Appel à signature AFL CEMEA GFEN ICEM

Nous, éducateurs, enseignants, parents, militants de mouvements pédagogiques et d’éducation
populaire, nous ne tiendrons pas compte de la circulaire du Ministre de l’Éducation nationale préconisant une méthodede lecture contraire à la visée émancipatrice de l’Éducation et aux résultats des recherches que nous conduisons.

Depuis plusieurs mois, le terrain avait été minutieusement préparé : jeter le doute dans l’opinion publique, apeurer les parents, valoriser certaines pratiques pédagogiques, en condamner d’autres…

Les événements de novembre, renforçant ces peurs et ces doutes, ont permis de stigmatiser une partie de la jeunesse et de ses enseignants.

La circulation organisée à l’échelle nationale de cette désinformation a constitué une véritable propagande gouvernementale afin de conditionner l’opinion publique.

Imposer une méthode d’apprentissage est déjà en soi un déni d’éducation, réduisant l’acte d’enseigner à une simple exécution et la classe à une somme de techniques et de recettes. Mais lorsque cette méthode vise l’assujettissement de la jeunesse, nous sommes bien dans la propagation d’une idéologie
politique écrasant tout espoir d’émancipation possible par l’éducation.

Des méthodes d’apprentissage où l’enfant est chercheur à celle où l’enfant est dressé, le choix idéologique est limpide : lui refuser dès le plus jeune âge de penser, lui ôter le désir de questionner, de comprendre, de connaître, lui imposer une obéissance passive en l’enfermant d’abord dans des exercices répétitifs et mimétiques… Au-delà de l’apprentissage de la lecture, c’est bien la volonté d’agir sur les capacités réflexives et complexes de la compréhension du monde de toute une jeunesse !

Une jeunesse qui déchiffre et une jeunesse qui lit… Les jeunes des milieux populaires en sauront toujours bien assez pour déchiffrer les programmes de télévision, la publicité et les messages utiles à la consommation. Des textes simplifiés pour les uns, des textes complexes pour les autres, les « héritiers »,
qui les auront d’abord rencontrés dans la famille et les activités culturelles privées …

La méthode syllabique constitue en outre un sérieux atout économique ! Pas la peine de réduire les effectifs ou de dédoubler des classes s’il s’agit de faire répéter en chœur aux enfants des sons et des syllabes. Les récalcitrants seront traités au cas par cas dans les programmes de « réussite éducative » en contractualisant les familles qui devront accepter l’échec, la rééducation et l’orientation comme allant de soi.
Les solutions préconisées ne coûteront rien à l’Éducation nationale puisque déléguées au privé : orthophonistes, soutiens scolaires, formations à distance, éditions scolaires et parascolaires….

On est bien loin de l’école publique, laïque et gratuite pour tous !

Le gouvernement a commencé par la méthode de lecture, emblématique de sa volonté politique et sociale. Mais qu’en sera-t-il demain de l’enseignement des mathématiques, de l’histoire, des arts …. ? Ils ne resteront pas davantage des espaces de mise en œuvre de la pensée.

M. de Robien est bien conscient que sa circulaire va à l’encontre des programmes de 2002. Qu’importe ! Trop ambitieux, ils seront changés pour rompre avec les progrès reconnus par tous dont ils témoignaient.

Non.

Nous appelons tous les enseignants et tous les éducateurs qui travaillent à l’augmentation (difficile car l’école n’est pas seule en cause) de la réussite de tous les enfants et de tous les jeunes à poursuivre ce qu’ils ont engagé et dont les résultats, encore insuffisants, se situent déjà largement au-dessus de ceux des méthodes d’alphabétisation. Celles-ci, du temps où elles étaient utilisées, n’ont jamais permis à 50 % des enfants d’obtenir le Certificat d’études. Aujourd’hui, plus de 60 % d’une classe d’âge obtient le
baccalauréat. Ce n’est pas un hasard.

Poursuivons ensemble !

Janvier 2006

AFL (Association Française pour la Lecture)

CEMEA (Centre d’Entrainement aux Méthodes d’Education Actives)

GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle)

ICEM – Pédagogie Freinet (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne)