Distinction pour Gaston Mialaret, président d’honneur du GFEN

Gaston Mialaret 
Né en 1918, président du GFEN de 1962 à 1969, à la suite d’Henri Wallon et avant Robert Gloton, Gaston Mialaret, devenu président d’honneur du GFEN lors du congrès 2004.
Après des études en mathématiques et en psychologie, il devient instituteur puis professeur de mathématiques au collège. 
Il organise le premier laboratoire de psychopédagogie de l’ENS de Saint Cloud et est chargé d’enseignement à la Sorbonne, à l’Institut de psychologie, à l’ENNA de Paris. 
En 1957 il soutient deux thèses : l’une en Lettres et l’autre sur l’apprentissage des mathématiques et la formation des professeurs de mathématiques.
Il organise la licence de psychologie de l’université de Caen. En 1967 il intitule sa chaire de psychologie « chaire de sciences de l’éducation  » donnant ainsi naissance à un nouveau département universitaire : « Les Sciences de l’Education ». Il participe à la création d’un centre français médico-psycho-pédagogique ainsi qu’à la création d’un institut de formation des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle.
Après sa retraite en 1984, il assure la direction du Bureau International de l’Education à Genève (1987-1988). Ses interventions et activités dans de nombreux pays se multiplient comme professeur ou conférencier invité : Angleterre, Allemagne, Pologne, Japon, Suisse, Portugal, Espagne, Italie, USA, Canada, Amérique Latine, Afrique, Grèce, Roumanie, etc…
Décoré de l’Ordre des Educateurs polonais, Commandeur dans l’Ordre français des Palmes académiques, Officier de la Légion d’Honneur, il reçoit en 1991 le Grand Prix international de l’Education (Prix COMENIUS). Membre d’Honneur de l’OMEP, docteur honoris causa des universités de Gand (Belgique), Lisbonne (Portugal), Sherbrooke (Canada), Crête (Grèce), Bari (Italie), Timisoara (Roumanie) et Laval (Québec). 
Sur le plan international, Gaston Mialaret a été expert-consultant de la plupart des grandes organisations internationales: UNESCO, ONU, OEA, UNICEF, Conseil de l’Europe.
Par ailleurs, Gaston MIALARET a créé et dirigé plusieurs collections, notamment aux PUF et il fait partie de comités de rédaction de plusieurs revues pédagogiques, dont la Revue française de pédagogie
Les travaux de Gaston Mialaret montrent :
– un effort constant pour réaliser l’intégration de la pratique, de la théorie pédagogique, des résultats de la recherche scientifique en éducation;
– l’importance donnée à la connaissance des élèves et à celle des divers processus psychologiques mis en œuvre dans et par l’action éducative;
– sans jamais négliger les qualités personnelles de l’éducateur, un attachement à développer en celui-ci l’attitude scientifique devant les faits et les situations d’éducation;
– la prise de conscience de la complexité de situations d’éducation et de leur déterminisme;
– l’importance attachée à la formation des enseignants de toutes catégories et de tous niveaux.
(cf. Gaston MIALARET, Un éducateur, un pédagogue, un chercheur, PUF, 1993)
Bibliographie
  • Psychopédagogie des moyens audiovisuels dans l’enseignement du premier degré, Paris, PUF, 1964
  • Éducation nouvelle et monde moderne, PUF, 1966
  • L’apprentissage de la lecture, Paris, PUF, 1966
  • L’apprentissage des mathématiques, Bruxelles, Dessart, 1967
  • Introduction aux sciences de l’éducation, Delachaux et Niestlé, UNESCO, 1985
  • Pédagogie générale, PUF, 1991
  • Le Plan Langevin-Wallon, Paris, PUF, 1997
  • Les méthodes de recherche en sciences de l’éducation, Paris, PUF, Que sais-je ?, n° 3699, 2004.
  • La psychopédagogie, Paris, PUF, Que sais-je ?, n° 2357, 5e édition, 2002.
  • Propos impertinents sur l’éducation actuelle, PUF, 2003
  • Sciences de l’éducation : aspects historiques, problèmes épistémologiques, PUF, Quadrige, 2006
  • Les sciences de l’éducation, PUF, Que sais-je ?, n° 1645, 11e édition, 2011.
  • Psychologie de l’éducation, PUF, Que sais-je ?, n° 3475, 3e édition, 2011.
  • Le nouvel esprit scientifique et les sciences de l’éducation, PUF, 2011

Stage de rentrée du GFEN Franche-Comté Bourgogne

Compte rendu du stage de rentrée du GFEN Franche-Comté Bourgogne

Une urgence :  De l’ambition pour l’école

Ce stage  s’est s’inscrit dans un contexte politique particulier où s’ouvrent des possibles pour peu que les enseignants décident de se réapproprier leur métier, sans rester dans l’attente passive d’injonctions venues « d’en haut ». L’ École malmenée, humiliée,cassée est encore loin d’être sereine et la résistance au changement peut faire capoteràou au moins défigurer gravement-toute tentative de réformes en profondeur. Une des réformes les plus urgentes est celle de la formation des enseignants,une formation qui donne à tous pouvoir sur le métier loin de tout formatage.  C’est pourquoi ateliers, échanges de pratiques vécues, puis analysées ont permis aux participants de se donner de nouveaux points d’appuis pour penser et transformer leur métier.

(Re)construire l’estime de soi   : retrouver la saveur des savoirs pour redonner sens à  apprendre

  • Démarche sosie autour d’un projet défi « Ecrire des poèmes sur le thème de l’espoir pour des élèves hospitalisés »
  • Présentation et animation de situation défis en math
  • Présentation de situations en maternelle : un défi «  Faire le choix de l’autonomie en maternelle »
  • Puis analyse collective : quels effets, répercussions , ces situations peuvent -elles avoir sur le sujet apprenant, sur le groupe?
Quelques réflexions des participants :
stages rentrée 2012 FCB_1
  • Proposer des situations complexes permet de développer l’estime de soi, l’audace à chercher, comprendre.
  • Importance du travail en petits groupes qui permet parfois d’éviter de s’acharner sur ceux qui résistent
  • L’élève existe ainsi aussi dans sa communauté d’écolier
  • Une autre cohésion du groupe classe
  • Un autre statut de l’erreur. Apprendre à valoriser la production de tous les élèves
  • Rôle du formateur difficile à mettre en place: souvent trop dans le contrôle de l’activité des élèves
  • Cela nécessite une forte préparation en amont

Préparer sa classe,son cours : quels partis pris ? Quelle mise en oeuvre ?

Derrière le titre d’une leçon, chercher les concepts clés
  • Analyse des difficultés : passer de ce quils ne savent pas faire à ce quils nont pas compris

Vécu et analyse de la démarche des polygones : comment on conçoit une activité?
Apport de Michel Huber

Partager son métier : Compétences, programmes, savoirs, socle commun… Comment s’y retrouver ?

Promesse démocratique ou dévoiement de notions : pour y voir plus clair
stages rentrée 2012 FCB_2

Des compétences aux pratiques

  • Définir ce que c’est qu’une compétence « pour le meilleur » et « pour le pire »
  • Mise en commun
  • Apport des travaux de Bernard Rey
  • Des pratiques aux compétences
  • Démarche «  Lecture silencieuse avec questions préalables » à partir du texte d’Annie Ernaux
  • Analyser les concepts travaillés dans cette démarche en s’appuyant sur les définitions d’Astolfi sur « informations, connaissances et savoir »

Ecole / famille /quartier : pour une dynamique éducative

Ateliers en parallèle et confrontation:
  • Les devoirs : un lien ou un frein avec les familles ?
  • Les réunions de parents : quels contenus et pratiques pour oeuvrer à une reconnaissance mutuelle ?

Le GFEN a fait sa rentrée

Plus de 500 personnes ont participé à nos stages de rentrée !

Certains mouvements pédagogiques font
le choix d’un seul et unique stage national, ce qui permet de « compter ses
troupes ». D’autres démultiplient les actions sur le territoire national autour d’un thème fédérateur. C’est le choix du GFEN, dont les groupes locaux et les
secteurs ont organisé des rencontres, journées, stages à Paris, Chartres, Tours, Lyon, Besançon, etc… autour « des pratiques pour une autre école ».

Partout, l’état d’esprit est le même : on travaille, on réfléchit, on se mobilise dans un total engagement de soi-même, un militantisme pour des valeurs auxquelles on croit, d’aucuns diraient « désintéressement ».

Le stage vécu de l’intérieur (paroles de stagiaire)

Stage de rentrée du GFEN 37

Compte-rendu du stage de rentrée du
GFEN 37 (2012)

Depuis plusieurs années, le GFEN37 était en« sommeil ». L’arrivée de nouveaux adhérents a permis de recréer ungroupe dont les activités ont été limitées cette année à l’animation de formations institutionnelles et l’exploration de thèmes à travailler tels que l’évaluation.

La dynamique impulsée sur le plan national autour de « Quelles pratiques pour une autre
éducation ?
» a trouvé son prolongement dans l’initiative d’un stage de rentrée au CDDP de Tours. Malgré une communication à réviser (promis, on fera mieux la prochaine fois…), 19 collègues du premier et du second degrés’y sont inscrits (dont 5 adhérents) venant du département mais également du
Cher et… de Lorient ! A noter des mails d’encouragements de collègues n’étant pas libres le 28 mais manifestement heureux de voir se réveiller le GFEN37.

Donc ce lundi 28 août, à 9h30, nous étions 15 au CDDP de Tours pour travailler sur les thématiques choisies en amont parmi les propositions d’ateliers que nous avions faites.

 

Le matin : « Entrée dans l’activité : Moins motiver les élèves… que les mobiliser ! »

Atelier 1 : Photolangage, émergence et expressions des représentations initiales.

Utilisation de cettetechnique pour travailler le « Tous capables ! », ce qui a permis de clarifier la position du GFEN sur ce parti-pris philosophique. Un échange s’en est suivi sur la technique d’animation elle-même, sur les limites de son utilisation, sur la sélection des images ou photos pour constituer un
photolangage.

 

Atelier 2 : Mettre en place et faire vivre des situations problèmes

Quatre situations problèmes proposées balayant des champs disciplinaires différents :

SVT : « La tomate est un fruit ! Vrai ou faux ? … donc la poire est une pomme ! »

Mathématiques : « Comment les bucherons de l’Ancien régime mesuraient-ils la hauteur de
l’arbre à l’aide de leur hache ?
 »

Français : « Retrouver la règle du pluriel des noms composés »

Technologie : « J’habite près du périf… c’est curieux plus je me rapproche de la
route moins j’entends de bruit ! »

Un même constat :

La situation-problème est « une situation d’apprentissage où une énigme proposée à l’élève ne peut être dénouée que s’il remanie une représentation précisément identifiée ou s’il acquiert une compétence qui lui fait défaut, c’est à dire s’il surmonte un obstacle. C’est en vue de ce progrès que la situation-problème est bâtie. » (revue Française de pédagogie n°106)

Quatre mots clés dans cette définition :

L’énigme : Comment rendre insolite ce qui semble évident ? Comment susciter la curiosité de nos élèves pour qu’ils s’interrogent, qu’ils interrogent ce qu’ils croient savoir de la réalité observée ?

La représentation initiale : Face à une situation à caractère concret, l’élève va devoir investir ses connaissances pour se représenter le problème posé afin de formuler hypothèses et conjectures.

Obstacle : Pour que l’élève puisse investir ses connaissances antérieures, il faut que la situation proposée offre une résistance suffisante car c’est l’envie de résoudre le problème qui va permettre l’investissement de l’élève.

Nouvelle représentation : En confrontant ce qu’il croyait savoir avec la réalité, ce qu’il croyait
comprendre avec les représentations de ses camarades, l’élève remanie ses représentations
tout en s’appropriant des outils intellectuels qui lui seront nécessaires dans la construction de solutions.

Comment mettre en place une situation-problème ?

Le diaporama proposé donne une démarche pour la conception d’une situation problème.

Les étapes clés :

  • choisir l’objectif en fonction des notions ou du concept à aborder
  •  identifier les représentations majoritaires chez les élèves à ce sujet
  • Formuler la situation problème de façon à prendre le contre-pied de ces représentations majoritaires.
  • Trouver des documents susceptibles de nourrir la situation-problème sans donner une
    réponse directe à la consigne ou la question.

Des phases de questionnements individuels et une confrontation des points de vue

Toute situation-problème passe par une phase de questionnement individuel qui peut se traduire sous la
forme d’un schéma, d’une phrase écrite pour soi, traces  qui permettent à chacun d’entrer physiquement dans l’activité. Face à l’énigme posée, chacun mobilise des ressources internes liées le plus souvent à la vie quotidienne. Cette phase est suivie d’une confrontation des points de vue par petits groupes puis lors d’une restitution en classe entière. Mais ceci n’est vraiment profitable que si l’énigme débouche sur une production commune (affiche, construction d’une maquette, mode d’emploi…) présentée à l’ensemble de la classe. Fil rouge d’une démarche de construction de savoir, la situation-problème permet de mobiliser l’élève  jusqu’à la résolution du problème posé, cheminement accompagné débouchant sur une structuration collective de connaissances.

L’échange qui a suivi l’atelier a mis en évidence les difficultés inhérentes à la mise en place d’une situation-problème : être au clair sur les concepts à aborder, connaître l’épistémologie des savoirs abordés, la formulation de la situation-problème,la recherche de documents associés « pour aller plus loin ».

Un dossier a été remis aux stagiaires intéressés

L’après-midi :

Vivre l’activité : Derrière les titres de « leçons » quelles notions construire ?

Atelier 3 : De l’activité au concept, à partir des propositions de Britt-Mari Barth (construire le Wez)

 Après une présentation rapide des travaux de Britt-Mari Barth et une mise au point sur la définition du mot concept, des groupes sont constitués auxquels on propose la même énigme : retrouver les
caractéristiques du WEZ
en partant d’exemples « oui », d’exemples « non » puis proposer de
nouveaux WEZ
.

Au-delà de la résolution de l’énigme, il s’agit de repérer la démarche utilisée dans chacun des groupes
pour passer de l’action concrète à l’abstraction.

On retrouve les étapes décrites dans les travaux de Britt-Mari Barth (L’apprentissage de l’abstraction, Editions RETZ, Paris 1987. Nouvelle édition 2001):

1 – La Perception : donner une signification aux sensations, distinguer des différences.

2 – La comparaison : distinguer des ressemblances en fonction d’un critère qui est de même nature et
du même niveau d’abstraction.

3 – L’inférence : tirer une conclusion hypothétique à partir d’une combinaison constante de ressemblances parmi celles distinguées.

4 – La vérification de l’inférence : vérifier la constance de la combinaison dans tous les exemples mis à la disposition.

5 – Répétition de 3 et 4 : en cas d’échec de la vérification, modifier la conclusion et faire une nouvelle vérification.

Le travail collectif que nous avons introduit (à la place du cours dialogué) pour la résolution de l’énigme permet la confrontation des points de vue, la comparaison des stratégies mises en œuvre, l’intégration des propositions de l’autre, la confirmation d’un travail de classification à partir de critères choisis collectivement.

Le retour réflexif s’avère
indispensable pour repérer le déroulé de la méthode qui mène de l’activité concrète à l’abstraction.

Il convient cependant de faire une distinction entre l’abstraction et la généralisation : « L’abstraction est une opération mentale qui considère à part un ou plusieurs éléments d’une perception en négligeant
les autres. La généralisation est une opération mentale par laquelle on étend à une classe entière ce qui a été observé sur un nombre limité de cas singuliers appartenant à cette classe ».

Le passage de l’abstraction à la généralisation ne va pas de soi. Si les tous exemples donnés à l’élève se
ressemblent, celui-ci « va se souvenir de la règle par rapport à ces exemples limités et l’appliquer
uniquement dans un contexte connu
». Face à un contexte nouveau, il n’est pas sûr que le transfert s’opère. L’abstraction précède toujours la généralisation mais elle peut se suffire à elle-même et mener à un produit spécifique lorsque la connaissance qui en résulte n’est pas directement généralisable ; elle pourra devenir alors un exemple pour de futurs concepts à apprendre…

« On peut abstraire sans généraliser, mais pas généraliser sans abstraire (page 128) ».

L’ordinaire de la classe : ce qui fait espace de réussite (échanges de pratiques)

La plage horaire prévue à cet effet n’a pas permis d’explorer les différentes propositions et l’échange a porté principalement sur « Comment utiliser le tableau ? » et les différences de pratiques à ce sujet entre le premier et le second degré.

Perspectives pour l’année prochaine

La journée s’est terminée par des propositions à poursuivre le travail ensemble :

–        Quelques mercredis après-midi au CDDP pour untravail sur des pratiques

–        Une proposition pour faire un retour surl’utilisation du Wez en classe

–        Proposer une action commune GFEN/Le Livre Passerelle/CDDP autour de la lecture avec un intervenant (exemple Serge BOIMARE)

–        Une réflexion et  échange autour du socle commun


En conclusion, une journée pour découvrir ce qui fonde l’Education Nouvelle, c’est-à-dire « un pari sur l’Homme, sur la profonde confiance dans ses capacités… àcondition que celles-ci soient mises en situation de pouvoir s’exercer ».

Stage de rentrée du GFEN Midi Pyrénées

Compte rendu du stage de rentrée, Toulouse, 30 août 2012

Le stage se déroulant sur une seule journée, nous avons fait le choix d’interroger  le vécu d’une démarche en maths-sciences et celui d’un atelier d’écriture poésie, afin d’en analyser ce qui,  dans une situation comme dans l’autre, favorisait l’implication et la réussite de tous, matheux ou pas matheux, d’âme littéraire ou pas,  et ce qui pouvait être réinvestissable dans toute situation d’apprentissage, quelques soient le niveau et la discipline enseignée.

Bref, si je veux construire, inventer une situation d’apprentissage qui rompe dans les pratiques avec le contexte compétitif et sélectif ambiant, sur quel canevas m’appuyer ? Sur quels points porter ma vigilance ? Attentes, dispositifs, contenus…

Notre intention était également d’interroger dans ces pratiques la notion de réussite – qui ne peut, faute de perte de sens de notre métier se restreindre ni au résultat scolaire, ni à la compréhension d’une notion, ni à celle d’une production attendue. Quelles réussites personnelles et collectives vise-t-on ? Nous n’avons qu’abordé cette question, journée bien chargée.

Nous étions 16 participants, pour moitié professeurs du secondaire et un enseignant dans une école supérieure (en math, français, histoire-géographie-éducation civique, langues étrangères) pour moitié professeurs du premier degré (professeurs en classe de primaire, conseillers pédagogiques, psychologue scolaire)

Voici l’état de nos cogitations à la fin de la journée 

(synthèse des écrits produits par les groupes)

L’autre

Importance de l’autre dans une situation l’apprentissage ou de création.

L’autre peut être : le pair (interactions, travail de groupes, grand groupe), un expert (sous forme physique à intervenant, enseignant).

Ses effets : il peut contredire, conforter, déstabiliser, rassurer. Il peut être modèle. Il permet de sortir de ses impasses. Il permet la confrontation. Dimension d’échange. Importance de la dimension langagière.

Prendre en compte la difficulté de travailler en groupe pour les élèves.

Le contenu

La question du contenu est une question incontournable. Travail de préparation conséquent, préparation précise sur le contenu, la notion travaillée. Obstacles épistémologiques repérés, « erreurs » et tâtonnements utilisés positivement,  travail des tensions entre formulations et savoirs constitués, des questions qui restent en suspend pour la suite.

L’animateur/enseignant

Travail important sur la formulation des consignes : précises, tâches clairement énoncées pour baliser le chemin, sans pour autant formuler le résultat précis attendu.

Il est garant de l’obligation de production mais sans jugement de valeur sur le résultat produit. Directif : guidage à la fois cadré, rassurant, et ouvert.

Pendant la séance : travail d’observation, analyse, adaptation permanente à ce qui se passe.

Travail de reformulation, de relance.

Gestion du temps.

La mise en scène 

Le démarrage

Une accroche insolite, drôle, énigmatique ou ludique…  un défi à relever

Une tâche « simple » pour commencer, une tâche qui paraît accessible, rassure, met en confiance, engage dans l’activité.

Mise en action de la pensée sur un objet d’étude

–        Temps individuel

–        Temps d’interactions avec les autres  (sous la forme ou pas d’un travail de petits groupes)

–        Mise en commun des productions, le contenu disciplinaire,   les formulations ; et
analyse  sur les conditions du cheminement

–        Retour sur temps individuel : ressaisie individuelle afin de pouvoir faire le point, se réapproprier les découvertes notions, etc. et les formuler pour soi-même.

La mise en scène relève d’une démarche expérimentale (« scientifique » ?), puisqu’il y a un problème à
résoudre, recherches, hypothèses, productions et retours. Elle  permet une prise de risque, rendue possible par la mise en place d’un cadre rigoureux, clair, accueillant chaque production. Elle est facilitée par le respect entre les acteurs.

Chaque consigne laisse une liberté d’initiative par la pluralité des voies ouvertes pour explorer, c e qui permet le questionnement et rend l’apport des autres nécessaire.

Toutes les tâches successives sont énoncées au fur et à mesure.

Ne pas forcément  commencer par « l’utilité » (« l’utilitarisme » ?) d’unsavoir,  pour mettre en appétit les
élèves. Si un « cours », une « leçon »  commence malheureusement encore trop souvent par la présentation de la règle, le recours à la présentation d’applications dans la vie quotidienne afin d’attiser la curiosité des élèves et les motiver sur l’apprentissage est également fréquent alors que ce n’est pas une vraie solution quand il faudra de toute façon mettre en travail le concept ou la notion, la règle. Cela pourra se faire à partir d’une situation problème adossée à l’épistémologie, et après ou pendant, en découvrir les applications comme autant de contextes nouveaux à mettre en relation, d’occasions d’une
meilleure compréhension et maîtrise.

Comprendre, c’est  abstraire, conceptualiser. Ce peut être aussi reprendre pied sur le/son refus d’apprendre (rapport au savoir), reprendre l’estime de soi et des autres (rapport à l’autre). Les exercices « scolaires » peuvent aussi être une forme scolaire qui génère le sentiment de réussite. Pour autant, le travail enseignant est d’installer des connaissances durables, réinvestissables pour d’autres situations. D’où l’importance de conceptualiser et  recontextualiser.

Stage de rentrée du GFEN Paris

Compte-rendu du stage , « Quelles pratiques pour une autre école ? »  Paris 29 & 30 août 2012

Une cinquantaine de participants se sont retrouvés le 29 aôut et le 30 août pour le désormais traditionnel stage de rentrée : enseignants du primaire, professeur débutant dans le secondaire, animateur de l’APFE, maîtres formateurs … Plusieurs singularité au stage de cette année :

–        présence massive de débutants dans le métier (1 à 3 ans d’ancienneté), plus
encore que l’an passé.

–        co-animation militants « chevronnés » et « débutants »

–        création d’une démarche en sciences par deux nouveaux militants

Premier jour

En raison des caractéristiques du public le choix a été fait de transmettre des éléments forts de notre patrimoine, avecl’animation de démarches emblématiques

1.     Recréation de textes : quelles pratiques langagières pour (s)’engager dans la culture écrite ?

2.     Lecture en polonais : comment apprend-on à lire ?  (cycle 2)

3.     Vocabulaire : apprendre des mots ou appréhender du sens ?

A la suite des ateliers, les groupes étant brassés, tous les stagiaires ont travaillé sur les invariants de la situation d’apprentissage, dégageant ainsi le commun de ces trois démarches, listé en différentes catégories : conception du savoir ; modalités de sa transmission ; posture de l’enseignant ; regard sur l’élève.

Deuxième jour

Derrière les titres, quels contenus d’apprentissage ?

4. Sciences : du tri à la catégorisation des espèces.
Cette démarche a été inventée pour le stage par deux nouveaux adhérents, débutants dans le métier à partir de la démarche dite des polygones. Il s’agissait là à la fois d’interroger les contenus scientifiques et opérer des déplacements de nos représentations à une construction étayée, argumentée, dans un processus de recherche collective mais aussi de dégager l’activité cognitive requise  (du tri à la catégorisation)

5. EPS, jeux collectifs : quels apprentissages autres que le respect de la règle ?

6. Construire le sens et la maîtrise des techniques opératoires – Ouvrir des possibles sans
attendre

7. Parents : pourquoi et comment les rencontrer ?

8. Devoirs, travail du soir : lever les implicites

9. L’ordinaire de la classe : un espace de réussite

Clôture du stage

–        Quelle place du GFEN dans le nouveau contexte politique

–        Comment être force de proposition pour redonner sens au
métier et relancer dans les actes la nécessaire démocratisation du système
scolaire

–        l’avenir dépend de chacun de nous et il n’y a pas de collectif sans
engagement individuel, à la hauteur de ce que chacun peut ou souhaite partager

–        Appel à l’adhésion pour :

s’inscrire dans un intellectuel collectif et s’approprier un patrimoine construit au fil
du temps.

enrichir les questionnements et pratiques

apporter un soutien financier indispensable dans le contexte actuel où nos subventions
ont une nouvelle fois chuté de 35% par rapport à l’an dernier…

9 adhésions et 3 ré-adhésions

Stage de rentrée du GFEN Sud-Ouest

Le changement à l’école c’est maintenant
(peut être…)

Des ateliers et démarches pour bien démarrer l’année 

Vendredi 31 août  2012

9h30 à 10h : Accueil

10h à 12h15 : une démarche en français

À l’articulation lecture-écriture : la pratique de la re-création de texte

12h14 à 14h : Repas

14h à 16h30 : Quelles notions construire en sciences?

Démarche à partir d’une question problème : comment se nourrit le fœtus ?

16h30 à17h30 : Conceptions du savoir et rapport à la demande scolaire

Analyses et échanges de pratiques

…/…

Samedi 1 septembre 2012

9h30 à 11h30 : ateliers de création en arts visuels-écriture

11h30 à 12h30 : Clôture : Quelles perspectives pour l’année à venir et quelle organisation de travail du groupe GFEN CREPES ?

Compte rendu du stage

21 participants. La perspective était la transmission du « patrimoine » démarches GFEN et de leur animation. Toutes les démarches étaient animées par des « nouveaux » (nouvelles) dans l’animation et préparées en amont par des petits groupes composés de personnes qui connaissaient (parfois depuis très longtemps) les démarches plus les futurs animateurs.

Il a été convenu de s’organiser tout au long de l’année scolaire en journées de stage (des samedis)
où les mêmes modalités de transmission du « patrimoine démarches » seraient mises en oeuvre.

Bien évidemment ce n’est pas le seul but de ces actions : au delà de la bonne santé du GFEN en terme de participants, on est au coeur d’une dynamique de formation que l’on voudrait voir s’inscrire dans la durée.

Stage de rentrée du GFEN 28

« Quelles pratiques pour une autre école ? »

Chartres à 28 & 29 août 2012

 

Le mardi 28 août, dès 9h du matin, nous nous retrouvions à une quarantaine d’enseignants de maternelle, élémentaire, collège, Segpa, Rased, d’Eure-et-Loir, du Loiret et du Cher, dans les locaux du centre IUFM de Chartres. Après une rapide présentation des enjeux de cette formation dans le nouveau contexte politique ayant pour projet la Refondation de l’école, chacun rejoignait un des ateliers « Situations défi pour reconstruire de l’estime de soi » ; ateliers commençant par un relevé des difficultés des élèves et se poursuivant par une démarche vécue puis analysée afin de pouvoir être réinvestie de manière créatrice par chacun :

  • Quelles activités de lecture pour (re)donner appétence et exercer une posture de lecteur ?
  • En vocabulaire : apprendre des mots ou en appréhender le sens car, comme le dit Vygotski « Presque toujours ce n’est pas le mot lui-même qui est incompréhensible mais c’est le concept exprimé par le mot qui fait totalement défaut à l’élève. Le mot est presque toujours prêt lorsque le concept l’est. »
  • L’importance des ateliers d’écriture pour construire appétence et compétence à écrire.

Après le déjeuner, où continuèrent de s’échanger ce qui avait été vécu par les uns ou les autres, chacun repartait dans un nouvel atelier « Derrière les titres des leçons’, quelles notions construire ? Sur quelle progressivité ? » :

  • Pourquoi et comment les Hommes ont-ils inventé les nombres puis la numération ? Comment construire le concept de numération positionnelle selon les niveaux d’enseignement ? En quoi l’approche des techniques opératoires est-elle à concevoir comme réinvestissement créatif et
    appropriation du concept de numération ?
  • La phrase : ensemble de mots ou de groupes de mots faisant sens ? Si la nature d’un mot c’est sa fonction à l’intérieur de son groupe de mots et la fonction de ce mot la nature du groupe dans lequel il est inséré, quelle progression notionnelle pertinente privilégier ?
  • A quoi « sert » l’orthographe, quel est l’objet de son enseignement ? Comme pour toute autre activité métalinguistique, l’apprenant doit passer d’une posture de lecteur-scripteur (tendu vers la recherche du sens car la langue est outil de communication) à une posture  de grammairien, où la langue devient objet d’étude. Mais au fait, à quoi « sert » l’orthographe, quel est l’objet de son enseignement ? Comment l’orthographe fonctionne -t-elle ? Allons-voir du côté de l’histoire des règles qui le régissent.

Après une pause rapide le travail reprenait en grand groupe pour explorer les « conceptions
du savoir et les rapports aux normes scolaires ».
Pendant que des petits groupes exploraient des situations (analyse d’erreurs d’élèves sur les décimaux – expliquer le théorème de Pythagore à justifier la déclinaison des identités remarquables (a+b) ² puis (a-b) ² – trouver LA règle d’accord des participes passés) un groupe devait présenter et illustrer, à partir des ateliers de la journée, un texte théorique de Stéphane Bonnéry intitulé « Rapport à la norme et aux normes : normalisation à normativité ».

La matinée du mercredi 26 août était consacrée à « L’ordinaire de la classe : un espace de réussite » :

  • le travail par ateliers pour la gestion de la classe à un ou plusieurs niveaux.
  • Le rôle des attentes et des prophéties auto-réalisatrices dans la construction de l’image de   soi.
  • Introduire le débat littéraire en classe pour construire une posture de lecteur de littérature en ouvrant un espace de pensée et de parole où les élèves pourront mettre en mots des réflexions et des idées à partir de la compréhension de textes lus ou entendus. Comment mettre en place les conditions de débats littéraires pour qu’ils provoquent un questionnement des textes qui développe leur compréhension et leur interprétation, fasse partager des émotions et élaborer des jugements ? Quelle place de l’enseignant ? Quels choix d’œuvres ?

A midi nous nous retrouvions autour d’un pot convivial après un discours de clôture :

« Ce qui fonde toute l’Éducation Nouvelle c’est un pari sur l’Homme, sur la profonde
confiance dans ses capacités… à la condition que celles-ci soit mises en situation de pouvoir s’exercer. « L’éducation nouvelle prépare chez l’enfant non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme. » 1921 (Fondement de la Ligue Internationale de l’Education Nouvelle). Ainsi, dès son origine l’éducation nouvelle posait l’acte pédagogique comme acte d’essence politique, définissant l’école comme matrice du social, comme lieu de formation du sujet et du citoyen.

Première rupture : le regard porté sur cet autre qu’est l’élève et sur les attentesque je porte à son égard. En 1965 Henri Wallon écrivait : « Un regard qui scrute pour trouver la marque du manque impose à l’enfant un statut péjoré. Un regard qui ne cherche en l’enfant qu’un devenir instaure une dynamique de rencontre. » Ce qui n’était hier que pari philosophique est devenu aujourd’hui défi éducatif puisque les recherches en neurobiologie ont montré qu’ «un environnement enrichi facilite non seulement les apprentissages mais développe les interconnexions synaptiques du système nerveux central. Les apprentissages transforment biologiquement le cerveau. Le vieux dualisme entre esprit et cerveau doit
aujourd’hui être dépassé, le fonctionnement cérébral influe sur les comportements et les apprentissages influent sur le développement cérébral..[1]. »

Les élèves sont intelligents, et leurs erreurs sont des indicateurs de leur pensée. Quel que soit le domaine particulier (opération, décimaux, orthographe, grammaire, etc.), leur analyse dévoile une logique à l’œuvre qui ouvre des pistes précieuses pour orienter nos dispositifs pédagogiques.

De notre point de vue, ce n’est ni l’enfant qui est au centre de la classe, ni le programme défini par les Instructions officielles mais le rapport de l’élève à la scolarité et au savoir.

1  Rapport à la scolarité : l’école n’est pas d’abord ni essentiellement un lieu de formation
professionnelle : elle a pour vocation de construire un rapport émancipé au monde des objets et des idées, aux autres. Elle est un lieu où le chaos du monde physique et social s’organise en univers compréhensible, où se forme l’Homme conscient de sa dignité et le Citoyen responsable dans la Cité.

2  Rapport au savoir : l’école fait passer de l’expérience vécue à l’expérience réfléchie, de l’opinion au
savoir. Il s’agit de permettre aux élèves d’éprouver la normativité des savoirs en en goûtant la saveur (cf. ateliers du soir), plutôt qu’ils se sentent soumis à une normalisation arbitraire de leur comportement et de leur pensée.

3 Rapport à savoir : apprendre c’est comprendre le pourquoi des choses, acquérir maîtrise et  pouvoir sur le monde. Expliquer empêche de comprendre quand cela empêche la recherche et la découverte jubilatoire, dans l’échange stimulant avec les pairs. Il s’agit de passer d’une logique de la question (qui appelle une réponse de préférence juste) à une logique du questionnement qui, lui, amorce et stimule un travail intellectuel.

Tous capables : il en est des élèvescomme des enseignants.

  • La question du sens du métier est reposée dans le contexte actuel : continuer de participer malgré soi à la reproduction ou œuvrer à l’émancipation de nos élèves ?
  • Rester seul, C’est se condamner à l’impuissance : il y a nécessité de se constituer en collectifs professionnels afin d’échanger et de repenser notre métier.

Militer au GFEN c’est :

  • s’inscrire dans un intellectuel collectif et s’approprier de la richesse construite au fil des années par des générations d’enseignants et d’éducateurs. Une grande partie des ateliers et démarches vécus sont les fruits que nous avons cueillis dans ce mouvement ;
  • enrichir les questionnements et pratiques socio-historiquement construites, et donc participer au mouvement vivant du savoir sur les pratiques enseignantes.

Cotiser au GFEN c’est apporter un soutien financier indispensable dans le contexte actuel où nos subventions ont une nouvelle fois chuté de 35% par rapport à l’an dernier… »

De nouvelles volontés et compétences à préparer et animer des démarches et ateliers : l’avenir se construit !

14 adhésions et ré-adhésions, plus de 500 € de littérature vendue.


[1] Michel
Duyme et Christine Capron, livre du GFEN En finir avec les dons, le mérite, le
hasard , Ed. La Dispute, 2009, p. 45

Enseigner, c’est être prévenant plutôt que prévenir(rm2022)

Clôture des Quatrièmes Rencontres maternelle

Christine PASSERIEUX

L’objectif des quatrièmes rencontres était de faire la preuve, pour reprendre l’intitulé de l’intervention de Jacques Bernardin,  qu’il est possible, ici et maintenant, de penser autrement le devenir scolaire mais aussi, au-delà le devenir humain.
Autrement que dans des logiques de sélection et de prévention prédictive.
L’ensemble des travaux de la journée atteste que ce n’est pas une vue de l’esprit, irréaliste ou romantique.  L’apport de la recherche est en ce sens essentiel, comme le montre Gérard Vergnaud à travers les rapports dialectiques entre développement et apprentissage. Mais aussi l’apport de tous ceux qui sur le terrain se battent sans relâche pour affirmer que les milieux populaires, y compris les plus exclus, ne sont pas des milieux « défavorisés » pour reprendre une expression courante et lourde de significations. Ce que l’on peut affirmer c’est : oui les jeunes enfants peuvent devenir des élèves,
c’est-à-dire à terme se construire comme sujets singuliers, progressivement autonomes et critiques si l’on en crée les conditions. Et c’est bien là que tout se joue, car les conditions relèvent à la fois des valeurs qui sous-tendent l’acte pédagogique, des théories qui le fondent et des pratiques de mise en œuvre.

Quand des enfants de 4 et 5 ans réinventent le tableau à double entrée, entrent dans des débats pour savoir si le loup est un animal méchant ou s’il fait « son boulot de loup » comme le disait un élève de GS, ce qu’ils nous disent c’est que leur capacité (à tous) à se mobiliser, leurs capacités à ajuster des actions de plus en plus efficientes, leurs capacités à s’interroger collectivement sur ces actions … sont une réalité ! A vouloir nous le faire oublier le discours dominant a fondamentalement transformé notre métier et par là même produit une perte de sens dans son exercice : en effet quel est le projet majeur de tout enseignant si ce n’est la réussite de ses élèves ? A y être empêché par des programmes inscrits dans des logiques de résultats qui tournent le dos à des logiques culturelles, et dans ce cadre par l’injonction à évaluer plutôt que d’enseigner ; par des conditions de travail de plus en plus difficiles ; une absence de formation ; par des prescription incessantes, l’enseignant est privé de sa capacité à penser l’exercice de son métier, contraint à mettre en place des mesures qu’il sait sélectives, ce qui le fait « se sentir sale » selon la formule terrible de cette enseignante de maternelle lors de la mise en place des aides personnalisées.

Comment penser l’enseignement à l’école maternelle dans ce souci constant de ne laisser aucun enfant sur le bord du chemin ? Poser la question c’est poser celle des finalités de la première école, au regard des écarts qui existent entre les élèves selon leur origine sociale. C’est dans les réponses que l’on apporte pour les réduire, que se définit la mission que l’on assigne à l’école maternelle et au-delà. Deux types de réponses sont possibles qui méritent d’être analysées :

  • Pour la 1ère, l’école maternelle est un lieu de dépistage, pour mieux prévenir l’échec. Mais prévenir, nous disent tous les dictionnaires, c’est anticiper un potentiel danger, un accident … Aborder les élèves issus des classes populaires comme  potentiellement en risque ou en danger, c’est les aborder individuellement, imputer à chacun une éventuelle actualisation du risque, ne pas se donner les clefs pour analyser ce qui fait problème. Car effectivement des élèves échouent à l’école, il ne s’agit nullement de le nier. Pour autant, ce ne sont pas des différences de capacités individuelles qu’il faut traiter un peu vite par la médicalisation ou la psychologisation des réponses, mais bien des différences de rapport à l’école, au savoir et aux apprentissages.  A l’école alors de leur donner ce dont ils ont besoin pour opérer les déplacements nécessaires. Ce qui éviterait, y
    compris parfois avec les meilleures intentions du monde, que les prophéties se réalisent, comme le montre l’effet Pygmalion.Et puis les dés sont pipés si l’on oublie que les mots existent en contexte, social, historique, politique. L’idéologie dominante assimile prévention et prédiction, différence et pathologie, normalisation et normativité. Elle organise habilement la confusion entre des critères
    différents, biologiques, psychologiques, sociaux, culturels : c’est ainsi que se trouvent biologisées les souffrances physiques, psychiques et morales ; que se trouvent naturalisées les différences sociales, assimilées à des déviances par la référence à une norme aussi virtuelle qu’idéologique de
    l’enfant-élève ayant un bon comportement dans son entrée dans les apprentissages.Cette question mérite d’autant plus d’être abordée que ce qui est en cause dans ces logiques de prévention prédictive et de sélection c’est à la fois l’exclusion de la moitié des élèves de l’accès aux apprentissages mais aussi comme le dit Roland Gorri, philosophe, à l’initiative de l’appel des
    Appels, la prescription d’une « recomposition des métiers du soin et de l’éducation dans un sens plus sécuritaire, tendant à faire des professionnels les instruments d’un pouvoir qui traite l’homme en instrument. » (Roland Gori, Intervention au sénat le 9 mai 2011 : Nos enfants ne nousfont pas peur c’est leur avenir qui nous inquiète)
  • Pour la seconde, l’école maternelle est le lieu des premiers apprentissages scolaires où il s’agit de
    donner à tous, tous les outils nécessaires à ces apprentissages. Cela implique d’avoir analysé la nature de ce qui fait difficulté de manière récurrente, et nous avons les outils théoriques pour cela. De penser ces difficultés non comme des manques mais comme le terreau de l’intervention pédagogique. En livrant les clefs pour entrer dans cet endroit étrange qu’est l’école à ces enfants de trois ans issus d’un milieu peu familiarisé avec ce qui s’y joue ; en rendant lisible ce qui est opaque ; en se montrant prévenant pour reprendre l’intitulé du colloque Pas de Zero de conduite qui a lieu aujourd’hui ; en provoquant le plaisir de la découverte, et du partage avec les pairs, en
    ouvrant à chacun l’immensité des possibles. C’est donc bien dans le quotidien de la classe, au plus près des gestes, des activités les plus ordinaires (apparemment) que la réussite va se jouer. Pour cela des outils pédagogiques sont nécessaires mais ce serait un leurre de penser qu’à eux seuls, aussi pertinents soient-ils, ils vont résoudre les problèmes rencontrés. Le métier d’enseignant, comme le dit encore Roland Gori relève du « travail de l’artisan qui sait tirer parti du hasard, de la
    contingence et des difficultés qu’il rencontre dans son oeuvre. »

Cela n’interdit nullement des interventions spécifiques car elles peuvent bien sûr être nécessaires, mais nous défendons d’abord et avant tout une conception des pratiques ordinaires dans la classe qui prennent en compte tous les élèves dans leurs différences.  MT Zerbato-Poudou montrait ici-même l’an passé, que si l’apprentissage du geste graphique nécessite un entrainement, cet entraînement ne prend sens qu’après la rencontre avec la culture de l’écrit, son histoire, ses fonctions, ses usages.

Dès l’école maternelle c’est le commun qu’il nous faut promouvoir. Du commun d’exigence et de culture, c’est ce commun-là qui nous permettra de continuer à faire société.

Le court terme de l’activité et le long terme du développement (G.Vergnaud-rm2012)

Gérard VERGNAUD-rencontres maternelle 2022

Les quatre thèmes sur lesquels je souhaite organiser ma présentation sont celui du développement rapide des compétences des enfants à l’époque de l’école maternelle, celui du pouvoir d’agir (c’est un thème qui n’est pas souvent formulé sous cette forme, mais qui est très important dans la formation de la personne , et pas seulement chez l’enfant), celui de l’aide de l’adulte et de l’intériorisation de cette aide par l’enfant, thème qu’on peut qualifier de passage de l’intersubjectivité à l’intrasubjectivité, celui enfin de la formation de la rationalité, puisqu’aussi bien le jeune enfant n’est pas pure fantaisie mais aussi constructeur d’un rapport vrai et rationnel au réel.

Avant de présenter ces thèmes, je voudrais apporter mon témoignage concernant la grande renommée à l’étranger de l’école maternelle française. J’ai été invité il y a deux ans en Corée du Sud, et j’ai pu constater que ce pays, pourtant sous l’influence principale des Etats Unis, est impressionné par ce que nous faisons en France à l’école maternelle : notamment l’accueil de tous les enfants à trois ans (et plus tôt encore pour une proportion non négligeable d’entre eux), et le contenu très riche des activités proposées aux enfants.

Le développement des compétences des enfants entre 2 ans et 6 ans est spectaculaire. Il résulte, c’est sûr, de la combinaison de l’école maternelle avec cette période privilégiée de la vie de l’enfant, et on doit remarquer que ce développement concerne d’abord la forme opératoire de la connaissance, observable dans l’activité en situation, comme les compétences spatiales, ou celles concernant l’interaction avec autrui. Cette forme de la connaissance est essentielle aussi pour les enfants plus grands et les adultes, mais pour le jeune enfant elle est incontournable, car il est n’est guère en mesure de formuler les connaissances qu’il utilise dans l’action. Cela ne signifie pas que la forme verbale de la connaissance (que je désigne plus précisément par « la forme prédicative » parce qu’elle consiste surtout à attribuer des propriétés et des relations aux objets du monde) ne se développe pas. Bien au contraire ! puisque, entre 3 et 5 ans, les enfants  apprennent une bonne dizaine de mots nouveaux par jour, sans qu’on sache exactement comment ils font. Simplement on ne peut pas évaluer les connaissances des enfants seulement par ce qu’ils sont capables d’en dire ; il faut aussi s’intéresser à ce qu’ils sont capables de faire et à l’organisation de leur activité en situation.
Certes c’est un point important que les enfants maitrisent relativement bien la langue orale à la fin de l’école maternelle, alors que nombre d’entre eux, deux ans plus tard, rencontreront des difficultés avec la langue écrite ; mais cela ne signifie nullement qu’on puisse évaluer leurs compétences par les propos qu’ils sont capables de tenir. Le terme de « compétence » n’est pas usurpé, même si, en toute rigueur,  ce n’est pas un concept suffisamment analytique pour conduire l’observation et la théoriser ; celui de « schème », c’est-à-dire de « forme d’organisation de l’activité pour une classe de situations » est indispensable pour mette en évidence les buts, la suite des actions et des prises d’information, les concepts et les inférences implicites dans l’activité. Les schèmes concernent tous les registre de l’activité : les gestes, les raisonnements, l’interaction avec autrui, l’argumentation et l’énonciation : or l’énonciation orale en situation a d’autres ressorts et d’autres buts que l’énonciation écrite. Vygotski faisait utilement remarquer que tout en s’appuyant sur la langue orale, la langue écrite présente des propriétés propres. Ce sont deux langues différentes, de telle sorte que Vygotski peut s’appuyer sur une citation de Goethe : « Qui ne connaît pas une langue étrangère ne connaît pas sa propre langue ». C’est ainsi que la connaissance de la langue écrite a un effet en retour sur la connaissance de la langue orale ; effet métacognitif dirons-nous aujourd’hui, même si Vygotski n’utilisait pas ce terme.

Que faut-il entendre par développement de la « forme opératoire de la connaissance » ? Evidemment la réussite, mais aussi une meilleure manière de s’y prendre, un répertoire plus large de schèmes, et donc une adaptation meilleure à la diversité des cas de figure qui peuvent se présenter, aussi le fait d’être moins démuni devant une situation nouvelle. Ce dernier critère est très important dans le travail, puisque les hommes et les femmes sont de plus en plus confrontés à des problèmes pour lesquels ils ne disposent pas immédiatement des ressources nécessaires. C’est important dans l’éducation également pour la raison que les enfants n’ont pas de raison d’apprendre s’ils ne sont pas confrontés à des situations nouvelles. La déstabilisation est un ressort important de la pédagogie et de la didactique ; il est vrai aussi que, si on déstabilise trop les enfants , ils n’apprennent pas non plus. L’équilibre n’est pas facile à trouver, d’autant qu’il varie d’un enfant à l’autre. Ainsi ll faut à la fois déstabiliser les enfants et les conforter dans ce qu’ils maîtrisent. Retenons l’idée que s’intéresser à la forme opératoire, c’est placer la conceptualisation dans des activités qui ne sont pas toutes verbales, et distinguer ce faisant conceptualisation et symbolisation, en dépit de l’importance du langage dans la conceptualisation. Même Vygotski, cet apôtre du rôle du langage distingue ente la « conscience avant », nécessaire à l’action, et la « conscience après » qui fait retour sur les raisons de la réussite ou de l’échec, et rejoint ainsi l’idée d’abstraction réfléchissante de Piaget ; elle implique une part de langage, fût-il intérieur. Dans la classe, cela prend souvent la forme d’une mise en mots des leçons tirées du travail en situation, sorte « d’institutionnalisation » du savoir selon Brousseau..

Pouvoir d’agir ; c’est un thème peu évoqué dans l’école, qui nous vient de Spinoza, et qui ajoute à la rationalité cartésienne une caractéristique relevant plutôt de l’affect. Les enfants sont au moins aussi concernés que les adultes, dont on sait à quel point ils sont perturbés si on les prive de leur liberté d’initiative ou de leur manière habituelle de faire. Les enfants sont contents d’acquérir de nouvelles compétences et de remporter ainsi des victoires sur eux-mêmes. Ils recherchent même le regard d’autrui et le regard admiratif des parents, de l’enseignant, de leurs camarades. Pouvoir d’agir est donc aussi pouvoir ou influence sur autrui. Les enfants peuvent d’ailleurs en « rajouter » sur les enjeux de leur activité et de leur performance. Souvent ils expriment le besoin de faire seuls, sans le secours d’autrui, et d’être reconnus dans les compétences nouvelles qu’ils viennent d’acquérir. Ils peuvent entrer en compétition avec les autres (ou avec eux-mêmes).
Pour donner un exemple empirique simple, je propose celui étudié par Jacqueline Pillot, que certains d’entre vous connaissent peut-être. Alors qu’elle occupait les fonctions d ‘IDEN, et elle a préparé une thèse et utilisé pour cela des labyrinthes visuels programmés sur un ordinateur par son mari, et qui pouvaient comporter un nombre inégal de portes ouvertes ou fermées : cela permettait de distinguer trois niveaux de difficulté ; en outre il était possible à l’enfant de choisir deux conditions distinctes : soit la validation immédiate du pas fait en avant (à droite, à gauche, vers le haut, ou vers le bas), soit la validation des choix faits après  trois pas, avec le risque plus grand de s’enfoncer plus avant dans un mauvais chemin. Les enfants ont la liberté de choisir le niveau de difficulté qu’ils vont solliciter (six niveaux donc), et l’ordinateur engendre immédiatement un labyrinthe correspondant à ce niveau ; l’enfant s’engage alors dans cette activité ; puis il demande un autre labyrinthe, soit en restant au même niveau, soit en demandant un niveau plus facile, ou plus difficile. Le nombre d’essais tentés par chaque élève est très variable : entre 10 et 150 essais selon les individus, ce qui témoigne d’un intérêt très inégal accordé à cette activité par les enfants.
Les élèves se conduisent de manière très différente :
Certains enfants restent prudemment au même niveau, soucieux de maitriser la difficulté  qu’ils s’estiment en mesure de  contrôler, et parfois redescendent même à un niveau plus facile, pour être encore plus sûrs.
D’autres élèves au contraire se lancent à l’aventure  et montent presque directement aux niveaux les plus difficiles, dans certains cas en tirant les leçons de leur échec ou de leur réussite, dans d’autres cas sans se soucier trop de cet échec ou de cette réussite. La compétition avec soi-même, ça existe ! y compris chez les jeunes enfants.
Ainsi le pouvoir d’agir s’alimente-t-il à la fois au besoin de maîtrise et au besoin d’atteindre un niveau enviable de performance. La nécessité d’anticiper est présente dans l’activité, ainsi que celle du contrôle. Le concept de schème s’analyse à la fois en termes de buts et de concepts, mais aussi en termes de règles engendrant l’action, la prise d’information et le contrôle.
Ce n’est pas un hasard si Piaget a utilisé le concept de schème (emprunté à Kant et aux néo-kantiens du début du 20ème siècle) à l’occasion de son étude de l’intelligence des bébés, car les bébés n’ont pas le moyen verbal d’exprimer leurs  connaissances. Même s’il a fallu compléter la définition du concept de schème, il faut rendre à Piaget cet hommage qu’il a créé de toutes pièces la psychologie cognitive du bébé.
En liaison avec ce concept de « forme opératoire de la connaissance » on mesure à quel point le choix des situations à proposer aux enfants est un acte de médiation important, le premier en fait, puisqu’il précède les interventions faites par la maitresse en situation. La pédagogie et la didactique devraient sans doute développer leurs recherches sur les situations.

De l’intersubjectivité à l’intrasubjectivité. C’est un thème plus vygotskien que piagétien, sur lequel Lee Hwa Do, une de mes étudiantes coréennes a préparé et  passé sa thèse. Elle s’est intéressée à la manière dont un adulte, une maman ou une maitresse par exemple, essayait d’aider un enfant dans une situation de reconstruction d’un puzzle. Elle s’est intéressée à l’interaction adulte/enfant alors engendrée par cette situation, et à la manière dont l’enfant réagissait au cours de cette interaction, puis se libérait de cet accompagnement par l’adulte. Une première observation est que les mamans et les maitresses ne se comportent pas de la même manière (en gros évidemment parce qu’il existe des cas relativement contrastés). Les mamans ont parfois tendance à proposer une aide précise, choisissant un morceau de puzzle correspondant à ce qui est recherché, privant ainsi l’enfant de choisir lui-même , de réussir tout seul ou de se tromper. Les maîtresses, elles, essaient davantage d’attirer l’attention de l’enfant sur une caractéristique utile de la pièce manquante ou de la pièce examinée. Elles posent aussi des questions sur les caractéristiques pertinentes, et offrent des occasions de choix entre plusieurs morceaux.
Une réaction intéressante des enfants est que, au bout d’un moment, ils ont tendance à repousser l’aide de l’adulte et à réclamer la liberté de faire tout seuls. Le pouvoir d’agir peut donc conduire jusqu’au refus de l’aide d’autrui. Et ce n’est pas propre aux jeunes enfants bien entendu. C’est aussi le cas des apprentis face à leur tuteur, et même des thésards face à leur directeur de recherche. Ce besoin de faire tout seul ne signifie pas que nous ne trouvions pas de satisfaction dans la coopération et dans la réussite collective ; mais les deux faces du processus doivent être prises en compte : le plaisir de la coopération et le plaisir de l’autonomie.
Refusant l’aide de l’adulte, que font les enfants lorsqu’ils sont seuls face au puzzle? Eh bien ils imitent les adultes et, parlant pour eux-mêmes, ils annoncent et commentent leur activité d’une manière proche de la manière dont les adultes le feraient. C’est le mérite de Vygotski que d’avoir interprété le langage pour soi de l’enfant, non pas en termes d’égocentrisme, comme Piaget le soutenait, mais plutôt comme une étape vers le langage intérieur qui accompagne l’activité, en l’annonçant et en la planifiant, en la corrigeant et en l’adaptant au vu de son écart avec ce qui serait souhaitable. Ce thème très vygotskien des rapports entre inter et intrasubjectivité est donc très important, en particulier si on apprécie le double besoin des enfants de réclamer l’aide de l’adulte, et de la refuser, selon les circonstances, et selon le moment de leur développement. Lorsque dans une classe à plusieurs niveaux on observe des enfants plus âgés qui aident des plus petits (on voit aussi parfois des plus jeunes qui aident des plus âgés), il est frappant que les enfants qui aident imitent les interventions de l’adulte : tutelle, contrôle, évaluation, encouragement. L’adulte est donc un modèle.
Parmi les progrès que font les enfants en situation, il faut mentionner l’élargissement du répertoire de ressources auquel ils peuvent faire appel, justement parce que les enfants ne s’approprient pas purement et simplement ce qui leur est enseigné, mais y vont de leur initiative et de leur imagination. C’est une dimension du développement qui n’était guère valorisée dans l’enseignement d’il y a un siècle, qui l’est davantage aujourd’hui, et c’est bien ! Il est tentant de considérer que, lorsqu’on a une bonne méthode, il n’est pas besoin d’une autre. Mais c’est mésestimer  le fait que lorsqu’on dispose de plusieurs approches, il est plus facile de s’adapter à des cas de figure différents. Un deuxième avantage de ce répertoire de ressources élargi est qu’on est moins démuni devant une situation nouvelle.

Venons en au dernier point : la formation de la rationalité.
La rationalité est un des moyens de développement du pouvoir d’agir. Commençons par le nombre, ou plutôt le dénombrement, qui permet d’associer un nombre à une petite  collection d’objets. Lorsqu’un enfant de quatre ans dénombre les personnes assises là au premier rang, (un, deux, trois, quatre, quatre !), il utilise deux concepts mathématiques importants :
– Celui de correspondance biunivoque (bijection) entre quatre ensembles d’objets distincts : les personnes, les gestes du doigt et de la main, les gestes du regard, les gestes de la voix. S’il va trop vite ou trop lentement dans un registre, il ne peut pas dénombrer.
– Celui de cardinal (ou encore de mesure) : son usage du mot « quatre » a deux fonctions différentes : indiquer le quatrième élément, et dire le cardinal de toute la collection.
C’est le cardinal qui donne un sens à l’addition, pas le numéro d’ordre des objets dénombrés : les numéros d’ordre ne s’additionnent pas.

Parlons donc de l’addition : supposons qu’une petite fille se trouve dans la cuisine avec sa maman, qui lui demande d’aller compter les personnes qui sont dans le salon. « Un, deux, trois, quatre, cinq, cinq ! », et la petite fille retourne dans la cuisine pour délivrer son message. « cinq ! ». La maman demande alors : « et dans le jardin ? » Et la petite fille court dans le jardin : « Un, deux, trois ! » et revient « trois !». Et la maman demande alors « Combien ça fait en tout ? » Et la petite fille retourne dans le salon (« un, deux, trois, quatre, cinq ! »), puis se précipite dans le jardin (« six, sept, huit ! ») et rapporte ce résultat à sa maman : « huit ! ». A-t-elle fait une addition ?
La réponse est non ! parce qu’elle n’a pas composé deux nombres mais seulement fait un nouveau dénombrement. L’addition est une opération sur les nombres, pas sur les objets et les collections. Le dénombrement n’est pas une addition. Les objets, les ensembles et les nombres, ce n’est pas la même chose.
Le théorème en acte associé à l’addition est celui qui dit que compter les parties d’abord et additionner les cardinaux, c’est équivalent au dénombrement du tout. L’opération porte alors sur les nombres : 5 plus 3 ça fait 8.  Et si l’enfant ne sait pas que  5 plus 3 ça fait 8 (le fait numérique comme disent les anglo-saxons), il peut résumer l’information sur la première collection, « 5 », puis compter à partir de là 3 pas en avant : « six, sept, huit », faisant ainsi l’économie du recomptage de la première collection. C’est une première manifestation de l’addition des nombres.

Une anecdote au passage : au moment de la préparation de la coupe du monde, en 1997, le comité d’organisation s’est inquiété de ne pas trouver en France suffisamment de grands stades, susceptibles d’accueillir les visiteurs potentiellement très nombreux, venant du monde entier. Un membre du comité a alors évoqué le stade de Nantes, auquel le comité n’avait pas encore songé. Le président a donc téléphoné le lendemain au Directeur du stade de Nantes ; « Combien y a-t-il de places dans votre stade ? » Réponse du directeur « je ne sais pas ». Celui-ci a alors payé deux personnes pendant deux jours pour dénombrer les places du stade de Nantes.
Evidemment s-ils n’avaient disposé dans leur répertoire que du schème de la petite fille de quatre ans, ils y seraient encore ! Mais ils disposaient heureusement de ressources complémentaires :

  • Le théorème d’addition pour les grands nombres : tu comptes ça, moi je compte ça, on fera l’addition ensuite ;
  • l’algorithme de l’addition en numération écrite (les unités, les dizaines, les centaines etc)
  • la décomposition des blocs rectangulaires en rangées égales : on multiplie alors le nombre de rangées par le nombre de sièges par rangée ;
  • et dans les coins du stade, que fait-on ? L’un des deux comparses suggère alors au second : « tu montes en haut ; tu comptes la dernière rangée ; moi je compte la rangée du bas ; on fait la moyenne et on multiplie par le nombre de rangées ».
  • Mais son interlocuteur reste perplexe « Tu crois ?

A l’évidence cette solution dépassait ses convictions. En d’autres termes le dénombrement est une compétence plus complexe qu’il n’y paraît, et qui peut mettre en défaut des adultes.

Mon dernier exemple concernant la rationalité est issu s’une recherche que j’avais faite pour ma thèse, et qui utilisait un dispositif de barres encastrées les unes dans les autres. Les enfants avaient de quatre à dix ans. J’ai préparé un transparent pour vous en parler, mais comme je n’ai pas de rétroprojecteur, il vous faut imaginer ce dispositif.
On demande à l’enfant de tirer une barre rouge, dans laquelle sont encastrées deux barres : une barre noire qu’on peut tirer, et une barre verte qu’on ne peut pas tirer parce qu’il y a une autre barre (bleue) encastrée dedans. Et dans cette barre bleue une autre barre (violette) est encastrée, dans laquelle une autre barre est encastrée, (orange cette fois). Evidemment les manières de s’y prendre varient beaucoup entre quatre et dix ans, et au-delà de dix ans si on recouvre le dispositif d’un écran, et qu’il faut alors faire des hypothèses sur les relations cachées, comme devait le faire l’observateur de Platon dans le mythe de la caverne.
Qu’observe-t-on ?
D’abord des enfants qui ne voient pas la relation d’encastrement et qui ne dessinent que des barres de couleurs différentes ;
Des enfants qui voient cette relation entre barres mais n’aperçoivent pas son caractère antisymétrique : ils tirent la barre rouge, qui ne vient pas ; ils tirent la barre verte qui ne vient pas non plus puisqu’elle est elle-même bloquée par la barre bleue. Et ils tirent ainsi alternativement la barre verte et la barre rouge, sans succès évidemment. J’interprète cette conduite comme une perception de la connexité, mais pas de l’antisymétrie.
D’autre enfants tirent les barres en tournant autour du dispositif, par exemple dans le sens des aiguilles d’une montre. Théoriquement ils devraient pouvoir aboutir en un nombre fini de tentatives, mais aucun n’y parvient.
La première manière rationnelle de s’y prendre est de remonter de la barre bloquée à la barre qui la bloque, et d’essayer de tirer cette dernière,  en remontant ainsi  de la barre rouge jusqu’à la barre ultime (orange), qui bloque toute les autres ; puis partir  à nouveau de la barre rouge. La plus jeune des enfants ayant réussi de cette manière avait quatre ans et demi. C’est un algorithme spontané. Elle s’est bien gardée de tirer les barres qui n’étaient encastrées dans aucune autre barre.
Bien sûr les enfants peuvent progresser encore, par exemple en utilisant  la propriété de transitivité de la relation de blocage : « s’il faut tirer x pour tirer y ; et tirer y pour tirer z, alors il faut tirer x pour tirer z » Cet algorithme n’apparaît guère avant l’âge de 6 ans, sauf exception.

En résumé, avec ce dispositif, on voit les enfants développer progressivement et spontanément une rationalité importante, à laquelle nous pouvons attribuer des qualités caractéristiques : connexité, antisymétrie, transitivité.
On dit souvent, en mathématiques, que c’est la culture qui apporte aux enfants la rationalité et les algorithmes qui vont avec. C’est vrai  pour l’essentiel ! mais il faut reconnaître en conscience, que la rationalité est aussi une caractéristique spontanée de la pensée, et de celle des enfants en particulier, pas seulement des adultes.