Enfance, culture, musique & pédagogie s’entretient avec Pascal Diard

Le site Enfance, culture, musique & pédagogie consacre son 11ème numéro (janvier 2025) aux Pédagogies actives.

Voir la vidéo de l’entretien de Cristina Agosti-Gherban avec Pascal Diard

Retrouvez également les entretiens menés avec :
Philippe Meirieu
Catherine Peyrot (Pikler Loczy-France)
Marie-Ève Collard Thivillier et Catherine Cortesi Mazurie, (Éduc’ Freinet)
Christophe Moullé et Jonathan Levy (association française Janusz Korczak)
Isabelle Girard (L’école Decroly)
Jean-Baptiste Clerico (CEMEA France)

Formation des cadres et militants des mouvements de Convergence(s)

Le dossier reprend les contenus et démarches de la formation organisée pour la première fois lors de la biennale 2024 à Nantes. Ce sont des « traces » pour les participant.e.s mais le document peut aussi être un support intéressant pour transférer cette initiative ici ou ailleurs … Lire

Voir aussi Retour sur la 4e Biennale Internationale de l’Education Nouvelle – Nantes

Podcast « Faire de l’élève l’auteur de ses propres apprentissages » : les éclairages de Pascal Diard sur le mouvement de l’Éducation nouvelle

Podcast de Lallumeur de réverbères

Par Jorge Brites, le 25 Mars 2024

« Pour ce 28ème épisode du podcast, nous avons décidé de mettre en lumière un mouvement pédagogique et politique qui milite depuis près d’un siècle pour revoir tous les paradigmes qui ont guidé l’édification de l’École de la République depuis le XIXème siècle, et par exemple les Lois Ferry (1881-1882).

L’éducation nouvelle défend le principe d’une participation active des individus à leur propre formation et à leurs apprentissages. L’idée est de sortir de la simple accumulation de connaissances pour avoir une approche globale de l’éducation qui permette de susciter chez l’individu l’esprit d’exploration et de coopération. Une importance égale y est accordée aux différents domaines éducatifs, et l’apprentissage de la vie sociale y est considéré comme central. L’éducation nouvelle fonde sa philosophie dans la confiance dans les ressources propres à chacune et chacun. En somme, elle reconnaît l’éducabilité du genre humain.

Pour nous éclairer, nous avons donné le micro le 3 novembre dernier, à Saint-Ouen, à Pascal DIARD, né en 1961, professeur d’Histoire-géographie à Saint-Denis, et responsable Île-de-France du Groupe Français Éducation Nouvelle (GFEN). »

Ecouter

Éducation nouvelle

Ce dossier n’a pour seule prétention que de rassembler au même endroit les références incontournables de notre mouvement sur l’éducation nouvelle, textes, vidéos, numéros entiers de Dialogue qui fixent les amonts historiques et les pratiques spécifiques du GFEN. Les militants de longue date trouveront plaisir à retrouver des écrits qu’ils connaissent bien, les plus jeunes auront des choses à apprendre et ceux qui découvrent le GFEN pourront se familiariser avec ses valeurs et ses conceptions.

Le dossier est une somme des textes théorisés sur l’Éducation  nouvelle, il ne se substitue pas à toutes les pratiques et tous les dossiers, accumulés depuis de longues années de travail et de formation par les militants. Il ne rend pas compte de la formidable activité du mouvement ni de sa production éditoriale.

Bonnes lectures.


Isabelle Lardon, dossier actualisé en mars 2023

Des textes fondateurs

POURQUOI L’EDUCATION NOUVELLE ?
Texte d’orientation du GFEN revu au congrès de Paris, juin 2019

« L’Éducation Nouvelle prépare chez l’enfant, non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme. »

Principe de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle, 1921

« Contribuer conjointement à former l’Homme et le Citoyen, à éclairer l’action par la pensée, à vivifier la pensée par l’action. »

Henri Wallon

Le texte d’orientation du GFEN, voté en congrès tous les trois ans, a été ré-écrit en 2019 pour adapter ses principes à la période actuelle.
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Origines et jalons historiques

Issu de la Ligue Internationale de l’Education nouvelle, le GFEN a été créé en 1922 à l’initiative de savants et d’éducateurs qui, au sortir de la première guerre mondiale, ont ressenti l’urgence de lutter contre l’acceptation fataliste par les hommes, de la guerre comme solution.
C’est dans la recherche obstinée de cohérence entre valeurs, comportements et pratiques, que le GFEN n’a cessé d’oeuvrer, sur les champs de l’enfance, de l’école, de la formation, comme dans tous les lieux où se construisent des savoirs, pour créer les conditions concrètes de la réussite de tous.
Pour mieux connaitre l’histoire du GFEN, ses amonts et ses secteurs d’interventions.
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Et toute une série de textes qui montrent la place spécifique du GFEN dans l’Éducation nouvelle

D’hier à aujourd’hui, les apports de l’éducation nouvelle au débat éducatif – Jacques Bernardin, 2021

Il est bien difficile de parler de l’éducation nouvelle au singulier, tant les courants qui la composent sont divers au niveau de la philosophie qui les inspire comme à celui des outils et méthodes qui les caractérisent. L’amalgame prête le  flanc  aux critiques et procès, mais aussi aux récupérations idéologiques : de la condamnation des « pédagogistes » au nom d’une culture qu’ils sont censés négliger à la promotion d’une éducation « alternative »… mais privée, le conservatisme élitiste prospère, sur fond de dégradation du crédit de l’école publique. Cela posé, quels éléments singularisent l’apport de l’éducation nouvelle au débat éducatif ?
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Qu’est-ce qu’un mouvement pédagogique aujourd’hui ? Jacques Bernardin, 2013

Répondre à cette question amène à déplier les caractéristiques distinctives des mouvements pédagogiques actuels afin d’en dresser un portrait générique, ici brossé en plusieurs touches :
–  cerner leur singularité associative dans le paysage social ;
–  revenir sur la genèse constitutive de leur orientation ;
–  inventorier leurs fonctions et leurs moyens d’action.
Ce texte questionne les valeurs du GFEN comme mouvement de recherche et de formation qui entend peser  sur les politiques éducatives et les pratiques pédagogiques.
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La démarche d’auto-socio-construction des savoirs, à l’école et en formation
Odette Bassis, 2011

C’est la spécificité de la recherche présentée ici que d’être fondée pour l’essentiel sur une mise en dialectique entre pratique et théorie et cela, à propos de l’acte même d’apprendre et donc, pour l’enseignant, de l’acte d’enseigner.
Un très long article de la présidente d’honneur du GFEN, qui présente cette démarche, emblématique du mouvement.
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Rapport à l’apprentissage dans l’Éducation nouvelle
Jacques Bernardin, 2013

« Ne pouvant prétendre à donner une vision d’ensemble de la façon dont l’Education Nouvelle, dans la pluralité de ses courants, travaille cette question, je me contenterai plus modestement de situer l’approche du GFEN, qui s’inscrit dans une filiation commune tout en déclinant ses recherches et questionnements de façon singulière.
Parler de rapport à l’apprentissage amène à interroger simultanément le regard sur l’apprenant qui y est confronté, la conception du savoir en jeu et le paradigme d’apprentissage qui organise leur rencontre et règle l’activité d’appropriation. »
Un texte fondateur qui explicite clairement les changements de pratiques proposés par le GFEN.
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Tous capables ! Du pari éthique à la loi d’orientation
Jacques Bernardin, 2014, revu 2015

Sujet de controverses lors du débat parlementaire, audace défendue au Sénat avant d’être ratifiée par l’Assemblée nationale*, l’idée que « tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » est désormais inscrite dans la loi de juillet 2013 en tant que principe de l’éducation.
« Tous capables ! » La formule portée avec audace par le GFEN (mouvement pédagogique héritier de Langevin et de Wallon, présidents successifs de 1936 à 1962) fut d’abord un parti-pris éthique (relevant d’une philosophie de l’éducation) et simultanément un défi pédagogique (pour en attester) avant de trouver un étayage scientifique, puis de devenir un principe institutionnalisé.
Au regard des effets socialement sélectifs qui spécifient l’école française au fil des comparaisons internationales, chacun pressent l’exigence que cela fait porter sur l’École, la nécessité de pratiques en rupture avec les logiques du passé… Mais revenons sur les amonts historiques de cette conviction.
*Article 2 de la Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République
Du pari éthique du GFEN au défi pédagogique, une avancée institutionnelle sans précédent…
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Des vidéos

De Jacques Bernardin, Jeanne Dion et Odette Bassis lors d’interventions
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Livres

L’Education Nouvelle
Répondre aux défis éducatifs et sociaux de notre temps

Coordination Michel Baraër, Michel Neumayer, Sophie Reboul, Etiennette Vellas

Chronique Sociale « Pédagogie, formation », 2022, 204 p, 16 €

 
 
 
 
 

Relever les défis de l’Éducation Nouvelle

45 parcours d’avenir

Coordination Odette et Michel Neumayer – EtiennetteVellas. Préface de Philippe Meirieu

Chronique Sociale « l’essentiel », 2009, 271 p,16,90

 

 

Repères pour une éducation nouvelle
Enseigner et (se) former

GFEN secteur Langues, préface P. Meirieu, Conclusion O.Bassis

Chronique Sociale « l’essentiel », 2001, 160 p,13,80

 
 
 

Dialogue

La revue Dialogue a consacré régulièrement des numéros spécifiques à ce thème. Des plus récents pour saluer le centenaire de l’Education nouvelle « 100 ans d’Education Nouvelle. Cultiver l’à venir » (n°184 – avril 2022), « 100 ans d’Education Nouvelle. La faire vivre aujourd’hui » (n°183 – janvier 2022), 100 ans d’Education Nouvelle. Une histoire à partager (182 – octobre 2021)  au plus ancien intitulé « 100 et 1 idées d’éducation nouvelle » (n° 100/101 -2001 épuisé mais téléchargeable gratuitement).
Dialogue n° 161 – L’éducation nouvelle, un engagement toujours renouvelé – Juillet 2016
Dialogue n° 144 – Education et Politique. Histoire ancienne, enjeux d’avenir – Avril 2012
Dialogue n° 141 – Avons-nous encore besoin de la pédagogie ? Actes du colloque de Lyon, 8-9-10 octobre 2010 – Juillet 2011
Dialogue n° 137 – Education nouvelle en marche. Chantiers d’avenir – Juillet 2010
Dialogue n° 126 – Défis pour l’éducation – Octobre 2007
Avec un éditorial de Jacques Bernardin
« Faisant suite à d’importantes échéances électorales, le congrès de Besançon voulait s’inscrire à quels qu’en soient les résultats à dans une perspective de plus long terme : s’attaquer aux défis posés à l’éducation. La démocratisation en panne serait-elle un butoir indépassable ? Faut-il abandonner à au nom du pragmatisme et du réalisme économique à l’expansion des ambitions éducatives pour certains élèves ? Aurait-on déjà tout essayé avec « ces enfants-là » ? Jusqu’où faudra-t-il multiplier les dispositifs d’aide ? »

 

Dialogue n° 112-113 – L’éducation nouvelle est-elle populaire ? – 2004
Dialogue n°109 – Tous capables ! Quel travail ! 2003
Dialogue n° 100-101 – 100 et une idées d’éducation nouvelle – 2001

Et deux numéros « historiques »

Dialogue n° 72 – L’éducation nouvelle, une urgence de civilisation – 1991
Dialogue n° 56 – Histoire du G.F.E.N., une bataille d’idées… et de pratiques – 1985

Centenaire de l’Education Nouvelle

De l’organisation de la biennale de Bruxelles au congrès du GFEN, retour sur l’histoire d’un mouvement d’idées visant l’émancipation individuelle et collective par l’éducation pour tous.

1.   Biennale de l’éducation nouvelle de Bruxelles (2022)

Depuis 2015, cinq associations et mouvements impliqués dans l’éducation formelle, non-formelle, informelle et se réclamant de l’Éducation Nouvelle ont uni leurs forces pour relancer la réflexion autour de ce courant de pensée. Dans un premier temps, il s’est agi de se rencontrer et  échanger sur le socle commun de valeurs partagées. Au-delà des lieux d’intervention des uns et des autres, le besoin d’expliciter et analyser des pratiques, d’en dégager les similitudes mais également les différences a permis des rencontres régulières et fructueuses visant à renforcer la visibilité de l’Éducation Nouvelle. L’objectif était d’autant plus nécessaire que s’installait progressivement une libéralisation de l’école et des espaces éducatifs centrée sur l’individualisation des parcours et la mise en concurrence quels que soient les milieux sociaux. Une première biennale (2017), réservée à nos militants, a permis d’élargir ces échanges.

La deuxième édition (2019) réalisée sur le campus de l’Université de Poitiers a renforcé la dynamique internationale grâce à un projet Erasmus+ instituant des échanges entre travailleurs de jeunesse de différents pays et intégrant nos fédérations internationales (FICEMEA, FIMEM et LIEN).

Ces deux évènements ont installé les bases d’un travail coopératif et progressivement, l’idée de célébrer le centenaire du congrès de Calais[1] et de poursuivre l’oeuvre de nos prédécesseurs par la mise en place du mouvement ConvergENce(s) pour l’Education Nouvelle. Il s’agissait d’accueillir de nouveaux mouvements sur le principe d’une base commune : le Manifeste pour l’Éducation Nouvelle 2022,intitulé « Le monde que nous voulons, les valeurs que nous défendons » conçu comme l’un des éléments d’un projet politique partagé. Après la célébration du centenaire du congrès de Calais en juillet 2022 sur site, la biennale s’est ainsi déplacée vers Bruxelles, accueillie par le CERIA (campus universitaire bruxellois).

Biennale 2022 : opération réussie

 
 
Plus de 500 participants issus de 24 pays se sont inscrits à cette troisième biennale introduite par une conférence de Bernard Charlot :« L’être humain est une aventure.Pour une anthropo-pédagogie contemporaine ». Ils y ont alterné des temps pour penser, des temps pour partager (ateliers échanges de pratiques),des temps pour débattre (enjeux de nos sociétés), des temps pour vivre ensemble (découverte de Bruxelles et nombreuses activités culturelles).

La séance de clôture a permis d’allier expression artistique avec Magali, retours sur les travaux avec Philippe Meirieu, Laurence De Cock, ainsi que les perspectives pour l’avenir.

Performance artistique

 

L’implication du GFEN

Créé en 1922, le GFEN est en filiation directe avec le congrès de Calais de 1921 et s’est inscrit dans cette initiative portée par les CEMEA en intégrant le comité de pilotage des biennales, apportant sa contribution à l’organisation, en diffusant les informations en amont et en aval. Pour la biennale 2019, le GFEN a été support du projet Erasmus+ qui a développé la partie internationale de l’évènement. Faire alliance, accueillir au sein de «ConvergENce(s) pour l’Éducation Nouvelle» les organisations de tous pays agissant au quotidien selon de mêmes principes et valeurs devient une nécessité politique majeure. Dans un monde de plus en plus dur où l’on voit la résurgence de l’intolérance,du rejet de l’autre, où l’individualisme et la rivalité compétitive sont érigés en vertu, il devient urgent de redonner à l’Éducation Nouvelle toute sa place dans les enjeux éducatifs à l’échelle internationale.

Atelier « texte recréé »
Ses militants et sympathisants ont participé nombreux à cette biennale. Par son expérience de la formation dans les milieux difficiles (REP+ et publics en grande précarité), son approche anthropologique du savoir, l’articulation entre théorie et pratique, le GFEN a donné à voir sa singularité dans une culture commune mais multiforme.
Séance de clôture

2. Ivry, 11/12/13 novembre : un congrès pour revisiter une histoire et mieux se projeter

Une histoire à revisiter pour en comprendre les enjeux

 

Durant trois jours, les militants ont revisité l’histoire du mouvement en s’appuyant sur une démarche d’auto-socio-construction conçue par la commission de congrès en charge de l’organisation. Des principes de l’accueil bienveillant des nouveaux militants à l’étude de textes fondateurs pour comprendre l’évolution des idées et des parti-pris philosophiques, les plages de travail se sont succédées dans une ambiance détendue mais studieuse. En1922, dans la filiation de la ligue internationale de l’éducation nouvelle qui posait la question de la responsabilité des éducateurs dans la formation à la paix, à une autre manière de résoudre les conflits, le GFEN déposait ses statuts comme groupe d’étude et de recherche sur les questions éducatives. Sur cette base, les militants se sont organisés en collectifs et groupes de recherche centrés sur des problématiques liées à l’éducation dans une perspective d’émancipation.

Aujourd’hui, le constat économique et social pèse lourdement sur les débats éducatifs : si la massification scolaire a permis l’accès de tous au collège, les inégalités scolaires s’accentuent. La période récente a vu s’accélérer la pauvreté, les difficultés sociales en même temps que la montée des réflexes identitaires, l’individualisme jusque dans les préconisations ministérielles en matière d’éducation et accentué par une marchandisation rampante des savoirs et des moyens de transmission des informations. La fracture sociale se double d’une fracture numérique reléguant chaque jour un peu plus ceux qui ne possèdent pas les codes favorisant une insertion scolaire, économique et sociale.

Le défi aujourd’hui est de construire des réponses aux questions que se posent les éducateurs, quels que soient leurs lieux d’exercice, face aux défis actuels : comment former le futur citoyen à exercer une pensée critique et développer sa capacité de réflexion pour construire avec d’autres des solutions adaptées aux problèmes actuels. Le fil rouge des travaux était donc « un nécessaire sursaut radical face aux défis de notre société » ou comme le dirait Bernard Charlot : « qu’avons-nous à proposer aux générations actuelles ? »  Si les situations politiques, économiques et sociales sont différentes par rapport à 1922, des similitudes existent sur les inégalités persistantes, l’inadéquation des pratiques enseignantes pour élever le niveau général de connaissances, la nécessité de modifier les orientations éducatives pour que chacun trouve sa place dans une société fracturée avec une tendance au repli sur soi. Quelles réponses construire collectivement pour démocratiser l’accès au savoir et à la culture ?

S’adapter aux défis actuels et développer un projet fédérateur

Comme toute association, le GFEN est confronté aux formes nouvelles de l’engagement. Si les orientations politiques restent inchangées, l’investissement des militants est différent aujourd’hui et nécessite une réflexion sur le fonctionnement interne ainsi que la nécessaire adaptabilité des moyens mis en oeuvre. Ce fut le travail des différentes commissions : financière, fonctionnement interne, communication, orientation politique, international. Revisiter l’histoire, c’est aussi comprendre les fonctionnements d’une structure selon les époques pour les faire évoluer et les mettre en cohérence avec les besoins d’une période dans l’intérêt du collectif. C’est à cette condition que se développera le projet du GFEN.

« Tous capables ! » affirmons-nous…  Prôner le principe d’éducabilité ne peut se concevoir sans une démocratisation réelle de l’éducation s’appuyant sur l’interrogation des modalités classiques de la transmission. Il nous faut travailler sur les façons d’enseigner et d’éduquer pour « viser une appropriation critique et raisonnée des contenus culturels en maillant implication personnelle et échanges argumentés avec les pairs ». Viser l’émancipation individuelle et collective passe par une réflexion préalable sur ce qui fait empêchement aux apprentissages : déterminisme social, représentations initiales induites par les groupes d’appartenance, manque d’estime de soi, pratiques langagières… pour permettre à chacun de penser par soi-même en se dégageant des différentes influences. C’est dans un esprit de coopération que s’installent des apprentissages solidaires où la mise en débat permet à chacun de se construire une représentation cohérente du monde. Loin d’une appropriation des savoirs pour soi et dans un esprit mercantile, il s’agit de s’inscrire dans une aventure humaine porteuse de significations partagées visant l’intérêt collectif.

Les outils développés par les militants du GFEN dans les différents groupes et secteurs : démarches d’auto-socio-construction, ateliers d’écriture et de création, formations auprès de publics défavorisés… sont autant d’atouts pour affirmer la volonté du GFEN de s’inscrire dans le mouvement actuel de ConvergENce(s) pour l’Education Nouvelle et d’y prendre toute sa part par la mise en place de collectifs pour réinventer en permanence une éducation en prise avec les réalités des sociétés au sein desquelles nous vivons.

Jacqueline BONNARD
Images :Tiphaine Fabre, Isabelle Lardon, Jacqueline Bonnard

Site convergENce(s)

Sur le Café pédagogique :
– Le GFEN a 100 ans LIRE
– L’éducation nouvelle en biennale LIRE


[1] Congrès de Calais, 6 août 2021. Sont présents à ce congrès : Adolphe Ferrière , Jean Piaget, Maria Montessori et AS Neill. Marqués par les dégâts de la Première Guerre mondiale, il s’agit pour eux de lancer le projet d’une éducation internationale.

Convergences – Écriture d’un Manifeste pour l’Éducation nouvelle


Partageant le constat d’une difficulté à faire vivre la stratégie d’écriture de tous les points du Manifeste par les militants de tous les mouvements dans des regroupements locaux, le comité de pilotage de Convergences propose donc de modifier le processus afin de garantir l’échéance prévue initialement :
produire et rendre public un Manifeste au moment de la Biennale en Belgique.

A la réunion du comité de pilotage en décembre, les huit organisations se répartiront les dix
chapitres du Manifeste. Plusieurs allers-retours auront lieu jusqu’en juin entre chaque mouvement et Convergences pour élaborer une version consolidée du Manifeste qui sera ensuite relu, imprimé, traduit et diffusé aux participant.e.s de la Biennale en octobre 2022.

Rappel ci-dessous :
Les 10 thématiques du Manifeste
I – L’Éducation Nouvelle : un projet politique

1. L’éducation nouvelle n’a pas vocation à rester minoritaire.
2. Elle s’inscrit avant tout dans des missions de service à la société pour tous et toutes considérant
l’éducation comme un bien commun, dans et hors école.
3. Elle se réfère aux droits humains qu’elle cherche à promouvoir et rendre effectifs.
4. L’éducation nouvelle contribue à la transformation de la société dans un sens plus démocratique et plus égalitaire.

II – L’Éducation Nouvelle n’exclut personne

5. Elle vise l’émancipation des individus au sein de la société, en articulant individu et collectif.
6. Elle prend en compte les singularités, avec comme objectif l’enrichissement de tous sans enfermements identitaires.
7. Elle travaille sur le long terme et dans les espaces les plus divers à partir du postulat de l’éducabilité
de tous.
8. Elle participe à une lutte globale contre les inégalités sociales et culturelles.

III – Des convictions sans cesse renouvelées

9. Le savoir est vécu comme aventure humaine.
10. La lutte contre les discriminations s’incarne dans des méthodes et des pratiques en congruence.
11. L’Éducation Nouvelle s’inscrit dans une conception de la laïcité comme principe de liberté et de tolérance, qui « autorise » et garantit les libertés de chacun et chacune, en commençant par les milieux où nous intervenons.
12. Nous promouvons la coopération et l’entraide, la solidarité comme des valeurs essentielles,

IV – Nous sommes praticiens-chercheurs et acteurs sociaux militants

13. Nous promouvons des pratiques fondées sur l’activité des participants, mais aussi sur la réflexion permanente sur ces mêmes pratiques.
14. Notre visée est de développer le pouvoir d’agir de chacun.
15. Nous concevons la formation des acteurs comme permanente et non descendante, fondée sur l’échange, le tâtonnement expérimental, la recherche…
16. L’Éducation Nouvelle, si elle s’appuie sur des valeurs communes fortes, ne s’enferme pas dans des dogmes et est ouverte aux débats enrichissants entre ses composantes et au-delà.

V – Nos ambitions permanentes, nos références fondamentales

17. Notre action est internationale : nous nous enrichissons mutuellement, d’un pays ou d’une région à l’autre et nous promouvons des solidarités constructives.
18. Nous recherchons les conditions favorisant la construction d’une culture de paix pour un monde juste, démocratique et solidaire.
19. Nous combattons la marchandisation de l’éducation.
20. Nous sommes pour une éducation globale qui n’oublie pas le corps.

VI – Nos pratiques, la mise en acte de nos valeurs

21. Nous postulons que tous les êtres humains ont des potentialités immenses, qu’ils sont tous en capacité de créer, d’évoluer et d’agir dans et sur le monde.
22. Nous voulons développer la créativité dans un climat de liberté, en favorisant une appropriation de tout le patrimoine de l’humanité.
23. Nous visons l’autonomie des acteurs fondée sur une vraie confiance envers chacun sur la base de valeurs communes.
24. Les apprenants doivent vivre et poursuivre l’aventure des savoirs, en référence à leur histoire et à leur intégration dans une société.

VII- Le souci constant apporté à l’Enfance, aux enfants et aux jeunes comme condition de progrès

25. L’Éducation Nouvelle veut assurer les droits des enfants à l’éducation, à l’instruction, à l’alimentation, à la santé et à des conditions de vie décentes.
26. Elle doit aussi développer les droits et les capacités d’agir dans la société pour la transformer.
27. Elle doit permettre à tous un accès à toutes les formes et modes d’expression culturels et d’instruction.
28. Elle lutte pour un meilleur accueil des enfants en particulier migrants.

VIII- Une attention particulière l’école…

29. Il s’agit de transformer l’école en un milieu inclusif.
30. Pour l’Éducation Nouvelle, les savoirs enseignés doivent avoir du sens, impliquer les élèves, être davantage ouverts sur la vie dans toutes ses dimensions.
31. Nous sommes pour une évaluation qui ne soit pas celle du tri et de la pression constante mais celle
de l’aide aux apprentissages et au service des progrès de chaque élève.
32. L’Éducation Nouvelle cherche à développer l’esprit critique et l’esprit scientifique chez les jeunes.

IX- …qui ne saurait occulter d’autres enjeux, d’autres champs d’intervention

33. L’Éducation Nouvelle développe la démocratie culturelle.
34. Elle s’engage dans des actions de solidarité active et dans un combat pour éradiquer la pauvreté.
35. Pour l’Éducation Nouvelle, la pratique et le droit à l’égalité de genres sont essentiels.
36. Il s’agit de faire des ponts entre le monde scolaire et extra-scolaire dans une alliance démocratique.

X – L’Éducation Nouvelle prend en compte les nouveaux défis du XXIème siècle

37. Face au défi du numérique, l’Éducation Nouvelle propose de développer ses atouts au bénéfice de tous.
38. Elle lutte contre les utilisations néolibérales, aliénantes ou monopolistiques du numérique.
39. Dans l’urgence écologique, l’Éducation Nouvelle fait de la lutte contre le changement climatique et pour la biodiversité une priorité, ce qui a des conséquences sur les contenus d’apprentissage, sur les moyens à mobiliser…
40. Développer des pratiques allant dans le sens de la sauvegarde d’une planète vivable par les êtres
humains ; en conjuguant le local et le global, la dimension éducative et la dimension politique.

1921-2021 – Lancement de Convergences pour l’Éducation nouvelle

 

Communiqué de presse

Paris, le 22 juin 2021

3 juillet 2021 – LANCEMENT DE CONVERGENCE(S) POUR L’ÉDUCATION NOUVELLE

100 ans après le congrès au cours duquel a été créée la Ligue internationale pour l’Éducation nouvelle à Calais en 1921, « Convergence(s) » installe 2021 comme l’année de l’Éducation nouvelle !

70 militant-e-s des huit mouvements – CEMÉA, CRAP, FESPI, FICEMÉA, FIMEM, GFEN, ICEM, LIEN — convergeront vers Calais le 3 juillet 2021 !
Une ambition : s’unir pour porter des valeurs et des convictions communes, faire « convergence » pour continuer l’histoire de l’Éducation nouvelle, et construire ensemble des perspectives nouvelles pour l’Éducation, en Europe et dans le monde !
Sous le haut patronage de l’UNESCO, soutenu par la Ville de Calais, cet évènement marquera une mobilisation collective au service d’une ambition partagée : l’Éducation, en référence aux principes émancipateurs de l’Éducation nouvelle !
Dans les contextes sociétaux actuels, dans ce monde de plus en plus dur et individualiste, les crises et les difficultés apportent leur lot d’interrogations et d’inquiétudes. Portons haut les couleurs démocratiques de l’Education nouvelle !
Le pari d’éducabilité se situe dans la force de nos pratiques. Leur incroyable modernité signe cette ambition éducative, sociale, politique et culturelle. L’Éducation nouvelle est toujours nouvelle et le restera pour longtemps !
Alors, rejoignez-nous, le 3 juillet 2021 à 14h à Calais, ou sur le canal visio : https://ln.cemea.org/convergences-calais-1921-2021

Pour en savoir plus : Voir le communiqué de presse du 27 mai : https://convergences-educnouv.org/wp-content/uploads/2021/06/Communique-de-presse-27.05.2021.pdf

Contacts : Email : contact@ convergences-educnouv.org
Téléphone : +33 1 53 26 24 24
CEMÉA – 24 rue Marc Seguin, 75883 Paris
Pour toute demande de renseignements pratiques sur la manifestation de juillet 2021 :
Anne Claire Devoge- CEMÉA- anne-claire.devoge@cemea.asso.fr – 06 09 4915 81

Les adhérent.e.s du GFEN ont accès aux comptes rendus et aux documents de Convergences dans
l’espace Adhérents du site du GFEN.

le GFEN sur France Culture

Le GFEN était invité à participer à l’émission « La Fabrique de l’Histoire » de France Culture, en direct, le lundi 27 novembre, de 9h à 10h, pour entamer un cycle hebdomadaire sur l’éducation nouvelle. Jacqueline Bonnard y représentait le GFEN et la biennale de l’éducation nouvelle, avec Anne-Claire Devoge des Ceméa.

Présenté par Emmanuel Laurentin, « La Fabrique de l’Histoire » ambitionne de mieux comprendre le lien qui nous unit au passé. Documentaires, archives commentées, débats, déclinent cette émission quotidienne.

Pour réécouter l’émission
Dans la même série d’émissions sur les pédagogies nouvelles, l’une d’entre elles était consacrée au plan Langevin-Wallon. L’occasion d’entendre les voix de Paul Langevin, Henri Wallon et Henri Piéron qui furent présidents du GFEN.

Conférence sur Henri Wallon, par Jean-Yves ROCHEX (vidéo)

Dans le cadre des ateliers de la Praxis des éditions Delga, en partenariat avec l’Institut Henri Wallon du GFEN, le Centre Suzanne Masson et l’UCP 5

Conférence « Henri Wallon. Actes, pensée »
par Jean-Yves ROCHEX  

Samedi 18 mars 2017, 14h

Centre Suzanne Masson
41 av. du docteur Arnold Netter, 75012 Paris
Présentation

Présentation de l’apport de Jean-Yves Rochex sur Henri Wallon par Joseph Casado (Institut Henri Wallon)

HENRI WALLON :
Professeur au collège de France, directeur du laboratoire  de psychobiologie de l’enfant, il est à l’origine d’un courant psychologique  fécond dont il puise les outils dans la pensée marxiste alors récente. Il fait du champ social, le moteur du développement de la personnalité. S’il s’illustre indépendamment  de  Vygotsky  dans  des  recherches convergentes,  il  avance  comme  lui  une  conception  du développement  différente  de  celle  de  Jean  Piaget,  les  uns et  les  autres  réfutant  les  courants  béhavioriste et  fixiste,  les  psychologisations  abstraites.  Ses  recherches  sont  débattues par ses contradicteurs, et Jean Piaget qui rend un hommage posthume à Vygotski en 1985, aura salué Henri  Wallon en 1961, en affirmant la complémentarité de leurs ?uvres.  Wallon  et  Vygotski  médiatisent  tout  deux  le développement dans l’activité et l’état des relations sociales,  au  contraire des théoriciens  d’autres  courants  de pensée. La conception du développement et de la culture  d’Henri  Wallon  l’ont conduit à un engagement  social, particulièrement dans le domaine de l’école, dont la culture  lui  paraît  devoir  être  refondée et intégrer les « humanités techniques » au même titre que les sciences les humanités classiques.  Avec P. Langevin, il propose en 1947 un projet de réforme pour  l’école. Il milite  à  la promotion de l’éducation populaire (CEMEA) et de l’éducation  Nouvelle  (GFEN)  dont  il  est  le  président  jusqu’en 1962.

Rapport à l’apprentissage dans l’Education Nouvelle : actualité et débats

 Jacques BERNARDIN

Séminaire de la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants) 18-19 janvier 2013  – Pôle Innovant Lycéen, 96 rue Barrault, Paris 13ème

Ne pouvant prétendre à donner une vision d’ensemble de la façon dont l’Education Nouvelle, dans la
pluralité de ses courants, travaille cette question, je me contenterai plus modestement de situer l’approche du GFEN, qui s’inscrit dans une filiation commune tout en déclinant ses recherches et questionnements de façon singulière.

Parler de rapport à l’apprentissage amène à interroger simultanément le regard sur l’apprenant
qui y est confronté, la conception du savoir en jeu et le paradigme d’apprentissage qui organise leur rencontre et règle l’activité d’appropriation.

I/ La vision du sujet

1) Le principe d’éducabilité  est un acquis commun (contre toutes les théories fatalistes).

Parmi les pionniers de l’Education Nouvelle, on trouve beaucoup de médecins qui ont pris en charge des enfants jugés inéducables, dont tout le monde désespérait, enfants dits « arriérés » ou difficiles : Maria Montessori (Italie), Edouard Claparède (Institut JJ Rousseau, Genève), John Dewey (USA), Ovide
Decroly (Belgique), et en France, Alfred Binet et Henri Wallon (médecin neuropsychiatre, auteur d’une thèse sur l’Enfant turbulent en 1925)…

Le GFEN parlait de « pédagogie de la réussite » en 1968, a combattu l’idéologie des dons (1974)[1], et lancera en 1982 le défi du « tous capables ! ». Aujourd’hui, les travaux des neurosciences sur la plasticité cérébrale viennent étayer ce qui était un pari éducatif à résonance sociale : rien n’est définitivement joué pour qui que ce soit, ni à 2 ans, ni à 6, le développement peut reprendre et se poursuivre tout au long de la vie… pour peu que le contexte et les activités y soient propices[2]. Du
côté de la psychologie sociale, les travaux de Rosenthal et Jacobson dans les années 70 sur l’effet Pygmalion[3], qui ont été soumis au débat critique à travers de multiples recherches depuis, attestent de l’importance des attentes professorales à l’égard de celui qui apprend, attentes qui se traduisent par des modifications inconscientes du comportement et de la conduite de classe[4].

2) La centration sur le développement (contre une naturalisation… justifiant les inégalités).

L’Education Nouvelle est contemporaine des travaux de la psychologie, y trouve son appui et
sa légitimité : travaux de Jean Piaget, Henri Wallon (et parallèlement de L.S. Vygotski) sur la psychogenèse. Ces travaux convergent sur l’importance de plusieurs facteurs contribuant au développement du sujet, notamment du milieu et de l’activité de l’apprenant.

L’importance du milieu, de ses stimulations (contre l’idée d’« auto-développement »). D’une part, le milieu où l’individu évolue n’est pas un milieu naturel, mais culturel et technique, milieu social façonné et transformé par l’histoire humaine. D’autre part, l’enfant est au carrefour de plusieurs milieux, l’amenant à des comparaisons et à des choix, permettant l’émancipation de celui qui vivait « encastré dans sa vie familiale » (H. Wallon). Enfin, le groupe est « initiateur de pratiques sociales », pousse à la double contrainte de singularité (faire sa place) et de conformité (qui ne se plie pas aux règles communes se met « hors jeu »), servant conjointement la personnalisation et la socialisation.

Le GFEN développera la notion de « milieu stimulant » : maison du Renouveau à Montmorency,
accueillant des orphelins de la Shoah (1945-1960)[5] ; groupe expérimental du XXè arr. de Paris (34 classes – de 1962 à 1971) avec ateliers-clubs intégrant les parents[6] ; équipes d’école à Morlaix, Ivry, Drancy, Paris [école Jourdain], Antony…[7] ; Parlement d’élèves au collège des Gorguettes à Cassis (1982)[8]

La prévalence de l’activité, du « faire », de l’expérience… (contre le formalisme abstrait)

Les références pourraient se multiplier sur ce point. Nous ne citerons que quelques auteurs :

* O. Decroly : « Pour ce qui concerne les méthodes d’acquisition des connaissances et des techniques, il faut accorder le plus d’importance à celles qui permettent la redécouverte, l’expérience personnelle, l’activité, la réalisation individuelle ou collective, en un mot, la solution complète de problèmes réels »[9].

* J. Piaget : « (…) une vérité n’est réellement assimilée en tant que vérité dans la mesure seulement où elle a été reconstruite ou redécouverte au moyen d’une activité suffisante (…) Les connaissances dérivent de l’action (…) Connaître un objet, c’est agir sur lui et le transformer (…)»[10].

* H. Wallon : « (…) s’accommoder, s’adapter au réel, l’utiliser et, à cet effet, le connaître. L’intelligence, instrument de connaissance, sort de l’action et y retourne »[11].

Comme bien d’autres, le GFEN parle de « pédagogie active ». Marqué par l’empreinte de ses présidents
successifs (Paul Langevin 1936-46, Henri Wallon 1946-62), ce sont les pratiques d’apprentissage qui seront au cœur de sa réflexion. Promotion des ateliers d’écriture (1975)[12] puis de création ; pédagogie du projet (1982)[13] et
– parce qu’il ne s’agit pas de négliger la question des savoirs – démarches de construction de savoir.
Lente gestation, depuis la « méthode d’observation » (portée par Aurélien Fabre, faisant transition avec les travaux de Wallon auprès de Robert Gloton qui la met en œuvre avec les équipes du groupe expérimental du XXè)[14], qui deviendra « démarche d’observation et de structuration » (1971) avant
d’être appelée, suite à l’expérience du Tchad avec Henri et Odette Bassis (occasion de formation des maîtres à l’échelle d’un pays, de 1971 à 1975)[15], « démarche d’auto-socio-construction du savoir » dans les années 80, Odette Bassis en formalisant les caractéristiques depuis les apports croisés de
Piaget, Wallon et Bachelard notamment [16].

3) La lucidité sociologique (contre une vision idéalisée de l’enfant)

On ne peut ignorer la nature socialement ségrégative des difficultés scolaires, ce qui explique notre attention aux travaux de sociologie pouvant rendre compte de « la reproduction ». Si la sociologie critique de Bourdieu la dévoilait en 1970, elle était insuffisante à en expliquer précisément les rouages, faisant la part belle à des surdéterminations sociales. Or, la reproduction n’est pas aussi automatique et les cas atypiques marquent les limites de cette logique « mécaniste » faisant peu de cas du sens que
les individus accordent aux situations.

En 1982, Bernard Charlot contribue à l’ouvrage collectif du GFEN « Quelles pratiques pour une autre école ? » avec un article intitulé « Je serai ouvrier comme papa, alors à quoi ça me sert d’apprendre ?» Réflexion amorçant le travail développé à l’université Paris 8 sur le rapport au savoir, visant
à comprendre la logique des élèves face aux apprentissages[17]. Comment le « social » s’incarne-t-il dans l’appétence à apprendre, dans la posture et les comportements des élèves en classe ? Aujourd’hui, la crise du sens d’apprendre est plus marquée que jamais : les certifications ne sont plus garantes de l’emploi ; l’inflation des diplômés alimente la déflation de la valeur des diplômes ; la concurrence des nouvelles technologies d’accès à l’information interroge la pertinence de ce qui est proposé à l’école, au
niveau de la forme comme des contenus. A quoi ça sert ? Ne cessent de demander certains élèves, n’investissant que ce qui leur apparaît « utile » dans la course scolaire ou vis-à-vis du futur
professionnel. Leur rapport à l’apprentissage balance entre attente passive et activisme improductif, ils sont imbriqués dans le « faire » mais sans distance vis-à-vis de la situation, dont ils peinent à percevoir et investir les véritables enjeux cognitifs, élèves qui sont plus prompts à l’exercice et à la mémorisation qu’à la recherche et à l’exploration créatrice. Bien des élèves sont ainsi en situation de « décrochage cognitif » précoce… et cumulatif, qui se traduit par la fuite ou l’absentéisme, sur fond de dégradation
de l’estime de soi.

Aussi, de notre point de vue, c’est moins l’élève qu’il faut mettre au centre (par une sorte de bienveillance compassionnelle) que son rapport au savoir, qu’il faut prendre en compte et faire évoluer.
Et ce, grâce à l’activité… Mais de quelle activité parle-t-on ?

II/ La « pédagogie active » en question

L’Education Nouvelle est dans un paradoxe. Alors qu’elle est mal connue (à cause d’une reconnaissance
institutionnelle incertaine et de sa faible place dans la formation, rendant sa diffusion très aléatoire), elle est accusée de tous les maux, que ce soit par les courants réactionnaires (dénonçant le « pédagogisme », avatar de l’esprit de 68) ou à ce qui est plus gênant à par la recherche.

Ainsi, Basil Bernstein qui critique les « pédagogies invisibles »[18] ; Philippe Perrenoud qui s’interroge : « Les pédagogies nouvelles sont-elles élitaires ? »[19] ou ces chercheurs québécois qui, en 2005, à travers une recension de recherches internationales, font une critique radicale du constructivisme, des approches centrées sur l’élève, de la différenciation pédagogique et de la pédagogie du projet
(constatant de mauvais résultats des élèves malgré la dynamique pédagogique apparente des écoles) et prônent un « enseignement explicite »[20].
Plus récemment, en 2011, le réseau RESEIDA piste les processus de différenciation à l’œuvre dans les classes « ordinaires », interroge la doxa constructiviste qui les sous-tend[21].

Que constatent-ils ? Assez souvent, un retrait du maître au prétexte qu’il faut mettre les élèves « en activité ». Deux processus sont distingués. Le processus de différenciation « passive » présuppose
tous les élèves en phase avec les demandes et attendus scolaires. Faute de clarification préalable, les élèves s’égarent dans des interprétations inappropriées des situations. Et il n’y a guère de recadrage par la suite, l’activité d’appropriation n’étant pas assez planifiée par manque d’analyse approfondie de l’objet travaillé. Enfin, au terme de la situation, comme il n’y a pas de reprise réflexive, les élèves restent dans la logique de l’expérience vécue. Au total, tout se passe comme si l’habillage des tâches et le déroulé de la séance étaient privilégiés, au détriment de la réflexion sur les enjeux cognitifs.

Le processus de différenciation « active » est à l’œuvre quand l’intervention éducative, cherchant à s’adapter aux élèves, les dessert à son insu. L’organisation standard des séances comprend un temps de travail individuel suivi d’une phase de confrontation et de validation, avant une reprise conclusive aboutissant à une synthèse. Or, on observe que ce dernier temps, essentiel pour la montée en généralité et l’exercice de la réflexion, est souvent écrasé et ne sollicite que les « meilleurs » élèves… et
l’enseignant. Comment s’étonner alors du décalage entre ce qu’on croit avoir travaillé collectivement à l’oral et les résultats du travail individuel écrit ?
Face aux difficultés rencontrées par certains élèves, les professeurs aménagent le support ou la tâche en réduisant leur complexité, segmentent le travail et font un guidage renforcé. Les sollicitations et interactions sont ainsi revues à la baisse, aboutissant dans la même classe à des « contrats didactiques
différentiels » qui étirent les différences en croyant les réduire. Quant aux usages du langage, plus les élèves sont considérés comme ayant de difficultés scolaires et/ou étant de milieux populaires, plus les interventions et le dialogue sont sur le registre quotidien, local et contextualisé, discours régulateur « horizontal » au détriment d’un discours instructeur « vertical » qui décontextualise, tire leçon de l’expérience, sert l’élaboration intellectuelle dans une visée cognitive.

D’où la nécessité d’interroger la pédagogie active… dans sa mise en œuvre concrète. Cela oblige à mieux cerner l’objet de savoir, « ce qu’il y a à comprendre », et à revisiter les modalités d’apprentissage en conséquence.

III/ La conception du savoir

Pour les élèves scolairement fragiles, les savoirs sont perçus comme des obligations formelles plus ou moins utiles pour obtenir de bonnes notes, passer et avoir un bon métier plus tard. Savoirs qui sont appréhendés comme des objets réifiés, vérités atemporelles qu’il s’agit, de leur point de vue,
d’ « enregistrer », de mémoriser puis de restituer lors des contrôles. Faut-il alors s’étonner de la forte déperdition des savoirs et de leur improbable transfert ? Faible valeur des savoirs et méprise quant à
leur nature pourraient expliquer l’extériorité des élèves vis-à-vis de leur apprentissage. Quels renversements viser ?

1) La valeur du savoir

Perçus dans leur unique valeur sociale d’échange, les savoirs ne sont pas perçus comme ayant plus foncièrement une valeur anthropologique d’usage : les objets techniques, les œuvres culturelles, les concepts, les systèmes symboliques sont autant d’outils de compréhension, de maîtrise symbolique mettant de l’ordre dans le chaos, médiatisant le rapport au réel et redoublant les pouvoirs d’action sur le monde. Ni tombés du ciel, ni jaillis spontanément de l’expérience, ils sont produits de l’activité humaine face aux besoins qui se sont imposés, faisant reculer les limites du possible par les audaces inventives
et la puissance de l’intelligence collective. Autrement dit, pour l’humanité comme pour celui qui en recueille l’héritage, ce sont des outils d’émancipation faisant pièce à l’esprit de fatalité.

2) Leur nature

Ces outils et les significations qu’ils incarnent ont été progressivement élaborés, sont les fruits de processus socio-historiques ayant des caractéristiques semblables. A l’origine, ils sont réponses à des problèmes sociaux qui se sont transformés en défis cognitifs (comment communiquer à distance sans ambiguïté, garder trace de grandes quantités, prévoir les récoltes, mesurer le temps, restituer les terrains inondés par le Nil, rendre compte de l’espace, mesurer à distance, prévenir les catastrophes naturelles, éviter ou soigner les maladies, etc.). Par ailleurs, leur genèse est jalonnée d’obstacles successifs, d’étapes constitutives avec :

– une formalisation progressive (d’une vaste pluralité d’idéogrammes à un nombre restreint de lettres, dont la valeur est organisée dans un pluri-système graphique ; des calculi dans leur bulle d’argile à leur représentation chiffrée, dans un système de numération positionnelle ; de la corde à treize nœuds des égyptiens au théorème de Pythagore ; de la ruse pour mesurer la hauteur de la pyramide au théorème de Thalès…) ;

– des ruptures, englobant les états antérieurs des connaissances en les débordant ou bien invalidant les savoirs passés (ainsi, la théorie microbienne de Pasteur contre la génération spontanée, la tectonique des plaques contre la dérive des continents de Wegener, la révolution évolutionniste de Darwin, la conception héliocentriste de Copernic…).

Sans se noyer dans une histoire culturelle exhaustive, l’interrogation épistémologique permet de ressaisir les savoirs au cœur de leur intimité conceptuelle : à quelle question répondent-ils ? Qu’est-ce qui les a amenés à évoluer ?
Autant d’appuis donnant sens et saveur aux savoirs, pouvant redonner goût d’apprendre et servir une appropriation raisonnée.

Autrement dit, pour transformer de façon sensible le rapport aux objets culturels, il s’agit d’amener les élèves à s’approprier les savoirs à travers les processus qui les ont constitués, qui en justifient l’existence et en légitiment la forme actuelle.

IV/ Le paradigme d’apprentissage

En écho avec cette conception socio-historique des savoirs, le GFEN se situe dans une approche
socioconstructiviste de l’apprentissage. Quelques points de repères.

1) Cerner la rupture (G. Bachelard : « on connaît contre une connaissance antérieure »…)

Une double interrogation s’impose pour cerner la (ou les) rupture(s) à faire opérer :

– du côté du savoir : questionnement épistémologique de ses amonts constitutifs ;

– du côté des élèves : pour transformer les conceptions préalables, encore faut-il les
connaître, observer les élèves et analyser leurs erreurs pour en déterminer la nature.

2) Débat contenu / méthode : pas de fétichisation du dispositif

Le dispositif d’apprentissage ne vaut que par rapport à l’intention, à l’enjeu, au contenu visé.

Le « travail de groupe », qui fait partie de la doxa de l’éducation contemporaine, n’a pas de sens hors d’objectifs précis : confrontation des points de vues singuliers ; débat sur des critères de catégorisation ; recherche commune d’invariants ; changement d’orientation de l’activité (ex. formaliser par un schéma, un tableau, une phrase conclusive…). A contrario des idées reçues, le magistral peut avoir sa place à un moment donné…

Une « démarche » est opératoire pour optimiser l’appropriation d’une nouvelle notion, de concepts-clés. Elle est pertinente pour modifier le rapport au savoir car elle « met en scène » le problème à résoudre et aménage les étapes pour y parvenir. Elle sollicite l’engagement personnel, pousse au débat de preuves, stimule l’intérêt, la recherche individuelle et collective, ouvre à une compréhension partagée. L’essentiel étant moins le dispositif que la démarche intellectuelle des apprenants, la conduite de l’activité importe tout autant que sa préparation.

3) Une conduite de classesur le fil des paradoxes.

Il s’agit de prendre en compte la singularité des élèves, de ne pas se substituer à leur libre cheminement sans pour autant qu’ils se perdent, au regard de l’objectif à atteindre. Jamais semblable selon le groupe et les individualités qui s’y expriment, la conduite de classe – notamment lors de séances inaugurales de
nouvelles notions – est au carrefour de plusieurs zones de tension qui en assurent la dynamique et en gagent la pertinence.

– Cadre instruit / libre cheminement. Le lancement de l’activité est un moment clé de la mobilisation initiale : présentation de l’enjeu, clarification du but à travers la réappropriation de la consigne voire présentation des formes de travail et de leur durée contribuent à installer le cadre de travail, à
éviter les interprétations hasardeuses de la situation et les malentendus parasites, sans pour autant rien dévoiler de ce qui va faire l’objet de l’exploration conjointe.

L’accompagnement passe ensuite par d’éventuels recadrages afin de ne pas perdre l’objet et de faire en sorte que chacun saisisse clairement, au-delà du but opératoire (ce qu’il y a à faire), le but cognitif (la question à résoudre) : temps de « dévolution » du problème aux élèves, amorce incontournable pour sa
résolution.

– Engagement individuel / dynamique collective. Tension ici entre la nécessité  pour chacun de s’engager, de s’impliquer, de tisser un rapport personnel à l’objet (point de vue inévitablement subjectif)
comme de la rencontre avec les points de vue des autres sur le même objet, afin de l’appréhender avec plus de recul, de distance.

Pour Piaget, faute de confrontation, « l’individu demeure prisonnier de son point de vue qu’il considère naturellement comme absolu. (…) L’objectivité ne suppose pas seulement en effet l’accord avec l’expérience mais plutôt l’accord des esprits, ou plutôt, c’est par la critique mutuelle et la
coordination des perspectives que l’esprit dépasse l’expérience immédiate 
».
Point de vue partagé par Aurélien Fabre, s’appuyant sur Wallon : «(Le facteur commun) se dégage de la confrontation des représentations individuelles que les enfants, chacun pour leur propre compte, viennent de tirer de l’objet. Il se situe exactement au point de convergence de ces représentations par leur retour sur l’objet ; il consiste dans le réajustement des perceptions sur l’objet de manière à donner à la représentation un même contenu que le mot viendra enfermer et fixer. C’est dans cette activité à double face, perception du côté de l’objet, et langage du côté du social, que se trouve le moment de la connaissance, celui où se décide le sort de la vérité ou de l’erreur »[22]. Moment
clé du débat de preuves, où les pensées subjectives évoluent en entrant dans un processus d’objectivation.

– Viser la réussite / … ou la compréhension ?

La question, provocatrice, attire l’attention sur les limites de l’expérience en matière d’apprentissages,
notamment intellectuels. « Faire » voire réussir ne suffit pas pour savoir. Encore faut-il tirer leçon de l’expérience, prendre du recul : « (…) Le réel, pour être objet de connaissance, ne se donne pas directement à voir, il doit être représenté, construit, interprété, faire l’objet d’une élaboration.»[23].  Ressaisie de l’objet et/ou des stratégies utilisées qui vise la prise de conscience. Piaget insiste sur ce point, Vygotski le confirme : « la prise de conscience, conçue comme généralisation, conduit directement à la maîtrise »[24].

Pédagogie active, oui… mais à condition qu’elle intègre l’activité intellectuelle des élèves.

– Du rôle de l’enseignant d’Education nouvelle.

Se mettre en retrait, renvoyer en miroir les questions que les élèves nous adressent (afin qu’ils se sentent autorisés à penser par eux-mêmes) est une attitude pertinente pour qui vise leur émancipation intellectuelle. Toutefois, on a évoqué les limites d’un retrait excessif, pouvant contribuer aux malentendus, au brouillage des pistes pour les élèves qui ne sont pas en connivence avec
l’univers scolaire. Ce qui amène à poser le dernier paradoxe :

Adopter la posture du « maître ignorant »[25], certes… mais sans pédagogie de l’abstention !


[1] GFEN, L’échec scolaire. « Doué ou non doué » ? Editions sociales, 1974.

[2] GFEN (coll.), Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard, La Dispute, 2009.

[3] Robert A. Rosenthal et Lenore Jacobson, Pygmalion à l’école. L’attente du maître et le développement intellectuel des élèves, Casterman, 1971.

[4] David Trouilloud, Philippe Sarrazin, « Les connaissance actuelles sur l’effet Pygmalion : processus, poids et modulateurs » (Note de synthèse), Revue Française de Pédagogie N°145, oct.-nov.-déc. 2003, p. 89-119.

[5] Claude François-Unger, L’adolescent inadapté, PUF, 1957.

[6] Robert Gloton (dir.), A la recherche de l’école de demain. Collection Bourrelier, Armand Colin, 1971.

[7] GFEN / Robert Gloton (dir.), L’établissement scolaire : unité éducative, Casterman, 1977.

[8] Vincent Ambite, Il s’est passé quelque chose à Cassis. Des témoins parlent, Casterman, 1982.

[9] Ovide Decroly, Manuscrit, oct. 1929 (Cf. Le Docteur Decroly et l’éducation, Centre d’Etudes decrolyennes, Ecole Decroly-Ermitage, Bruxelles, mars 1999, p. 20).

[10] Jean Piaget, Psychologie et pédagogie, Denoël / Gonthier, 1969 (respectivement, p. 45 et 48).

[11] Henri Wallon, De l’acte à la pensée. Essai de psychologie comparée, Flammarion, 1970, p. 9.

[12] GFEN / Michel Cosem (dir.), Le pouvoir de la Poésie, Casterman, 1978.

[13] GFEN / Michel Huber (dir.), Agir ensemble à l’école. Aujourd’hui… la pédagogie du projet, Casterman, 1982.

[14] Aurélien Fabre, L’école active expérimentale, PUF, 1972 (Vice-président du GFEN à l’époque).

[15] Henri Bassis, Des maîtres pour une autre école : former ou transformer ? Casterman, 1978.

[16] GFEN, Quelles pratiques pour une autre école ? Casterman, 1982 ; Odette Bassis, Se construire dans le savoir, ESF, 1998.

[17] Cf. Bernard Charlot, Elisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, École et savoir dans les banlieues… et ailleurs, Armand Colin, 1992 ; Bernard Charlot, Du Rapport au savoir. Éléments pour une théorie, Anthropos, 1997.

[18] Basil Bernstein, Classes et pédagogies : visibles et invisibles, Paris, CERI-OCDE, 1975

[19] Philippe Perrenoud, La pédagogie à l’école des différences. Fragments d’une sociologie de l’échec. ESF, 1995

[20]
Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier, « Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés », Note de synthèse, Revue
Française de Pédagogie
, n°150, janvier-février-mars 2005, p. 87-141.

[21] Jean-Yves Rochex, Jacques Crinon (dir.), La construction des inégalités scolaires. Au cœur des pratiques et des dispositifs d’enseignement. PUR, Rennes, 2011.

[22] Aurélien Fabre, L’école active expérimentale, PUF, 1972, p. 96.

[23] Elisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, Henri Wallon. L’enfant et ses milieux, Hachette, 1999, p. 49.

[24] L.S. Vygotski, Pensée et Langage, Editions Sociales (1934/1985).

[25] Jacques Rancière, Joseph JacototLe maître ignorant, 10/18, 2004.

Retour sur les Rencontres du LIEN, Tunisie, juillet 2012

de MAHDIA (Tunisie), 15-18 juillet 2012

Un bref retour croisé

Odette et Michel Neumayer (GFEN), Etiennette Vellas (GREN)

 

On pourrait raconter Mahdia en suivant bien des fils…

… Celui de la richesse des rencontres interpersonnelles.

Une centaine de personnes étaient présentes (nous avons dû clore les inscriptions un mois avant la date officielle). Tunisiennes évidemment (environ la moitié des participants) mais aussi européennes (Suisse, Belgique, Luxembourg, Allemagne, Italie, France), mais encore haïtiennes, russe, boliviennes et même
une personne japonaise ! Superbe croisement, richesse des découvertes.

… Celui des langues et des cultures.

Nous avons veillé à leur présence effective aussi bien dans les groupes de travail, les plénières que lors d’un forum des langues. Nous avons affirmé notre diversité, traduit et lu nos problématiques en plusieurs langues, chanté et échangé.

… Celui de la naissance d’un groupe nouveau, le GTEN (Groupe Tunisien d’Éducation Nouvelle).

Nous avons remercié chaleureusement ce mouvement « tout neuf », en relation avec le GBEN
depuis quelques années déjà, et qui agit dans un contexte social et politique particulièrement complexe. En relation avec les autres mouvements du LIEN d’Europe et des Amériques, il a su avec brio faire de l’organisation de ces Rencontres une belle réussite.

Celui de notre préoccupation commune : agir pour la transformation de nos sociétés à travers la transformation de nos systèmes scolaires et de formation. Nous avons pris conscience de l’étonnante
proximité de nos préoccupations.

Celui de la transmission entre groupes, personnes, générations.

Nous avons veillé à inscrire notre présent dans l’Histoire de l’Éducation nouvelle, cet ensemble
de pratiques, de théories, de partis pris et d’engagements. Ce fut le cas dès l’ouverture avec l’atelier proposé à tous du GBEN sur « quelques 25 idées d’Éducation nouvelle ». Cela se confirma avec la présence du GHEN (Groupe haïtien) qui se développe et fête sa deuxième année d’existence. Cela se
traduira bientôt par la création (re-création) d’un groupe d’Éducation nouvelle en Italie.

Celui de la préparation internationale inter-mouvements : d’abord un défi, celui de tenir ces Rencontres en terre africaine ; puis un patient travail, mis en musique par le GREN (en charge en ce premier semestre 2012 de la coordination des activités du LIEN) en étroite collaboration avec les ami(e)s tunisien(nes)s sur place. Le pari a été tenu et réussi (!),  sachant que cette préparation internationale est une spécificité du LIEN par rapport aux Universités d’été du GFEN par exemple.

On pourrait évoquer les objets de travail retenus : au delà des ateliers consacrés à la lecture, aux langues, aux sciences, à l’écriture, aux arts plastiques, à divers projets d’école d’Éducation nouvelle, au travail avec des adultes, insistons sur le souci partagé de faire exister dans nos pays, si différents et si proches malgré tout, une variété de pratiques qui soient à la hauteur de nos engagements : une école juste, démocratique, inclusive, créative, humaine.

On pourrait décrire les modes de travail retenus :
« ateliers » mais aussi des « cartes blanches », deux « forums », un « atelier d’écriture et de réflexion » (Mosaïques d’expériences) auquel tous les participants étaient quotidiennement conviés en fin d’après-midi.

Nous terminerons ce bref compte-rendu par un début d’inventaire (en vrac), de quelques points sur
lesquels nous avons le sentiment d’avoir avancé par rapport à nos précédentes Rencontres du LIEN (Ciney 2009, Marly-le-Roi 2006, Malone 2003) :

  • le renforcement de la dimension internationale.
  • la collaboration étroite, le travail intense, exigeant, d’entrer dans des cultures, des rapports aux savoirs, au temps, à l’Éducation nouvelle elle-même, etc. différents) afin que le GTEN,  puisse
    organiser l’accueil en participant pleinement à la préparation conceptuelle du tout aussi.
  • la participation de nombreuses personnes de Tunisie venant découvrir pour la première fois des pratiques d’Éducation nouvelle.
  • la place affirmée de l’écriture pour tous et par tous, avec la perspective d’un écrit collectif et la naissance d’un collectif de coordination international pour mener à bien ce projet.
  • la reconnaissance des apports de chacun, dans les ateliers évidemment, mais aussi par le biais de Cartes blanches très brèves et variées (10 minutes pour parler d’un sujet qui tient particulièrement à cœur).
  • la notion d’engagement : chacun a compris qu’il pouvait changer quelque chose à son quotidien, se donner des perspectives en prenant appui sur ses découvertes, ses étonnements, ses partages.
  • la dimension de la confiance réciproque.
  • le constat que des principes et des pratiques d’Éducation nouvelle existent, que l’on peut en parler, y accéder, choisir à titre personnel mais aussi collectivement ceux qui semblent les plus pertinents. (La mise à disposition de livres offerts à la lecture des participants sur place et ultérieurement au GTEN a matérialisé notre souci de partager nos outils).
  • la place de pratiques de création qui permettent le détour réflexif et sont des défis collectifs.
  • l’ouverture aux langues (nous sommes en demande, à l’écoute, interpellés par leur mystère).
  • la perception des apports originaux du GFEN en matière de sciences, de création, de langue, et notre souci (partagé) de prendre appui sur l’Histoire de l’Éducation nouvelle. Des apports incarnés par des personnes (nous étions une dizaine à Mahdia, « toutes générations confondues », membres du GFEN)
  • le développement du site du LIEN (www.lelien.org), porté actuellement par la Suisse, la Belgique et la France et qui s’est donné pour mission de mettre en ligne une série de documents sur les Rencontres (descriptifs des ateliers, réflexions, Cartes blanches, etc.). Le site proposant par ailleurs des témoignages, des documents, des références de lecture et bien d’autres choses qui attestent que l’Éducation nouvelle se développe dans le monde. L’organisation et la gestion du site sont, depuis Mahdia, de plus en plus coopératives et internationales.

Restent des questions encore non traitées :

  • le rapport des mouvements d’Éducation nouvelle aux institutions de leur pays.
  • les stratégies de développement, les partenariats et les alliés, dans et hors l’école.
  • les suites à donner aux Rencontres et l’organisation du LIEN (principes et fonctionnement).

Ces quelques lignes pour faire comprendre qu’à Mahdia nous avons vécu de l’inoubliable… que le LIEN commence à être une très belle histoire… que c’est celle de nos mouvements d’Éducation nouvelle réunis.

Sur les traces du Dr Janusz Korczak

 Colette CHARLET- 2012

L’année 2012 est marquée par une série d’hommages au Dr Korczak (1878-1942), tant en Pologne, qu’ailleurs dans le monde. Ainsi, en a décidé le Parlement Polonais.

En effet, il y a 100 ans qu’il créa sa première maison d’enfants à Varsovie (Dom Sieriot). Cela fait aussi 70 ans, qu’il disparut tragiquement avec ses 200 orphelins vers le camp d’extermination de Treblinka.

Malheureusement, force est de constater que de nos jours, des atrocités se perpétuent à l’encontre des enfants sur des zones de conflits, en dépit de grandes déclarations d’institutions internationales.

Korczak bouleversa notre rapport à l’enfant, en revendiquant sa place de sujet et d’acteur. Par ses ouvrages, dès 1928, il est considéré comme le précurseur de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

En France, l’Association Française Janusz Korczak (AFJK) est à l’initiative d’une série de manifestations avec l’appui de certaines municipalités, en direction du monde associatif, des éducateurs, des jeunes…

Sur la plan international : la Mission Polonaise des Nations Unies de Genève, a organisé un séminaire le 1er et 2 Juin  2012 pour lui rendre hommage et inciter à mettre en pratique ses idées.

Notre mouvement ne peut rester à l’écart de ces initiatives, parce qu’historiquement des personnalités comme Mme François (Claude François Unger), compatriote de Korczak et créatrice de la Maison d’Enfants : « Le Renouveau », nous fit connaître l’œuvre de ce grand éducateur, à la fin des années 70. Celle-ci était membre du BN et du comité de rédaction de notre revue Dialogue. Plusieurs articles évoquèrent le parcours de ce pionnier de l’éducation nouvelle et une exposition lui fut consacrée à l’INRP.

Mme François, ne cessa de nous rappeler qu’il fallait aller au-delà des évocations et célébrations (point de pleurnicheries ! répétait-elle…) car Korczak était à la fois : médecin, éducateur, écrivain, penseur d’avant-garde dont « la réflexion dépasse la cadre de son époque ».

Dans sa maison d’enfants, tout comme avec Mme François, notre « aventurière » de l’éducation nouvelle ; il instaura des instances démocratiques pour que les jeunes puissent prendre parole et aient
leur mot à dire sur des décisions qui les concernent. Ce fut une véritable république d’enfants qui vit le jour avec son parlement, son tribunal et son organe de presse : « La Petite Revue » (vendue en kiosque dans Varsovie).

Korczak assura aussi pendant plusieurs années, des émissions de radio où il répondait aux questions des auditeurs. Il ne cessa d’être le propagateur des Droits de l’Enfant. Ses idées sont développées dans deux livres majeurs : « Comment aimer un enfant » et « Le Droit de l’Enfant au respect ».

En ces temps de crise, les œuvres de Korczak, porteuses de valeurs humanistes, nous ouvrent des perspectives pour agir, que l’on soit adulte ou enfant, nous incitent à ne point nous résigner ou de nous laisser aller à quelconque fatalisme : « Les enfants sont de futurs adultes. Ils sont donc en devenir, absents en quelque sorte…

Nous sommes cependant présents ; vivons, sentons, souffrons… » (J.K)

« L’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en considération… » dit l’article 3 de la Convention Internationale de l’Enfant. Mais combien d’Etats, de gouvernements ayant ratifié la dite convention, appliquent-ils cette décision et recommandation ???

Nous, militant(e)s dans le champ de l’Education Nouvelle faisons en sorte de donner existence à ces droits.

Pour en savoir plus, vous référer au site de l’AFJK : htpp://korczak.fr

Rio 2012…Sommet de la Terre

Colette CHARLET

Comme je l’écrivais et l’annonçais dans des précédents numéros de Dialogue ; en particulier le N° 143, consacré au Développement Durable à un sommet de la Terre réunissant un grand nombre de chefs d’état dont le nôtre seront présents pour prendre un certain nombre de décisions. Mais sur quelles bases vont-ils les prendre, sur quelle légitimité ? A t-on demandé l’avis des peuples, des jeunes ? Que vaut notre avis face à celui de ce que l’on appelle les « experts » ? Peut-on continuer à s’accommoder de sociétés à plusieurs vitesses, soumises aux diktats de ceux qui savent, nous empêchent de
nous exprimer, d’exercer notre esprit critique ?

Ce qui en ressortira engagera notre avenir concret sur le long terme et parfois de manière irréversible.

Alors, qu’est-ce que l’éducation nouvelle a à voir avec ces importantes questions politiques ?

A échanger avec mes ami(e)s de l’Association Korczak, ces 1er et 2 Juin dernier, en compagnie de 15 pays différents, dont une importante délégation de pays africains (adultes – enfants) ; nous avons pris
conscience que le lien était aisé à construire avec la pensée de Korczak.

Comment préparer les jeunes, dès le plus jeune âge, par des activités de mise en recherche, de questionnement, par la formation à la prise de parole au sein d’instances démocratiques ; leur permettant de développer un esprit critique, de structurer leurs savoirs, de leur donner la capacité d’agir de construire des projets sur un long terme, de transformer des situations inacceptables.

C’est ce que nous avons fait au sein d’un collectif d’associations, à l’initiative d’INDP (Intercultural Network for Development and Peace), pour porter la parole et les projets des jeunes jusqu’à Rio.

Régionalement, en Rhône-Alpes, une exposition a été montée ; donnant à voir des initiatives et une compilation est en cours de réalisation, des réalisations vidéos circulent…

Bref, un travail coopératif et participatif entre plusieurs pays et associations où le GFEN peut prendre sa place. Notre revue Dialogue y a répondu par son numéro consacré à cette question.

Comme l’histoire du Rat de Gramsci (qu’il écrivit de sa prison) ; il nous faut être des personnes d’action et en recherche…car la question de l’écologie politique est bien une affaire de démocratie et d’exercice du débat d’idées.

La question de l éducation nouvelle


La question de l’éducation nouvelle,
une urgence de civilisation

1er Forum Mondial de l’Éducation, Porto Alegre, Octobre 2001


Texte collectif du GFEN lu par Odette Bassis à l’ouverture du Forum pour représenter l’Europe


Dans un monde où sévissent inégalités et injustices, la question de l’éducation n’est pas seconde, face à des préalables économiques et à des impératifs politiques mais elle se pose comme urgence de civilisation. Une urgence de civilisation que concerne toute responsabilité immédiate et locale. Parce que l’homme ne naît ni soumis ni émancipé, il le devient. Parce qu’il ne naît ni fanatique ni citoyen, il le devient. Et c’est dans ce devenir que s’inscrivent les situations vécues, éducatrices ou aliénantes, fondant pour chacun son rapport au monde et aux autres.

L’accès pour tous à l’instruction est primordial. Mais que serait l’accès au droit d’apprendre sans le pouvoir de comprendre ? Face à une conception marchande des savoirs, à leur instrumentalisation et leur accumulation, il s’agit de développer une intelligence capable de penser autrement le monde. Face à la reproduction de savoirs-transmis comme produits-finis, comme vérités indiscutables, il s’agit de faire émerger une pensée créative et audacieuse. Mais comment éduquer à l’esprit critique en exigeant une soumission appliquée à des règlements, dès l’école, quand ils sont seulement élaborés par d’autres ? Comment éduquer à la solidarité face à l’exclusion et à la compétition individuelle dans les apprentissages ?

Toute pratique, qu’elle soit d’enseignement ou de formation, n’est ni neutre ni innocente. Dans les faits, elle transmet, dans le cours même de l’acte qu’elle pose, des valeurs, des comportements mentaux et des modes de penser qui s’ajoutent aux contenus prescrits des savoirs et les traversent.

Or, c’est par rapport à la pratique de transmission des savoirs, fonction première de l’école, que l’éducation nouvelle pose un renversement décisif, et cela dès les premiers apprentissages du lire-écrire-compter et tout au long du cursus scolaire et de formation.

C’est dans la notion et la pratique de démarche d’auto-socio-construction du savoir que, prenant appui sur des situations incitatrices de départ, sont impulsés des processus constructifs qui sollicitent les forces inventives, créatrices de chacun pour que, dans une interaction entre soi et les autres, se travaillent questionnements, contradictions et conflits. Là, dans un va et vient entre l’acte et la pensée, entre hypothèses et conscientisation, entre schèmes balbutiants et formulations, se construit une pensée opératoire, une pensée réinvestissable ailleurs. Là s’exerce la prise en compte créatrice des divergences, dans la pluralité et la diversité, et se développe l’exercice du débat constructif, démocratique, condition pour des apprentissages solidaires en même temps que conceptualisés.

L’enjeu est de devenir citoyen DANS le savoir et dans les apprentissages.

C’est dans de tels processus que ne doivent pas être évacués les questions, contre-évidences et débats dont les savoirs sont issus, alors qu’ils sont nés d’audaces et qu’ils furent, dans leur genèse, combats contre l’ignorance, les interdits et les fatalités. C’est dans de tels processus que chaque enfant, chaque apprenant, peut mobiliser ses propres capacités à penser, à créer, à agir et les mettre en synergie avec celles de ceux qui, bien avant lui et autour de lui, les ont déjà exercées. Il découvre ainsi dans l’acte de savoir la force d’une fraternité humaine.

Dans une telle approche de la connaissance, comme dans la vie coopérative, dans la conception et la réalisation de projets, dans les situations multiples d’écriture où se construisent des pouvoirs de penser et de créer, la mise en pratique de tels principes ne peut se faire sans le pari philosophique exprimé dans le  » Tous capables « . Il s’agit de mobiliser et développer les potentialités immenses de chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple, potentialités trop souvent insoupçonnées ou massacrées, niées ou écartées.

Apprendre à penser dans la complexité, apprendre à affronter l’imprévu, à se nourrir de l’altérité et de la diversité des cultures, à sortir des cadres établis, apprendre à faire avec les contradictions, c’est apprendre à refuser l’esprit de fatalité et à surmonter les conflits, entre hommes libres et responsables.