Lucien Sève : une pensée toujours vivante, un combat plus que jamais actuel Lucien Sève : une pensée toujours vivante, un combat plus que jamais actuel Lucien Sève s’est éteint le 23 mars 2020 Au GFEN nous connaissions bien Lucien Sève ! Parce que les questions d’éducation le préoccupaient grandement Parce qu’il était un ardent défenseur du plan Langevin-Wallon, un lecteur averti de Vygotski et un passeur exigeant parmi d’autres de ses apports théoriques (hommage à Françoise Sève pour son travail de traduction, essentiel pour rendre cette œuvre accessible en français) Parce qu’il a contribué intellectuellement à notre combat contre l’idéologie mystificatrice des « dons » ou autres « talents inscrits dans l’ADN » Parce qu’il est de ceux et celles qui ont pensé sans discontinuer les rapports entre le biologique et le social, entre l’individuel et le collectif, entre sciences et logique dialectique, entre révolution sociale et révolution pédagogique Parce qu’il avait un style d’écriture et de pensée qui fait écho à notre « démarche d’auto-socio construction » des savoirs. Nous pourrions aligner tous les titres de ses ouvrages et articles, et se rendre compte, ainsi, à quel point il a nourri et nourrit encore notre réflexion. Pour le GFEN, il a contribué à « L’échec scolaire, doué ou non doué ? » (1974) dans lequel était repris son célèbre article d’octobre 1964 paru dans la revue L’Ecole et la Nation (« Les « dons » n’existent pas ») ; puis, 45 ans plus tard, il réactualise sa pensée dans « Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard », en titrant sa contribution, non sans un certain humour, « Les « dons » n’existent toujours pas » (2009). Voici comment il concluait à propos de la réussite scolaire, et qui résonne étrangement en mars 2020 : « On comprend ainsi à quel point la résolution du problème dans ses dimensions les plus générales, est conditionné par le sens que le monde social existant donne ou refuse à nos vies — il n’y aura donc vraiment école de la réussite pour tous que dans une société émancipée en profondeur de ses gravissimes aliénations présentes. Mais on conçoit aussi combien, dans ses conditions présentes mêmes, les efforts conjoints des enseignants, des jeunes, des parents, de tous ceux à qui importe le sort des nouvelles générations, sont cependant capables ensemble, sans attendre, de donner sens à l’activité éducative. Et c’est même, sans aucun doute, l’une des très importantes manières de faire pièce au non-sens plus vaste qui nous menace. » (p 34). Nous pourrions ainsi multiplier les citations, les poser comme « problème de pensée sans questions » et, ainsi, engager le débat avec celles et ceux qui continuent de concevoir et vivre les déterminations sociales comme des déterminismes fatalement naturels alors que, pour nous, il est essentiel de « faire avec les différences sans les penser et les vivre comme des inégalités ». Simplement, en ce jour de deuil sans possibilité de manifestation publique, nous voulons rendre hommage à l’un des grands penseurs du 20ème siècle révolu et du 21ème siècle commençant. Celui qui écrivait, en 1964, au début de la bataille d’idées contre les « dons », « l’homme n’est pas un animal », et qui affinait sa pensée en octobre 2019 dans « Carnets Rouges », en pleine polémique sur une certaine neuroscience cognitive : « A l’animalité d’Homo sapiens est ainsi venue se superposer et se surimposer une immense deuxième humanité non plus organique-interne mais sociale-externe, souvent appelée d’un mot très insuffisant « la culture » et qui est en vérité le monde-de-l’humain. Confondre pareil monde avec le simple environnement d’une espèce animale constitue une faute de pensée anthropologique fabuleuse. » Quel chemin parcouru, entre émergence et complexité ! Pascal DIARD, pour le GFEN 24 mars 2020 Pour entendre ou ré-entendre Lucien Sève sur Vygotski, le marxisme et les sciences du psychisme, ce lien vers une émission de télévision laquelle participaient également Jean-Yves Rochex, Gérard Vergnaud et Annick Wel-Barais. Vidéo de Lucien Sève évoquant les rapports entre aliénation, émancipation et communisme, un de ses derniers gros chantiers de travail. Un entretien accordé à EPS et société où il est question de culture, de développement humain, d’émancipation 24 mars 2020 Valérie Pinton