Le stage « vécu de l’intérieur » (paroles de stagiaire) Il est très difficile de décrire ce qui s’y passe, il faut le vivre de l’intérieur pour éprouver le foisonnement du travail intellectuel dans les échanges. On se rend compte que les questions personnelles qu’on se pose sur sa classe, ses élèves sont des préoccupations professionnelles qui touchent aussi les autres collègues. On expérimente « en vrai » et « en grand » qu’on est plus intelligents à plusieurs. On en repart gonflé pour l’année, enrichi, enthousiaste. Voilà à quoi ça sert un stage de rentrée. Stage : mode d’emploi L’hétérogénéité des publics C’est quelque chose qu’on connait bien dans les classes. Ici on a la « preuve par l’épreuve » (Jacques Bernardin) que c’est une richesse et non pas un obstacle. On vient un peu de partout, selon l’implantation géographique, de la ville ou du département. On en a entendu parler par des formateurs engagés dans le mouvement, ou bien on sait que ça existe et on y participe chaque année, ou encore on l’a découvert un peu au hasard d’une lecture ou d’une rencontre… Qu’est-ce qui pousse à se retrouver dans une école en cette fin de vacances, alors qu’on pourrait profiter encore un peu de son temps libre, alors qu’on a aussi des tas de choses à préparer pour sa classe ? On est débutant dans le métier, majoritairement, mais on a aussi plusieurs années d’expérience et on voudrait changer des pratiques qui ne nous conviennent plus, on veut durer dans le métier, ou bien on est soi-même formateur (si, si ça existe la formation tout au long de la vie !) et on vient pour faire un point, une pause. Les motivations sont donc bien différentes, entre celui qui découvre le mouvement et celui qui adhère déjà à ses valeurs. Les animateurs des ateliers Eux, ce sont des militants qui ont travaillé en amont pour préparer ce stage. Au GFEN, le choix est fait de l’animer en binôme, un « ancien » et un « nouveau » dans le mouvement (et ce n’est pas une question d’âge), pour que l’expérience de l’un serve à l’autre, pour que l’un s’essaie sous le regard bienveillant de l’autre. « Assurer la relève, c’est important ! Il faut que les choses se transmettent, évoluent, avancent ; c’est l’essence même d’un mouvement », nous dit une secrétaire nationale. Un atelier : tentative de description Le principe est de faire vivre personnellement aux participants une situation dans laquelle eux-mêmes sont en posture d’apprenants, pour voir qu’ils passent par les mêmes cheminements de pensée que leurs élèves en classe. Ces démarches sont transposables et chacun pourra ensuite l’expérimenter professionnellement dans sa classe. Exemple : Lire une lettre en polonais pour montrer dans quelle situation se trouve un apprenti-lecteur de CP. Le but de ces ateliers n’est pas seulement de les vivre mais surtout de les analyser pour déteminer les invariants d’une situation d’apprentissage. On fait et on parle pour conscientiser ce que l’on a fait et formaliser ce concept noyau dur qu’est « enseigner/apprendre ». On revient sur l’activité, ce qui a fait empêchement ou obstacle, quels leviers ou quelles aides ont joué pour comprendre comment on a fait et pourquoi on a réussi. La question des savoirs est première. Ils sont toujours provisoires et s’enrichissent d’être partagés. L’aspect anthropologique est très important. Il faut du temps pour apprendre (cette idée est souvent occultée). On enseigne en fonction des conceptions qu’on a de l’éducation et des valeurs qu’on prône. Au GFEN, on (ré)affirme la réussite de tous, on met les élèves en condition de réussir ensemble, en confrontant les idées, en utilisant le langage pour argumenter, préciser. On affine sa pensée en formulant avec ses mots ce que l’on sait de la situation et en l’expliquant aux autres. Les modalités de la transmission obéissent à des règles de travail précises. L’enseignant doit être au clair avec les enjeux de son enseignement, les attentes qu’il a des élèves et ses propres intentions. Il les explicite clairement aux élèves. C’est toujours plus facile d’arriver à un endroit quand on sait où l’on va ! Le GFEN met en place des situations-défis pour enrôler les élèves dans l’activité. Celles-ci reposent sur de vrais problèmes à résoudre et reflètent la complexité du réel. Filons l’exemple précédent : le défi est de lire et comprendre un texte dans une langue qu’on ne connait pas. Chacun va dans une première phase mobiliser ses connaissances antérieures sur le type de textes, prendre des indices. Dans la mise en commun qui suit, on va se confronter aux autres et s’enrichir de ce que l’autre a trouvé. La phase individuelle est primordiale pour que chacun puisse se questionner et apporter des choses au collectif. Car le rapport au savoir est avant tout personnel et singulier. Dans ces pratiques, la posture de l’enseignant est essentielle pour faire penser les élèves et la question de la nature des étayages qu’il propose s’affine au fur et à mesure de l’avancée des travaux des ateliers. En filigrane, la question de l’aide est présente. Celle-ci n’est pas conçue comme une adaptation ponctuelle pour les « élèvesendifficultés » (écrit en un mot comme si c’était dans leur nature d’être en difficultés). L’aide est apportée au groupe en fonction des besoins, il y a des moments où il est nécessaire d’apporter de manière magistrale, des connaissances que les enfants ne possèdent pas, ce qui les empêche d’avancer dans leur cheminement de pensée. L’animatrice de la lettre en polonais a laissé chercher les participants jusqu’à ce que l’obstacle soit insurmontable. Elle apporte à la demande des mots de vocabulaire pour que le sens ne soit pas « deviné », elle met en garde sur certains mots faux-amis, elle encourage mais protège la « prise de risque » des apprentis lecteurs en polonais. Elle ne valide jamais, elle renvoie au groupe, demande des justifications et fait avancer la réflexion. Et on y arrive. La preuve sur la photo ! En même temps que les ateliers se poursuivent, des moments de discussion s’instaurent, autour d’un café ou d’un apéritif, à propos d’un livre dans le coin librairie, dans ces petits interstices informels tellement importants aussi dans les relations professionnelles. Ici pas d’ambiance « colonie de vacances » mais une convivialité affirmée par un pique-nique dans cour d’école, buffet sur table de ping-pong. Il n’y a que le buffet d’improvisé avec ce que chacun apporte, tout le stage a été minutieusement préparé dans une rigueur qui n’exclut pas la bonne humeur. 24 septembre 2012 Valérie Pinton