« Dans et hors l’école. Réussir, ils en sont tous capables ! »

Le 26 mai se déroulaient à Ivry sur Seine les 11èmes rencontres nationales sur l’aide du GFEN. Dans une période où les annonces ministérielles visant à « réformer » notre système éducatif se succèdent, nombre de participants à cette journée ont trouvé salutaire de se poser et réfléchir collectivement aux problématiques proposées.


Introduites par Pascal Diard, ces rencontres se veulent un moment de réflexion sur ce qui fait impasse à la réussite scolaire de bon nombre d’enfants issus de milieux populaires (mais qu’est-ce que la réussite scolaire ? Qui décide de la réussite ? Et pourquoi ? Comment ?). Il décrit le contexte dans lequel ces rencontres se déroulent : discriminations, coupes budgétaires, répression contre les étudiants qui protestent contre le « tri sélectif » à l’entrée de l’université. On assiste à une marchandisation de l’éducation (Teach for France, entreprendre pour apprendre pour ne citer que ceux-là), aux replis individualistes quotidiens face aux difficultés scolaires. Il rappelle les principes fondateurs du GFEN : le « Tous Capables ! », le refus des inégalités, la nécessité du collectif pour penser les métiers de l’éducation, une approche de la formation qui s’appuie sur une mise en situation des stagiaires permettant un travail réflexif sur les pratiques. Il souligne  le travail local avec la municipalité d’Ivry sur Seine et le conseil départemental du Val de Marne.  Remerciant tous les organisateurs de cette manifestation, il déplore l’absence d’Anne Barrère victime d’un accident de la route et hospitalisée. Il rappelle la liste des partenaires présents : Café pédagogique, les CEMEA, les partenaires du CAPE, SNUipp et FSU, FNAREN, FNAME.

Méhadée Bernard, adjointe aux affaires scolaires et des politiques éducatives de la ville d’ivry, déclare, au nom du Maire empêché,  que la ville d’Ivry est fière d’accueillir les rencontres du GFEN. La municipalité d’Ivry est consciente que l’école ne peut faire réussir tous les élèves que si on fait évoluer les pratiques. La municipalité d’Ivry mène de nombreuses actions pour une éducation plus juste, mieux adaptée aux besoins. Méhadée Bernard rappelle les partenariats avec différentes associations, mais également avec des institutions comme le Louvre. Réussir, ils en sont tous capables, oui mais si on apprend ensemble : c’est par exemple ce que montrent des pratiques comme « le texte recréé » qui permet de travailler et construire de façon collective. Il est urgent aujourd’hui de s’engager pour redonner du sens au mot éducation.
Evelyne Rabarel, vice-présidente du Conseil départemental du Val de Marne salue les participants. Elle relève que les débats et les mises en pratique de problématiques de cette journée sont  d’une grande modernité : innovantes et audacieuses. De même que la pertinence des actions menées dont la biennale de l’éducation nouvelle qui s’est déroulée en novembre 2017.  « Dans la situation actuelle, il nous faut articuler résistance et efficacité ». C’est le sens donné au partenariat entre le GFEN et le conseil départemental du 94. Contre la sélection et la politique libérale défendues par le nouveau ministre de l’éducation nationale, le département est décidé à continuer à soutenir un système scolaire de qualité : s’engager au-delà des compétences dévolues pour le soutien à l’éducation dans et hors l’école. Le pari du « Tous capables! » est un pari partagé qui va dans le  sens du projet départemental mais également l’importance donnée à la place des parents qui doivent tous être reconnus dans leur statut. « Dans cette période complexe, vous êtes bienvenus en Val de Marne ! «  lire l’intervention

Serge Boimare : « Comment en arriver à une école de la réussite pour tous ? »

Tous capables d’accord ! Mais une école de la réussite de tous ? Faire en sorte que chacun continue sa progression ? Il faudrait arrêter le soutien et la méthodologie  à outrance qui caractérisent les dispositifs d’aide actuels dans les établissements scolaires français.  Il dit fréquenter des jeunes intelligents qui sortent de l’école sans bagage culturel leur permettant de s’insérer économiquement et socialement. Il préconise un nourrissage culturel afin de se construire un véritable fonctionnement intellectuel et sortir de l’empêchement de penser. Une des questions à se poser est la suivante : Qu’est-ce qui fait que certains fabriquent des stratégies pour sortir des apprentissages ?

1 – La réalité de l’empêchement de penser
Cet empêchement est à la fois un manque de culture et une pratique langagière déficiente. Il donne l’exemple d’un préadolescent  réfractaire à l’apprentissage qu’il a suivi récemment. J. est vif d’esprit mais en grande difficulté devant les apprentissages de base. Pourquoi n’arrive-t-il pas à apprendre à l’école ? J. entre en 6ème. Ses parents sont très pris par leur métier. Le jour de la rentrée, il est inquiet mais porte le maillot du PSG et de belles chaussures. Au bout d’un mois, il est rassuré, parce « bien respecté » mais ses résultats scolaires sont problématiques. Au niveau de la lecture, il « plonge dans le texte et brode autour », ses connaissances sont  essentiellement phonétiques ; il n’est pas capable d’enchainer deux arguments et termine ses phrases par « sur la vie de ma mère ! ». C’est l’élève sur cinq dans nos statistiques. Quelles réponses de l’institution ?  Marginalisation, groupe de soutien, carnet de liaison (comportement agité pour se faire exclure : avertissement pour le travail et la conduite.) qui devient un objet de discorde entre l’école et la famille qui ne veut pas enfoncer l’enfant. 
Pourquoi cet état de fait ? Si l’on médicalise ce cas, on diagnostiquera « Hyper actif avec troubles de l’inconscient » et l’on trouvera une médication « adaptée ».
Mais que dit J. de ces difficultés : « C’est quand je ne trouve pas tout de suite et que je dois chercher. Tout se brouille dans ma tête et ça m’énerve. Ou c’est trop dur ou c’est l’exercice bidon. » J. n’a pas construit les compétences psychiques nécessaires aux situations d’apprentissage : frustration et entrainement aux interactions langagières, reconnaitre ses manques. Apprendre, c’est accepter d’entrer dans un cadre et vivre un moment de solitude. Ceci déclenche l’arrivée de peurs et de déstabilisation.
 J. se protège par l’empêchement de pensée : évitement systémique du temps du doute nécessaire aux apprentissages, développement des stratégies de réponses immédiates. A cela s’ajoute la dictature du slogan qui s’appuie sur des poncifs ou quelques conformismes, d’où une inhibition intellectuelle ou une rigidité mentale. 

Quelles propositions ? 
Il faut éviter de vouloir combler les manques. Il faut l’aider à remettre en route un fonctionnement de la machine à penser, l’alimenter et l’entrainer à fonctionner. Comment ? en apportant de la culture : lecture de textes sur les questions existentielles puis faire passer ces nouvelles représentations en mots. Parmi ces lectures, les Contes de Grimm sont pertinents. A partir de ces lectures et d’un échange à partir de ce qu’il en a compris, petit à petit il  a pu  préciser sa pensée, se fabriquer une écoute puis revenir sur le récit. La construction d’un langage argumentaire s’inscrit dans le temps (environ 6 mois) mais c’est ce qui permet de supporter ce temps réflexif autour des apprentissages.
A partir de ce cas individuel, comment transférer ces propositions pour la classe ?

2 – Le nourrissage culturel 
Peut-on mettre cela en place cela dans les classes ? Serge Boimare affirme que oui en listant les  bienfaits de cette pratique :
– cela offre une chance d’intéresser les décrocheurs et aller les chercher,
– cela convient à tous les élèves et apporte une cohésion au groupe,
–  on construit un patrimoine commun pour étudier ensemble et donner du sens au savoir,
– c’est au programme de toutes les classes,
– on protège les enseignants de l’empêchement de penser.
Il souligne que faire ce travail en équipe dans une école multiplie la réussite. Il faut prendre du temps pour réinscrire ces élèves dans le développement de la pensée.
Il existe des applications en collège : une question d’équipe avec une rencontre hebdomadaire du groupe d’enseignants. Chaque séance est suivie d’un écrit sur un cahier de médiation culturelle. Ces traces ne sont pas forcément corrigées mais permettent de lancer les élèves dans l’écrit.

Les ateliers du matin : « Faire avec les différences sans les penser et les vivre comme des inégalités »

Dans l’atelier Parents/professionnels de l’éducation, rencontre pour une coéducation effective, Jean Bernardin accueille une vingtaine de personnes constituant un public varié : enseignants du premier et du second degré, animateurs sociaux, responsables de collectivités locales. Dans un premier temps, chacun va trouver trois bonnes raisons de travailler avec les parents ; puis il s’agira de préparer une réunion de parents avant de mettre en commun les différentes propositions. L’objectif est le suivant : comment prendre appui sur les compétences réelles des parents auteurs des premiers apprentissages pour les réhabiliter dans leurs capacités éducatives et construire avec eux une complicité éducative au service du développement et de la scolarité de leur(s) enfant(s) ?

Dans une salle du Petit Robespierre, l‘atelier  Tous capables d’apprendre ! Oui mais comment ? démarre avec une démarche de « texte à trous » pour faire approcher le concept de réflexivité mais sans en prononcer le mot puisque le texte doit apporter des connaissances à ce sujet. Il s’agit d’un texte de Jacques Crinon extrait du livre dirigé par Chabanne et Bucheton « Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire » (PUF,2002).

Une mise en activité individuelle, un travail en petits groupes et une mise en commun permettent de se plonger dans les rapports entre langage et pensée et de confronter ses idées avec celles des autres. Il est bien question de pratiques langagières scolaires plus efficaces et plus réflexives que d’autres selon les situations d’enseignement-apprentissage mises en œuvre.  Dans un deuxième temps, Justine Donnard, l’animatrice de l’atelier, donne quelques éléments théoriques en référence aux travaux de Bernard Lahire sur l’oral pratique des familles et l’oral scriptural de l’école et à ceux de Jacques Crinon qui préconise l’usage d’un « journal des apprentissages » avec les élèves.
Ceux-ci écrivent chaque jour ce qu’ils pensent avoir fait ou appris dans la journée de classe. Les élèves de Justine sont au CM2 et commencent souvent par des ressentis (j’ai aimé, c’était drôle), puis peu à peu, entrent dans les disciplines scolaires puis dans les savoirs à proprement parler. Par groupes, nous étudions les écrits de trois élèves à trois moments de l’année. Justine nous décrit précisément comment elle met en place ce dispositif. Une collègue dit l’utiliser en CE et une autre au collège. La conclusion renvoie à des « écrits intermédiaires », proches de ce que Vygotski appelait du « langage pour soi », « tout à la fois traces et outils de l’activité cognitive des sujets en train de résoudre des problèmes et construire des savoirs ».

Plus loin,on s’interroge autour de la phrase de Rimbaud « moi, suis-je un autre ? » et les représentations que nous entretenons sur l’égalité filles/garçons. Marie –Pierre Dubernet explique la genèse du projet dans l’école où elle enseigne. Tout commença par une activité d’acrogym où les groupes de 7 élèves devaient réaliser une pyramide puis en analyser la stabilité ainsi que le mode d’organisation choisi.  Pour poursuivre la réflexion, Marie Pierre propose la démarche « histoire de Julie » à vivre en accéléré lors de cet atelier. Soit un extrait d’un album de Christian Purel et sa traduction en espagnol : il s’agit de retrouver un choix de traduction qui ne semble pas correspondre au mot français. Pourquoi  « garçon manqué »  en français se traduit-il par « garçon mal éduqué, grossier » en espagnol ? Or dans l’histoire, il s’agit d’une fille « Julie » ; mais qui parle ainsi de Julie et à qui ? On comprend assez vite qu’il s’agit d’un échange entre ses parents sur le comportement de leur fille bien éloigné de leurs attentes. Mais ces attentes sont-elles les mêmes selon les cultures, les époques ? Sont-elles les mêmes pour une fille ou un garçon ? Deux groupes sont alors constitués : on donne à chacun des groupes une banque d’images issues de l’album « Julie qui avait une ombre de garçon ». Un groupe dispose des images de Julie, l’autre des images de son ombre (les deux groupes pensent avoir les mêmes images!). Il s’agit d’utiliser ces images, les coller sur une ou plusieurs feuilles et illustrer le hors-champ (qui est avec elle ? que pense –t-elle ? pourquoi cette position ?). Les productions sont affichées sachant qu’il s’agira de commenter l’exposition lors de la venue de l’autre groupe. Quelle surprise lorsqu’on s’aperçoit que selon le « genre » les attentes et les attitudes sont bien différentes ! Une démarche très stimulante donc qui permet de s’interroger sur ce qui fait blocage à l’égalité filles/garçons et pas toujours où l’on croit que ça se niche.

Dans l’atelier « Carte postale ? Mais c’est terminé avec internet ! «  le secteur arts plastiques propose d’aller au-delà de la perception que nous avons tous de nos aptitudes dans un domaine qui nous semble « étranger ». Tous à nos crayons, pinceaux, colle et ciseaux à l’encontre des idées du don mais sur le partage, la solidarité, l’étonnement et la surprise !

petite pause à la librairie

Ateliers de l’après-midi :  » Pas de liberté de pensée sans égalité de pensée « 

Justement parlons d’égalité : Le mot « égalité », ça veut dire quoi ?  Laurent Carcéles propose un partage d’expériences pour questionner l’égalité et mettre en route la machine à penser. Il présente la démarche qui va être vécue : « texte à trous  » que certains nomment « démarche vocabulaire » conçue dans les années 70 par des enseignants du premier degré ; c’est une situation à vivre où chacun est mis d’emblée en difficulté et contraint de s’appuyer sur le groupe pour réussir l’exercice. Pour l’instant, il s’agit de l’extrait d’un Rapport présenté au Sénat à propos d’une proposition de loi  en 1880. On comprend assez vite qu’il s’agit d’éducation mais de l’éducation de qui ? Il nous revient qu’un certain Jules Ferry était alors Ministre de l’Instruction Publique ; l’une d’entre nous se souvient même qu’il étendit aux jeunes filles l’enseignement secondaire, voilà ce qui pourrait nous aider à retrouver les « bons » mots. Pas si simple ! Malgré tout on retrouve l’essentiel et par la même occasion, on perçoit le chemin parcouru depuis cette période pour l’obtention juridique d’un accès à l’enseignement secondaire pour tous ; pour autant l’accès au savoir pour tous reste à construire. 

Dans la cour du Petit Robespierre, place au Théâtre de l’opprimé initié par Augusto Boal qui déclarait en 2009 à l’UNESCO lors de la célébration de la journée mondiale du théâtre : « Nous sommes tous des acteurs : être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer ». La méthode du théâtre de l’opprimé partage les convictions du GFEN : la conviction que l’être humain possède le langage théâtral (tous capables !) et la conviction que le théâtre comme l’éducation nouvelle peuvent et doivent être un outil pour changer le monde par une émancipation qui ne peut être qu’individuelle et solidaire. Quelques exercices d’échauffement pour apprendre à se connaître et se faire confiance, puis le groupe produit un théâtre forum qui est déjà l’occasion de changer la société : à partir d’une question d’actualité la troupe interprète une scène au dénouement dramatique dans laquelle se joue un rapport de domination. Une occasion de réfléchir, de mettre en action ses idées, ses alternatives, sa volonté de changer la situation.

Changer la situation, ce fut le combat des peuples colonisés dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Décoloniser les consciences : une urgence d’égalité! A partir d’un texte de Galieni après la démarche « questions préalables », il est demandé de faire le portrait du malgache selon les colonisateurs, sur un plan individuel mais également sur un territoire. Sous le trait de crayon de Pascal Diard, se reconstruisent les stéréotypes coloniaux : proche de l’état de nature, primitif, peu éduqué, vivant de peu, naïf. 

Il est rappelé la grande révolte de 1947 à Madagascar qui fut réprimée violemment. Pour les historiens, il existe deux conceptions de la décolonisation : la décolonisation (pacification)  ou la guerre de libération. Décoloniser les consciences s’applique  d’abord aux colonisateurs mais cela concerne également les colonisés qui ont intériorisé sans le vouloir certains des stéréotypes listés précédemment. Ce que décrit très bien Franz Fanon dans « Peau noire, masques blancs ». «L’objectivité scientifique m’était interdite, car l’aliéné, le névrosé, était mon frère, était ma sœur, était mon père».

Rencontrer l’autre, ses écrits, ses doutes et ses richesses. Le secteur écriture nous propose de s’inviter dans les parages et les pages d’une ville au détour d’un atelier d’écriture. Il s’agit de sortir des murs, d’écouter de manière inattentive, de se plier aux contraintes  cependant pour mettre en travail une langue. Commençons par une lecture de textes dont on retiendra quelques bribes pour faire une fresque à l’aide de feutres et de couleur. Avec comme seul bruit de fond le crissement de la pointe des feutres sur l’affiche, les textes défilent au sein desquels s’échappent les mots. Mais déjà on roule la fresque et on l’emmène ; on prend les feutres, un carnet et un stylo pour faire de la matière : vagabondage assuré !

De mots, il est encore question dans un « colloque des philosophes » réunissant Platon, Hobbes, Rousseau, Kant, Stuart Mill et Lucien Sève autour de la question « Les hommes sont-ils égaux ? ». Cette démarche construite par le secteur « philo » et animée par Nicole Grataloup semble répondre aux questionnements posés dans les autres ateliers. Quel concept de l’égalité peut nous être utile ? L’égalité est toujours à construire ; dans la pratique, selon que j’envisage une activité en pensant égalité ou non je ne pratique pas de la même façon. L’égalité n’est pas un état et selon le contexte elle se construit lorsque chacun s’autorise à dire « je » et apprend à dialoguer avec la pensée de l’autre. L’égalité s’appuie sur le principe de négociation de droits. De l’avis des participants, la démarche a permis de construire de l’égalité dans le sens où tout le monde est déstabilisé au départ, mais chacun a réussi à développer sa pensée dans un domaine qui n’est pas le sien.
Un grand merci aux organisateurs et petites mains locales qui ont permis un bon déroulement de cette journée. 

Jacqueline BONNARD
Voir aussi :

11èmes Rencontres nationales « Dans et hors l’école. Réussir, ils en sont tous capables ! » 26 mai 2018, Ivry

 

Des inégalités…

L’éducation peine à enrayer les inégalités qui lui préexistent voire les renforce, rompant avec sa promesse de justice et le principe d’égalité. Aucun éducateur (qu’il soit parent, enseignant ou accompagnateur) ne peut  s’en satisfaire. Quelles en sont les médiations ? La condensation
des populations précarisées est peu propice à la mixité sociale et scolaire, prive de stimulations réciproques, et les pratiques qui se différencient à la baisse pour les élèves estimés fragiles creusent les inégalités. S’agirait-il de nier les différences ?

Faire avec les différences sans les penser comme des inégalités

L’« indifférence aux différences » est tout aussi discriminatoire. Finalement, qu’elles soient négligées ou surestimées, cela révèle un aveuglement sociologique. Négligées, les différences sont perçues et traitées comme des données de nature soumettant les destins au seul mérite individuel, à une « égalité des chances » mystificatrice, ne faisant que rebondir sur les effets d’initiations familiales bien diverses. Surestimées, elles soumettent à des propositions appauvries les enfants et les jeunes estimés comme ayant de faibles capacités…

Tous capables !

Un défi à l’esprit de fatalité. Non pas donnée de nature mais objet de conquête, à éprouver au travers des pratiques. Fondement anthropologique que cette capacité de l’humain à échapper aux déterminismes, à surmonter les obstacles, à s’émanciper de ses limites. Les œuvres, savoirs et techniques témoignent de cette capacité à subvertir ce qui opprime, à s’extirper des pesanteurs du réel, à en accroître sa maîtrise.

Conjuguer égalité et diversité

Il revient aux éducateurs de passer les témoins de cette conquête socio-historique. Egalité d’ambition qui consiste à créer les conditions pour chacun de son propre dépassement, par le biais du collectif. Mettre en scène les problèmes, s’appuyer sur la pluralité des points de vue, solliciter à la fois l’imaginaire, la créativité et la raison critique sert l’appropriation culturelle et la construction identitaire, donnant à chacun « le meilleur des autres » pour qu’il puisse se construire… Ces 11èmes Rencontres croiseront ateliers, témoignages et interventions. Sont ainsi invités à intervenir :

Serge BOIMARE, qui a été directeur pédagogique du Centre Claude Bernard de Paris, rééducateur, psychologue clinicien, auteur de : L’enfant et la peur d’apprendre (Dunod, 1999) et, Ces enfants empêchés de penser (Dunod, 2008) et qui suit actuellement des équipes engagées sur ses pistes de travail.

Anne BARRÈRE, Sociologue, professeure en sciences de l’éducation à l’université Paris Descartes ; auteure de nombreux ouvrages, dont : Travailler à l’école. Que font les élèves et les enseignants du secondaire ? (PUR, 2003) et, plus récemment : Au cœur des malaises enseignants (Armand Colin, 2017).

Ces Rencontres, soutenues par la ville d’Ivry-sur-Seine et par le Conseil Départemental du Val-de-Marne, sont organisées en partenariat avec l’Observatoire des Zones Prioritaires et le Café Pédagogique. Elles sont ouvertes à tous-toutes.

PROGRAMME

9h : OUVERTURE :

Mairie d’Ivry-sur-Seine
Evelyne RABARDEL, Vice-présidente du Conseil départemental du Val de Marne, chargée des collèges, de l’action pour la réussite éducative, de la culture, de I’archéologie, du patrimoine
culturel, des archives départementales et du travail de mémoire.
– GFEN 9h30 : Serge BOIMARE « Comment en arriver à une école de la réussite pour

tous ? »

10h15 : Anne BARRÈRE « Des épreuves scolaires à l’éducation buissonnière : la double vie des adolescents »

11h : ATELIERS « Faire avec les différences sans les penser et les vivre comme des inégalités »

1 : Parents/professionnels de l’éducation, rencontre pour une coéducation effective
TOUS les parents sont auteurs de pratiques d’apprentissages réussis. Comment prendre appui sur ces compétences réelles pour les réhabiliter dans leurs capacités éducatives et construire avec eux une complicité éducative au service du développement et de la scolarité de leur(s) enfant(s) ?

2 : Tous capables d’apprendre ! oui mais comment ?
Faire vivre un outil de progression au service des enfants et des adultes : le journal des apprentissages.

3 : « Carte postale ? Mais c’est terminé avec internet ! »
« Carte postale ? Mais moi j’ai jamais été doué.e ni pour le dessin, ni pour la peinture »
Et si cet atelier s’ouvrait sur d’autres horizons – à l’encontre des idées de don mais sur le
partage, la solidarité, l’étonnement et la surprise !

4 : La sociolinguistique au collège ? Chiche !
Faire le pari de mettre la sociolinguistique à la portée des jeunes, c’est :
– Les aider à lever les résistances aux apprentissages tout en donnant un sens aux activités scolaires,
– Leur permettre de s’emparer des enjeux de fond liés à la question du langage,
– Leur permettre de construire collectivement une véritable culture commune en donnant à chacun … le meilleur des autres !

5 : Moi, suis-je un autre ?
Quand on est petite fille ou petit garçon, la phrase de Rimbaud s’applique-t-elle ? Une démarche de « lecture » valable à tout âge aussi bien dans la classe que sur les terrains de l’animation.

15h : Ateliers « Pas de liberté de pensée sans égalité dans les pratiques »

6 :  Le mot « Égalité », ça veut dire quoi ?
En vivant ensemble la pratique du texte à trous, à partir d’un texte qui fait partie de l’histoire politique de la France, nous découvrirons quelques variations lexicales de cet étrange mot qui pourraient nous permettre de remettre en questionnement ce que nous voulons dire aujourd’hui quand nous l’utilisons.

7 : Décoloniser les consciences : une urgence d’égalité !
Des questions préalables pour comprendre et abolir tout rapport colonial : mettre à l’épreuve un discours sur la pacification à Madagascar ! et puis qu’on nous fiche la paix !

8 : Les hommes sont-ils égaux ?
Un « colloque des philosophes » réunit Platon, Hobbes, Rousseau, Kant,Stuart Mill et Lucien Sève pour en débattre, et éprouver à quel point la question de l’égalité est cruciale dans la conception de l’humain.

9 : Rencontrer l’autre, ses écrits, ses doutes et ses richesses. 
S’inviter dans les parages et les pages d’une ville. Donner place à nos imaginaires. Un atelier d’écriture pour se découvrir en train d’écrire… pour de bon au coin d’une rue ».

10 : Le théâtre de l’opprimé
« Être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer ! », Augusto Boal. L’enseignement de la citoyenneté au secondaire ne s’aventure que trop peu souvent sur les chemins d’une citoyenneté
critique et en acte qui peut agir sur la société et la transformer en même temps qu’elle la comprend. Cette séance se veut ainsi une introduction au théâtre de l’opprimé créé par Augusto Boal dans l’Amérique latine des années 1970. Son objectif est de rendre visibles des conflits sociaux et politiques en soutenant la prise de parole de groupes dominés et marginalisés, opprimés par les pouvoirs totalitaires. Le théâtre forum est son outil le plus spectaculaire : à partir d’une question d’actualité la troupe interprète une scène au dénouement dramatique dans laquelle se joue un rapport de domination. Le public est ensuite invité à réfléchir sur comment affronter les conflits
et dominations joués. Devenu « spectActeur », entrant en scène, se confrontant avec les autres personnages, il met en action ses idées, ses alternatives, sa volonté de changer la situation.
La méthode du théâtre de l’opprimé partage les convictions du GFEN : la conviction que l’être humain possède le langage théâtral (tous capables !) et la conviction que le théâtre comme l’éducation nouvelle peuvent et doivent être un outil pour changer le monde par une émancipation qui ne peut être qu’individuelle et solidaire.
Ainsi, les stagiaires, après s’être échauffés avec quelques-uns des jeux pour acteurs et non-acteurs, produisent un théâtre forum qui est déjà l’occasion de changer la société.

18h15 : CLOTURE & perspectives

INFORMATIONS PRATIQUES

Participation aux frais d’organisation :
– 30 €
– 20 € pour les adhérent-e-s au GFEN
– 5 € étudiant-e-s, chômeur-euse-s, précaires

Repas (par la Cantine des Bokhalés) : 12 € (s’inscrire au repas avant le 22 mai)

Lieu : Espace Robespierre, 2 rue Robespierre, Ivry-sur-Seine
Au pied du Métro 7, Mairie d’Ivry ou 10 min du RER C Ivry.

 

 

Dixième anniversaire des Rencontres Maternelle : 250 personnes y ont participé !

Les rencontres Maternelle ont réuni ce samedi 27 janvier 2018, à la bourse du travail de Paris 250 personnes, le record absolu de
participation depuis 10 ans. Certain.e.s sont des fidèles parmi les fidèles, venu.e.s chaque année ; d’autres régulièrement mais pas tous les ans. On s’y retrouve entre copines ou entre collègues, enseignant.e.s d’écoles maternelles, formateurs ou formatrices (nombreuses), étudiant.e.s de l’université Paris 8 et des ESPE, arrivant de Savoie, de Nantes, Avignon, Montreuil ou Bordeaux, de Bruxelles ou de Genève pour prendre « une sorte de bouffée d’oxygène » comme Christelle nous l’a écrit. Les Rencontres sont cette occasion unique dans le paysage annuel de s’enrichir mutuellement et penser collectivement le métier.

 
 

Le contexte actuel est inquiétant concernant les intentions du ministre pour l’Ecole maternelle. Il est bon de ne pas se sentir seul.e. Les Rencontres l’ont permis, en organisant  les regards croisés des sciences de l’éducation, de la sociologie, de la didactique, de la pédagogie en favorisant les échanges sur des questions vives et en faisant vivre des pratiques dans des ateliers de démarches et témoignages.

 
 
 
 

Merci aux intervenant.e.s, enseignant-chercheur.e.s, militant.e.s qui ont animé les ateliers. Merci à l’équipe d’organisation, merci aux participant.e.s, sans qui ces rencontres ne seraient pas ce qu’elles sont, un espace de reconnaissance du travail et de formation efficace, dans un endroit symbolique. Certain.e.s ont même eu du mal à le quitter samedi soir après la clôture.

 
 

10èmes rencontres « Pour que la maternelle fasse école » – 27 janvier 2018, Paris

Si on affirme avec le GFEN que tous les élèves sont capables d’apprendre, à condition qu’on ait des pratiques ambitieuses, alors l’école maternelle est bien ce lieu unique, au coeur du processus de démocratisation et d’accessibilité des savoirs. Les activités d’apprentissage se mènent avec des enseignant.e.s qui guident, verbalisent, accompagnent, enseignent connaissances et procédures, pour « donner de l’école à ceux qui en ont le plus besoin ».

Si on veut défendre l’école, il faut la transformer, disions-nous en 2008. En 2018, continuons de dire que toutes les pratiques ne se valent pas pour faire apprendre les élèves et que l’école ne se transformera que si on transforme les pratiques professionnelles.

Les Rencontres vont éclairer cette réflexion en mettant la focale sur les problèmes de métier. Enseigner à l’école maternelle actuellement, c’est se poser un certain nombre de questionnements, être en tension entre des dilemmes professionnels. Comment mener des apprentissages culturellement exigeants, proposer des situations pertinentes pour que les élèves apprennent à penser et construisent leur citoyenneté ?

Les Rencontres Maternelle ont dix ans cette année. Nous ne fêtons pas le passé mais l’avenir en invitant des jeunes chercheur.e.s et des plus chevronné.e.s à mettre en travail des questions vives. Nous focalisons les ateliers sur les postures enseignantes envers les élèves et les parents. Françoise Carraud et Christine Passerieux mobiliseront respectivement les cadres théoriques et politiques de nos réflexions. Que ces rencontres 2018 soient l’occasion une fois de plus d’affirmer les valeurs d’émancipation collective et de développement personnel que porte le GFEN.

Ces rencontres nationales sont
ouvertes à tous, enseignants,
parents, éducateurs, formateurs,
élus des collectivités locales,
militants associatifs…

9h l O U V E R T U R E
Jacques Bernardin
, président du GFEN

9h15-10h15 l C O N F É R E N C E
Le métier d’enseigner aujourd’hui en maternelle
Françoise Carraud

10h30-12h l A T E L I E R S : Questions vives traversant enseignement, formation, recherche

1 l Comprendre les difficultés des élèves pour réduire les inégalités
scolaires : qu’en est-il d’une formation en sociologie des
apprentissages ?
Elisabeth Bautier/Claire Benveniste

2 l Apprendre à comprendre et à raconter pour favoriser le développement du langage oral et écrit.
Sylvie Cèbe/Isabelle Roux-Baron

3 l L’énumération : un savoir venu des mathématiques qui bouscule les disciplines scolaires.
Claire Margolinas/Olivier Rivière

4 l L’école face à la diversité des familles : éclairages sociologiques.
Pierre Périer/Chloé Riban

5 l Apprentissages collectifs et individuels… quelles pratiques des enseignant.e.s ?
Catherine Ledrapier/Damien Sage

12h00-14h l Pause déjeuner – Librairie
(nombreux restaurants dans le quartier)

14h-16h l A T E L I E R S : Démarches et témoignages autour de questions de métier

6 l Entre rite et routine… les rituels.
GFEN Maternelle

7 l Pourquoi perdre son temps à raconter des histoires ?
Association Livre passerelle GFEN 37

8 l Quel rôle des attentes dans la construction de l’estime de soi ?
GFEN 28

9
l Des situations d’apprentissage parfois contreproductives…
GFEN Maternelle

10 l Rencontrer les parents : des pratiques visant un échange constructif.
GFEN Maternelle

16h15-16h45 l C L O T U R E
Quels enjeux ? Quelles perspectives ?
Christine Passerieux

Présentation des conférences, des ateliers et des intervenants (pdf)

 

Université d’été du GFEN, Bédarieux, (9)-10-11-12 juillet 2017

UNIVERSITÉ D’ÉTÉ DU GFEN

Les 10-11-12 juillet 2017 (pré-stage le 9)

Bédarieux
(Hérault)

 

Contre toute fatalité :

l’Éducation Nouvelle

 

 Plus que jamais nous avons besoin
d’Éducation Nouvelle.

L’avenir de la liberté n’est pas le libéralisme, l’émancipation ne se dissout pas dans la qualification,
l’égalité des chances n’est pas l’égalité… Contre ces orientations discriminatoires et le monde violent qu’elles promettent, chacun connaît des pratiques solidaires qu’il éprouve quotidiennement sur son terrain. C’est dans ce réel débordant de possibles que nous trouvons les forces pour aller de
l’avant.

Que faire ?
Ou plutôt : Faire que…

L’Éducation Nouvelle est déjà à l’œuvre…  Lorsque vous cherchez des pratiques qui réalisent pour de bon vos valeurs, lorsque vous transformez votre école ou votre quartier en une aventure collective à travers le savoir et la création, lorsque vous gommez les murs et laissez converger les différences. Cette
université d’été sera l’occasion d’échanger sur ces pratiques, pour augmenter collectivement notre pouvoir d’action sur le monde !

« Faites en vos égaux, afin
qu’ils le deviennent. » (Rousseau)

Oui, les mots de l’Éducation Nouvelle voyagent, sont repris dans d’autres contextes, nous échappent. L’Éducation Nouvelle a forgé des outils de transformation qui méritent un plus ample partage et dans le contexte actuel, il est urgent de les questionner. Qu’est-ce, pour nous, qu’une situation-problème ? Qu’entendons-nous par ateliers de création, démarches de construction de savoirs, projets ? Quelles portes ouvrent nos démarches ? Qu’en faisons-nous ?

Plus largement, comment l’expérience de vie des citoyens que nous sommes nourrit-elle les transformations que nous mettons en œuvre ?

Contre la violence, le conflit socio-cognitif.

Une université d’été pour se rencontrer. Un lieu pour interroger les liens entre ateliers, démarches, stages, vie sociale et vie professionnelle. Une université d’été pour échanger et interroger des outils et
des dynamiques de transformation, de l’école au quartier. Un lieu où les questions débordent de leur cadre habituel pour interroger nos envies d’engagement, quel que soit le terrain, et chercher un chemin de cohérence entre nos utopies et nos actions. 

Contre tout fatalisme, des transformations à porter demain.

Thématiques des journées

9 juillet : Pré-stage ouvert à tous. Le pré-stage est une journée de travail ouverte à tous. Début à 14h.

10 juillet : Transformer le rapport au savoir et à la culture : tous capables

11 juillet : Aventure individuelle, dynamique collective : émancipation solidaire

12 juillet : L’avenir en projet pour une transformation sociale

Modalités de travail

9h-12h30 : Démarches.

14h-17h : Ateliers brefs, « mille questions »… chantiers d’analyse et d’écriture de théorisation.

18h-19h : Plénières comme des dispositifs de réflexion et d’élaboration politique et théorique.

20h30 : Soirée débat / soirée culturelle / soirée artistique.

Voir les ateliers et les soirées, en savoir plus sur les thématiques

Informations pratiques

  • Frais pédagogiques : selon votre revenu mensuel (les tarifs peuvent être réévalués selon les situations personnelles). Tarifs préférentiels pour les adhérents du GFEN. voir les tarifs
  • Lieu de travail et prise des repas midi et soir : 5 € / repas
    Cité scolaire Ferdinand Fabre (collège et lycée) – 2 avenue Jean Moulin – Bédarieux
  • Hébergement :
    Chambres de 3 lits : 12 € / nuit, petit-déjeuner compris
    chambres individuelles : 32 € / nuit, petit-déjeuner compris
    il est possible de dormir dès le samedi 8 : 10 €, petit-déjeuner non servi le dimanche
    Internat du Lycée Fernand Léger – 63 route de Clermont – Bédarieux
    Draps et oreillers ne sont pas fournis (prévoir un sac de couchage si vous être frileux)
    Autres hébergements voir : www.bedarieux.fr/tourisme

Les valeurs à l’épreuve des pratiques : valeurs à l’école, valeurs de l’école

Les 10èmes Rencontres Nationales de Saint Denis se sont déroulées le 25 mars, à l’IUT de la Halle Montjoie. Au-delà des discours sur le « vivre ensemble », c’est au coeur même des pratiques que les valeurs prennent sens, celles qui prônent « l’apprendre ensemble » et visent la réussite de tous. Tâche difficile lorsqu’il s’agit de faire partager les valeurs de la République pour Jean Paul Delahaye ou enseigner le monde social pour Jérôme Deauviau.

Dans son introduction, Jacques Bernardin rappelle que dans cette période de rendez-vous politiques décisifs, il est important d’interroger ce qui est au fondement du lien social : les valeurs qui lesquelles un groupe social s’appuie pour faire corps. Pour ne prendre que celles qui s’affichent au fronton des écoles « liberté, égalité, fraternité », quelle(s) réalité(s) recouvrent-elles lorsque l’école a tant de mal à enrayer les inégalités sociales et que l’individualisme s’installe battant en brèche les principes de coopération ou de solidarité. Lire le texte d’ouverture

Jean-Paul Delahaye, IGEN honoraire, ancien directeur de l’enseignement scolaire et auteur du rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire » (2015) ouvre ces rencontres sur la difficile mission de l’école lorsqu’il s’agit de faire partager les valeurs de la République. Reprenant les textes fondateurs, il rappelle que depuis sa création, l’école de la République a toujours eu mission de faire partager aux élèves ces valeurs. Il affirme que « la République ne pourrait exister si l’école ne formait pas ou ne formait plus de républicains. Cette mission n’est donc pas optionnelle, elle est obligatoire, [ ] et que l’on est Français parce qu’on adhère à ces valeurs dont on connaît l’histoire et les combats ». Principe repris par les deux dernières lois de refondation.

Mais pour rendre possible le partage des valeurs de la République, il faut que l’école et la société agissent de concert. Comment transmettre les valeurs de respect des règles et des institutions, de l’effort ou de la solidarité quand la société prône l’argent vite gagné, le culte de l’individualisme ou la défense des intérêts particuliers ?
Si la mission de l’école est difficile, c’est parce que l’ensemble de la société est en mal d’intégration. Prenant l’exemple de la charte de la laïcité, il s’insurge contre une tendance à croire que seules les populations défavorisées ou d’origine immigrée auraient besoin de recevoir un brevet de laïcité. Le problème aujourd’hui est que certains conçoivent le « vivre ensemble » comme un « vivre entre soi, sans contact avec les autres ». Il donne en exemple le refus des habitants du XVIème arr. de Paris d’un lieu d’accueil pour personnes en difficulté, les qualifiant même de « nuisances ». Lorsque la mixité sociale est considérée comme un drame épouvantable par certains, les valeurs de la République ne sont-elles pas en danger ?
Et la question des valeurs n’est-elle pas en lien avec la justice socio-économique au sein de la société ? Dans les territoires en grande détresse sociale, les habitants les perçoivent  davantage comme des incantations que des réalités vécues. De façon générale, « les zones d’exclusion et les ghettos ne sont pas compatibles avec l’idéal républicain ».
Proclamer le « vivre ensemble » tout en refusant le « scolariser ensemble », c’est dénoncer de les inégalités de façon théorique sans rien faire pour les combattre. C’est l’institution scolaire elle-même qui doit donnerl’exemple de pratiques conformes aux valeurs qu’elle doit faire partager auxélèves.
Ce faisant, Jean Paul Delahaye poursuit par un propos optimiste car il existe des établissements ayant des pratiques en cohérence avec les valeurs affichées : promotion d’une éthique éducative basé sur le principe d’éducabilité, affirmation que la promotion de tous ne nuit à personne et que l’hétérogénéité est un tremplin. Ces établissements sont accueillants. Ils sont justes (note comprise, orientation consentie), non laxistes, respectueux et ambitieux pour tous les élèves. Car en fait, on sait ce qu’il faut pour réussir (toutes les pratiques ne se valent pas) et on a dépassé certaines contradictions. Il faut savoir réunir et animer les réseaux en s’appuyant sur le principe de coéducation et permettre une diversification des parcours scolaires. Il existe des marges de manoeuvre inexploitées et au-delà du choix pédagogique il faut s’interroger : quel type de citoyen veut-on former ? lire le texte intégral
L’après-midi, les participants se répartissent dans différents ateliers

Atelier Citadelle.

Créée par Colette Charlet et reprise par le  groupe odébi, cette démarche propose d’interroger le processus de création dans la rencontre entre écriture et arts plastiques à partir du mot citadelle. Dans un premier temps, on pose les mots qui viennent sur une fresque pour en faire ensuite une lecture effervescente où chacun imprime sa vision du monde. Il n’y a pas de citadelle interdite… alors construisons ensemble ! A partir d’une banque de photos de « citadelles », on repère puis extrait les éléments supposés caractéristiques d’une citadelle. Et les murs sortent de terre à partir des matériaux mis à disposition, oeuvres collectives de qu’il conviendra de visiter. Dans la phase d’analyse, les processus de construction se mettent à jour dans leur complexité.

Dans une autre salle,  le propos porte sur l’exercice de la démocratie par la pratique du débat (colloque et controverse). La démarche s’appuie sur un travail mené en classe avec des élèves de 5ème. Comment  les négatifs sont-ils devenus nombres ? Quels obstacles rencontrés ? 

En petits groupes, les participants sont confrontés  à des travaux d’élèves dont les résultats s’affichent sur les murs. Dans un premier temps, les élèves ont donné leurs représentations sur les nombres négatifs qui s’appuient sur une approche matérielle des nombres et posent la problématique de l’addition, de la soustraction et du « zéro ». Les blocages des élèves sont les mêmes que ceux rencontrés par les hommes lors de la construction des règles de calcul. Où l’on découvre que les règles se construisent par tâtonnements et sont l’objet de débats. Par la mise en place d’un jeu de rôle (Vous êtes banquiers. A la fin de chaque mois, vous faites le bilan des comptes en banque de vos clients), on passe d’une écriture symbolique des calculs à l’élaboration  de règles de calcul qui amènent à comparer des nombres relatifs puis à rompre avec la représentation majoritaire : « soustraire, c’est diminuer ». Le colloque permet d’inscrire les élèves dans une histoire de savoirs mathématiques qui se sont construits par tâtonnements. La verbalisation permet d’éclaircir les notions.

Sur l‘Île des religions, on planche sur une situation où les 500 derniers survivants de l’humanité se retrouvent sur un même territoire et tentent de cohabiter  dans le respect des différentes religions. Il s’agit d’imaginer deux ou trois scénarii pour envisager un cadre commun : jours travaillés, fêtes religieuses, échanges, partage des lieux de vie, éducation des enfants. La décision de « cadre commun » est due à la nécessité de la survie suite aux évènements tragiques récents. Deux scénarii possibles : consensus ou guerre civile où les plus nombreux prendraient le pouvoir (alliance forcée). Un autre scénario serait de se séparer géographiquement selon la culture d’origine (risque de conflit et de guerre). A moins qu’on ne soit sur une ritualisation de l’ancien ou une technocratie en raison des urgences vitales qui nécessite une coopération.

Chaque groupe   essaie ensuite de catégoriser les scénarii proposés en s’appuyant sur six types d’organisations politico-religieuses. La  réflexion est approfondie  grâce à des textes théoriques sur la laïcité.

Quant à démontrer que la Terre tourne autour du soleil (mais dans quel sens ?) et pourquoi on ne voit pas la même chose dans le ciel selon les moments de l’année (mais comment le prouver ?), c’est l’objet de l’atelier  » Esprit critique contre dogmatisme : en sciences, croire ou savoir, on peut choisir ! »  Les participants sont répartis en trois groupes. Chaque groupe a une facette du phénomène et va représenter corporellement leur interprétation du problème. Dans quel sens la terre tourne-t-elle  et à  quelle vitesse ? La rotondité de la terre, quelle preuve d’après le texte d’Aristote (comment à l’instant « t » on ne voit pas la même chose en face selon le lieu d’observation sauf pour ce qui est au-dessus?). Pourquoi la terre tourne autour du soleil (le déplacement de la terre permet d’expliquer les différentes constellations vues au fur et à mesure de l’année) ? Pas facile d’être le soleil ou une planète lorsqu’on est soi-même partie prenante du phénomène étudié. Mais le fait d’essayer d’interpréter les observations (corporellement, verbalement ou en dessinant) permet de structurer sa pensée.

Après l’intervention de Jérôme Deauviau  portant sur  « Enseigner le monde social : enjeux et pratiques », Jacques Bernardin a invité à participer aux différentes initiatives prochaines :
A lire sur le Café Pédagogique, dans l’Expresso du 27 mars  :

  • Rencontres GFEN : Comment mettre les valeurs républicaines en pratique à l’Ecole ? lire
  • Jacques Bernardin (GFEN) : Maintenir vivant l’objectif de démocratisation de l’Ecole lire
Jacqueline Bonnard

« Les valeurs à l’épreuve des pratiques » : 10èmes rencontres du GFEN à Saint-Denis, le 25 mars

égalité – esprit critique – coopération

 LES VALEURS A L’EPREUVE
DES PRATIQUES

 Valeurs à l’école – Valeur de l’école


Samedi 25 mars 2017

IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron,
Saint-Denis (93)

A lire sur le Café Pédagogique, dans l’Expresso du 27 mars  :

  • Rencontres GFEN : Comment mettre les valeurs républicaines en pratique à l’Ecole ? lire
  • Jacques Bernardin (GFEN) : Maintenir vivant l’objectif de démocratisation de l’Ecole lire

Que vaut l’école quand elle ne tient pas ses promesses ? Dès lors que la réussite de tous est à l’ordre du jour, les difficultés cumulées amènent à la désillusion et au ressentiment. L’échec scolaire signe la disqualification symbolique, prépare à la relégation sociale et à une citoyenneté de deuxième zone. Comment se reconnaitre dans ce qui ne nous reconnait pas ? Cette désaffiliation scolaire rend ses orphelins rétifs aux valeurs bafouées et sensibles aux sirènes de toutes les démagogies idéologiques, au risque de fracasser le lien social.

Faire accéder tous les élèves à une maîtrise opératoire des savoirs et à une citoyenneté outillée reste l’horizon prescrit. Y parvenir exige de rompre avec les solutions supplétives, de peu d’effet, et de s’attaquer au c?ur du quotidien éducatif : les contenus enseignés et les processus d’apprentissage qui en instruisent l’accès. Si les savoirs ont un sens, la façon de les transmettre leur donne valeur.

En quoi les contenus parlent-ils à tous ? En tant qu’ils aident à comprendre le monde dans lequel on vit, à s’y situer et à pouvoir y agir, en tant qu’ils contribuent à éclairer le présent et à maîtriser son passé. On peut toujours se penser gaulois, mais gare alors au retour du refoulé ! Quelle place est faite à l’histoire de la colonisation ? Quelle approche de la laïcité ? Quelle place ont les débats qui agitent le monde d’aujourd’hui dans l’espace scolaire ?…

Le mode d’approche de ces contenus n’est pas anodin. Catéchisé, le savoir est ravalé au rang de dogme. Or à l’école, il s’agit moins de croire que d’exercer la rationalité critique, de raviver l’imaginaire et l’esprit critique qui en ont fondé l’essence : comprendre est à ce prix. Pour cela, conjuguer les singularités des élèves dans une coopération des intelligences qui serve simultanément le développement personnel et l’émancipation collective : tel est le défi. Outre les ateliers de pratiques, plusieurs apports nous permettront de creuser ces questions. Sont ainsi invités à intervenir :

  • Jean-Paul DELAHAYE, Inspecteur général de l’éducation nationale honoraire, ancien directeur général de l’Enseignement scolaire (DGESCO), auteur du rapport : Grande pauvreté et réussite scolaire, le choix de la solidarité pour la réussite de tous (IGEN, mai 2015).
  • Jérôme DEAUVIAU, Professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure, auteur de Enseigner dans le secondaire: les nouveaux professeurs face aux difficultés du métier (La Dispute, 2009) ; co-auteur de : Les sociologues, l’école et la transmission des savoirs (La Dispute, 2007), L’école commune. Propositions pour une refondation du système éducatif (La Dispute, 2012), Enseigner efficacement la lecture. Une enquête et ses implications (Odile Jacob, 2015).

Ces Rencontres, soutenues par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, sont organisées en partenariat avec l’Observatoire des Zones Prioritaires et le Café Pédagogique.

PROGRAMME

9h  – OUVERTURE :Mairie deSaint-Denis / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis / GFEN

9h15  – Jean-Paul DELAHAYE : Fairepartager les valeurs de la République, une mission prioritaire mais difficile àl’école aujourd’hui

 

10h30  ATELIERS 1

1.  « HistoireSd’immigrationS et pratiques de langues vivantes : quelles richesses ! »
A partir du film « Trajectoires » : une rencontreentre retraités ayant vécu l’immigration et les élèves de collèges d’éducation prioritaire…et la dynamique créée par la reconnaissance de pratiques de langues vivantes.

2.  « L’île des religions »
Penser la laïcité comme un problème, oucomment transmettre les valeurs de la République en les interrogeant.

3. Démarche Darwin : interroger le rapport entre sciencesdu vivant et anthropologie
Entre enjeux scientifiques contemporains et ruptureépistémologique opérée par Darwin au XIXème siècle…

4.  Comment tucauses ?
Faire le pari de la sociolinguistique au collège, c’est restituer àla réflexion sur la langue toute sa dimension sociale, politique, historique,lever des blocages et redonner sens aux
apprentissages !

5.  Le théâtre del’opprimé
Une initiation au théâtre d’Augusto Boal, outil d’émancipation.Enjeux et usages avec des adolescents…

14h30  ATELIERS  2

6.  Citadelle
A travers le processus de création plastique, nous tenterons denous positionner, à la recherche de ce qui peut s’inventer, faire ?uvre, seco-construire du côté d’un culturel à partager…

7.  Pacification de Madagascar :quand un texte de 1898 interroge les rapports sociaux actuels
Etudier l’histoire de la colonisation. Comment conjuguer travail d’histoire, »devoir de mémoire »et agir citoyen ?

8.  S’exercerà la démocratie par la pratique du débat  (colloque, controverse…)
Commentles négatifs sont-devenus des nombres ? Quels obstacles rencontrés ?Histoire d’une conquête humaine revécue en classe…

9.  Esprit critique contre dogmatisme : ensciences, croire ou savoir, on peut choisir !
Comment faire »apprendre » l’esprit critique ? L’élaboration collective desavoirs scientifiques habituellement donnés en classe comme des faits permettrad’analyser la construction conjointe des savoirs et des outils de la penséecritique.

17h30 – Jérôme DEAUVIAU : Enseignerle monde social: enjeux et pratiques 

18h30 – CLÔTUREetPERSPECTIVES
Pistes de travail, prochainsrendez-vous…

10èmes Rencontres nationales de Saint-Denis « Les valeurs à l’épreuve des pratiques »

égalité – esprit critique – coopération

 LES VALEURS A L’EPREUVE
DES PRATIQUES

 Valeurs à l’école – Valeur de l’école


Samedi 25 mars 2017

IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron,
Saint-Denis (93)

Les inscriptions en ligne sont closes, mais vous pouvez vous inscrire sur place le jour-même.

Que vaut l’école quand elle ne tient pas ses promesses ? Dès lors que la réussite de tous est à l’ordre du jour, les difficultés cumulées amènent à la désillusion et au ressentiment. L’échec scolaire signe la disqualification symbolique, prépare à la relégation sociale et à une citoyenneté de deuxième zone. Comment se reconnaitre dans ce qui ne nous reconnait pas ? Cette désaffiliation scolaire rend ses orphelins rétifs aux valeurs bafouées et sensibles aux sirènes de toutes les démagogies idéologiques, au risque de fracasser le lien social.

Faire accéder tous les élèves à une maîtrise opératoire des savoirs et à une citoyenneté outillée reste l’horizon prescrit. Y parvenir exige de rompre avec les solutions supplétives, de peu d’effet, et de s’attaquer au cœur du quotidien éducatif : les contenus enseignés et les processus d’apprentissage qui en instruisent l’accès. Si les savoirs ont un sens, la façon de les transmettre leur donne valeur.

En quoi les contenus parlent-ils à tous ? En tant qu’ils aident à comprendre le monde dans lequel on vit, à s’y situer et à pouvoir y agir, en tant qu’ils contribuent à éclairer le présent et à maîtriser son passé. On peut toujours se penser gaulois, mais gare alors au retour du refoulé ! Quelle place est faite à l’histoire de la colonisation ? Quelle approche de la laïcité ? Quelle place ont les débats qui agitent le monde d’aujourd’hui dans l’espace scolaire ?…

Le mode d’approche de ces contenus n’est pas anodin. Catéchisé, le savoir est ravalé au rang de dogme. Or à l’école, il s’agit moins de croire que d’exercer la rationalité critique, de raviver l’imaginaire et l’esprit critique qui en ont fondé l’essence : comprendre est à ce prix. Pour cela, conjuguer les singularités des élèves dans une coopération des intelligences qui serve simultanément le développement personnel et l’émancipation collective : tel est le défi. Outre les ateliers de pratiques, plusieurs apports nous permettront de creuser ces questions. Sont ainsi invités à intervenir :

  • Jean-Paul DELAHAYE, Inspecteur général de l’éducation nationale honoraire, ancien directeur général de l’Enseignement scolaire (DGESCO), auteur du rapport : Grande pauvreté et réussite scolaire, le choix de la solidarité pour la réussite de tous (IGEN, mai 2015).
  • Jérôme DEAUVIAU, Professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure, auteur de Enseigner dans le secondaire: les nouveaux professeurs face aux difficultés du métier (La Dispute, 2009) ; co-auteur de : Les sociologues, l’école et la transmission des savoirs (La Dispute, 2007), L’école commune. Propositions pour une refondation du système éducatif (La Dispute, 2012), Enseigner efficacement la lecture. Une enquête et ses implications (Odile Jacob, 2015).

Ces Rencontres, soutenues par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, sont organisées en partenariat avec l’Observatoire des Zones Prioritaires et le Café Pédagogique.

PROGRAMME

9h  – OUVERTURE :
Mairie de
Saint-Denis / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis / GFEN

9h15  – Jean-Paul DELAHAYE : Faire
partager les valeurs de la République, une mission prioritaire mais difficile à
l’école aujourd’hui

10h30  ATELIERS

1.  « HistoireS d’immigrationS et pratiques de langues vivantes : quelles richesses ! »
A partir du film « Trajectoires » : une rencontre entre retraités ayant vécu l’immigration et les élèves de collèges d’éducation prioritaire… et la dynamique créée par la reconnaissance de pratiques de langues vivantes.

2.  « L’île des religions »
Penser la laïcité comme un problème, ou comment transmettre les valeurs de la République en les interrogeant.

3. Démarche Darwin : interroger le rapport entre sciences du vivant et anthropologie
Entre enjeux scientifiques contemporains et rupture épistémologique opérée par Darwin au XIXème siècle…

4.  Comment tu causes ?
Faire le pari de la sociolinguistique au collège, c’est restituer à la réflexion sur la langue toute sa dimension sociale, politique, historique, lever des blocages et redonner sens aux apprentissages !

5.  Le théâtre de l’opprimé
Une initiation au théâtre d’Augusto Boal, outil d’émancipation.
Enjeux et usages avec des adolescents…

14h30  ATELIERS  2

6.  Citadelle
A travers le processus de création plastique, nous tenterons de nous positionner, à la recherche de ce qui peut s’inventer, faire œuvre, se co-construire du côté d’un culturel à partager…

7.  Pacification de Madagascar : quand un texte de 1898 interroge les rapports sociaux actuels
Etudier l’histoire de la colonisation. Comment conjuguer travail d’histoire, « devoir de mémoire »
et agir citoyen ?

8.  S’exercer à la démocratie par la pratique du débat  (colloque, controverse…)
Comment les négatifs sont-devenus des nombres ? Quels obstacles rencontrés ?
Histoire d’une conquête humaine revécue en classe…

9.  Esprit critique contre dogmatisme : en sciences, croire ou savoir, on peut choisir !
Comment faire « apprendre » l’esprit critique ? L’élaboration collective de savoirs scientifiques habituellement donnés en classe comme des faits permettra d’analyser la construction conjointe des savoirs et des outils de la pensée critique.

17h30
Jérôme DEAUVIAU :
Enseigner le monde social: enjeux et pratiques 

18h30 – CLÔTURE et PERSPECT IVES
Pistes de travail, prochains rendez-vous…


Reportage des 9e Rencontres Maternelle, 2017

« Pour que la maternelle fasse école »

 Bourse du travail, Paris – 28 janvier 2017

Les rencontres « Apprendre à comprendre le monde : le pari de la complexité dès l’école maternelle » ont eu lieu le 28 janvier dans ce magnifique lieu dédié au travail et aux travailleurs qu’est la bourse du travail à Paris. Revenons sur l’événement qui a rassemblé 180 personnes venues de tous horizons (enseignants, formateurs, étudiants) et de partout (Ile de France surtout, vu la proximité géographique mais aussi des Hauts de France, d’Auvergne Rhône-Alpes ou de la région Centre-Val de Loire)

 Reportage de la journée

Sous le regard impressionnant des relieurs, ébénistes, orfèvres et autres artisans au-dessus de nos têtes et sous la figure tutélaire de Jean Jaurès, Véronique Boiron axe ses propos sur les rapports entre parler et penser, activité collective à l’école maternelle. Le langage est le moyen pour l?’nseignant d’accéder à la « boite noire de l’enfant » et pour l »enfant de ressentir « ça pense en moi » avant qu »il puisse faire « je pense ». Le rôle de l’enseignant est primordial, il va verbaliser, formaliser, expliciter, reformuler pour mettre des mots sur le « faire » et donner du sens à l »école et aux apprentissages. C »est une construction lente, délicate et fondamentale et on est bien loin des doxa spontanéistes.

Il y a eu ensuite les espaces appelés « questions vives », non tranchées, qui traversent les réflexions des équipes d’écoles maternelles. Les intervenantes ont présenté un état des lieux de la question qui servira de base pour alimenter les discussions et les réflexions dans les groupes.

Evaluer pour fixer ou pour avancer ?

L’évaluation, constituante de l’acte d’enseigner et de l’acte d’apprendre, à quoi sert-elle ? qui sert-elle ? Evelyne Collin, IEN Maternelle, a beaucoup travaillé la question, dans son département du val d’Oise, et dans le groupe qui a produit  des documents d’accompagnement des programmes. Elle donne le prescrit et propose des pistes pour instrumenter l’observation des élèves, activité qui va permettre de les évaluer en dehors de moments institués, de « donner une valeur » à leur travail, aux procédures et aux résultats de ce travail. Elle pose aussi aux participantes quelque peu déstabilisées LA double question : « l’école enseigne-t-elle bien tout ce qu’elle doit enseigner » et « l’école n’évalue-t-elle que ce qu’elle a enseigné » ? La discussion peut s’engager.

L’enseignement de l’oral, oui, mais comment faire ?

Avec les plus jeunes élèves en particulier, Maryse Rebière a travaillé avec des collègues de petite section ; elle est enseignante chercheure, membre de l’AFEF, l’association française des enseignants de français, partenaire de la journée. C’est à ce titre qu’elle est intervenue. Pourquoi est-ce si difficile ? L’oral est un objet aux contours flous, il n’existe pas UN oral mais DES oraux, pour communiquer, pour évoquer ce qui n’est pas là, pour entrer dans l’écrit des albums. Le langage de l’école n’est pas celui de la maison. M. Rebière présente des activités qui permettent de passer de l’un à l’autre avec toujours, la médiation de l’enseignant : préciser le langage des activités familiales quotidiennes, apprendre le langage des activités scolaires, en petit groupe, en grand groupe, pour passer de l’accompagnement de l’action à sa représentation.

L’imagination, ça s’apprend ?

Dans le développement de l’enfant, apprentissage et imagination sont-ils compatibles ? Anne Clerc-Georgy, enseignante chercheure, spécialiste des apprentissages fondamentaux à Lausanne, montre que les trois concepts sont imbriqués, complémentaires et qu’il ne sert à rien de les opposer. Dans une perspective vygotskienne, apprendre c’est d’abord s’approprier des « outils de pensée » construits par les hommes au cours de leur histoire pour répondre à des problèmes rencontrés et devenir capable de faire usage avec l’enseignant et les autres d’abord et progressivement seul de ces savoirs « culturels ». Apprendre c’est aussi imaginer, se représenter ce qu’on ne connait pas (en histoire ou en géographie par exemple) et imaginer, c’est se nourrir des apprentissages.

Quels temps pour apprendre ?

Viviane Bouysse, Inspectrice générale de l’Éducation nationale dont tout le monde connait l’engagement sans faille pour l’école maternelle au sein de l’institution et partout où on l’invite pour la défendre et la transformer. Pour elle, il faut des temps longs pour tout : satisfaire les besoins physiques et affectifs, changer de statut, d’enfant à celui d’élève qui agit, pense et réfléchit, passer « de moi à nous », apprendre à différer ses envies et entrer dans la logique et le temps du groupe. Il faut aussi tenir compte des différentes composantes du temps, pas seulement la durée mais aussi son lien aux espaces (indissociables), aux rythmes, temps forts/temps faibles, répétition, à la dynamique des processus, de la notion de parcours, etc. Elle termine par une très belle citation de Saint-Exupéry : « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. »

 

Quelles idéologies derrière les « innovations » en vogue qui menacent l’école maternelle dans ses missions ?

Christine Passerieux, formatrice d’enseignants, membre du GFEN, a écrit à ce sujet deux articles, dans la revue Dialogue et dans Carnets rouges, dont elle est la rédactrice en chef. Elle met en lumière les idées véhiculées par certains  » innovateurs » et largement relayées par les médias qui consistent à dénigrer les enseignants et ringardiser le service public d’éducation et l’école maternelle en particulier. En mettant en avant l’individu, les « lois naturelles », le « bien-être », ces idéologies  attaquent l’école maternelle dans ses missions mêmes : construire le besoin d’apprendre (au sens de Léontiev), construire du « commun », démocratiser les savoirs.

Les ateliers de l’après-midi sont conçus autour de situations d’apprentissage co-construites par un formateur d’adultes et un enseignant de l’école maternelle pour balayer les différents domaines du programme.

Dans la petite salle de grève, Jacqueline Bonnard et Damien Sage proposent d’observer et manipuler des objets et « parler » le monde. S’interroger sur des objets inconnus, c’est entrer dans une histoire, celle des hommes qui nous ont précédés et ont imaginé des solutions techniques en réponse aux problèmes rencontrés. En fonction des contextes et des périodes socio-historiques, ces réponses sont différentes et constituent un patrimoine culturel commun auquel chacun doit avoir accès. Et l’on découvre que l’adulte en questionnement renoue avec la posture du jeune enfant face à la complexité du monde. L’articulation entre le geste et la mobilisation du langage est un gage de compréhension de cet univers. En suivant la démarche des élèves de Damien Sage dans leur exploration d’objets inconnus, on comprend l’importance des échanges où les points de vue se confrontent permettant l’acquisition d’un vocabulaire adapté.

La salle Ambroise Croizat résonne encore des essais proposés par Sophie Reboul et Nicolas Charrière pour comprendre la complexité du monde sonore. Il ne suffit pas de produire des sons, il faut en comprendre la portée par un travail à la fois sur la physique des sons, leur dimension musicale, les pratiques langagières et culturelles associées. L’atelier prend appui sur un travail de classe conséquent sur ce domaine afin de produire un spectacle sonore : des essais pour produire des sons aux effets sonores escomptés en fonction des matériaux et objets utilisés jusqu’à leur combinaison pour obtenir une harmonie. En faisant résonner toutes sortes d’objets et d’instruments, les participants ont pu vivre les étapes par lesquelles les élèves sont passés pour construire leur projet.

Apprendre à catégoriser est incontournable pour appréhender la complexité du réel

et cela dans tous les domaines. Catherine Ledrapier et Khoulfia Léonard s’appuient sur la question du classement des animaux, la définition des concepts scientifiques et de leurs attributs pour faire comprendre le lent cheminement qui mène à la classification des espèces. Il s’agit d’analyser ces processus d’abstraction (la catégorisation et sa représentation) qui se doivent d’être travaillés dès l’école maternelle comme outil fondamental pour apprendre. Des vidéos d’activités réelles d’une classe de grande section de classe portant sur la matière, ses propriétés et ses états ont illustré le propos.

Prenant le contrepied de quelques idées reçues, Pascale Boyer affirme qu’il convient de mobiliser le langage pour réussir des activités physiques. « Faire des exploits avec un ballon », le faire rouler, rebondir, le lancer haut, etc. les élèves agissent d’abord, les adultes aussi qui s’y essaient pour éprouver ce que réussir peut vouloir dire dans ce domaine.  Lors  des  retours  réflexifs,  ils apprennent  à  verbaliser  et  formaliser  leurs  actions motrices pour mieux les réussir. Le processus qui va de l’acte au développement de la pensée est décrypté et analysé à partir d’enregistrement d’échanges entre élèves durant lesquels on entend leurs réflexions et leur vocabulaire s’affiner au fil des séances.

Faut-il d’abord avoir les mots pour comprendre la trame d’un texte ou s’appuyer sur le contexte pour comprendre un texte et s’approprier le sens des mots ? Caroline Pecqueur et Claire Benveniste proposent de  recréer un texte et entrer dans la compréhension du sens (démarche phare du GFEN). Mettant les participants à l’épreuve selon le principe d’homologie, le défi porte sur le texte du poète palestinien Mahmoud Darwich : « Il y a une noce à deux maisons de la nôtre, ne fermez pas les portes. ».  Il s’agit de travailler conjointement le fond et la forme du texte. Les désaccords amènent à fouiller et à préciser les choix et leur pertinence. On fait ici le pari que des élèves, même jeunes, peuvent réussir à recréer une poésie ou une comptine ; une recréation qui se fera collectivement, à l’oral, par dictée à l’adulte.

L’intervention de clôture a été faite par Anne Clerc-Georgy, qui a joué le rôle de grand témoin, tissant des liens entre la conférence introductive qui posait le principe « d’être en langage », construire un rapport au monde, à soi et aux autres et les ateliers qui développaient  des activités pour apprendre à parler et penser ensemble.
Comprendre qu’il n’y a pas d’apprentissage sans imagination et pas d’imagination sans apprentissage ; avoir conscience que l’enseignement de l’oral est essentiel pour que l’enfant devienne familier des pratiques langagières scolaires ; interroger les façons d’évaluer les élèves pour que l’exercice soit positif ; prendre en compte les temps nécessaires pour construire le besoin d’apprendre ; connaitre les « nouvelles idéologies »pour mieux les interroger ;  autant de questions vives, de recherches ou de métier posées aujourd’hui et qui  ont pu trouver quelques éléments de réponses.
Les différents ateliers de l’après-midi ont fait manipuler des objets du quotidien, des matériaux sonores, des ballons, des mots mais tous ont montré le rôle du langage pour comprendre la complexité du monde à travers les langages technique, artistique, scientifique, corporel et  littéraire qu’ils convoquaient.
La librairie du GFEN, l’exposition des livres de Rue du monde et la présence des éditions Chronique sociale montrent toute l’importance accordée aux écrits pour prolonger la journée et aller plus loin.
L’évènement hivernal constitue un temps fort de réflexions et d’échanges mais les activités continuent toute l’année. Le groupe Maternelle  se réunit régulièrement et constitue un collectif de travail qui réfléchit et échange. Une lettre d’informations est réalisée tous les mois.
L’équipe adresse un grand merci à toutes les intervenantes, animatrices et participantes avant d’annoncer quelques rendez-vous avec :
– un reportage sur ces rencontres sur le site,
– un projet éditorial (parution 2017)
– les Rencontres de Saint Denis le 25 mars 2017.
Isabelle Lardon et Jacqueline Bonnard

9èmes Rencontres « Pour que la maternelle fasse école », 28 janvier 2017

accéder au reportage des rencontres

Apprendre à comprendre le monde :

le pari de la complexité dès l’école maternelle

Samedi 28 janvier 2017
Bourse du travail, Paris 10è

Le monde est complexe, questionner les objets du monde est complexe. Le rapport à soi, aux autres, aux savoirs l’est tout autant. A l’école maternelle, faut-il protéger les jeunes enfants de la complexité de  la  vie,  aller  du  simple  au  complexe  …  ou  bien  les  faire  se  confronter  très  tôt  au  réel  et  leur apprendre à comprendre le monde dans lequel ils vivent ?

Au fil des années, le GFEN a égrené ses Rencontres nationales de l’école maternelle, en s’intéressant aux  rapports  qu’entretiennent  les  notions  de  besoin  (Leontiev),  apprentissage,  développement (Vygotski),  socialisation,  culture.  En  2017,  plus  d’un  an  après  la  mise  en  place  des  nouveaux programmes,  attentifs  aux  différents  aspects  de  la  langue,  le  GFEN  propose  de  réfléchir  à  l’entrée dans le langage oral et écrit dans tous les domaines. Celui-ci est un véritable instrument (Rabardel & Pastré)  au  service  de  la  construction  de  la  pensée,  de  la  catégorisation,  de  la  mise  en  ordre indispensable à l’école pour entrer dans les savoirs et la culture commune (Bernardin).

Sachant  que  les  pratiques  langagières  et  les  compétences  lexicales  sont  des  bons  indicateurs de l’apprentissage  futur  de  la lecture et  de  l’écriture,  il  parait  essentiel  dans  ces  rencontres  d’aider  les enseignants  à  aider  les  élèves  à  parler,  penser,  abstraire,  comprendre…  Il  s’agit  également  de prendre  en  compte  les  données  les  plus  actuelles  des  recherches    pour  qu’elles  viennent  irriguer notre propre pensée, telles que l’étude « Lire et écrire au CP » coordonnée par Goigoux (1) .

Peut-on  proposer  aux  élèves  des  savoirs  exigeants,  des  supports  résistants,  dans  des  dispositifs collectifs et interactifs ? Comment avoir de l’ambition pour eux et créer des situations authentiques pour  apprendre  et  comprendre ?  Quelle  posture  pour  l’enseignant  : verbaliser ce  qu’ils  ne  sont  pas encore  capables  de  décrire  ou  de  commenter,  expliciter  les  séances,  pratiquer  une  évaluation positive qui tient compte des progrès de l’enfant ? Quelle place pour l’apprentissage du vocabulaire et  l’acculturation,  surtout  pour  les  enfants  les  plus  éloignés  de  la  culture  scolaire ?  A  quelles conditions ne laisser aucun enfant au bord de la route, seul face à la complexité du monde ?

Nous  souhaitons  que  ces  rencontres  contribuent  à  développer  « des  outils  pour  la  pensée »  qui soient   « des   instruments   techniques   et   sémiotiques de   développement »   pour   tou.te.s   les participant.e.s (Rochex (2)).

1- L’appui sur la recherche « Lire & écrire au CP », 2015 permet d’inscrire les apprentissages de l’école maternelle dans un continuum. http://ife.ens-lyon.fr/ife/recherche/lire-ecrire
2-
Jean-Yves Rochex. L’œuvre de Vygotski : fondements pour une psychologie historico-culturelle. Note de synthèse dans la Revue française de pédagogie n°120, 1997.

***

Conférence introductive

Véronique Boiron, enseignante-chercheure, université de Bordeaux, Lab-E3D

« Apprendre à parler-penser ensemble à l’école maternelle :
exemples d’objets de pensée complexes en littérature de jeunesse »

Après avoir présenté le cadre théorique des rapports entre langage et pensée (Vygotski, 1936, 1985), Véronique Boiron illustrera ces propos par des exemples pris dans la littérature de jeunesse à tous les niveaux des classes maternelles, petite, moyenne et grande sections. L’objectif est de tenter de mieux comprendre comment ces tout jeunes apprentis lecteurs apprennent à comprendre des récits de fiction via, notamment, l’élaboration conjointe de significations, de questionnements, de commentaires, d’hypothèses, de reformulations. Ce faisant, c’est le rôle du langage oral dans l’apprentissage de la compréhension qui sera souligné.

Réflexions et échanges autour de questions vives qui traversent l’école maternelle aujourd’hui

1. Evaluer pour fixer ou pour avancer ?
L’école maternelle, sous la pression conjointe  de l’institution, des parents et des enseignants eux-mêmes, a progressivement mis en place des modalités d’évaluation des acquis des élèves et de restitution à leur famille qui a eu pour effet de figer les parcours d’apprentissage, de désigner les meilleurs et les plus fragiles et ce, comme si elle n’avait plus les moyens d’un accompagnement patient et déterminé de chacun d’entre eux vers une réussite atteignable.
Aujourd’hui, le nouveau programme de l’école maternelle ouvre la voie à de nouvelles modalités
d’accompagnement et d’évaluation des parcours, fondée sur une observation instrumentée des élèves à partir de démarches ajustées et de modalités d’apprentissages mieux adaptées aux élèves et à leurs
besoins.
Evelyne Collin-Rovelas, inspectrice de l’éducation nationale, chargée de mission Ecole maternelle

2. L’enseignement de l’oral… oui, mais comment faire ?
Les enseignants se trouvent souvent démunis face à des enfants qui doivent construire leur position d’élèves, tant sur le plan du comportement que du langage. L’observation des classes met en évidence, outre un glissement vers l’écrit, l’instabilité des pratiques d’enseignement du langage : quel est l’objet de cet enseignement, que doit on enseigner, l’oral s’enseigne-t-il et comment ? Face à ce que Dominique Bucheton appelle « le multi-agenda » de l’enseignant, comment isoler des temps consacrés essentiellement à cet apprentissage et quelles situations proposer aux élèves, particulièrement aux plus jeunes? L’analyse de transcriptions de quelques « moments » extraits de pratiques d’enseignement en Petite Section, nous permet d’interroger des stratégies enseignantes performantes et les réponses des élèves qui s’essaient à mettre en œuvre des usages langagiers nouveaux pour eux.
Maryse Rebière, enseignante chercheure retraitée, université de Bordeaux, Lab-E3D, membre de l’AFEF

3. L’imagination, ça s’apprend ? 
Le modèle constructiviste en vigueur s’est souvent traduit dans les premiers degrés de la scolarité par le modèle de la pédagogie de la découverte, doxa qui laisse à l’enfant la responsabilité de ses
apprentissages (Caffieaux, 2011) et postule que ce dernier doit découvrir ou inventer les savoirs (Crinon & al., 2008). Dans la perspective développée à partir des travaux de Vygotski, l’imagination est une fonction psychique appelée à se développer notamment par le biais de l’appropriation d’outils médiateurs, c’est-à-dire l’apprentissage de l’usage des savoirs proposés à l’école. En même temps, cette fonction psychique est au cœur des processus d’apprentissage, elle est nécessaire en algèbre comme en production écrite, en sciences comme en arts, dans tout ce qui requiert une reconstruction créative de la réalité (Clerc-Georgy, 2016).
Anne Clerc-Georgy, Professeure HEP du canton de Vaud, Suisse

4. Quels temps pour apprendre ? 
« Le temps est une catégorie de la pensée très abstraite, très complexe. Quand on l’analyse en composantes, on trouve des voies opérationnelles pour faire le lien entre temps et apprentissages. Ceux-ci s’organisent dans le temps long d’un parcours scolaire et le temps court de la journée scolaire ; l’ordre renvoie aux programmations et progressions qui ont besoin d’une certaine quantité de temps pour s’installer « durablement » ; au-delà des phases de découverte et de structuration, il faut des entraînements, des transferts, des révisions. Ils s’enchaînent avec des moments forts et des moments moins exigeants, des moments longs et des moments courts ; une journée est d’autant mieux vécue
qu’elle est bien « rythmée ». Les élèves ont besoin de récurrences (l’ordinaire) mais les faits rares qui réenchantent le quotidien sont aussi bienvenus (l’occasionnel). » extrait de Fenêtres sur cours SNUipp
Viviane Bouysse, inspectrice générale de l’Education nationale

5. Quelles idéologies derrière les «innovations « en vogue qui menacent l’école maternelle dans ses missions ?
Alors qu’est affirmée la nécessité d’apprendre l’école pour apprendre à l’école afin de réduire les écarts entre enfants au regard de leur origine socioculturelle,
Alors que la mission assignée à l’école maternelle est de familiariser les enfants avec la spécificité des
apprentissages pour qu’ils construisent une posture d’élève,
Alors que les programmes précisent que les activités cognitives de haut niveau sont fondamentales pour donner aux enfants l’envie d’apprendre et les rendre autonomes intellectuellement,
Alors que le rôle du groupe est souligné, qui rend possibles les cheminements individuels…

des scientifiques, des pédiatres, des think tanks, des médias, des associations se relaient pour promouvoir une autre conception de l’école maternelle et annoncer la bonne nouvelle : la solution est enfin trouvée pour faire réussir les enfants ! Derrière les dispositifs proposés, les expériences relatées, la science convoquée, quelles sont les conceptions du développement de l’enfant, de l’apprentissage de l’élève, du rôle de l’enseignant, des savoirs et de la culture, de la fonction de l’école ?
Christine Passerieux, formatrice d’enseignants, GFEN Paris

Pour aller plus loin, voir la présentation des intervenantes et de leurs travaux.

Ateliers de démarches et témoignages en maternelle autour de situations d’apprentissage

6.  Observer, manipuler des objets pour explorer et « parler » le monde
Les  objets  témoignent  d’une  culture  (conception  et usages).  Par  une  approche  anthropologique d’objets « inconnus », la situation à vivre vise l’analyse de l’articulation entre le geste et la mobilisation d’un langage adapté à l’exploration de cet univers complexe.
Jacqueline Bonnard, GFEN 37 & Damien Sage, GFEN 75

7.  Comprendre la complexité du monde sonore
La  représentation  de  textes  pour  produire  un  spectacle  sonore a  fait  l’objet  d’un  projet  de  classe conséquent,  alliant  un  travail  à  la  fois  sur  la  physique  des  sons,  leur  dimension  musicale,  des pratiques langagières et culturelles. Sophie Reboul, GFEN 25

8.  Catégoriser pour appréhender la complexité du réel 
La  catégorisation  –  et  sa  représentation  –  sont  des  processus  d’abstraction  qui  se  doivent  d’être travaillés dès l’école maternelle comme outil fondamental pour se saisir de la complexité du réel. La catégorisation en classe a porté sur la matière, ses propriétés, ses états. Catherine Ledrapier & Khoulfia Leonard, GFEN 25

9.  Mobiliser le langage pour réussir des activités physiques 

« Faire des exploits avec un ballon », le faire rouler, rebondir, le lancer haut, etc… les élèves agissent d’abord.  Puis,  lors  des  retours  réflexifs,  ils  apprennent  à  verbaliser  et  formaliser  leurs  actions motrices pour mieux les réussir. Le processus « faire, dire, penser » sera analysé dans l’atelier.
Pascale Boyer, GFEN 75

10.  Recréer un texte et entrer dans la compréhension du sens

Faisons le pari que des élèves, même jeunes, peuvent réussir à recréer une poésie ou une comptine, à  l’oral  et  en  collectif.  C’est  le  sens  des  mots  qui  fait  le  lien  et  permet  de  comprendre  la  trame  du texte et non la mémoire d’un mot à mot.  Caroline Pecqueur, GFEN 75

Pour aller plus loin, voir la présentation des groupes qui animent les ateliers

Intervention de clôture Le grand témoin

Anne Clerc-Georgy s’attachera à tisser des liens entre les différents temps de la journée et à ouvrir des perspectives sur la focale « Apprendre et réussir pour comprendre ».
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Compte-rendu des 9èmes Rencontres

Les Rencontres de Saint Denis ont eu lieu sur le thème :

Pratiques pour lever les fatalités

Jacques Bernardin a ouvert la journée et Marie-Aleth Grard a présenté les constats et préconisations
du rapport du CESE « Une école de a réussite pour tous ».
La commission a mené plus de 200 auditions et rencontré des acteurs de l’éducation qui innovent.
Dans une approche originale,il a fait participer à ses travaux des parents vivant dans la grande pauvreté,
adoptant avec eux la démarche de « Croisement des savoirs ». Ne laisser aucun élève au bord de la route, tel est le sens des préconisations. Le CESE souligne également l’importance d’ouvrir l’école aux parents,  notamment à ceux qui en sont les plus éloignés, et met en avant des pédagogies coopératives.

Les ateliers du matin et de l’après-midi se sont égrenés.
Quelques bribes.

Les élèves avec une déficience intellectuelle sont capables d’acquérir les compétences pour comprendre, à condition qu’on les leur enseigne !
En associant leurs parents, 1001 territoires se mobilisent
pour la réussite de tous les enfants.
Les devoirs définis comme le travail personnel de l’élève
dans et hors la classe et son encadrement… Rémi Bonasio tente de répondre à ces questions.
Apprendre ensemble en liant la littérature et la
technologie.
Jean-Yves Rochex : pour mieux comprendre les difficultés
scolaires, chercher à saisir comment les pratiques pédagogiques peuvent à leur insu renforcer les inégalités sociales, en s’appuyant sur Bourdieu et Bernstein
et la « pédagogie invisible ».

Isabelle LARDON

9èmes Rencontres nationales de Saint-Denis

PRATIQUES POUR LEVER LES FATALITES

à l’école, avec les familles, dans le quartier

 

Samedi 2 avril 2016

IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron, Saint-Denis (93)

 

L’histoire des transfuges témoigne d’une non-fatalité de la fatalité. Mieux identifiés, les facteurs ayant contribué à ces destins d’exception peuvent instruire le changement à une plus large échelle.

Du regard porté sur les jeunes aux relations tissées avec les parents en passant par ce qui, dans les pratiques, fait rupture avec les processus ségrégatifs, stimule l’envie de comprendre et  progresser, ces 9è rencontres seront le rendez-vous de tous ceux qui, dans comme hors l’Ecole, aspirent à la démocratisation de l’accès au savoir et à l’émancipation intellectuelle.

Témoignages et pratiques viendront concrétiser que du possible existe : vidéo de jeunes revenant sur leur parcours, actions avec les parents, projets menés sur des quartiers, démarches d’apprentissage composant avec l’hétérogénéité des élèves, ateliers de création, approche nouvelle de l’évaluation…

Comment se maillent socialisation familiale et socialisation scolaire ? Des éléments objectifs contribuant à la réussite scolaire aux  dimensions subjectives en jeu dans la dynamique identitaire, quels leviers peuvent contribuer à lever les fatalités ?

Les ateliers se croiseront avec des apports sur ces questions. Sont ainsi invités :

  • Marie-Aleth GRARD, vice-présidente d’ATD Quart-Monde, rapporteure de l’Avis du Conseil Economique,  Social  et  Environnemental,  « Une école de la réussite pour tous », 2015.
  • Rémi BONASIO, enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation à l’université de Toulouse Jean Jaurès, auteur d’une thèse : « La pratique des devoirs en classe et en-dehors de la classe. De l’analyse de l’activité à la conception d’environnements de formation ».
  • Jean-Yves ROCHEX, professeur en  Sciences de l’éducation à l’université Paris 8, auteur  de « Le  sens de l’expérience scolaire », PUF, 1995, et coordonnateur de « La construction des inégalités scolaires », Rennes, PUR, 2011.

Ces Rencontres, soutenues par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, sont organisées en partenariat  avec l’Observatoire des Zones Prioritaires et le Café Pédagogique.

PROGRAMME

9H15 Marie-Aleth GRARD : Une école de la réussite pour tous

10h30  ATELIERS  1

1. « Ces jeunes de milieux populaires qui ‘s’autorisent’ à réussir »
Prévention Spécialisée ADSEA et GFEN 28

Echanges, à partir d’interviews filmés, sur les parcours atypiques de jeunes, le rôle de l’école, de leurs parents et de l’entourage.

2. Le théâtre dans le quartier au collège
GFEN Ile-de-France / KIALUCERA

Comment une metteure en scène, depuis plus de cinq ans, dans une association de quartier d’Aubervilliers, propose de vivre le théâtre pour mieux le lire dans les classes de collège : tous capables d’interpréter !

3. Apprendre à comprendre, c’est possible en ULIS école…
Isabelle LARDON (GFEN 58)

Les élèves présentant une déficience intellectuelle scolarisés en ULIS (ex-CLIS) sont capables d’apprendre à comprendre des textes narratifs… à condition qu’on le leur enseigne avec des
outils adaptés.

4. Apprentissages solidaires : prendre appui sur l’hétérogénéité
Jacqueline BONNARD (GFEN 37)

Elaborée par des enseignants d’un collège en REP, la situation s’appuie sur l’étude d’un texte de Balzac et montre la puissance du collectif lorsqu’il s’agit d’apprendre ensemble et non les uns contre les autres.


14h30 
ATELIERS  2

5. Démarche « développement durable ? »
GFEN Ile-de-France

Un atelier de géographie pour interroger notre rapport auterritoire, donc un atelier qui peut construire une citoyenneté politique active, et ce jusque dans nos quartiers !

6. Démarche « Bienvenido Mister Mohamed »
Secteur Langues du GFEN

Mise en situation en classe d’espagnol à partir d’un court métrage qui aborde un problème politique et social — celui de l’immigration — et offre un regard décalé sur les représentations les plus communes touchant à laquestion.

7. Des ateliers de création qui « étrangent » le regard ! Autour d’un travail avec des enfants en
situation de relégation

Colette CHARLET (LIEN) & Michel NEUMAYER (GFEN Provence)

Évaluation et éthique : un sosie qui ouvre à la question des représentations que nous avons des « invisibles de l’école ».

 

8. Le travail personnel des élèves : repenser l’interface école-familles
Rémi BONASIO

Les devoirs sont une pratique sociale à la croisée des espaces éducatifs, dans un contexte où les frontières éducatives sont floues et où la recherche des complémentarités est traduite dans la loi de 2013. Comment aider les adultes à mieux articuler leur activité ?

9. 1001 territoires se mobilisent avec les parents : généralisation de 15 actions-recherches
Jean LAMBRET (coordinateur du Collectif national)

Vingt réseaux d’associations, indignés de l’inégalité scolaire et éducative, ont mutualisé leurs méthodes et lancé une campagne en cours de généralisation.

17H30 Jean-Yves ROCHEX : Traquer les implicites pour combattre les inégalités

9èmes Rencontres nationales de Saint-Denis « Pratiques pour lever les fatalités »

PRATIQUES POUR LEVER LES FATALITES

à l’école, avec les familles, dans
le quartier

Lire le compte-rendu des rencontres

Samedi 2 avril 2016

IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron, Saint-Denis (93)

 

L’histoire des transfuges témoigne d’une non-fatalité de la fatalité. Mieux identifiés, les facteurs ayant contribué à ces destins d’exception peuvent instruire le changement à une plus large échelle.

Du regard porté sur les jeunes aux relations tissées avec les parents en passant par ce qui, dans les pratiques, fait rupture avec les processus ségrégatifs, stimule l’envie de comprendre et  progresser, ces 9è rencontres seront le rendez-vous de tous ceux qui, dans comme hors l’Ecole, aspirent à la démocratisation de l’accès au savoir et à l’émancipation intellectuelle.

Témoignages et pratiques viendront concrétiser que du possible existe : vidéo de jeunes revenant sur leur parcours, actions avec les parents, projets menés sur des quartiers, démarches d’apprentissage composant avec l’hétérogénéité des élèves, ateliers de création, approche nouvelle de l’évaluation…

Comment se maillent socialisation familiale et socialisation scolaire ? Des éléments objectifs contribuant à la réussite scolaire aux  dimensions subjectives en jeu dans la dynamique identitaire, quels leviers peuvent contribuer à lever les fatalités ?

Les ateliers se croiseront avec des apports sur ces questions. Sont ainsi invités :

  • Marie-Aleth GRARD, vice-présidente d’ATD Quart-Monde, rapporteure de l’Avis du Conseil Economique,  Social  et  Environnemental,  « Une école de la réussite pour tous », 2015.
  • Rémi BONASIO, enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation à l’université de Toulouse Jean Jaurès, auteur d’une thèse : « La pratique des devoirs en classe et en-dehors de la classe. De l’analyse de l’activité à la conception d’environnements de formation ».
  • Jean-Yves ROCHEX, professeur en  Sciences de l’éducation à l’université Paris 8, auteur  de « Le  sens de l’expérience scolaire », PUF, 1995, et coordonnateur de « La construction des inégalités scolaires », Rennes, PUR, 2011.

Ces Rencontres, soutenues par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, sont organisées en partenariat  avec l’Observatoire des Zones Prioritaires et le Café Pédagogique.

PROGRAMME

9H15 Marie-Aleth GRARD : Une école de la réussite pour tous

10h30  ATELIERS  1

1. « Ces jeunes de milieux populaires qui ‘s’autorisent’ à réussir »
Prévention Spécialisée ADSEA et GFEN 28

Echanges, à partir d’interviews filmés, sur les parcours atypiques de jeunes, le rôle de l’école, de leurs parents et de l’entourage.

2. Le théâtre dans le quartier au collège
GFEN Ile-de-France / KIALUCERA

Comment une metteure en scène, depuis plus de cinq ans, dans une association de quartier d’Aubervilliers, propose de vivre le théâtre pour mieux le lire dans les classes de collège : tous capables d’interpréter !

3. Apprendre à comprendre, c’est possible en ULIS école…
Isabelle LARDON (GFEN 58)

Les élèves présentant une déficience intellectuelle scolarisés en ULIS (ex-CLIS) sont capables d’apprendre à comprendre des textes narratifs… à condition qu’on le leur enseigne avec des
outils adaptés.

4. Apprentissages solidaires : prendre appui sur l’hétérogénéité
Jacqueline BONNARD (GFEN 37)

Elaborée par des enseignants d’un collège en REP, la situation s’appuie sur l’étude d’un texte de Balzac et montre la puissance du collectif lorsqu’il s’agit d’apprendre ensemble et non les uns contre les autres.14h30  ATELIERS  2

5. Démarche « développement durable ? »
GFEN Ile-de-France

Un atelier de géographie pour interroger notre rapport au territoire, donc un atelier qui peut construire une citoyenneté politique active, et ce jusque dans nos quartiers !

6. Démarche « Bienvenido Mister Mohamed »
Secteur Langues du GFEN

Mise en situation en classe d’espagnol à partir d’un court métrage qui aborde un problème politique et social – celui de l’immigration – et offre un regard décalé sur les représentations les plus communes touchant à la question.

7. Des ateliers de création qui « étrangent » le regard ! Autour d’un travail avec des enfants en
situation de relégation

Colette CHARLET (LIEN) & Michel NEUMAYER (GFEN Provence)

Évaluation et éthique : un sosie qui ouvre à la question des représentations que nous avons des « invisibles de l’école ».

8. Le travail personnel des élèves : repenser l’interface école-familles
Rémi BONASIO

Les devoirs sont une pratique sociale à la croisée des espaces éducatifs, dans un contexte où les frontières éducatives sont floues et où la recherche des complémentarités est traduite dans la loi de 2013. Comment aider les adultes à mieux articuler leur activité ?

9. 1001 territoires se mobilisent avec les parents : généralisation de 15 actions-recherches
Jean LAMBRET (coordinateur du Collectif national)

Vingt réseaux d’associations, indignés de l’inégalité scolaire et éducative, ont mutualisé leurs méthodes et lancé une campagne en cours de généralisation.

17H30 Jean-Yves ROCHEX : Traquer les implicites pour combattre les inégalités

Retour sur les 8e Rencontres Maternelle -Apprendre à l’école maternelle : un besoin à construire

 Bourse du travail, Paris – 30 janvier 2016

La bourse du travail de Paris a accueilli samedi 150 personnes intéressées par la question du développement de l’enfant, entre besoin et apprentissage et du rôle central que l’école maternelle peut jouer dans ce cheminement. Comment faire apprendre et se développer tous les jeunes enfants dans une école maternelle à la fois respectueuse des étapes de leur développement et soucieuse de créer les meilleures conditions pour apprendre ?
Le secteur Maternelle qui a conçu et coordonné ces rencontres 2016 n’a pas sacrifié à leurs objectifs primitifs : donner à réfléchir, échanger sur l’école maternelle, donner à voir des pratiques qui « fonctionnent ». La visée principale de ces rencontres est toujours de croiser les regards de chercheurs, de formateurs et de praticiens et d’outiller les enseignants pour les aider à faire réussir tous les élèves.
Nouvelle formule cette année ! L’architecture de la journée a changé. 
Une seule conférence introductive et plus longue, des questions vives, non tranchées, qui traversent l’école maternelle actuellement et qui font débat, des ateliers classiques GFEN avec des situations d’apprentissage à vivre et à transférer professionnellement.
 


Claire Benveniste ouvre la journée par des renseignements pratiques et Jacques Bernardin introduit la journée en aidant les participant.e.s à se repérer dans les nouveaux programmes. Il note comme points de rupture le cycle unique, le principe fondamental du « tous capables » d’apprendre et de progresser, la reconnaissance de la diversité des élèves, l’explicitation des situations et leur enjeu, la promotion de la coopération, une pédagogie variée. En exergue de la journée, les deux citations du jour :
Tant qu’il n’a pas été satisfait pour la première fois, le besoin ne connaît pas son objet, il lui faut encore le découvrir (Leontiev)
L’apprentissage n’est valable que s’il devance le développement (Vygotski)

 Conférence

Elisabeth Mourot, de l’équipe CIRCEFT-ESCOL, a fait état de pratiques qui, à l’insu des enseignants, entretenaient des malentendus à l’école maternelle : les affichages en classe et comme exemple pour illustrer son propos, le trop fameux « petit train des jours » qu’on retrouve dans de nombreuses classes. Elle a mené une recherche dans des écoles de milieux différents, en éducation prioritaire ou en centre-ville à Paris, où elle a interrogé des élèves de grande section sur ce qu’ils pensaient de ces affiches : que croyaient-ils qu’elles voulaient dire ? A quoi servaient-elles ?
Elle a catégorisé les réponses en trois parties :
  • Les élèves qui nomment ce qu’ils voient et sont dans une approche réaliste du langage-communication
  • Les élèves qui rattachent ces affiches à du vécu, des expériences et qui ont un rapport pragmatique au langage
  • Et le troisième groupe qui sait que le wagon violet par exemple symbolise le lundi et qui est capable de l’expliquer avec un langage élaboré. Celui-là est dans les attendus de l’école.
Il faut donc le savoir quand on enseigne et tenir compte du fait que plus on met d’affichage, en croyant que mettre le savoir « à disposition » permet à tous les élèves de s’en saisir, moins les élèves éloignés de la culture scolaire s’y retrouvent.
Le savoir est « à prendre » et l’enseignant doit « montrer ce qui est remarquable », définition étymologique d’enseigner.
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Pendant toute la journée, la librairie est restée ouverte et a connu un taux de fréquentation important.

Les quatre ateliers du matin

Les quatre ateliers du matin ont permis d’aiguiser réflexions et échanges sur quatre questionnements importants à l’école maternelle :
  • La bienveillance à l’égard des élèves pourrait faire consensus… mais elle peut dériver vers la compassion et le renoncement : l’école maternelle s’adresse-t-elle à l’enfant générique, socialement aseptisé ou a-t-elle pour mission d’enrayer la reproduction des inégalités ?

Christine Passerieux rappelle que ce concept de « bienveillance » est utilisé de façon massive dans les institutions, dans les formations, dans la presse, comme une valeur incontournable. Il semble faire consensus mais sur quels critères on le définit ? Les participants de l’atelier sont amenés à y réfléchir et l’animatrice classe les mots et expressions selon qu’ils renvoient à de l’affectif, de l’empathie ou bien à des gestes professionnels. Paul Devin, inspecteur et syndicaliste parle d’un concept « mou » qui laisse donc la porte ouverte à des malentendus ou des pensées carrément contradictoires. Remontent à cette occasion des doctrines plus ou moins bien interprétées autour des intelligences multiples de Gardner, de la pensée de Montessori et son approche spontanéiste de l’entrée de l’enfant dans les apprentissages… Christine Passerieux préfère que l’école maternelle s’interroge sur ses priorités. Individualisation, différenciation ?  Ne pas contraindre, attendre qu’ils soient prêts ? Ou bien mettre en place un cadre sécurisant, renvoyer aux élèves un regard positif, créer les conditions d’une égalité d’accès au savoir, permettre l’activité intellectuelle grâce à l’action et au langage…

  • Est-ce qu’on fait des mathématiques à l’école maternelle, ou  des « pré-mathématiques » ? S’agit-il de manipuler uniquement ? Quelle approche privilégier avec de jeunes enfants, quelles conquêtes viser ?

 

Joël Briand répond oui à la première question et examine l’enseignement du dénombrement dans les nouveaux programmes qui mettent en avant des résultats de recherches vieux de trente ans et qui ont eu beaucoup de mal à s’imposer. C’est en 1984 que le dénombrement a été défini par les didacticiens des mathématiques comme « la capacité à produire une collection b équivalente à une collection a, sans voir cette collection a au moment où l’on produit la collection b ». Briand propose une continuité dans les apprentissages en maternelle en passant des pratiques familiales à des pratiques sociales, avec des jeux de plateaux, petits chevaux, jeu de l’oie. Ensuite, on se dirige vers des pratiques ordinales, puis cardinales, avec des jeux de listes pour contrôler des collections ou des positions. On trouve ici des situations d’apprentissage par adaptation avec les fameuses « voitures dans les garages », différentes des situations de familiarisation. Enfin, des signes d’écrits aident à la mémorisation et amènent à l’étape finale qui est l’accès au calcul et c’est seulement à ce stade que l’élève acquiert le concept de nombre. Vergnaud écrit : « La reconnaissance de la propriété d’addition est une condition nécessaire à la conceptualisation du nombre ».

  • En EPS, on bouge, on expérimente… mais est-ce qu’on apprend ? est-ce qu’on pense ?
L’EPS en maternelle fait vivre aux élèves des expériences significatives des activités physiques humaines qui font partie du patrimoine de la culture physique, sportive et artistique. Elle aide l’élève à transformer sa motricité quotidienne en une motricité porteuse de pouvoirs d’agir nouveaux. « L’école est le lieu où les objets (y compris son propre corps) n’existent pas pour ce qu’on peut en faire dans l’activité quotidienne non scolaire, mais en eux-mêmes comme objet d’apprentissage » (Elisabeth Bautier). A l’école, l’élève passe d’un projet de jeu à un projet d’apprentissage. L’EPS dote les élèves de pouvoirs de penser leur activité et de pouvoirs d’apprendre ensemble. Patrick Lamouroux a illustré son propos d’exemples concrets pris dans les classes et la vidéo, encore une fois, a permis de ramener du réel dans l’atelier.
  • Dessiner, oui… mais le dessin d’observation est-il possible… et souhaitable à l’école maternelle ? Comment s’y prendre lorsqu’on explore le monde des objets ?
 
Jacqueline Bonnard rappelle les objectifs de l’école maternelle qui visent à ce que chaque enfant acquiert une posture d’élève et lui donne envie d’aller à l’école pour apprendre. Pour explorer le monde, le plus important est d’apprendre à observer, repérer les détails qui caractérisent l’objet, par ce pas de côté qui transforme l’objet familier en objet d’étude. Il s’agit d’apprendre à mettre en relation des événements et des cadres d’analyse pour donner un sens à ce qu’on observe, ce qui nécessite les opérations mentales suivantes : reconnaître par comparaison, inférer, déduire, interpréter. Dans ce processus volontaire d’une sélection d’informations durant lequel l’observateur met en relation son corpus de connaissances avec ce qu’il observe, le dessin joue le rôle d’objet médiateur lors des confrontations de points de vue entre élèves. C’est également une trace d’activité qui alimente la mémoire collective qui se construit. Damien Sage présente des activités réalisées en classe sur le domaine « explorer le monde » en moyenne section. Si l’évolution psychomotrice de l’enfant entrave sa volonté d’une représentation réaliste de l’objet, l’échange régulier entre pairs pour rapprocher le dessin de ce qui est observé montre l’affirmation de compétences graphiques au fur et à mesure des dessins. De même, on repère l’outillage progressif du regard sur le monde.
Dessiner ce qu’on observe ? Oui mais rappelons que dans ce cadre, le dessin n’est pas une finalité : c’est tout à la fois une mise à distance de l’observable, l’exercice de compétences graphiques et le support qui permet les échanges sur les savoirs abordés.

Les ateliers de l’après-midi

Les ateliers de l’après-midi sont plus classiques pour les habitués des rencontres, ils présentent des situations d’apprentissage à l’école maternelle sous forme de démarches éprouvées du GFEN assorties de témoignages en classe.
Quatre démarches ont été vécues, dans différents domaines.
  • Approche et enjeux du plurilinguisme… Pour quoi faire ? Quelle plus-value apporte-t-il ?
 
Agnès Mignot, du secteur Langues du GFEN, a fait écouter et catégoriser des extraits musicaux pour dégager avec les participantes le concept de « berceuse » dans différentes langues, en se référant aux « exemples oui » et « exemples non » de l’apprentissage de l’abstraction de Britt-Mari Barth. Elle a illustré ces propos en montrant des vidéos de classe en petite section où les élèves apprennent à écouter des berceuses et à reconnaitre un mot dans une comptine chinoise, le mot « Mama ». C’est à ce moment-là qu’on passe du multiculturel au multilinguisme, quand on s’intéresse à la langue de l’autre. La séance se termine par une mise en situation avec les noms des jours de la semaine écrits en japonais et en chinois pour retrouver des ressemblances et au final, avec une aide de type « dictionnaire », la liste des mots dans les deux langues ! Des textes d’auteurs ou des prescriptions officielles sont donnés à lire pour approfondir le sujet.
  • Construction d’un outil mathématique ou comment structurer sa pensée en construisant le tableau à double entrée ?
En faisant passer les participants par différentes phases de travail individuel et appuyé sur les mises en commun en grand groupe, faire pour soi, confronter, on arrive à élaborer le tableau à double entrée, que tous les élèves connaissent, utilisent, souvent sans comprendre comment il est construit. C’est le défi d’une « vraie » démarche d’auto-socio-construction du savoir, réalisable  en maternelle qu’Odette Bassis et Khoulfia Léonard ont relevé.
  • Activité  plastique, citron rouge… Couleurs et matières !
 

Sylviane Maillet a fait revêtir aux participantes de belles blouses de plastique noir pour les mettre tout de suite en condition ! C’est avec beaucoup d’enthousiasme que les participants à cet atelier ont pu à
travers différentes recherches mettre en relief la matière comme élément incontournable dans la peinture moderne. Ils ont travaillé à partir du citron, sujet souvent repris dans les Natures Mortes,
mais en  ne mettant l’accent que sur sa composition matérielle. Puis dans une seconde étape sur d’autres fruits et légumes dans le même état d’esprit. Beaucoup de questions ont pu être soulevées. Parmi celles-ci : l’esthétisme, les prolongements à cette démarche, la sensibilisation par les élèves à la Nature Morte dans l’art.

  • Apprentissage par le jeu

Michel Baraer, Françoise Toanen et ses élèves de en vidéo, sont allés voir de près, dans leur atelier, comment on peut apprendre en jouant, comme le recommandent les  nouveaux programmes. A partir de deux jeux, les tours du fichier « Vers les maths » et un jeu coopératif, les animateurs de l’atelier proposent de réfléchir à l’activité mentale des enfants et précisent que le jeu est détourné sciemment. Les participants vont construire des tours avec des cubes de trois couleurs, avec la consigne de réfléchir aux opérations mentales nécessaires pour réaliser la tâche. La discussion va bon train, on se demande comment maintenir l’enrôlement dans la tâche, avec les multiples allers et retours entre activité individuelle et réflexion collective, s’il faut introduire une consigne intermédiaire, si on a bien résolu le problème… L’enseignante reste au centre du dispositif et permet à chacun de de comparer, raisonner…

  • L’atelier 9 est intitulé « Les rencontres, et après ?… Comment passer d’un évènement à une mise en chantier de pratiques ». C’est un atelier « extra-ordinaire » qui a eu pour objet de mettre en contact des personnes intéressées par l’idée de transposer en classe les démarches vécues au GFEN. Deux équipes ont présenté leurs travaux.
 
Les univers sonores à Besançon. L’objectif est de travailler sur le son avec les élèves afin de présenter un spectacle accompagné par des musiciens. Les enseignants concernés exercent sur les trois niveaux de l’école maternelle. Dans un premier temps, il s’agit de « produire un son » en utilisant des objets et des matériaux différents. Mais qu’est-ce qu’un son par rapport à un bruit ? On essaie, on écoute, on tente de reconnaître puis on verbalise l’action. Trois verbes reviennent : secouer, gratter, taper.  Et si on dessinait le son ? Entreprise difficile : il faut coder, marquer le rythme et la durée. L’étape ultérieure sera de reproduire un son.
 
Ces objets qui transforment la matière à Paris. Objets familiers, les ustensiles de cuisine ont permis d’explorer deux procédés de fabrication culinaire : écraser, râper. Après observation et manipulation des objets en situation réelle, les élèves ont travaillé sur le geste, chaque groupe devant guider l’enseignant pour une utilisation correcte. L’écoute des échanges enregistrés lors de cette phase a permis de suivre l’élaboration d’un vocabulaire adapté et cette faculté chez l’enfant à réutiliser rapidement ce qu’il a appris.
Même si les domaines explorés sont différents, on repère des similitudes dans ces deux chantiers: la nécessité de rencontres préparatoires pour explorer les concepts abordés et être au clair là-dessus, l’installation d’un temps suffisant de manipulation avant toute séance nécessitant une observation attentive des phénomènes, la pratique récurrente de phases d’échanges et de structuration, l’importance des traces d’activité (dessins, photos, enregistrements…) On est impatient de connaître la suite et chacune des équipes ne demande qu’à s’étoffer

Clôture

En clôture, Christine Passerieux est revenue sur les objectifs de ces rencontres. « Il s’agissait aujourd’hui de mettre la focale sur cette idée qui semble relever du bon sens, et qui est pourtant loin d’être partagée : l’apprentissage à l’école n’est ni spontané, ni naturel, il relève d’une construction sociale, culturelle que l’école doit prendre en charge pour les enfants les moins en connivence avec ses pratiques. L’envie d’apprendre à l’école s’apprend et pour la moitié des élèves… à l’école ».
 
Jean-Jacques Vidal veut inscrire cette journée dans la continuité et lance un appel aux personnes intéressées pour mutualiser des connaissances, essayer des situations dans leur classe, agir, penser et formaliser ensemble dans un réseau « Maternelle ».
 
Rendez-vous aux Rencontres sur l’accompagnement à Saint Denis le 2 avril 2016 !
Isabelle LARDON 


Lire aussi :

– celui de l’atelier de Christine Passerieux sur la bienveillance (Café Pédagogique), 

– celui de deux ateliers (« le dessin permet-il de mieux comprendre le monde ? », et « Je joue donc je pense », toujours sur le Café Pédagogique).

8èmes Rencontres « Pour que la maternelle fasse école », 30 janvier 2016

Apprendre à l’école maternelle :
un besoin à construire

Samedi 30 janvier 2016
Bourse du travail, Paris 10è

« L’apprentissage n’est valable que s’il devance le développement. Il
suscite alors, fait naître toute une série de fonctions qui se trouvent
au stade de la maturation, qui sont dans la zone de proche développement
»
(L.S. Vygotski, Pensée et langage, Editions Sociales, trad. franç.
1985, p. 275).« Tant qu’il n’a pas été satisfait pour la
première fois, le besoin ne connaît pas son objet, il lui faut encore le
découvrir […] Plus l’activité se développe, plus sa prémisse – le
besoin – se transforme en résultat de l’activité »
(A. Léontiev,
Activité, conscience, personnalité, Ed. du Progrès, Moscou, 1975, trad.
franç. 1984, p. 211-212).

Le développement de l’enfant, entre besoin et apprentissage…  Ces deux auteurs nous montrent que l’apprentissage précède le développement et que l’activité provoque le besoin. Mais comment transposer ces conceptions psychologiques dans les pratiques éducatives et en particulier dans l’enseignement à l’école maternelle ? Il s’agit de prendre en compte les besoins du jeune enfant (affectifs, physiologiques, moteurs…), de s’adapter au rythme de sa maturation physique et cognitive tout en lui proposant des situations dans sa « zone de proche développement » pour le tirer vers le haut, l’élever, dans un climat de confiance dans lequel il osera prendre le risque d’explorer et de questionner le monde. Quel « milieu » d’apprentissage lui donner ? Ce concept est central dans la théorie vygotskienne comme source de contradictions qui peuvent aider le sujet à construire du développement. Les différents environnements familiaux, sociaux, scolaires ont toute leur part à prendre  dans ce cheminement mais l’Ecole, plus que les autres, peut être ce milieu où on apprend en sécurité.

Un certain nombre de questionnements se posent à tous les professionnels de l’école maternelle et au delà, tout au long de la scolarité à tous les éducateurs. Comment concevoir et mener des situations éducatives qui prennent en compte le développement de l’enfant ? Peut-on, doit-on, accompagner les besoins du jeune enfant ou bien créer le besoin à l’école maternelle ? Comment faire apprendre et se développer tous les jeunes enfants dans une école maternelle respectueuse des étapes de leur développement ? Comment créer les meilleures conditions pour apprendre ?

Au cours de ces Rencontres nationales, le GFEN propose un retour nécessaire sur ces questions avec Jean-Yves Rochex (Université Paris 8, laboratoire Circeft-Escol) qui mettra en résonance les théories du développement (Wallon, Vygotski) et les conceptions éducatives qui en découlent, tout en faisant état des recherches et débats actuels.

En déclinant des ateliers de réflexion et d’échanges sur la place du jeu ou la notion de bienveillance par exemple, le GFEN pose des « questions vives » qui traversent l’école maternelle aujourd’hui et tente des réponses avec des praticiens et des chercheurs qui apporteront des éclairages théoriques et permettront des échanges entre les participants.

Enfin, d’autres ateliers proposent des situations d’apprentissage et des témoignages en maternelle, dans différents domaines disciplinaires et selon des principes didactiques et pédagogiques issus de nombreuses années de pratiques du GFEN.

***

Jean-Yves Rochex, ne peut tenir la conférence initialement prévue. Nous vous prions de nous excuser pour ce changement de programme de dernière minute et vous proposons l’intervention de :

Elisabeth Mourot, équipe ESCOL-
CIRCEFT-Paris 8
« Des conceptions dans les pratiques
éducatives à l’école maternelle comme milieu d’apprentissage.
Qu’est-ce qui participe au désir d’apprendre ? »

Initialement prévu : Conférence de Jean-Yves Rochex
« Le développement de l’enfant, entre besoin et apprentissage »

 

« L’apprentissage n’est valable que s’il devance le développement. Il suscite alors, fait naître toute une série de fonctions qui se trouvent au stade de la maturation, qui sont dans la zone de proche développement » (Vygotski).
« Tant qu’il n’a pas été satisfait pour la première fois, le besoin ne connaît pas son objet, il lui faut encore le découvrir […] Plus l’activité se développe, plus sa prémisse – le besoin – se transforme en résultat de l’activité » (Leontiev).

Jean-Yves Rochex est professeur à l’Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis, responsable-adjoint du CIRCEFT, responsable scientifique du Réseau RESEIDA, co-rédacteur en chef de la Revue française de pédagogie, publiée par l’IFÉ, directeur de la collection Forum – Éducation – Culture, aux Éditions Retz.

Présentation des ateliers


Ateliers de réflexions et d’échanges autour de questions vives qui traversent l’école maternelle aujourd’hui

1– Bienveillance ou construction de l’égalité ?  Christine Passerieux,  formatrice d’enseignants, GFEN Paris

2– Concilier activité mathématique et construction des premiers nombres
Joël Briand, maître de conférences en mathématiques à l’université de Bordeaux, ESPE d’Aquitaine

3 – A quelles conditions les activités motrices vécues en EPS permettent-elles  d’apprendre et de penser ?
Patrick Lamouroux, professeur agrégé d’EPS, conseiller pédagogique départemental du Tarn, membre de l’AGEEM 81

4– En quoi le dessin d’observation permet-il de mieux comprendre le monde dès l’école maternelle ?
Jacqueline Bonnard, formatrice d’enseignants, GFEN 37 et Damien Sage, professeur des écoles, GFEN Paris

Ateliers de démarches et témoignages en maternelle autour de situations d’apprentissage

5– Le plurilinguisme à l’école maternelle : pour quoi faire ?
Pistes et fragments de dispositifs pédagogiques à vivre pour penser ensemble les enjeux du plurilinguisme dès la maternelle.
Agnès Mignot, secteur Langues et Ghislaine Morant, GFEN 38

6– Comment structurer sa pensée en construisant le tableau à double entrée ?
Faire pour soi, confronter, élaborer : une démarche d’auto-socio-construction en maternelle.
Odette Bassis, GFEN IDF

7– Citron rouge… Couleurs et matières !
Souvent la peinture est abordée sous l’angle de la couleur. Une autre entrée… en matière, cette fois, est proposée. A travers cette exploration, une rupture s’opère dans la manière de peindre. La peinture, un défi dans les apprentissages ?
Sylviane Maillet, secteur Arts plastiques

8– « Je joue donc je pense » Des cartes (à jouer évidemment) 
« Apprendre en jouant », recommandent les nouveaux programmes de maternelle. Un atelier pour voir de près comment le jeu peut apprendre à penser.
Michel Baraër et Françoise Toanen, GFEN 35

9– Les rencontres, et après ?… Comment passer d’un évènement à une mise en chantier de pratiques
Nous proposons un atelier « extra-ordinaire » par lequel nous souhaitons profiter de la rencontre de nombreuses personnes à la Bourse du travail à Paris pour mettre en contact des personnes intéressées par l’idée de transposer en classe les démarches déjà vécues au GFEN. Comment passer de questionnements individuels à un chantier de travail collectif ?
Au cours de cet atelier, nous présenterons des chantiers commencés à Paris et à Besançon sur la découverte du monde des objets et les univers sonores.
Nous engagerons des échanges pour recueillir les questionnements de chacun dans le but de constituer des collectifs de travail et choisir des objets de travail à creuser ensemble dans l’année qui s’ouvre.
N’hésitez pas à en parler autour de vous pour que cet atelier réussisse à toucher de nombreuses personnes.
Groupe Maternelle, GFEN 25, GFEN Paris

(Re)lire le reportage des rencontres de 2015.

Université d’été du GFEN -2015

L’EDUCATION, FERMENT DE LA DÉMOCRATIE 

Pratiques de savoir : les valeurs en jeu

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Du 6 au 8 juillet 2015, l’Université d’été du GFEN s’est tenue au collège Clairs soleils de Besançon. Implanté dans un domaine partiellement boisé de plus de 2 ha en lisière de la forêt de Chalezeule, ce collège s’ouvre sur le quartier du même nom entre l’entrée nord de la ville et la colline de Bregille. Dans cet environnement propice à la réflexion, les participants ont exploré lors des ateliers proposés l’articulation entre pratique(s) de savoir et valeurs en jeu. 

Ils ont été accueillis par Mme Viviane MAGIN-FEYSOT, Principale du collège. Mr Pierre MAGNIN FEYSOT, représentant Marie-Guite DUFAY présidente du Conseil Régional de Franche-Comté, a mis l’accent sur l’investissement de la région dans le cadre d’une démocratie participative  afin d’accompagner au « tous capables ».

Dans son discours d’ouverture, Jacques BERNARDIN, président du GFEN a rappelé que les événements dramatiques de janvier 2015 ont suscité une réflexion sur les enjeux de l’éducation et les effets néfastes de la déqualification : ce n’est pas par la leçon de morale qu’on devient démocrate mais par la pratique de la citoyenneté dans les apprentissages. « Des savoirs appris comme des catéchismes, deviennent croyances  » 

 Jour 1 : Impliquer et maintenir les apprenants dans l’activité. 

Philippe LAHIANI présente les ateliers proposés qui interrogeront les processus de mobilisation. 

C’est justement l’objet du projet présenté par des enseignants du collège Clairs soleils visant à « remettre en réussite » les élèves en décrochage : parcours sportif commun, travail sur la « dictée sans faute ». L’atelier est animé par Catherine MESNIER, principale-adjointe du collège. L’analyse du projet par les participants est suivie par l’organisation d’une réunion bilan sous la forme d’un jeu de rôle afin de mettre à distance enjeux et perspectives d’évolution sur cette action.

Dans l’atelier « à l’origine des nombres », il s’agit de reconstruire la numération positionnelle pour comprendre ce qui fait obstacle à la compréhension de ce concept par les élèves. C’est en inventant des manières de compter que chacun s’inscrit dans cette invention collective pour comprendre ce que représente le zéro.
Aussi facile que la mécanique  quantique ? Catherine LEDRAPIER nous entraîne hors des cadres habituels de la physique classique, un milieu où deux systèmes en corrélation ne forment plus qu’un défiant ainsi  le « réalisme local » cher à Einstein.  De ce fait, la description indépendante de chacun d’entre eux devient impossible, toute mesure de l’un affectant l’autre et ce, quelle que soit la distance qui les sépare.  Un bon sujet de débat philosophique  car pour  « penser quantique », il est nécessaire de changer de cadre de référence afin de penser discontinu : « Quelle est donc la texture de la réalité ? »
 
 
La réflexion se poursuit l’après-midi sous une chaleur accablante, chacun recherchant la moindre zone de fraîcheur.
Des sujets aussi divers que la préparation de la visite de l’exposition consacrée à « Germaine Tillion, les armes de l’esprit » au musée de la Résistance, le pas de côté pour porter un autre regard sur les objets du quotidien, éprouver  le  Désir d’écrire, écriture du désir ou encore entrer dans l’oeuvre du poète Mahmoud Darwich
 

Arrêtons-nous sur cet atelier animé par Pascal DIARD : commencer par découvrir le panorama dans lequel se construit une pensée (un territoire traversé d’influences diverses, histoire et résistance palestinienne, écrits identitaires entre le mythique et l’intime…) ; puis s’approprier collectivement un poème par la démarche du texte recréé avant de partager la lecture de textes choisis de l’auteur.

Voyage initiatique aux saveurs et fragrances troublantes. «Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage. » Mais un parcours en errance où les mots dessinent les contours de paysages confisqués comme un rempart contre l’oubli.
Dans les discussions sur les enjeux des pratiques, quelques principes retenus pour mobiliser les élèves : une approche socio-historique des savoirs, une approche collective des apprentissages, des situations complexes et l’installation de défis à surmonter.
Après un apéritif d’accueil, Michel HUBER (Institut Henri Wallon) propose une lecture théâtrale  « 1945-2015 : 70 ans après ». Avec une dizaine de participants, il nous transporte dans le huis clos du château  de Sigmarigen,  la résidence du gouvernement en exil du régime de Vichy à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les dernières heures des collaborationnistes où chacun tente de se projeter et sauver sa peau.

Jour 2 : Analyser l’activité de l’éducateur et sa posture

Dans son intervention, Odette BASSIS, présidente d’honneur du GFEN  propose une approche systémique des processus vécus dans une démarche : les différents types d’activités vécues dans une «démarche d’auto-socio construction» de la saisie de la situation initiale jusqu’à la conceptualisation et les réinvestissements.  Elle pointe les processus de conscientisation dans le va et vient entre chacun et les autres où interfèrent imaginaire et symbolique, notamment dans le langage et l’écriture. Elle montre en quoi se joue l’implication créatrice du sujet dans sa propre émancipation et ce qu’il se construit comme futur citoyen.

Les ateliers qui suivent visent à analyser  la conception des situations d’apprentissage  et l’approche épistémologique des savoirs abordés qu’il s’agisse d’entrer dans la culture écrite à travers l’aventure des écritures, se pencher sur l’écriture de travail comme ressort pour les apprentissages , vivre une approche culturelle et anthropologique du savoir ou encore retrouver la culture technique d’origine dont chacun est porteur en participant à « Raconte-moi l’objet, il te dira qui tu es ».  Entre vécu individuel et construction collective, à chaque fois l’écrit et l’échange oral alternent accompagnés avec bienveillance par les animateurs de chaque atelier.

L’après-midi voit se poursuivre la réflexion sur le lien entre pratiques de transmission et travail intellectuel des apprenants en partant sur la célèbre démarche des allumettes, prendre connaissance de projets portant sur des devoirs au travail personnel de l’élève. L’institut Henri Wallon quant à lui interroge le couple théorie/pratique : comment sortir de l’impasse ?

Michel HUBER et Hélène BELOU (IRTESS)  nous proposent de construire un concept clé, celui des « opposés/solidaires » rejoignant en cela la pensée quantique abordée la veille avec Catherine LEDRAPIER. Peut-on dissocier théorie et pratique ? En s’appuyant sur l’exemple de l’enseignement du théorème de Thalès, les stagiaires identifient ce qui fait empêchement à la compréhension lorsqu’on assène un savoir comme  vérité. Ils proposent des situations d’expérimentation ou manipulatoires (la pratique) permettant d’assoir la «théorie». Le concept d’opposé/solidaire permet un développement de la dialectique ; le passage de la pratique à la théorie relève de l’épismétisation quand celui de la théorie à la pratique relève de la pragmatisation.
 
La journée se termine par un atelier d’écriture à la librairie Marulaz où chacun participe à une fresque évolutive à peine perturbée par la pluie intermittente.

Jour 3 : Comprendre les valeurs véhiculées par les pratiques

Pour aborder les valeurs véhiculées par les pratiques, nous avons le choix entre un travail sur Parents et enseignants, des rôles complémentaires pour la réussite de tous, une réflexion sur Quelle république à enseigner ? ou l’étude de documents d’époque pour approcher l’actualité du Conseil national de la Résistance. Pour cet atelier, rendez-vous au musée de la Résistance : au regard des lectures des textes à disposition, on perçoit l’esprit novateur des contenus proposés et en particulier en ce qui concerne le plan Langevin-Wallon (1947). Certaines de ces avancées  ont été mises en oeuvre : gratuité de l’enseignement obligatoire, formation des enseignants, contrôle pédagogique des IPR, orientation scolaire ou médecine scolaire. D’autres ont peiné à s’installer comme l’accès à une culture technologique pour tous ou encore des contenus pertinents pour l’éducation morale et civique. Et l’on comprend pourquoi les tenants d’une économie libérale souhaitent en détricoter l’essentiel.
Exposition au musée de la Résistance Etude du plan Langevin-Wallon
Après la pause méridienne, place au débat public  sur la thématique de l’université d’été avec des responsables associatifs (dont les parents d’élèves), politiques et syndicaux. Tous s’accordent à dire que l’éducation est un problème majeur et qu’il y a urgence à penser l’école autrement : un lieu plus juste et plus démocratique où les élèves pourraient faire l’exercice de la citoyenneté en situation réelle et non en endossant des rôles dont les attributions sont le plus souvent des coquilles vides (exemple : délégués de classe).

Ce qui amène Eirick PRAIRAT, professeur à l’université de Lorraine à proposer dans son intervention « le pari déontologique » aux professionnels de l’éducation. Pour lui, c’est une perspective souhaitable. La déontologie professionnelle remplit trois fonctions : une fonction identitaire, une fonction d’aide et d’organisation, une fonction de moralisation. Appliquée au monde enseignant, elle permettrait de réaffirmer la cohésion du corps enseignant, apporter une garantie judiciaire, réarticuler statut et compétence, revitaliser la relation école/parents. Il s’agirait de principes généraux définissant le métier d’enseigner et les valeurs qui doivent animer le professionnel qui s’y engage : l’activité d’enseignement, les relations et obligations envers les élèves, envers les pairs, les relations avec les parents… Sans être un carcan, le régime déontologique permettrait de substituer à la gestion disciplinaire des écarts et des manquements une perspective éthique avec le souci de « bien-faire ». Eirick PRAIRAT soutient qu’il faut « oser la déontologie pour éviter la judiciarisation des rapports entre les professionnels de l’éducation et les usagers ».

Jacques BERNARDIN et Philippe LAHIANI proposent la clôture des travaux en remerciant tous les participants et rappelant les initiatives d’été du GFEN ainsi que le programme de rentrée du groupe local de Franche-Comté.

Jacqueline  Bonnard
Photos : Isabelle Lardon

Université d’été du GFEN, 6-8 juillet, Besançon. « L’Éducation ferment de la démocratie. Pratique(s) de savoir : les valeurs en jeu… »

UNIVERSITE D’ETE DU GFEN

« L’Éducation ferment de la démocratie.

Pratique(s) de savoir :
les valeurs en jeu… »

6-7-8 juillet 2015

Besançon

L’école est le terrain d’essai de la citoyenneté. À travers 25 ateliers animés par des militants du GFEN, 2 interventions d’Odette Bassis et Eirick Prairat, des réflexions par groupes et un débat public, l’université propose de questionner savoirs et émancipation, pratiques et valeurs, travail et déontologie.

Nous sommes convaincus que l’homme ne naît pas « démocrate » ni solidaire, il le devient. Pas de génération spontanée mais des processus, qui font de toute situation d’éducation et de formation autant de chemins de conditionnement, de mise en soumission aveugle ou bien d’émancipation.

« Tous capables ! » affirmons-nous, pari audacieux sur  les capacités de  l’humain à s’émanciper de  sa condition  et  des  fatalités  intériorisées.  Loin  de  n’être  que  spéculation  utopique,  notre  expérience plurielle  en  témoigne,  notamment  sur  des  terrains  réputés  difficiles :  éducation  prioritaire,  classes spécialisées, dispositifs relais, quartiers…

Le  prix  de  l’échec  scolaire,  outre  ses  conséquences  sur  l’avenir  professionnel,  est  élevé  pour  les individus comme pour  la  société :  perte  de  l’estime  de  soi,  sentiments  d’incapacité  personnelle  et de disqualification symbolique qui amènent à l’inhibition, au renfermement, mais aussi au ressentiment et à  la  violence  contre  soi  ou  les  autres.  Faute  de  socialisation  satisfaisante,  l’individu  — en  mal d’appartenance, d’inscription dans un collectif solidaire lui faisant place — devient une proie facile pour toutes les manipulations et monstruosités. Celui-ci n’a  pas  suffisamment  fait  l’expérience  du  débat,  de  la  confrontation d’idées,  de  l’épreuve  de  la  raison,  d’une  réflexion  certes  exigeante  mais  finalement  jubilatoire  et intellectuellement émancipatrice. Comprendre, c’est élargir sa maîtrise du réel et renforcer la confiance en  ses propres  capacités. Comprendre ensemble,  c’est s’inscrire  dans  un  collectif  porteur  de  progrès, structurant et sécurisant.

La  société,  par  l’intermédiaire  de  son  école,  cherche  à  perpétuer  le  lien  social  auprès  des  jeunes générations, en transmettant les acquis du passé et en éduquant aux valeurs communes. Autrement dit, la  scène  scolaire  est  le  terrain  d’essai  de  la  citoyenneté.  Au-delà  des  discours,  de  quels  principes relèvent  les  pratiques  au  quotidien  des  classes  :  appel  au  conformisme  et  à  la  soumission  ou à  la créativité  et  à  la  liberté  de  pensée ?  Imposition  dogmatique  des  règles  et  contenus  ou  incitation  à  la recherche et au débat ? Compétition ou coopération ? Sélection ou promotion collective ? C’est dire la responsabilité des éducateurs…

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A l’occasion de sa panthéonisation, le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon met en lumière le parcours de Germaine Tillion à travers deux expositions. Lors de l’Université, le GFEN proposera un atelier « Préparer une visite d’exposition : « Germaine Tillion, les armes de l’esprit » » le lundi après-midi.

L’écriture, éducation prioritaire

8èmes Rencontres nationales de Saint Denis

11 avril 2015

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L’écriture, éducation prioritaire, une problématique d’actualité quand on constate que bon nombre d?élèves se refusent à l’utiliser pour travailler leur pensée, écrivent comme ils parlent. Outil de discrimination, la maîtrise de l’écriture devient un enjeu de société sur fond de réforme du collège, publication des nouveaux programmes scolaires. Ces Rencontres auront permis à de nombreux enseignants et étudiants de croiser leurs points de vue avec des chercheurs, des formateurs mais également des représentants de collectivités territoriales pour envisager des solutions alternatives aux difficultés récurrentes dans ce domaine. 
 

L’accueil des participants aux Rencontres est fait par David Proult, adjoint au Maire de Saint Denis qui rappelle combien le sujet de l’écriture est sensible dans un département où bon nombre de classes n’ont pas d’enseignants. Il relate le combat des parents d’élèves et leur Ministère des bonnets d’âne pour alerter la Ministre afin que cessent les inégalités territoriales en matière de recrutement des enseignants.

Jacques Bernardin, président du GFEN, présente les enjeux de cette journée. L’écriture est un outil de développement pour l’individu et il y a nécessité d’identifier ce qui peut faire obstacle à sa maîtrise pour promouvoir des solutions alternatives. « La démocratisation est à l’ordre du jour mais tarde à se mettre en place ». Il dresse un rapide état des lieux en s’appuyant sur des paroles de professeurs exerçant dans différents degrés d’enseignement. Partout le même constat : posture d’évitement, «des élèves qui ne se relisent pas» «qui ont tendance à écrire comme ils parlent» et n’ont pas la perception des contraintes inhérentes à l’écrit. Il s’agit d’une écriture auto centrée sans conscience du contexte. Une enquête révèle que 87% des élèves pensent que « bien écrire » c’est dire ce qu’on pense plus qu’élaborer sa pensée. Dans ce cas, le brouillon est-il utile ? Il sert juste à mettre au propre et ne pas faire de fautes d’orthographe. Cette conception de l’écriture va à l’encontre de la fonction de l’écrit de travail qui «permet la rumination constructive propice à l’examen critique» (Jacques Goody).
Ce rapport à l’écriture serait-il un effet des pratiques scolaires ? Selon le rapport de l’Inspection Générale de 2013 du cycle 2 au cycle 3, les élèves ont du mal à se situer et «les productions individuelles ne font pas l’objet de reprise ». De manière générale, on constate une prévalence des pratiques de reproduction plus que de production et ce que vivent les élèves c’est une prévalence de pratiques scolaro-centrées, sans lien avec les pratiques sociales de référence. La fonction de l’écriture est centrée sur le contrôle à l?image de cette remarque d’élève : « on m’a beaucoup corrigé mais on m’a peu répondu ».

 Dominique Bucheton : Refonder l’enseignement de l’écriture, une priorité. 

Dominique Bucheton

affirme qu’on ne peut pas faire avancer l’école sans les enseignants d’une part,  sans une articulation avec les laboratoires de recherche d’autre part. Il existe dans l’éducation nationale un réservoir de savoirs élaborés par les enseignants à valoriser. Pour exemple, deux vidéos : l’une au CP (on se situe au mois d’octobre), l’autre en classe de 3ème en zone d’éducation prioritaire. Les élèves de CP apprennent à lire en écrivant quand les collégiens transposent une nouvelle de Maupassant en dialogue. Mais ce qui est commun à ces deux situations réside dans la posture bienveillante des enseignantes qui accompagnent l’écriture de chacun avec une attention extrême, en s’appuyant sur des gestes de tissage. Car écrire c’est d’abord faire l’expérience de l’écriture et pas uniquement en connaître les règles et les normes. Les enseignantes présentées ici ont conscience des objets didactiques mis en travail : ils sont très ciblés et les gestes d’étude maîtrisés. Pour les élèves du CP, il s’agit du type d’écrit, du rapport phonème/graphème, du statut de l’écrit de travail. Pour la classe de 3ème, on s’essaie au dialogue en adoptant différents points de vue à partir de la nouvelle étudiée : « Boule de Suif ». Ecrire devient alors un projet collectif où chacun prend sa place parce que les erreurs des uns éclairent les autres. Ce statut de l’erreur pousse à revenir sur l’écrit, se poser des questions, résoudre des problèmes.

Dominique Bucheton propose ensuite deux textes d’élèves de CM1 qui montrent des rapports à l’écriture très différents. «Si l’on apprend à parler dans la famille, c’est bien à l’école que l’écriture s’apprend». Les enseignants ont un formidable pouvoir d’agir sur cet apprentissage, mais les bonnes intentions ne suffisent pas : il faut travailler sur une révolution des pratiques enseignantes. Les instructions de 2008 ont généré les difficultés accentuées par les disparités entre écoles et enseignants en fonction des territoires. S’ajoute à cela un très faible niveau d’exigence institutionnelle et l’absence d’une formation professionnelle adaptée aux besoins. Dans ce contexte, les jeunes enseignants «suivent le livre» ; les élèves font des exercices répétitifs et les écrits de travail (cahier de brouillon) ont disparu.
L’écriture instrument du travail à l’école ? Oui, mais cela demande que les élèves parlent. Que l’élève parle, lise, écrive seul et avec ses pairs pour penser, apprendre et se construire. Ce qui suppose que le professeur se taise pour leur laisser la parole. Mais cela ne s’improvise pas et nécessite l’appropriation de gestes professionnels adaptés. Ecrire est une résolution complexe de problèmes multiples : ça s’enseigne, ça s’accompagne. La langue écrite est polymorphe et dispose d’un grand pouvoir de variation, un monde qualifié de « barbapapa » par Dominique Bucheton. Mais qui enseigne cela ? Où ? Comment ? Que peut-on évaluer ? Il faut bouger sans arrêt, faire circuler des habiletés cognitives pour faire varier les écritures. Chacun doit pouvoir garder trace de cette activité  intellectuelle grâce au cahier de travail soigneusement daté pour aider l’élève en difficulté à sortir des postures première (imbrication) et scolaire (se conformer au prescrit) en prenant conscience de son potentiel et de son parcours. Grâce au travail de réécriture, le texte s’épaissit et conjointement il y a développement de l’individu sur un plan cognitif, langagier et sur les processus subjectifs ou identitaires. Ecrire beaucoup, souvent, longtemps car il y a dans le processus narratif une construction de la temporalité et du tissage, «en prenant de la distance sur les choses on va chercher d’autres mots, d’autres formes textuelles, on se construit comme sujet écrivant.» Laissons le temps au temps : entre chaque réécriture l’enseignant aura lu d’autres textes, apporté des éléments de culture que l’élève pourra intégrer dans ses écrits. On sous-estime souvent le potentiel des élèves en écriture car rares sont les situations où on leur propose d’entrer en écriture sur des sujets compliqués et qui les intéressent réellement. C’est toute la question du sens à écrire qui est posée.
Quelques préconisations pour faire avancer les choses :
– Renouer avec le partage des ressources pédagogiques et didactiques dans les revues professionnelles, didactiques ;
– Faire écrire très tôt, souvent et longuement ;
– Articuler lecture, écriture, oral lors des écrits et oraux intermédiaires (tissage) ;
– Privilégier l’accompagnement de proximité en instituant les moments d’écriture en petits effectifs pour favoriser les interactions entre élèves, entre chaque élève et l’enseignant
– Faire un retour structuré sur la langue mais en contexte ;
– S’appuyer sur l’hétérogénéité pour Tirer bénéfice des différences. »
Dominique Bucheton nous invite donc à sortir du carcan des habitudes et des gestes professionnels stériles. «Osez !» lance-t-elle pour conclure en indiquant que cette injonction accompagne son dernier  du livre «Refonder l’enseignement de l’écriture» (éditions Retz-2014) qui capitalise tous les travaux  et études sur ces questions au cours de ces dernières années.

Six ateliers le matin

Entre «poésure et peintrie» où l’on travaille cette étrange complicité entre langage poétique et langage plastique ou «Maupassant et moi»pour interroger la construction du sujet lecteur ou «entrer dans la culture écrite à travers l’aventure des écritures» pour une vision anthropologique de l?entrée dans l’écrit, il est difficile de choisir. Il était possible également d’écrire en philosophie en partant d’une énigme pour faciliter la réflexion ou de suivre «les projets d’écriture à l’initiative des collectivités» pour croiser différents témoignages, expériences et regards à partir d’expériences menées sur le temps scolaire mais aussi hors de ce temps, par des enseignants, par des artistes ou des animateurs.
Ecrire en toutes disciplines. Pour quels apprentissages ? 
 

Arrêtons-nous sur la proposition de Bruno Hautin.  Les programmes insistent sur la «maîtrise de l’écrit» mais par quels moyens peut-on faire accéder tous les élèves à cette maîtrise qui passe par l’exercice de la pensée et la prise de distance sur les questions vives qui traversent une société. Citons les propos de Dominique Bucheton : «on entre en écriture lorsqu’on a quelque chose à dire et que c’est compliqué…».

Pour ou contre l’esclavage ? Voilà la question posée aux élèves de cycle 3. Non pas à brûle pourpoint mais en se plongeant dans le contexte du 19ème siècle, textes d’époque à l’appui pour préparer un argumentaire à l’attention de Victor Schoelcher lors d’une commission parlementaire devant statuer sur la poursuite ou l’abolition de l’esclavage. On se situe en 1848 et les positions sont tranchées.
La salle se scinde en deux camps opposés ; chaque camp dispose de  textes différents proposant des éléments pour construire une argumentation écrite. Tout le monde aurait sans doute préféré se situer dans les « contre » mais pris au jeu de la déconstruction du discours, la joute s’organise lorsque l’animateur annonce la constitution de l’assemblée et l’ouverture de la commission parlementaire. Les arguments économiques, religieux, ethniques s’entrechoquent et les orateurs portent haut leurs convictions. Au-delà de l’aspect jubilatoire de l’exercice oral, on ne peut s’empêcher de relier la situation à des problématiques actuelles : l’acceptation de l’autre, le racisme, l’égalité, droits et devoirs…   Mes ces textes d’époque, n’est-ce pas trop difficile pour des CM1-CM2? Bruno Hautin affirme  qu‘il faut étudier des textes de grands auteurs dès l’école primaire. Les élèves ne comprennent pas forcément tout, ils retiennent ce qu’ils peuvent, l’important est le contact avec ces textes.
Faisons un pas de côté par l’étude d’une caricature du 18ème siècle. Les élèves relatent par écrit ce qu’ils repèrent de l’image. C’est un premier jet que l’enseignant met de côté. Certains élèves restent dans le factuel quand d’autres extraient déjà le contexte historique. Dans un second temps, le texte est réécrit puis lu à haute voix pour permettre un travail sur la forme, préciser le lexique afin d’alimenter le capital commun dans lequel chacun peut puiser pour étoffer sa production car c’est un principe défendu par Bruno Hautin que le droit de co-pillage. A l’issue de 5 réécritures, les élèves comparent le résultat obtenu avec le premier jet et mesurent le chemin parcouru et les progrès réalisés. Pour s’assurer des acquisitions, une évaluation est faite un mois plus tard sur une autre gravure. L’enseignant constate que les élèves intègrent la démarche historique et décodent les symboles associés aux événements représentés. Progressivement, mis en confiance par l’apport du collectif,  ils créent leur propre esprit critique en «pensant, le stylo à la main» selon la formule de Dominique Bucheton lorsqu’elle parle de refonder l’enseignement de l’écriture. Pour Bruno Hautin, il ne fait aucun doute que cette démarche est valable dans n’importe quelle discipline et qu’elle est porteuse du sens à apprendre à penser.

Bernard Devanne : Apprendre à lire en écrivant

Dans un premier temps, il revient sur les différences constatées dès la maternelle entre les enfants qui se sont construit des références culturelles leur permettant d’entrer facilement dans l’écrit quand d’autres n’ont pas cette connivence avec les codes de lecture et d’écriture. La mission de l’école est donc d’organiser pour ces derniers «des médiations de même ordre que celles mises en place dans les familles à l’aise avec ces codes. C’est un environnement culturel riche qu’il convient d’installer qui va bien au-delà du seul livre : écoute musicale de Jazz, arts visuels, chorégraphie, poésie… Les pratiques d’écriture s’enracinent «dans une culture vivante, interactive, quotidienne pour tous les enfants» si l’on veut qu’ils se construisent comme sujets culturels. Cela demande du temps et un espace pour s’y consacrer : organiser des situations porteuses de réussite en travaillant la culture de la langue écrite.

Donner de la place au livre non dans un «coin livres» mais dans un espace vivant à l’aide de situations interpelantes. A titre d’exemple : à partir d’une lecture, choisir des livres qui font écho. A ce moment-là, se met place une construction verbale et de véritables échanges sur la culture écrite.
 
Apprendre à lire en écrivant
Entre apprendre à lire et apprendre à parler il existe une rupture épistémologique. L?enfant qui apprend à lire est récepteur alors qu’il est producteur lorsqu’il apprend à parler. Pourtant il y a deux versants pour chaque apprentissage. Quand l’enfant parle, il construit aussi «l’entendement», c’est-à-dire sa capacité à se représenter le langage. Il a besoin de mots pour dire les choses et les modes opératoires qu’il teste et ce faisant il construit «ses usages de la langue orale ».  Pour la lecture, le pendant est « l’écrire », la mise en dynamique de la lecture. Mais cela n’a rien de naturel, il faut donc que ce soit d’autant plus culturel.
C’est à l’école de former des sujets de langue écrite. S’appuyant sur des vidéos, il montre des enfants ayant le désir d’aller vers des tables sur lesquelles papier et  crayons sont à disposition, produisant des écrits spontanés sans se lasser. Pour Bernard Devanne, l’entrée en écriture s’appuie sur de multiples entrées : des lectures magistrales, des fictions, des poèmes, des documentaires, des échanges entre élèves sur leurs techniques.  C’est à l’écoute des autres  que l’élève est conduit à modifier ses écrits. Et même si évidemment, en apprenant à écrire l’élève se construit la maîtrise du code, c’est surtout l’occasion de découvrir et structurer des horizons d’attente complexe en fonction des types de texte car «chacun d?entre eux s’écrit à sa manière, chaque énoncé se conduit  d’une façon particulière qui lui est propre».

Six ateliers l’après-midi

L’occasion pour certains de poursuivre la réflexion initiée par Bernard Devanne dans son atelier «écrire depuis la maternelle» où  des propositions de situations d’écriture ont été proposées illustrées par quelques vidéos de classe. On pouvait tout aussi bien s’interroger sur la pertinence de l’atelier d’écriture en CP-CE1  ou découvrir une expérience menée au CP pour mettre l’orthographe au service de la lecture et l’écriture. A Échirolles : quand l’écriture habite la ville,  cela permet d’aller rencontrer l’autre et se découvrir soi-même lorsque la recréation de texte ouvre les portes du possible dans un élan collectif visant à entrer dans les pas de l’écrivain au moment où il choisit ses mots. (parole d’un participant à cet atelier)
Dans l’atelier « calligraphie et arts martiaux : De l’épée au pinceau » : dépaysement garanti ! 

Jessika Picarle enseigne le chinois et nous invite à pénétrer dans l’univers des maîtres de la calligraphie, dans un système d’écriture unique où l’esthétisme se mêle à la rigueur.

Entre l’art de la guerre et l’art de l’écriture qu’y aurait-il de commun ?
Chaque participant tire au sort une consigne ayant un rapport avec la pratique des arts martiaux et prend quelques minutes pour y réfléchir mais sans communiquer. Deux groupes sont constitués qui élaborent une affiche regroupant les mots émis à partir de la consigne : discipline, apprentissage, éthique, esthétique, rigueur… Après l’échange qui a suivi, chacun se voit attribuer une feuille de route pour noter ses impressions et les étapes par lesquelles il est passé au cours de l’atelier. Vient  une citation : « Le papier est la position, le pinceau est le fourreau de l’épée, l’encre est la cuirasse, la pierre à encre représente les remparts et fossés de la ville » (Wang Xizhi IVème siècle après J.C.)
Univers étrange où le paradoxe semble être la clé : papier/position, pinceau/épée, encre/cuirasse. La pierre à encre, c’est quoi ? L’esprit vagabonde, d’autant que l’extrait du film « Hero » nous transporte deux mille ans en arrière au temps de la Chine antique lors de la «Période des Etats Guerriers» durant laquelle la Chine actuelle était divisée en sept royaumes qui se disputaient le territoire : mouvement de sabre rapide et précis comme la trace laissée sur le papier de riz. On complète les affiches avant de passer à l’écriture de la calligraphie
La calligraphie est un art de vie, sinon un art de vivre… Mais auparavant, il faut s’y essayer. Le matériel est là : pinceaux, encre de Chine à l’odeur camphrée, papier de riz, pierre à encre (les quatre trésors du Lettré).  Les modèles, signes étranges à reproduire dont la signification nous échappe mais que chacun s’applique à dessiner quand d’autres comme François Cheng font du signe une oeuvre d’art. Il nous faut à nouveau faire un pas de côté pour associer les calligraphies de François Cheng avec les caractères correspondant. Pour lui, le trait d’encre est l’aboutissement d’un mouvement de tout le corps et « tout se joue à partir des pieds », rien à voir avec une position statique où la main seule serait en mouvement. Dans l’analyse qui a suivi, il a été souligné que l’étrangeté oblige à l’échange. Il y a dans la calligraphie une articulation entre geste, pensée et verbalisation et même si certains codes nous sont étrangers, on perçoit la sagesse qui y est associée : «Le coeur en paix, le souffle en harmonie, se recentrer sur soi pour être avec les autres».

 Michel Neumayer et Stephanie Fouquet : Les enjeux aujourd’hui des pratiques d’écriture dans et hors l’école. 

Les deux intervenants ont une pratique des ateliers d’écriture qu’ils se déroulent dans le cadre professionnel, dans l’école ou dans le cadre associatif. Quels apports de ces ateliers dans la conquête de l’écriture ? En transformant le rapport à l’écriture, en interrogeant des pratiques de création, ils permettent de créer une posture de sujet écrivant. Les ateliers d’écriture participent à des collectifs artistiques pour oraliser les textes travaillés. Quand on les propose à des enfants on voit chez eux le désir d’écrire et de lire.

Quelques enjeux déterminants pour la pratique de l’écriture
Une écriture à inventer qui bouscule les usages de la langue. Au départ, il faut convenir d’une part d’étonnement face à ce qui se construit, accueillir toutes les petites trouvailles et étrangetés et sortir de la logique du manque. Cet étonnement permet de donner du sens et mobilise sur le projet d’écriture. Peu à peu l’écriture évolue et s’invente, l’enjeu étant d’en comprendre les normes afin d’être lisible par d’autres.
Une écriture à inventer qui bouscule le rapport au savoir. A partir d’un énoncé, on peut tirer des représentations diverses, rencontrer l’universalité de l’être humain. L’atelier d’écriture permet d’entrer dans les ?uvres de façon sensible et non dans l’analyse. Travailler les mêmes problématiques que les auteurs permet d’entrer dans les ?uvres et en comprendre les subtilités.
Une écriture qui bouscule le rapport à la langue. Se rendre compte de la force d’évocation d’un texte engendre le désir d’écrire à nouveau. Les enfants sont souvent dépassés par le contenu de leurs textes mais la confrontation du regard des autres leur permet de se distancier de l’écrit pour prendre conscience de la consistance du texte produit.
Une écriture qui bouscule notre conception de la construction de savoir. L’erreur est génératrice de possibles : ce qui est dérangeant ou instable est à accueillir avec bienveillance. La consigne, contrainte acceptée, permet la prise de risque et le changement de regard. En analysant les textes produits, on visualise l’implication du sujet écrivant et sa progression. Mais rien ne progresse sans une posture critique lors des bilans d’atelier pour prendre conscience de la richesse des textes et leurs liens avec des textes poétiques existants .
 
5 tests pour juger d’un véritable atelier d’écriture
  • Toute écriture est d’abord est une situation-problème.
  • Il n’y a pas d’écriture vraie sans problématique d’écriture à la clé
  • De texte en texte un atelier avance par ruptures de nature conceptuelle…
  • Du collectif naissent en chacun des savoirs- pouvoirs nouveaux.
  • Tout atelier est un palimpseste … Un acte imbriqué.

Les prochains rendez-vous du GFEN

L’université d’été : « L’Education ferment de la démocratie. Pratique(s) de savoir : les valeurs en jeux… »  6-7-8 juillet 2015 (pré-stage le 5), Besançon lire
Avec le LIEN : 5èmes Rencontres Internationales d’Education Nouvelle :  « Dé-chiffrer l’humain. Eduquer sans exclure »  du 24 au 28 juillet 2015, à Virton (Belgique) lire
Le Stage national d’écriture « L’atelier est-il un iceberg ? » 23-24-25-26-27 août 2015, Bédarieux (34) lire
7ème Université d’Eté du Secteur Langues du GFENDébuter : premiers pas, premiers actes, premiers essais… pour l’apprenant, pour l’enseignant, 24-26 août 2015 à Vénissieux. 

Jacqueline  Bonnard

Lire aussi le compte-rendu des Rencontres sur le café pédagogique

8èmes Rencontres de St Denis « L’écriture, éducation prioritaire », 11 avril 2015

8èmes Rencontres nationales de St Denis

L’écriture, éducation prioritaire

Samedi 11 avril 2015, ST DENIS (93)

IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron

Des élèves qui trop souvent n’aiment pas écrire, produisent des écrits décevants, à l’orthographe aléatoire, peu structurés voire incohérents… Tel est le constat à tous niveaux du système scolaire, où l’écriture est un puissant facteur de discrimination et de sélection.

Qu’est-ce qui pose problème ? Le rapport des élèves à l’écriture est indiscutablement marqué par l’usage que leurs proches en ont dans l’espace socio-familial et par leur expérience passée. Où se situent les blocages et quels sont les « malentendus » des élèves à l’égard de la production écrite ? Quant aux pratiques scolaires usuelles, permettent-elles de lever les obstacles ?

En éducation prioritaire comme ailleurs, l’écriture n’a pas la place qu’elle mérite. Au-delà de ses fonctions usuelles d’expression et de communication, elle sert en effet d’appui aux apprentissages, constitue un outil majeur pour réfléchir, prendre distance, commenter, élaborer et conceptualiser.

De la maternelle au secondaire, dans comme hors l’école,
concevoir l’écriture comme processus où se développent conjointement pensée et langage.

Quels supports et appuis peuvent être utilisés dans l’atelier d’écriture pour que les élèves découvrent simultanément le pouvoir d’écrire et la logique du système graphique ?

Quelles situations mettre en place pour solliciter l’écriture dans la diversité de ses fonctions ?

Quel accompagnement de la production ? Comment gérer la réécriture, souvent laborieuse ?

Dans les ateliers proposés, une large place sera faite aux dispositifs et aux pratiques dans toutes les disciplines, ainsi qu’aux productions des élèves, sans oublier les projets menés par des collectivités locales. Plusieurs apports de chercheurs alimenteront la réflexion, parmi lesquels :

  •  Dominique Bucheton, professeur des universités (Université de Montpellier 2), membre du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Education et Formation (LIRDEF), auteure de : « Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire » (PUF, 2002), «L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés » (Octarès, 2009), « Refonder l’enseignement de l’écriture » (Retz,2014).
  •  Bernard Devanne, ex professeur IUFM d’Alençon, auteur de « Lire & écrire des apprentissages culturels » aux cycles 1-2-3- Collège (Armand Colin) ; « Apprentissage de la langue et conduites culturelles – maternelle » (Bordas) ;« Lire, dire, écrire en réseaux » (Bordas). En ligne sur le site du Café pédagogique, www.cafepedagogique.net les dossiers, le « Journal d’une Grande Section en ZEP » et« Lire et écrire au CP : l’ambition de la réussite ».
  •  Michel Neumayer, ateliers d’écriture et de création – GFEN Provence, membre du LIEN, auteur avec Odette Neumayer de « Animer un atelier d’écriture – faire de l’écriture un bien partagé », (ESF Editeur, 2008), et éditeur de Filigranes, revue d’écritures.

Soutenues par le Conseil Général de la Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, ces Rencontres se réalisent en partenariat avec l’OZP (Observatoire des Zones Prioritaires) et le Café Pédagogique.

Elles bénéficient de la labellisation « Agir ensemble contre l’illettrisme » et s’inscrivent dans la dynamique collective des journées nationales d’action contre l’illettrisme.

Ecole maternelle : Apprendre, processus de socialisation

7èmes rencontres nationales 

« Pour que la maternelle fasse école »

 Apprendre, processus de socialisation

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Dans un contexte marqué par les évènements dramatiques de ce début d’année, les rencontres ont été ouvertes par l’affirmation des valeurs et parti-pris du GFEN pour contrecarrer les discours réactionnaires sur la pédagogie et les pédagogues. Claire Benveniste reprend les termes du texte élaboré par le GFEN en réaction à cette tragédie : « nous sommes convaincus que l’homme ne naît pas ni fanatique ni terroriste, de même qu’il ne naît pas ni démocrate ni solidaire, il le devient ».  Elle souligne l’importance de l’expérience scolaire dans la construction de l’individu selon qu’elle est source d’émancipation ou à l’inverse synonyme de perte de l’estime de soi, d’inhibition et de perte d’appartenance à un collectif structurant. Il ne s’agit pas d’excuser mais de comprendre les processus qui mènent à cette violence contre soi ou les autres afin d’installer les conditions dès l’école maternelle d’une socialisation par de réels apprentissages, de faire de l’école une priorité nationale en s’appuyant sur le texte de la loi de refondation qui stipule que « tous les élèves sont capables d’apprendre». Encore faut-il que les pratiques soient à la hauteur de l’ambition et porteuses de valeurs s’appuyant sur des principes émancipateurs s’opposant au conformisme, la soumission, l’imposition dogmatiste des règles, la compétition, l’individualisme. C’est dire la responsabilité des éducateurs. S’appuyant sur les propos de Viviane Bouysse, elle relève les éléments qui peuvent  impacter les comportements dès la maternelle si l’on n’y prend pas garde : les évaluations précoces ou la primarisation de l’école maternelle. L’école maternelle est un lieu où on accède à une culture commune quelle que soit son origine pour faire société collectivement, c’est le sens de cette journée de rencontre : apprendre, processus de socialisation.

 Émancipation et socialisation, quels contenus ?

Claire Pontais

est formatrice à l’ESPé Basse Normandie, secrétaire nationale du SNEP-FSU. Après avoir présenté la façon dont elle est passé de l’animation d’un atelier à  une intervention en plénière, elle marque d’emblée son opposition à une idée très répandue : « socialiser avant d’apprendre». Comment pourrait-on débattre sur rien ? La citoyenneté s’exerce à partir de savoirs communs construits collectivement qui ne peuvent être imposés de façon arbitraire.

Socialisation, émancipation, savoirs… de quoi parle-ton ?
« S’agit-il de former des citoyens de la République ou des sujets de sa majesté ? » Dans les systèmes autoritaires, les enfants entrent dans un type de socialisation basée sur la soumission à l’autorité et régie par la docilité. La question à se poser est celle de la place du sujet-élève : « Quelle socialisation   voulons-nous ? Quelle socialisation l’école produit-elle ? » Si l’on se réfère à la pensée d’Henri Wallon, l’émancipation c’est « acquérir le pouvoir de penser soi-même, s’éloigner des préjugés, s’autoriser libre cours à son imaginaire, développer sa pensée critique ». On est bien loin du « dressage » des jeunes enfants mais cela ne peut se faire qu’en appui sur des situations où l’on exerce son pouvoir d’agir. L’EPS est un domaine où la motricité permet l’accès à des savoirs et des techniques pour exercer sa pensée en se confrontant à celle des autres pour s’enrichir des différences.
Cette conception de la citoyenneté est constructive car elle permet une intériorisation des règles de vie collective et peut contribuer à une réduction des inégalités. Claire Pontais précise que la socialisation est un processus très long obligeant l’enfant à mettre de l’ordre dans ce qui n’est au départ qu’affectivité, subjectivité. II ne s’agit pas d’opposer « l’enfant au centre » à « la société au centre » : dans un même mouvement acculturation et individuation s’articulent et  se concilient. Il y a forcément un rapport vivant entre l’enfant et la culture « systèmes de normes, de techniques, de valeurs » propres à la société dans laquelle il vit. L’école est un lieu de socialisation spécifique car elle est un « passage obligatoire, un lieu aux contraintes fortes, un lieu très particulier où on socialise par l’étude ». Dans ce lieu, l’élément médiateur de la socialisation est le savoir lorsqu’un enfant montre et explique aux autres qu’il a fait. A l’inverse lorsqu’il ne sait pas ce qu’on attend de lui, il est déstabilisé et risque de perturber la classe.
Pas de socialisation émancipatrice sans passer par l’acquisition de savoirs et de la culture
Le GFEN a porté au CSP une conception vivante de la culture qui n’est pas « seulement ce qui se passe au Ministère de la Culture » mais constituée de l’ensemble des réponses apportées par les humains pour répondre à leurs besoins, faites de pratiques, de savoirs, de valeurs communes. Si l’on prend l’exemple de la culture sportive, c’est « une quantité phénoménale de sports… Chaque activité sportive va proposer une socialisation particulière». Il en est de même pour chaque champ disciplinaire. A l’école, l’important est de proposer « une socialisation de coopération »  plutôt que de chercher l’exploit individuel, il existe d’autres lieux pour cela (spectacles ou concours). Il convient de transmettre aux jeunes enfants le sens de l’activité sportive  proposée pour ne pas « se perdre dans le formel ou l’inutile ».
S’appuyant sur l’exemple d’une séquence d’apprentissage, Claire Pontais montre comment trois façons différentes de la traiter influent sur le transfert ou non des apprentissages, selon le sens que l’élève va donner à l’activité, les savoirs à construire, les gestes professionnels à mettre en oeuvre pour l’enseignant. Il s’agit d’un parcours à effectuer. Dans le premier cas, les enfants sont le plus souvent en attente et ne perçoivent pas le sens de l’activité ; cela génère de l’agitation et l’enseignant est centré sur l’organisationnel. Dans le second, l’enseignant propose un système d’ « ateliers » avec répétition d’une action commandée ; l’activité cognitive est peu sollicitée et l’enseignant est également centré sur l’organisationnel. Une troisième proposition prend le contre-pied des deux précédentes : une variété d’ateliers dans lesquels les élèves évoluent librement, s’exercent dans le but de préparer un spectacle. La perspective du spectacle  crée une motivation à réaliser des exploits. C’est dans cette direction qu’il convient d’aller car chacun identifie les enjeux du projet, code les activités, situe leur niveau par rapport à un attendu : « ce que je sais faire »/« ce que je ne sais pas faire ». La socialisation se construit par la confrontation à une activité adaptée au niveau des enfants d’une part, la compréhension des règles d’autre part au travers de l’activité effectuée.
En conclusion, Claire Pontais affirme que cela n’a rien de miraculeux : sachant à l’avance ce qu’ils vont faire, les enfants entrent dans des apprentissages porteurs d’une socialisation émancipatrice puisqu’ils sont à même de pouvoir communiquer entre eux et se partager l’espace.

Cinq ateliers le matin

Collage et décollage Le secteur Arts plastiques propose ici un travail sur la couleur et la forme, à travers l’oeuvre de Matisse. Avec les papiers collés, l’artiste a couru  des risques qu’il n’avait jamais pris. Ici, les participants osent en prendre en détournant pour certains  la consigne, en cherchant différentes techniques de collage. Pas seuls  dans cette création où l’imaginaire est un élément détonateur mais en prenant inspiration dans le travail des autres. Le groupe est à la fois porteur d’idées mais aussi soutien pour ceux qui veulent prendre des risques. Un espace qui permit de réaliser des petits tableaux enthousiasmants, très différents les uns des autres !…et d’envisager d’autres consignes.

Dans l’atelier Première scolarisation, L’AGEEM et le GFEN interrogent en quoi l’alliance des parents et des professionnalités est nécessaire. L’enfant qui arrive à l’école maternelle connait déjà un mode de socialisation : celui qu’il vit au sein de son milieu familial, celui de la crèche pour certains ou chez l’assistante maternelle pour d’autres. Mais pour tous, l’entrée à l’école maternelle est la découverte d’un milieu institutionnel dont les modes de socialisation peuvent être proches ou éloignés de ce vécu. En s’appuyant sur des exemples de situations concrètes de classe il s’est agi de comprendre en quoi l’apprendre à l’école est objet de travail dans la classe, en quoi la confrontation à ces situations permet à l’enfant d’entrer dans l’activité de penser et d’agir. lire

Raconter des histoires…

C’est une situation fréquente auprès de jeunes enfants, dans l’histoire des enfants tant  à la maison qu’à l’école. Est-ce pour autant la même chose ? Qu’est-ce que cela veut dire à l’école ?

En plaçant cette situation dans le cadre d’une « ambition culturelle » ( voir nouveaux programmes), en retenant l’idée que la confrontation à des livres en tant qu’éléments de culture est essentielle dans le développement de l’enfant et  que l’accès à la littérature de jeunesse, de plus en plus complexe dans son évolution,   peut être difficile pour certains enfants, cela amène à la nécessité d’un travail d’analyse préalable des oeuvres racontées pour cerner au plus près les enjeux  de cette situation en classe :   quels éléments  relèvent d’un  apprentissage et font , en concomitance, socialisation ? lire

En route pour une séance de géométrie en Grande Section avec le GFEN56 intitulée  Têtes de lignes où l’on voit cherche, penser, parler, contester, échanger… pour classer des lignes. Dans cette activité, il s’agit de classer un ensemble de lignes, de repérer le critère commun à un, à deux ensembles constitués de lignes, de repérer un attribut, deux attributs d’une figure… Il s’agit de connaître et respecter des spécificités mathématique, construire des concepts en géométrie, savoir classer.

L’atelier structures et engrenages s’appuie sur un travail collaboratif entre un enseignant de moyenne section de maternelle et un formateur « technologie ». Mis en situation de réaliser une structure à l’aide de kaplas ou d’éléments d’engrenages, les participants se trouvent dans la même situation que les enfants de maternelle mis au défi de réaliser un montage en respectant un cahier des charges donné. Du faire à l’analyse en passant par le dessin, un processus de construction du savoir où la rencontre avec l’autre est incontournable d’une part, génératrice d’un processus de construction de savoir d’autre part.
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Passer dessus…passer dessous… histoires de pont…

Cinq ateliers l’après-midi

Jeux et sports collectifs : à quelles conditions sont-ils socialisants ?

Animé par Claire Pontais, cet atelier vise à montrer que les règles du jeu ne sont pas immuables et que, quel que soit le jeu ou le sport collectif, les règles instituées suivent une même logique : une équipe qui attaque et une équipe qui défend, une égalité des chances entre les deux équipes, un jeu plaisant à regarder. S’appuyant sur des jeux collectifs, chacun est invité à repérer ce qui peut poser problème dans sa pratique : la part de l’émotion intrinsèque à la notion de jeu, l’élimination des joueurs par exemple. Mais le jeu collectif apprend la stratégie : regarder l’adversaire, être imprévisible, regarder partir l’autre… acquérir  l’intelligence de la situation, apprendre à se situer dans le collectif. Et pour aller dans le sens du collaboratif, mieux vaut choisir un autre support : la danse folklorique par exemple.  Lire sur le Café pédagogique

« Jeux de miroirs, découvertes et recherche avec des miroirs. Démarche exploratoire autour de tout ce qu’il est possible de faire avec des miroirs, de la lumière, des objets en trompe l’oeil où l’on ne sait plus si ce que l’on perçoit est l’objet ou son image dans le miroir… oui, mais lequel ? Des découvertes, des défis que l’on se pose ou que l’on pose à l’autre. La verbalisation peut éclore en faisant réellement sens quand un vécu empirique conséquent a été partagé entre pairs.

Parents et enseignants, des rôles complémentaires pour cultiver le goût d’apprendre. Animé par le GFEN75, cet atelier s’est organisé autour d’une problématique complexe mais cruciale : comment renouer un dialogue de confiance, dans la construction pour sortir de l’impasse du désaveu mutuel et reconnaître la complémentarité des rôles entre parents et enseignants ? Quatre propositions de pratiques déjà éprouvées en classe pour rencontrer les parents dévoilées progressivement aux participants dont les participants s’emparent individuellement puis en petit groupe avant un débat en collectif à partir du questionnement : «Quelles intentions, quels objectifs de l’enseignant qui met en place ces dispositifs lors des rencontres avec les parents ?». lire 

Métaphores en maternelle

. Pourquoi écrire de la poésie en maternelle ? Pour que chacun se projète en tant que producteurs d’écrits, pour s’impliquer dans un projet..  C’est surtout pour que chacun puisse mettre en mots son imaginaire. Les enfants de Grande Section sont prêts à jouer le jeu de la métaphore qui surprend, qui dérange, qui déroute la plupart des adultes. lire

L’atelier Faire classe ou comment se préparer ensemble à apprendre, pour installer les conditions de la connaissance.

Quelles dynamiques collectives, d’un espace scolaire à l’autre ? On identifie ainsi différentes séquences dans différents espaces scolaires, à partir d’extraits de textes sur un déplacement dans l’école entre la classe et la salle de jeux, la récréation, un déplacement au jardin de quartier, l’ordinaire de la classe, la structuration du temps et de l’espace au cours d’activités motrices en petite section, les mouvements violents qui peuvent être l’expression d’enfants qui entrent dans une interaction communautaire encore difficile à accepter. Les enrichissements pour « faire classe », c’est à dire installer une communauté d’apprentissages, entre les différents lieux et situations sont analysés, à partir de rituels spécifiques dont le transfert à d’autres moments scolaires crée du lien, permet de mieux « faire sens ». Formulations inscrites à l’affichage à l’issue de l’atelier : « Une meilleure prise en compte de chacun », « Espaces, rituels, communication », « Expression des émotions et rappel des règles », « Langage d’évocation, schématisation », « Regard compassionnel, moral ».

 Apprendre à écrire, comment articuler apprentissage moteur et entrée dans la culture écrite ?

Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, praticien-chercheur, s’interroge sur la pertinence d’un apprentissage systématique  du graphisme en parallèle avec celui de l’écriture. Elle affirme qu’il existe « des régions du monde où on ne fait jamais de graphisme et où on apprend à écrire quand même ».

Quel sens cela a-t-il de tracer des lettres quand les enfants n’identifient pas la relation entre la trace écrite et le sens du texte. Pour aller à la rencontre de l’écrit et apprendre, il faut moins viser l’expertise motrice que les processus cognitifs à mettre en place pour que les élèves apprennent réellement. Très jeunes, les enfants peuvent percevoir la visée anthropologique des savoirs et il est intéressant de les sensibiliser à l’histoire de l’écriture afin de construire chez eux un rapport au savoir où la prédominance du sens prime sur la conformité aux formes. Il faut évidemment s’exercer à tracer des lettres  mais la langue écrite se réduit-elle à la maîtrise de la trace ? Dans son usage social, le langage écrit ne se réduit pas à une traduction stricto-sensu de l’oral, c’est un transformateur cognitif qu’il est urgent d’aborder à l’école.
Lors de la première rencontre, plutôt que de présenter à l’enfant l’étiquette de son nom imprimé, il conviendrait de prendre le temps de l’écrire devant lui en commentant l’action et en particulier l’accompagner de remarques sur les occurrences des lettres.
Zerbato-Poudou préconise d’organiser l’espace de travail en ayant en tête les dimensions suivantes :
Le contexte matériel : choix des outils, des supports, des affichages… en sachant que travailler la variété des outils et des préhensions est importante. Pourquoi ne pas proposer aux enfants des calligraphies d’artistes ?
Le contexte didactique et pédagogique : choix des tâches, du dispositif pédagogique, des consignes…
Le contexte culturel : l’écriture s’inscrit dans un processus évolutif et vivant. Il suffit de monter différents alphabets aux enfants pour qu’ils y repèrent ce qu’ils reconnaissent plutôt que de les inscrire dans des exercices de recopiages sur pointillés.
A la question posée : « Peut-on rencontrer la culture écrite en traçant des lettres ? » elle répond oui, mais à certaines conditions. Cet apprentissage doit s’insérer dans un contexte signifiant et ne pas se leurrer en misant sur le transfert spontané des acquis réalisés en graphisme. Mieux vaut appréhender la puissance de l’écriture plutôt que de se crisper encore  aujourd’hui sur le sens de rotation du « o ».
 
Le discours de clôture remerciant les différents participants et la richesse des travaux et débats a permis d’annoncer les prochains rendez-vous :
– Les 8èmes Rencontres de Saint Denis : « L’écriture, éducation prioritaire », le 11 avril 2015 à l’IUT de la Halle Montjoie.
– Les initiatives de l’été dont l’Université d’été de Besançon, début juillet 2015.

Jacqueline  Bonnard
photos Isabelle Lardon, Sylviane Maillet