Quelques notes mitigées sur “Enseigner en petite section” de Marie Goëtz-Georges, Retz

éditions Retz dans la collection Pédagogie pratique – avec un CD-Rom

 

Juste quelques mots pour dire que ce livre est une réédition de « Débuter en
petite section » paru en 2009, sans mention « édition revue et augmentée ».
Evidemment en pédagogie, tout ne se réinvente pas chaque année mais dans la période 2009-2019, beaucoup de choses se sont passées à l’école ! Loi sur la refondation de l’Ecole de la république, 2013 — nouveaux programmes de maternelle, 2015. Il n’y a pas d’accroche aux nouvelles prescriptions, sauf une note de bas de page (page 71) et exactement 10 lignes page 157. Quant aux références bibliographiques, elles datent toutes des années 1999-2000-2002. Dans la recherche aussi, il s’est passé des choses depuis 20 ans !

L’ouvrage comprend deux grandes parties : la première aborde l’aménagement et la gestion de la classe, la deuxième propose des activités. En dehors de cet ancrage hors du travail prescrit actuellement, il me semble que l’ouvrage présente d’autres défauts dans le travail réel : apprentissages
spécifiques en petite section – connaissance des potentialités d’un enfant de3 ans — travail en collaboration avec l’ATSEM. Quant aux activités proposées, elles manquent d’originalité et de références théoriques et didactiques. (Les extraits de l’ouvrage sont en italiques.)

1/ L’ouvrage offre des généralités qui ne s’adressent pas spécifiquement à l’enseignement dans une
petite section. Les conseils sur la gestion de la classe paraissent éloignés de ce qu’on peut demander aux élèves dans les regroupements, les ateliers par exemple.

–         Les exemples de documents utilisés en classe sont écrits en cursive. Pour les ateliers (page 42) un tableau nous en montre l’organisation et les prénoms des enfants sont écrits en cursive avec la
majuscule en cursive ; inaccessible en petite section. Autre exemple : une fiche d’auto-évaluation,
que l’on peut placer au-dessus de chaque porte-manteau — je sais enfiler mon manteau
— avec majuscules et lettres cursives. Ceci ne relève que la forme mais que penser de l’auto-évaluation en petite section. Rien n’en est dit.

–         Avec le rituel de la mascotte, un rituel de la phrase écrite (ce que la tortue rapporte comme objet rapporté de la maison par les enfants à tour de rôle. Et voilà la phrase (toujours écrite avec majuscules
et lettres cursives) : C’est Anaïs qui apporte une étoile de mer dans la carapace de la tortue. On peut
s’interroger sur la syntaxe (c’est… qui) et du  Puis : On amènera les élèves à noter la présence du point et de la grande lettre que l’on appelle majuscule. La mascotte est un outil intéressant pour faire des liens école/familles, pour organiser des enseignements de l’oral mais en petite section mais ce n’est pas explicité. Est-ce utile de passer à l’écrit ? A la place, on aurait pu imaginer des jeux de kim, de
questions-réponses, avec des réponses uniquement par oui ou par non, …

–         L’emploi du temps de la première journée de classe est présenté avec la consigne suivante (page 20) : ne pas exiger que tous les élèves viennent se regrouper, il faudra plus de temps à certains pour s’intégrer au groupe et aux activités. Le jour de la rentrée effectivement, certains élèves ne
seront pas prêts ! Les enseignants, même débutants, peuvent le penser eux-mêmes.

2/ La collaboration avec l’ATSEM est traitée en 4 pages. Comment ce volume insignifiant sur le travail intermétier peut aider pour les jeunes collègues  qui arrivent en maternelle et doivent partager cet espace-temps avec un·e autre professionnel·le ? On y lit (pages 63 et 64) :

Bien souvent les communes établissent une charte définissant les tâches qui peuvent être demandées à l’ATSEM, selon son bon vouloir, sur le temps scolaire. En présence de l’enseignant, seul celui-ci peut juger bon de réprimander un enfant. L’ATSEM peut cependant faire part à l’enseignant des actes de l’élève. (extrait d’une « charte de l’ATSEM et de l’enseignant » dont on ne connait pas la sources

Les ATSEM sont présentés tour à tour comme tout-puissants et infantilisés… Il aurait été intéressant de dire que leur rôle éducatif est cadré dans des textes.

3/ Les ateliers sont présentés comme des routines qu’on n’interroge pas et leurs contenus peuvent
être sujet à caution. Un exemple (page 36) – Groupe 1 — 10 élèves

Réaliser un cadeau pour la fête des parents : un cadre en pois chiches avec la photo de ses parents dedans. Le lundi, on les trie. Le mardi, on les peint. Atelier autonome. Le jeudi, on les colle. Le vendredi, on découpe la photo et on vernit le tout. Atelier dirigé.

Ils vont être contents les parents ! On a fustigé les colliers de nouilles mais là, ça vaut son pesant de… pois chiches.

4/ L’enseignement de la compréhension de textes narratifs n’est pas travaillé.

Dans les années 1980, quand les BCD ont été créées dans les écoles et que la littérature de jeunesse a été tintroduite dans les écoles, on recommandait de faire deviner aux élèves les contenus des albums en leur faisant observer l’image de couverture. La maitresse lisait et on infirmait ou confirmait les hypothèses émises. Avec les apports nombreux faits depuis 20 ans par les recherches, on sait que cette activité est contreproductive pour comprendre le texte lu par l’adulte et s’en faire une représentation mentale.

« Si on veut apprendre aux élèves à s’intéresser à l’écrit et à faire un usage analogue des mots et des images, il faut dans un premier temps les empêcher d’utiliser le moyen de représentation le plus à leur
portée c’est-à-dire l’image. Faute d’être clair sur cette question, on croit mettre les élèves au travail sur l’écrit alors que l’image le rend inutile. » Brigaudiot, 2000

« C’est par les mots que se construit le sens. Il faut donc commencer par dire et redire pour
que les images se façonnent et prennent corps mentalement. » Gioux, 2004

Ne pas voir les illustrations oblige les élèves à traiter l’écrit, les mots, les phrases, le texte ; à fabriquer un film (dynamique) dans leur tête, qui intègre les représentations des différents personnages (en puisant dans leurs connaissances), des lieux, des déplacements, des actions…

C’est possible dès la petite section. Voir la collection Narramus (Apprendre à comprendre et à raconter) de Sylvie Cèbe et les albums « Le machin » et « Un peu perdu ». https://www.editions-retz.com/pedagogie/francais/narramus-le-machin-album-et-cd-rom-9782725636269.html

Selon l’auteure, il faut « exploiter » l’album, faire à partir de lui tout un tas d’autres choses que d’entrer dans la littérature, des activités dans tous les domaines, mathématiques, sciences, arts plastiques, comme on exploite un filon dans une mine.

Les projets suivent des thèmes (1 par période) qui ne présentent pas vraiment d’originalité dans les propositions.

En conclusion, cet ouvrage est une somme de pratiques d’une personne, qui a été enseignante en
école maternelle et est devenue inspectrice de l’éducation nationale. (Le projet de circonscription est accessible sur internet)

Il y a un adossement théorique qui date et peu de références didactiques — l’école maternelle en a besoin, c’est une école où on enseigne et où on apprend. Il n’y a pas non plus de réflexion explicitée au lecteur du « pourquoi je fais ça comme ça ». On est dans le « faire », comme souvent on met les élèves en situation en maternelle, mais on n’est pas dans le « penser ». Il n’y pas de questionnements sur les rituels, les ateliers, les projets thématiques. A quelles conditions favorisent-ils les apprentissages ?
Quels apprentissages ? Comment réduire les inégalités socio-scolaires présentes dès l’entrée à l’école maternelle ? C’est dommage… car il n’y a pas tant que ça dans la production éditoriale d’ouvrages sur la section des petits en maternelle.

Isabelle Lardon

16.03.2019