’enfant puisse agir librement, que son éducation soit intégrale (polyvalente, polytechnique, valorisant les arts, l’éducation physique et le travail manuel). Dès 1899 le BIEN(1) les caractérise.
  • « Vous êtes dangereux, vous leur apprenez à penser »
    Odette BASSISParoles adressées à Henri Bassis et moi-même, engagés au Tchad en 1971 – il y a 50 ans ! – et dites par le représentant ministériel français venu à Ndjamena en 1975.
    Il en est de tout savoir, dans toute situation de vie, que d’avoir à engager des pas, aussi minimes soient-ils, dans un espace réflexif donné. C’est là où « apprendre » ne peut pas se suffire à lui-même s’il n’ouvre des chemins dont l’enjeu décisif, bien plus que d’ajouter seulement au panier des « connaissances-à-retenir-et-appliquer» n’engage le devenir pensant du sujet apprenant lui-même. C’est là cependant où « un seul pas fait dans l’apprentissage peut signifier cent pas dans le développement » en soulignant que c’est par rapport à un mode d’enseignement… « qui apporte plus que ce qu’il apporte immédiatement ».
  • 2021 : création de Convergence(s) pour l’Éducation Nouvelle
    Avancer avec des ambitions partagées et un projet politique commun

    Étiennette VELLASL’Éducation Nouvelle est souvent déclarée morte, du moins vue comme un mouvement du passé. Nous ses praticien.nes  d’aujourd’hui sommes alors conduits à opérer cette rectification : Non ! l ‘Éducation Nouvelle n’est ni morte ni faiblarde ! Elle vit, se développe, se ramifie.
    Cette situation de méconnaissance est en partie due à la disparition des Congrès de la Ligue Internationale de l’Éducation Nouvelle (La LIEN) après la deuxième guerre mondiale. Si l’histoire d’un siècle d ‘EN n’a toujours pas été faite, notre mémoire collective de militant.e.s a cependant fait de ces congrès des lieux remarquables en soulignant la diversité des participants, un public augmentant à chaque congrès, des échanges possibles entre scientifiques, pédagogues et administrateurs scolaires.
    Et surtout des lieux porteurs d’un espoir commun d’un monde plus fraternel à faire advenir par une éducation nouvelle.