Actes des 14èmes Rencontres Maternelle (2023)

Apprendre à se poser des questions,
se questionner pour apprendre ?

Le 28 janvier 2023, se sont tenues à Paris les 14èmes Rencontres « Pour que la maternelle fasse école » organisées par le secteur Maternelle du GFEN.

Elles ont été l’occasion de s’interroger sur le questionnement pour apprendre, enseigner ou former. Elles ont donné lieu à des actes que vous pouvez acquérir en format numérique.

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2023, 59 p., 6 €

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Introduction et présentation des rencontres

Isabelle Lardon

Les participantes (utilisation du féminin au lieu du masculin pour désigner le pluriel) des rencontres sont venues de loin, de Brest ou de Besançon, de Belgique ou de Lyon, de Paris et de sa région. Elles sont enseignantes pour les 2/3 et formatrices ou cadres associatives pour un tiers et rassemblées après plusieurs années de galère, d’évènements annulés ou organisés à distance.

Les rencontres sont là pour se questionner, réfléchir, échanger parce qu’on ne peut rester seule quand le métier est malmené, la condition enseignante méprisée, l’école maternelle réduite à une petite école élémentaire, comme en son temps le collège était un petit lycée. Après les bonnes pratiques diffusées sous forme de guides pour enseigner à l’école maternelle, publiés en 2020 ; après le détricotage du programme de 2015, devenu programme consolidé par le ministère Blanquer en 2021, est arrivée la note de service parue au BO du 12 janvier dernier, intitulée Plan Maternelle. Celui-ci préconise de « partager des pratiques pédagogiques éprouvées, dont l’efficacité dans la réduction des inégalités est corroborée par la recherche et qui fait l’objet de différents guides dont les professeurs sont invités à s’emparer ».

On ne peut qu’être d’accord avec la visée du ministère de réduire les inégalités mais les solutions proposées renvoient plus aux guides produits par on ne sait qui au ministère qu’aux travaux des recherches. La question du langage en maternelle est réduite à l’acquisition de vocabulaire, avec une méthode de répétition, mécanique et simpliste, qui ne permet pas d’entrer dans la complexité des savoirs. Le pilotage est fait depuis le rectorat par les conseils académiques des savoirs fondamentaux, qui vont se baser sur les résultats aux évaluations nationales, les comparaisons préconisées entre écoles, une « culture commune de l’évaluation ». Le texte insiste sur la connaissance des évaluations de CP, sur l’évaluation des acquis des élèves dès la petite section. L’évaluation est une obsession. Il faut prioriser le « renforcement des connaissances didactiques en mathématiques et en français » et la progressivité des apprentissages ; recentrage sur les fameux fondamentaux. Pour arriver à ses fins, le ministère va former les recteurs, qui vont former les inspecteurs, qui vont former les conseillers pédagogiques qui vont former les enseignants et dans 6 ans, la dernière enseignante de maternelle sera formée ! C’est LA recherche, celle qui corrobore les attentes du ministère qui va former ses formateurs. En dernier lieu, ce plan préconise de travailler en partenariat en amont et en aval de l’école maternelle avec la Petite Enfance et le CP, et avec les familles, sans donner de temps pour ces concertations qui existent déjà et reposent partout sur l’engagement des personnels.

Pour faire entendre une voix différente,  le groupe Forum Maternelle, coordonné en 2018 par le GFEN, vient d’être réactivé par le SNUipp. Il est composé d’associations AGEEM, FCPE, AFEF, ANCPet AF ; de mouvements pédagogiques ou d’éducation populaire ICEM-Pédagogie Freinet,CRAP-Cahiers pédagogiques, CEMEA, Ligue de l’Enseignement ; des fédérations syndicales CGT- UNSA – CFDT – FSU – SUD. Le groupe a écrit une tribune collective publiée au Monde le 9 janvier 2023, pour revendiquer une école « démocratisante » (le mot est emprunté à Sylvie Cèbe et Roland Goigoux), autrement ambitieuse, à rebours des objectifs de performance préconisés par le ministère et qui gagnent toujours plus de terrain.

L’école maternelle que nous voulons, c’est :

–  une école soucieuse du développement des jeunes enfants dans toutes ses dimensions, exigeante envers elle-même pour les élever ; un lieu où l’enfant qui devient élève a accès à de nombreux apprentissages, tous fondamentaux, évalués de manière positive ; un lieu d’accès à la culture, véritable bien commun, pour comprendre et agir dans le monde.

–  un collectif de travail où les équipes enseignantes n’ont pas à « se conformer à des protocoles précis » mais sont capables de concevoir leurs outils, de travailler en intermétiers avec les autres professionnels et dans des relations constructives avec les familles.

Il est important pour le GFEN de rappeler cela aujourd’hui pour défendre et à la fois transformer l’école maternelle et pour mettre en avant la confiance dans notre pouvoir d’agir et de penser.  

La journée a commencé avec Olivier Maulini qui s’est risqué à nous questionner, là où nous sommes dans notre milieu de travail. Et nous nous sommes risquées à nous frotter à la recherche, dans une configuration (terme de sociologie qui signifie un système complexe et non pas binaire) où chaque acteur a sa place, en interaction avec les autres, enseignants, formateurs, chercheurs, cadres…

Les ateliers se sont déroulés ensuite, au cours desquels les animatrices ont fait vivre aux participantes des situations d’apprentissages copyright GFEN !

Sophie Reboul a montré comment faire entrer les élèves de grande section dans la résolution de problèmes mathématiques. Laure Coindeau a abordé la notion de quantité, sans jamais parler de nombre et en faisant en sorte que les élèves de petite section verbalisent, se questionnent et s’aident.

Avec Corinne Ojalvo et Viviane Guesquière, les élèves sont capables de gérer toutes les opérations mentales pour écrire un texte, grâce au collectif et à l’étayage de la maitresse. Damien Sage fait entrer ses élèves dans la littérature jeunesse sans leur poser les questions classiques de compréhension du texte.

Jacqueline Bonnard s’est appuyée sur la manipulation pour faire chercher les élèves et les amener à la conceptualisation. Laëtitia Bisson a utilisé les questions philosophiques pour développer une posture de réflexion chez ses élèves d’école élémentaire et on peut tout à fait s’en emparer en grande section de maternelle.

Pour clôturer la journée, Jacques Bernardin, président du GFEN, a questionné les visées de l’école maternelle : conformer les esprits ou éveiller les consciences. Il faut choisir ses croyances en éducation. C’est tout vu mais il nous donne des arguments pour en découdre. On va en avoir besoin par les temps qui courent.

Sommaire
Introduction et présentation des rencontresIsabelle Lardon

Apprendre à se poser des questions, se questionner pour apprendre – Secteur Maternelle

Conférence d’ouverture
(Se) questionner pour (se) former, ou la sécurisation du passage risqué – Olivier Maulini – Université de Genève
Ateliers

A/ Passer du monde réel à l’univers mathématique – Sophie Reboul, GFEN 25

B/ S’appuyer sur la notion de quantité pour construire le nombre – Laure Coindeau, GFEN Maternelle

C/ Commencer à écrire tout seul – Viviane Ghesquière & Corinne Ojalvo, GFEN Maternelle

D/ Lire un album « sans question » – Damien Sage, GFEN Paris

E/ Manipuler, se questionner, catégoriser – Jacqueline Bonnard, GFEN 37

F/ Se questionner pour participer à des débats philosophiques – Laetitia Bisson, GFEN 72

Conférence de clôture
Quand l’Ecole maternelle pose question – Jacques Bernardin, Président du GFEN

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