Du tri à l’exclusion

  • Du plan Langevin-Wallon à aujourd’hui, Jacques BERNARDIN, 2011, Lire

Du rapport Thélot à la loi Fillon en passant par les déclarations et textes plus récents, les discours sur l’éducation utilisent la notion d’aptitudes, de talents propres à chacun pour justifier l’individualisation des cursus et l’abandon des ambitions démocratiques au nom d’un pragmatisme qui serait plus adapté aux besoins économiques d’aujourd’hui. On a même pu entendre certains responsables justifier ces choix en faisant référence au Plan Langevin-Wallon qui, lui-même, parlait d’aptitudes. Qu’en est-il exactement à chacune des époques ? D’hier à aujourd’hui, quel sens est attribué à cette notion et au service de quelles finalités ?

  • Ecole pour la réussite de chacun, les points de vue d’Agnès VAN ZANTE et Choukri BEN AYEB, 2011, Lire
  • L’individualisation dans la classe, Stéphane BONNERY, 2009, Lire

En partant de ses travaux et en empruntant à des recherches réalisées par des collègues, l’auteur essaie de répondre à la question « L’individualisation : une réponse à l’exclusion sociale ? », en posant cette question à trois niveaux.
1 – « L’individualisation dans la classe : inégalités, compensation, lien social et leurre ».
2 – de l’individualisation dans la classe à « l’individualisation dans le système scolaire », et notamment l’individualisation dans le traitement de la difficulté scolaire.
3 –  « L’individualisation dans le système économique et dans la société », en traitant de la relation entre les contradictions qui sont dans la société et celles dans la salle de classe.

  • “Individuel/collectif en éducation : un faux débat ?”, Bernard BIER,2009, Lire
  • Les paradoxes de l’individualisation, bulletin XYZep du Centre Alain Savary, 2006, Lire

  • Les difficultés d’apprentissage seraient-elles des pathologies qu’il conviendrait de soigner ?

Jacqueline BONNARD

A tous les niveaux de la scolarité, les injonctions faites aux enseignants, aux éducateurs sont fortes pour dépister, prévenir, anticiper… afin d’individualiser et traiter les difficultés de façon parcellaire, en rejetant sur l’individu lui-même les causes du dysfonctionnement. A force de chercher des causes
individuelles à des difficultés scolaires qui pourtant sont communes à un certain nombre d’élèves issus le plus souvent des classes populaires, on en vient à concevoir la difficulté scolaire comme une maladie. Le vocabulaire utilisé est d’ailleurs sans ambiguïté : on dépiste pour prescrire, on diagnostique
pour prévenir, on traite le « problème » après avoir identifié la nature du « dys »fonctionnement en externalisant  ce qui pourrait être pris en charge dans le cadre de la classe par une approche pédagogique concertée.

Le courant neurocomportementaliste tente d’imposer cette conception : prolifération des « dys » (dyslexie, dyscalculie, dyspraxie…), arrivée massive de troubles (de l’attention, de langage, de mémoire…), comme autant de d’indicateurs attestant d’un dysfonctionnement génétique ou neurologique empêchant d’apprendre. Dans un modèle où la difficulté est renvoyée à chaque individu
comme un problème personnel à résoudre -ou pire à une fatalité-, la porte est ouverte à une médication dont les effets peuvent être dévastateurs. Tout se passe comme s’il n’existait pas de mémoire pédagogique faite de connaissances et d’expériences à partager, comme si l’expertise de l’enseignant se cantonnait aux routines installées dans la classe. Pourtant l’école a besoin de construire du collectif, à commencer chez les professionnels de l’enseignement : échange de pratiques, regards croisés sur les élèves, élaboration de projets de classe, réflexion sur les enjeux et les visées…

Au sein d’une société ou l’individualisme triomphe, le risque est de faire imploser l’institution si les problèmes repérés sont compris comme organiques ou physiologiques alors même que les sciences de l’éducation nous apprennent que la difficulté est constitutive de l’apprentissage et qu’il conviendrait
d’analyser ce qui fait obstacle chez certains élèves. La tentation est grande de laisser croire que les réponses à la difficulté scolaire se trouvent soit dans le soutien scolaire (rattrapage, révisions, aide aux devoirs…) soit dans le soin (orthophonie, rééducation, suivi psychologique…).

Il ne s’agit pas de nier l’intérêt scientifique des neurosciences dont l’apport nous permet de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau,  mais face à une dérive idéologique, on peut à juste titre s’inquiéter de cette propension à externaliser la résolution du problème de l’élève en laissant croire que  ses difficultés n’ont pas de rapport direct avec l’enseignement proposé d’une part, et des discours de neuroscientifiques peu soucieux de l’éthique nous expliquant comment « dépister » dès le plus jeune âge les enfants « à risques ».

Un texte de Laurent CARLE, psychologue scolaire. Face à l’indignation justifiée par le projet gouvernemental de dépistage des enfants « à risques », l’auteur incite à signer la pétition mais s’interroge sur les tabous qui verrouillent les esprits et lient les langues, empêchant les enseignants à faire évoluer un système d’évaluation qui relève d’un logique élitiste. Avec en
prime, un lien sur le document « protocole d’évaluation en grande section » sensé aider les enseignants à repérer « l’enfant à risque ».

Un billet d’humeur de Guy TRIGALOT Maître E, qui s’interroge sur « le besoin de néologismes pseudo-scientifiques qui font penser que l’on a une docte maîtrise du problème »

Un article très complet et intéressant de Michel S Levy* sur la tentation de médicaliser les difficultés scolaires à partir d’études pseudo-scientifiques qui visent en outre à déresponsabiliser les différents professionnels et de faire porter massivement sur les sujets souffrant la responsabilité de ce qui se passe.

*Michel S LEVY :  Psychiatre, PsychanalYste à Rodez, auteur de “Psychanalyse : l’invention nécessaire”, 2005, L’Harmattan et “Psychanalyse : une éthique de l’engagement” 2011, L’Harmattan

  • Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent. Rapport de l’INSERM – 2005La lecture du rapport de l’INSERM auquel tous les auteurs font référence est fort utile si l’on veut comprendre ce qui se joue et comment – et quoi- l’idéologie libérale s’appuie sur une étude à priori “neutre et désintéressée” pour exclure.