Les « fondamentaux » : savoir de quoi on parle, savoir ce que l’on vise

Le 22 mars, Maria-Alice Médioni, représentant le GFEN, est intervenue lors des Journées d’Études Fédérales de l’OCCE à Évian sur le thème : les « fondamentaux ».

Un dossier sur les « fondamentaux » à user sans modération en y piochant des références, des résultats d’enquêtes, en allant chercher les articles mentionnés ou même … redécouvrir quelques ouvrages oubliés mais dont le propos résonne furieusement aujourd’hui.

Devant une centaine de militant·e·s de l’OCCE, Maria-Alice a dressé l’historique de cette idée vieille de deux siècles – portée aujourd’hui par la droite et l’extrême droite – avant de dresser un constat : La France est la reine des fondamentaux » sans pour autant que l’impact sur les apprentissages des élèves français soit établi. Étayant son propos sur de nombreux articles et études, elle montre comment la droite française s’est appuyée sur cette idée pour mieux discipliner les esprits : lire, écrire, compter et bien se comporter, sans que soit vraiment développés les savoirs associés. L’extrême droite va encore plus loin qui demande une remise à plat des méthodes pédagogiques et des contenus.

Mais si la France est la championne des « fondamentaux » en raison du temps passé à l’école en français et mathématiques, les résultats aux évaluations nationales et internationales sont médiocres.  Les enseignants français seraient-ils incapables d’assurer leur mission ?

S’appuyant sur les études ayant suivi les expérimentations « plus de maîtres que de classe » ou le dédoublement des classes de CP en REP+, elle montre que les dispositifs ont peu d’effets si on ne change pas les pratiques ou si l’on s’enkyste dans des méthodes relevant davantage d’un « dressage » : ex. maîtrise du code et de la fluence plutôt que compréhension d’un texte.

Mépris des enseignants sommés d’exécuter plutôt que de concevoir de véritables situations pédagogiques, retour à des méthodes qui n’ont pourtant pas donné de bons résultats, telle semble être la boussole des dirigeants actuels qui en focalisant l’opinion publique sur la « maitrise des fondamentaux » empêche une véritable réflexion sur ce qui est important d’apprendre à̀ l’école.

Reprenant les propos de Jacques Bernardin : « Centrer l’école sur les fondamentaux renvoient à un double implicite : à la fois une vision déficitaire des capacités de certains élèves conjuguée à une faible ambition éducative à leur égard » (Bernardin, 2022),  Maria-Alice souligne les dérives inhérentes à cette conception de l’enseignement : inflation d’instruments de mesure faciles, adaptation au marché de l’emploi, attitudes consuméristes des familles et des élèves…

C’est pourquoi elle nous demande d’interroger « les fondamentaux » qu’on nous assène et « redéfinir ce qui pour nous fait fondement et sens pour notre action et notre personne. ».

Quels fondamentaux (fondements) à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui ?

              – Une démocratisation élargie de l’accès au savoir, à la culture : il faut sortir de ces logiques qui transforment les inégalités sociales en inégalités scolaires.

              – Susciter le désir d’apprendre : dans un monde de plus en plus complexe, il nous faut réfléchir aux outils et aux pratiques pour repenser les éléments différenciateurs, les modalités d’action usuelles générant les inégalités puis recentrer le travail, pour tous, sur les contenus, concepts-clés et objectifs obstacles. « Faire accéder à une aventure intellectuelle où les questionnements ouverts sont plus importants que les réponses fermées et qui permette de se confronter à la complexité et à l’incertitude ».

             – Reconstruire la confiance en soi : selon les études, « les élèves français n’ont pas confiance en eux », mais peut-on apprendre sereinement sous la menace de la note ou du redoublement ? C’est à l’enseignant de proposer un cadre sécurisant permettant la prise de risque de changer son système de représentations afin d’arriver à décoder et se représenter le monde… donc apprendre et acquérir le pouvoir d’agir. Agir à l’école mais plus largement en tant que citoyen.

               – Se construire une pensée critique : dans une société dominée par une accélération de l’usage des nouvelles technologies, ce qui était censé améliorer l’information en termes d’accessibilité et de rapidité devient un véritable fléau en termes de flots ininterrompus de nouvelles et de fiabilité de l’information. Comment prémunir les jeunes contre les dérives d’un système qui empêche de penser par soi-même et à confronter sa pensée à celles des autres ? Que pourrait faire l’école dans ce domaine ?

Habituer les apprenants à la prise de distance pour réfléchir et apprendre à surseoir à la pulsion, exercer à la vigilance critique, distinguer croyances et concepts, opinions et vérités scientifique… Mais pour cela il faut casser les formes canoniques de la transmission basées sur une pensée binaire (vrai ou faux) « pour accéder à la complexité́ des objets, des faits, des situations par l’analyse, les mises en relation, le recours à l’histoire des savoirs, la confrontation des points de vue ».

                – Ce qui unit et libère : Reprenant les propos d’O. Reboul sur ce qui unit et ce qui libère et vaut donc la peine d’être enseigné, Maria-Alice nous propose de recréer de la cohérence entre finalités et pratiques, de développer l’auto-socio-construction et faire du groupe d’apprenants un collectif d’apprentissages solidaires. Dans ce cadre la coopération est indispensable, ce qui ne se décrète pas mais se construit dans un cadre basé sur des valeurs : égalité, solidarité, entraide. « Coopérer à l’école, c’est expérimenter des règles sociales qui ‘ font valeur’ bien au-delà » (Bernardin, 2014).

Jacqueline BONNARD

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« La construction de savoir, dynamique d’émancipation » : Jacques Bernardin au Colloque CUIP




Colloque international du CUIP (Comité Universitaire d’Information Pédagogique) :
« L’Éducation nouvelle : Héritages, (ré)inventions, actualité« 

Mercredi 28, Jeudi 29 et Vendredi 30 juin 2023,
Université Paris-Panthéon-Assas, 92 rue d’Assas 75006 Paris

Voir le programme

Relevons pour le GFEN :

  • « La construction de savoir, dynamique d’émancipation » par Jacques Bernardin
  • « Le GFEN après Henri Wallon : entre tradition et changements (1963-1969) » Antonin Paha
  • « Le secteur orientation du GFEN (1979-2001). L’orientation levier d’une transformation de l’école ? » Jérôme Martin

Lettre à un journaliste qui se dit nul en maths

Jacqueline Bonnard, France Bleue

Le 4 décembre, Jacqueline Bonnard était invitée par France Bleue Touraine pour une interview concernant l’annonce de « la baisse de niveau » qu’on présupposait aux évaluations PISA.

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Dans l’article suivant Jacqueline Bonnard explicite ses propos.

Lettre à un journaliste qui se dit nul en maths

Jacqueline Bonnard (secrétaire nationale du GFEN et responsable du GFEN 37)
6 décembre 2023

Le niveau baisse en particulier en maths, l’heure est grave nous dit-on en ce 4 décembre 2023, en l’attente des résultats de l’enquête PISA qui évalue les compétences des élèves de 15 ans de 81 pays dans trois domaines clés : la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique. 

D’ores et déjà, on présuppose que les résultats seront mauvais, m’annonce la journaliste de France Bleu Touraine me contactant après avoir repéré mes coordonnées sur le site national du GFEN. Après échanges sur nos activités de formation tant nationales que locales, elle m’invite à une interview de 5mn sur le sujet lors de la matinale du lendemain vers 7h30.

Dès potron-minet, je me pointe donc à la dite-station après m’être interrogée sur ce qu’il y aurait d’important à dire à ce sujet. 5 mn, c’est court surtout lorsque c’est entrecoupé de commentaires qui balaient rapidement les différents volets de la question sans qu’on puisse dérouler le fil de sa pensée… mais c’est l’exercice imposé et toute expérience est bonne à prendre même s’il est frustrant d’effleurer les causes du problème récurrent de l’enseignement des mathématiques et des sciences dans notre système éducatif. D’ailleurs est-il seulement question de maths ?

Ce que nous disent toutes les enquêtes auxquelles la France participe et qui scrutent l’efficacité des systèmes éducatifs sur une classe d’âge, c’est que les élèves français savent déchiffrer un texte mais qu’ils peinent à se représenter les situations décrites d’une part et repérer les informations utiles à résoudre le problème posé d’autre part. Tout se passe comme s’il ne s’agissait que d’utiliser des techniques opératoires acquises laborieusement sans rapport avec la situation décrite dans l’énoncé. C’est ce que nous pointons du doigt depuis de nombreuses années et qui a été si bien analysé par Odette Bassis[1] qui nous propose d’enseigner autrement, en faisant en sorte que tout commence par des questions, non pas celles que pose l’enseignant mais celles que se posent les élèves à partir d’une situation donnée.

Alors c’est une question de méthodes ?

Lors de l’audition du 13 septembre 2023 au CESE, Jacques Bernardin[2] rappelait les éléments incontournables pour une véritable réussite scolaire, sachant que les élèves apprennent d’autant mieux qu’ils sont impliqués et intellectuellement actifs. D’abord, il faudrait multiplier les situations suscitant la recherche.  Au GFEN, nous incitons les collègues à proposer des situations de recherche sous forme d’énigme ou de défi visant à créer l’intérêt, l’implication personnelle (situations ouvertes, assez complexes pour que chacun puisse y apporter sa pierre depuis son expérience, donc amenant à faire des hypothèses et des propositions). Cette recherche doit être ponctuée de confrontations entre pairs au sein de petits groupes, amenant à expliciter les points de vue, à les justifier, à argumenter et à raisonner. L’objectif est de parvenir collectivement, certains diraient dans un esprit coopératif à une solution concertée. Mais cette participation active ne serait rien sans un temps de formalisation, d’institutionnalisation, où l’on tire leçon de l’expérience, où l’on dégage l’essentiel, les éléments-clés. De même, tout apprentissage devrait s’accompagner de modalités d’évaluation qui forme l’élève à l’autorégulation c’est-à-dire apprendre à repérer ce qu’il a appris, ce qu’il sait déjà faire et ce qu’il lui reste à accomplir pour atteindre l’objectif visé.

Ou une question de formation ?

Vaste programme direz-vous, mais qui pose la question de la formation des enseignants. Si l’on veut faire évoluer favorablement la situation, il faut commencer par l’enseignement des mathématiques et des sciences à l’école primaire – et ce dès l’école maternelle – non pas en assénant des savoirs finis à mémoriser mais en installant chez les élèves une posture de chercheur au sens de Bachelard : « Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. »[3]

Or la majorité des enseignants de l’école primaire sont issus de filières littéraires ou sciences humaines et se disent mal à l’aise avec ces disciplines. La formation professionnelle – aussi bien initiale que continue – devrait tenir compte de ces données par des mises à niveau nécessaires à la manipulation de concepts que les élèves doivent intégrer dans leur mode de pensée. Ceci est un préalable mais ne dédouane pas d’une réflexion sur les méthodes pédagogiques. La tentation du Ministère – dans un souci très libéral d’économie car la formation a un coût – est de fournir des outils clés en main de bonnes pratiques sous forme de Vadémécums mais il ne suffit pas de reproduire les exemples décrits pour transmettre les savoirs visés. Enseigner est un métier qui s’apprend. Ni répétiteur ou illusionniste, l’enseignant affine ses pratiques par compagnonnage et/ou échanges avec ses pairs, mais une véritable formation (initiale et continue) est nécessaire pour assoir une professionnalité : une formation s’appuyant sur les savoirs disciplinaires et leur didactique mais également sur une approche plurielle en éducation. Les mouvements pédagogiques sont peu présents dans la formation des enseignants pourtant les pratiques qu’ils portent permettent une diversification des gestes professionnels, leur transmission à l’occasion de controverses sur le métier.

Quelle conception des savoirs ?

Lors de l’interview, une auditrice nous a présenté son rapport aux mathématiques en évoquant deux exemples : l’inutilité selon elle du théorème de Pythagore dans la vie quotidienne et de sa découverte de l’angle plat… « un trait !». Pourtant soulignait-elle, j’aurais bien voulu savoir qui était Pythagore ! Elle serait bien étonnée d’apprendre que Pythagore n’a jamais rien démontré mais que ce sont ses successeurs qui s’y sont collés ! Cependant, en quelques mots, elle a bien résumé la situation à laquelle nous sommes confrontés.  Pour rendre vivants les savoirs, il faut les replacer dans leur contexte et comprendre comment ils se sont construits, quelles ruptures ils ont installées dans la représentation cohérente du monde. C’est ce que nous proposons de faire vivre aux enseignants lors de nos sessions de formation, car les difficultés rencontrées par nos élèves coïncident le plus souvent avec les ruptures qui ont permis des avancées : l’introduction du zéro en mathématiques, le vaccin en sciences… Et des savoirs pratiques aux savoirs théoriques, nos civilisations se sont ainsi construites : c’est aux adultes d’en faire goûter la saveur aux plus jeunes pour qu’ils se sentent intégrés à cette aventure humaine.

Voilà ce que j’aurais aimé développer afin de vous démontrer qu’il n’existe pas de « nul en maths » mais des rendez-vous manqués. Ni les redoublements ou groupes de niveau, encore moins l’uniforme ou autre recette de grand-mère ne sauraient renouer les fils de la rencontre.

[1] Odette Bassis, Concepts clés et situations-problèmes en mathématiques, Tome 1 et 2, Hachette Education, Pédagogie pratique à l’école et au collège,2004

[2] Jacques Bernardin (président du GFEN) a été auditionné le 13 septembre 2023, par la Commission Éducation, culture et communication du CESE (Conseil économique social et environnemental) dans le cadre de la saisine d’initiative « Réussite à l’École, réussite de l’École ».

[3] La Formation de l’esprit scientifique (sous-titré Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective) est un essai d’épistémologie de Gaston Bachelard publié aux éditions Vrin en 1938.

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Numérique

  • La classe à l’épreuve du distanciel. Enquête sur le lycée numérique – Julien Cueille

L’Harmattan, Logiques sociales (13 oct 2021)

Les confinements successifs auront été une épreuve de vérité : que serait un enseignement… sans école ? Cette école entièrement ou partiellement à distance nous aura permis de nous interroger sur ce que veut dire « faire classe ». Or a-t-on pris la peine d’écouter les acteurs et actrices de terrain ? Ce livre relate une enquête menée, entre 2020 et 2021, auprès de nombreux professeurs et élèves de lycée. Il réserve bien des surprises : notamment sur leur perception du « distanciel ». Les élèves sont-ils convaincus par le e-learning ? Le numérique améliore-t-il réellement les apprentissages ? L’auteur, en confrontant ces résultats avec des discours d’« experts » nous invite à nous questionner :« révolution numérique » et « révolution pédagogique » vont-elles nécessairement de pair ? Voir

  • Manifeste pour une école démocratique dans une société numérique, 2020, lire 

Le Forum soutient le numérique à l’École, mais pas à n’importe quelles conditions. Les enseignant.e.s ont fait de leur mieux durant le confinement, avec les outils dont ils disposaient, et beaucoup ont fait preuve d’une grande inventivité. La réponse ministérielle, très verticale, n’a pas vraiment tenu compte de la réalité de leur travail pour penser la place et le rôle du numérique à l’École. L’idée du Forum École Alternumérique a émergé d’un groupe d’associations, l’AFEF a servi de base logistique et elle s’est engagée dans ce Forum pour des raisons essentielles liées à la discipline français : la question de la communication, centrale en français et reprise dans toutes technologies audio-visuelles-numériques ; la question des langages, de la langue et des discours : les manipulations du langage et des discours sont au centre de la désinformation, mais aussi du harcèlement et du complotisme sur les réseaux ; la littérature se saisit de ces sujets, non comme thème, mais parce que c’est le corps même de son œuvre, mettre des mots sur les questions qui traversent le monde…

  • Numérique, un changement qui pourrait rester virtuel

Jacqueline BONNARD – Décembre 2012

Le 13 décembre, le ministre de l’éducation nationale Vincent PEILLON présentait, devant un auditoire composé des acteurs du numérique éducatif, un plan d’actions en direction des
enseignants, des élèves, des parents, des collectivités territoriales pour hisser la question du numérique éducatif au rang d’objectif global national. A cette occasion, il affirmait que « le numérique offre une opportunité unique pour refonder l’école »

La section 3 du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la
république, relative au développement de l’enseignement numérique propose d’installer « un service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance » (art. 10), « une formation à l’utilisation des instruments et des ressources numériques » (art.11), de simplifier l’application du code de la propriété intellectuelle en l’élargissant à l’exception pédagogique afin de permettre aux enseignants d’utiliser des extraits d’œuvre disponibles via une édition numérique de l’écrit. (art.12)

L’ambition est louable et l’annonce de la création de Conseils et Comités chargés de coordonner les différents acteurs (éducation nationale, collectivités territoriales, représentants de la communauté éducative, partenaires privés de la filière numérique éducative…) présente l’avantage d’une approche globale des conditions d’équipement informatique et d’accès aux ressources numériques pour l’ensemble des établissements scolaires.

Pour autant suffit-il d’équiper les établissements de façon uniforme et donner accès aux ressources
numériques aussi pertinentes soient-elles pour refonder l’école ?

Suffira-t-il aux élèves d’avoir du contenu en ligne, des corrigés du brevet et du bac  pour apprendre et se construire une représentation cohérente du monde dans lequel ils vivent ?

Suffira-t-il aux enseignants de bénéficier d’une formation à distance pour mettre en place une pédagogie propice à « accompagner les élèves dans la société du numérique » dans une approche citoyenne ?

Technologies nouvelles, nouvelles pratiques sociales

Personne ne conteste que nous baignions dans une société du numérique qui transforme profondément les comportements et les rapports humains. Ainsi que l’écrivait Bruno JACOMY dans « une histoire des techniques », les nouveaux outils « ne prolongent plus seulement nos mains, nos jambes, nos muscles. Ils prolongent nos sens, nos organes de communication et dans une certaine mesure notre cerveau. » L’homme d’aujourd’hui a accès à une multitude d’informations, prenant appui sur des médias aux formes diverses. Les élèves baignent dans ce milieu numérique à la recherche du plaisir immédiat, « icôno-zappeurs »  passant d’une information à une autre sans but précis apparent, activité
le plus souvent individuelle qui laisse des traces dans l’inconscient sans qu’il y ait réflexivité.

Technologies nouvelles et apprentissages scolaires

L’enseignement vise à faire organiser les informations reçues par celui qui apprend afin de modifier ce qu’il croyait vrai de la réalité observée  en se construisant des savoirs extériorisés et formalisés de cette réalité. Il peut être intéressant de s’appuyer sur cette réalité virtuelle, mais est-ce suffisant ? Ce n’est qu’un apport parmi d’autres et s’il permet de sortir d’une transmission frontale par l’introduction d’un objet tiers (le poste informatique, vecteur des informations du Net), il ne suffit pas à construire
du savoir chez l’élève. Mettre les élèves en stabulation libre devant les postes informatiques est tout aussi inefficace que de les soumettre à des exercices répétitifs dénués de sens pour eux.

Technologies nouvelles, nouvelle pédagogie ?

Il ne faudrait pas pour autant nier les compétences numériques acquises par les élèves hors l’école
même s’il semble évident que les acquisitions soient inégales selon les milieux sociaux. Encore faut-il en avoir conscience et proposer des situations pédagogiques prenant en compte les acquis.  L’apport du numérique permet de diversifier les représentations du réel et de mettre en place une différenciation
pédagogique dans le cadre d’une séquence d’apprentissage qui vise à mobiliser tous les élèves sur un même objet de savoir, laissant la possibilité à chacun de suivre des itinéraires singuliers. C’est lors d’une synthèse active (construite collectivement) que la structuration des connaissances permettra à
chacun de s’approprier le savoir visé.

Mais cette approche pédagogique se heurte à plusieurs écueils :

– un sous équipement informatique dans les établissements scolaires.
– des offres insuffisantes de ressources numériques éducatives de qualité.
– une formation insuffisante aux nouvelles technologies (le C2I2E suffit-il pour
maîtriser les différents outils à disposition ?)
– une réflexion quasi inexistante  sur la pédagogie à mettre en œuvre intégrant les apports numériques, sans pour autant individualiser les parcours ce qui mènerait à l’effet inverse de ce qui est annoncé : la réussite de tous.

La tâche semble donc colossale tant le retard pris est important créant de grandes inégalités selon les établissements et les territoires. Rien ne se fera sans un plan d’équipement coordonné à l’échelle
régionale et nationale. Et rien ne se fera sans une réflexion sur les pratiques professionnelles qui, tout en intégrant le fait que les TIC sont incontournables dans le contexte actuel, il ne saurait être question de centrer la pédagogie autour de leur utilisation.

Lire également

  • Vincent PEILLON lance une « stratégie globale » pour le numérique.
    Le Café Pédagogique présente les propositions de Vincent PEILLON pour que le numérique
    participe du projet de refondation de l’école. « L’Ecole se doit d’accompagner les élèves dans la société numérique, par pour s’y plier mais pour porter ses valeurs et sa mission éducative ».
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/12/14122012Article634910670326384545.aspx
  • Des technologies vraiment éducatives ? LIRE
    Dialogue n°136 (avril 2010) « Transmettre, enjeux sociaux et pratiques éducatives engagées. »
    Michel BARAER décrit l’introduction progressive des technologies de l’information à l’université, les usages souvent limités de ces moyens techniques dans les pratiques enseignantes et interroge l’articulation entre nouvelles technologies et pédagogie.
  • Poétiques et cybermondes. Quand la poésie déménage LIRE
    Dialogue n°131 (janvier 2009) « Culture : combats pour l’émancipation ».
    Pierre COLIN réfute l’idée des penseurs de la poésie sonore selon lesquels il existerait « une interdépendance radicale entre la technologie d’une époque et la poésie »…
  • Blog de classe : un lien virtuel bien  réelavec les parents. LIRE
    Dialogue n°127 (janvier 2008) « Parents : des liens à réinventer »
    Marie Pierre DUBERNET – Une pratique du blog pour communiquer avec les parents de la classe.
  • Pour des pédagogies adaptées à un contexte « numérique ». Bruno
    DUVAUCHELLE affirme  qu’il est plusimportant de prendre en compte le fait TIC en éducation plutôt que d’utiliser les TIC en éducation. Il met en débat trois propositions :
    – Une pédagogie de l’apprendre ensemble qui change les symétries traditionnelle de la classe,
    – Une pédagogie de l’appropriation qui impose de dépasser les limites de la classe,
    – Une pédagogie de l’autonomie réflexive accompagnée qui soit structurante, avant d’être strictement structurée.
    http://www.brunodevauchelle.com/
    Que les élèves apprennent-ils dans le monde numérique hors l’école ?
  • « Le numérique n’est qu’un outil pour apprendre… »  André TRICOT, professeur à l’ESPE  de Toulouse, écoutez 

 

  • Un dossier de l’IFE (ENS Lyon) qui reprend l’historique de l’intégration des usages du numérique dans les classes depuis « le plan informatique pour tous » de 1985 jusqu’à l’usage des T.IC. dans les classes et les lieux de formation.
    Au-delà de l’importance d’un équipement adapté à ces usages, Rémy THIBERT interroge l’évolution du rapport entretenu au savoir lors d’une pratique du numérique d’une part, ce que cela induit dans les pratiques pédagogiques d’autre part. Il souligne l’importance d’une réflexion à mener sur la formation des enseignants pour une intégration pertinente des usages numériques lors des apprentissages.
    http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA-Veille/79-novembre-2012.pdf
  • « Apprendre avec le numérique », un n° des Cahiers Pédagogiques présentant une grande variété de pratiques pédagogiques, de méthodes recourant à des outils numériques pour mieux faire apprendre, dans un cadre collectif comme dans l’accompagnement individuel.
    http://cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article7941

Aborder cette rentrée autrement

Julien CUEILLE
octobre 2020

Pour ma part j’ai choisi, ce matin, de poser le problème autrement avec mes classes: en termes de « sacré », notion anthropologique qui n’est pas sans intérêt si l’on veut échapper aux sempiternelles catégories sociologiques (ou idéologiques). Et échapper à l’alternative quelque peu minée et piégée « religion VS laïcité »; ou à ce qui peut apparaître aux ados d’aujourd’hui comme une rhétorique un peu vide (le discours de Jaurès, hélas, sonne parfois un peu désuet, malgré sa puissance lyrique: mais nous l’avons lu quand même).

Comment ai-je procédé ?

Après quelques échanges et une tentative (avortée) de débat « à froid », j’ai proposé aux élèves d’écrire ce qu’ils considéraient comme « sacré »: pour eux donc; puis, ce qu’ils pensent sacré POUR LA SOCIETE.

J’ai fait des statistiques rapides: elles sont aisées; sur environ 100 réponses à la première question, 80 mentionnent « la famille » (dont 44 la mettent en tête de toutes les réponses), 11 mettent en tête « la liberté », 13 la religion; mais sur ces 13, presque tous mentionnent AUSSI la famille; seuls 2 mentionnent uniquement la religion. Les autres se partagent entre réponses plus « matérialistes » (la nourriture -sic-, le sport…), plus « philosophiques « (la sagesse, le bonheur, le respect…) et quelques nihilistes (rien n’est sacré pour moi).

A la 2e question, sur le point de vue de la société, la plupart répondent « droit », « liberté », « égalité », bref ce qu’on pourrait attendre d’un bon républicain: le « catéchisme »?… Pour autant, je ne les soupçonne guère de biais de complaisance; ils sont maintenant suffisamment en confiance pour oser dire et même écrire ce qu’ils pensent vraiment, j’ai déjà pu le constater; de plus les réponses étaient bien entendu anonymes.

Quelles leçons en tirer ?

Il me semble que la question du religieux est surdéterminée par les medias et les politiques, et que le problème de beaucoup d’ados est davantage le rapport au sacré.

C’est-à-dire à quelque chose de bien plus diffus qui peut bien sûr croiser le religieux mais englobe aussi d’autres expériences; ce qui rejoint, pour faire bref, les thèses d’Olivier Roy, auxquelles je souscris, sur « l’islamisation de la radicalité », plutôt que la radicalisation de l’Islam  (qui existe aussi indéniablement, mais n’a sans doute pas auprès de la majorité des ados, même musulmans, toute la portée que lui prêtent Caroline Fourest et Dounia Bouzar).

La religion, au sens institutionnel (et générationnel, car le vrai conflit est là), c’est autre chose. Bien des « djihadistes » (parfois autoproclamés) n’avaient jamais mis les pieds dans une mosquée; se souvient-on du profil du tueur de l’attentat de Nice? De Farid Ikken? De Nezar Pastor? De l’un au moins des frères Kouachi? Ceux-là avaient-ils seulement lu le Coran? Mais c’étaient presque tous de jeunes hommes, de grands adolescents, dirait-on à l’heure de l’adultescence interminable.

Tout dépend sans doute des lunettes qu’on chausse: nous le savons bien.

Quant à la famille, elle est indéniablement la vraie religion de nos ados. Sans faire de la psychanalyse de bazar, cela mérite réflexion.

Nos élèves, c’est Antigone, version Tanguy; voire, parfois, Hamlet; pas tout à fait Mohamed Merah.

Nous prolongerons, comme chaque année, le débat lors du cours sur la religion; invariablement les élèves, malgré la surreprésentation des élèves de confession musulmane (ET des catégories sociales défavorisées…), se montrent bien plus calmes, respectueux et moins « clivés » que la plupart des adultes avec qui j’ai pu mener des débats de ce type. Les points de vue peuvent être divergents, notamment quant au rôle des religions dans les guerres (discussion souvent animée); quant aux caricatures, la grande majorité des classes souscrit, chaque année, à l’idée que, si la liberté de blasphémer est juridiquement légale, elle n’est pas forcément, sur le plan éthique, l’attitude souhaitable, si l’on met en avant les valeurs de respect de l’autre. Celles et ceux qui s’expriment ainsi ne sont pas tous des Musulmans, bien loin s’en faut. Il n’a jamais été question de justifier les assassinats. Il est toutefois vrai que certains Musulmans tombent dans un déni sur les faits ou l’imputation des faits à des Musulmans.

Car le complotisme, qui est très loin de se réduire au fondamentalisme religieux, pose un réel problème, que nos pouvoirs publics alimentent largement en prétendant le combattre.

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Du même auteur, lire :

  • Cours sur l’iconoclasme, unes de Charlie, fictions…: comment s’y prennent les profsPar Faïza Zerouala – Mediapart- 21 octobre 2020  Lire   /  Egalement sur l’espace adhérent
  • Un prof s’interroge : « Jusqu’où supportons-nous de laisser parler les élèves ? » L’Obs, 19 octobre 2020, Lire
    TRIBUNE. Professeur de philosophie à Montauban, Julien Cueille raconte à « l’Obs» comment il met en place dans sa classe des débats sur les sujets les plus délicats, y compris religieux. Exercice périlleux.

Évaluation

Conférence de consensus du CNESCO : l’évaluation en classe,  au service de l’apprentissage des élèves (2022)

Dans le quotidien des classes, l’évaluation est une activité courante qui recouvre une grande diversité de situations plus ou moins visibles. Lorsqu’un enseignant observe ses élèves en train de travailler ou qu’il prend connaissance de ce qu’ils ont fait en classe ou à la maison, quand il les interroge oralement, il évalue : pour ajuster son cours, guider les élèves dans une tâche, accompagner leurs progrès. Cette évaluation que pratiquent les enseignants au quotidien est ainsi un outil au service de l’apprentissage des élèves. lire

Avec ou sans note… l’évaluation, un indicateur sur la conception du métier

Jacqueline BONNARD – 2016

Quel que soit le lieu d’exercice, quel que soit le métier, l’évaluation joue un rôle social de régulation tout comme elle permet au professionnel de rendre compte de son activité dans le domaine qui lui est propre. Dans une société où le savoir se marchandise, on assiste à une inflation de dispositifs visant à :

– vérifier la présence d’attendus plus ou moins explicites mais toujours portés par une échelle de valeurs,
– situer  les individus ou leurs productions par rapport à un niveau
– juger chacun de « la compétence à… ».
Dans notre système éducatif, l’évaluation cristallise toutes les tensions entre les différents acteurs tant l’importance qui est faite d’une sélection par la note, est prégnante dans les représentations des usagers et des professionnels.
Comment peut-il en être autrement lorsque l’enseignant est à la fois le formateur qui transmet les connaissances et capacités associées en s’appuyant sur les programmes d’enseignement, l’évaluateur qui attribue une valeur à la production de l’élève à partir d’attendus plus ou moins explicites, le sélectionneur qui oriente l’élève en fonction des résultats obtenus ?
Comment peut-il en être autrement lorsqu’un même outil de mesure traverse l’évaluation formative, l’évaluation sommative et l’orientation scolaire : la notation chiffrée ?
Soumis aux injonctions institutionnelles qui poussent à entrer dans le système de notation – sans pour autant que le texte législatif ne l’impose -, pressés par les élèves et leurs familles pour lesquels la note reste un outil de mesure rassurant, les enseignants exercent en tension entre le désir d’installer les conditions propices à la réussite de tous leurs élèves et le souci de rendre compte des effets de leur activité professionnelle. Mais le calendrier scolaire ponctué de bilans multiples peut-il s’accommoder du temps nécessaire à la formation ? C’est tout le paradoxe d’une évaluation lorsque sa fonction sociale (rendre compte des résultats de l’élève, de la compétence professionnelle de l’enseignant) prend le pas sur sa fonction pédagogique (se rendre compte des progressions de l’élève, de l’efficience des situations pédagogiques mises en oeuvre). Et de ce fait, on a tendance à évaluer davantage la réussite de l’élève par rapport à une performance attendue que le processus et le travail effectué par rapport à une situation initiale.
Au-delà de ce constat, l’acte d’évaluer est révélateur de la conception même du métier selon qu’on évalue en pointant « le manque » ou qu’on s’appuie sur le potentiel de chacun des élèves. On pourrait penser que le diagnostic qui permet de visualiser ce qui n’est pas acquis par l’élève place l’enseignant en situation de réguler les apprentissages en proposant de nouvelles activités visant l’acquisition souhaitée. Mais le plus souvent, cela donne lieu à des « remédiations » dont la forme pose problème : exercices individuels répétitifs centrés sur des tâches parcellaires qui font perdre leur sens aux savoirs visés. Même si ces exercices ont un caractère rassurant pour celui qui s’y soumet car ils donnent une impression de réussite immédiate, les études montrent qu’ils n’ont que peu d’impact sur les performances ultérieures. Ce qui désespère l’élève et… l’enseignant. Le mythe de « la tête bien pleine » grâce à une méthodologie qui aurait fait ses preuves depuis des siècles s’oppose au sens même des apprentissages qui s’appuient sur un processus où la complexité est reine. Même si l’on n’apprend que seul et au prix d’efforts pour mémoriser les connaissances visées, c’est dans une construction collective que s’élaborent et se transmettent les savoirs. Mais pour cela, il faut être convaincu de l’éducabilité de tous les élèves et élaborer des séquences d’enseignement en s’appuyant sur le potentiel de chacun d’entre eux non pour les mettre en concurrence mais en synergie.
Les programmes de 2015 préconisent une évaluation bienveillante de la maternelle au collège laissant perplexes les enseignants quant à l’application de ces directives : comment suivre chaque élève dans sa progression ? comment ne pas passer tout son temps à évaluer au détriment d’une approche plus souple, laissant le temps au temps, afin que chacun atteigne les objectifs visés sans être stigmatisé ? comment de pas tomber dans une individualisation niant la puissance du collectif dans les apprentissages ? Et quelle formation sera mise en place pour aborder ces nouvelles modalités ?
Le ministère actuel met en place des évaluations au CP, CE1, au collège pour « connaître les compétences  de chaque élève » mais à aucun moment, les enseignants n’ont été associés à leur conception ni même à l’analyse des résultats. Cette entrée par les compétences qui serait associée à la mise en oeuvre de « bonnes pratiques » à appliquer  pour « un bon apprentissage de la lecture et des mathématiques » remet en cause la conception du métier : concepteur de ses pratiques ou excécutant de vademecum ?
« Evaluer, c’est faire sortir les valeurs », nous dit André de Perreti. Dans une perspective de réussite et de développement de chaque apprenant, n’y a-t-il pas des choix à effectuer parmi les différentes pratiques d’évaluation ? Quelles sont les marges de manoeuvre d’un enseignant, d’un formateur entre des choix éthiques portés par des valeurs d’égalité et d’émancipation et les contraintes institutionnelles ?
Ce dossier vise à approfondir cette question qui revient avec force dans l’actualité.
Jacqueline BONNARD

Documents ministériels

Le BOEN n°3 du 21 janvier 2016 précise les modalités de suivi et d’évaluation des apprentissages des élèves du cycle 1.

Le décret n° 2015-1929 du 31 décembre 2015 relatif à l’évaluation des acquis scolaires des élèves et au livret scolaire, à l’école et au collège (article 8).
 
L’arrêté du 31 décembre 2015 portant le modèle national de la synthèse des acquis scolaires de l’élève à l’issue de la dernière année de scolarité à l’école maternelle.
 
La note d’accompagnement pour une évaluation bienveillante dès l’école maternelle. 
Cette note présente les deux nouveaux outils destinés à la mise en oeuvre du suivi des apprentissages à l’école maternelle,  et à la communication des  progrès des élèves : un carnet de suivi des apprentissages renseigné tout au long du cycle, une synthèse des acquis de l’élève, établie à la fin de la dernière année du cycle 1. 
 
Sur le site le l’ESENESR, l’intervention de Viviane Bouysse lors de la semaine de l’inspection générale en décembre 2015. En particulier, le module « pour une évaluation des enfants-élèves avec bienveillance »
Avant de présenter la refondation de l’école maternelle, Viviane Bouysse, fixe les enjeux de cette école particulière. Elle présente alors les outils en listant toute la réglementation renouvelée et les ressources qui l’accompagnent. Mais ce sont surtout sur les points de vigilance qu’elle insiste, sur le nouveau programme, l’évaluation positive, le bon usage du temps, les évolutions organisationnelles, les continuités à organiser et enfin sur les partenariats.
 
Premières propositions pour l’évaluation et la validation de l’acquisition du projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Lire
 
La notation et l’évaluation des élèves éclairées par des comparaisons internationales – Rapport de L’IGEN – N° 2013-072 – Juillet 2013
Ce rapport a pour objet de faire un état des lieux des pratiques de notation et d’évaluation des acquis des élèves de l’école primaire ou de collège, d’en mesurer les évolutions, d’identifier les résistances « au changement » et d’en comprendre les fondements. La dernière partie du rapport propose quelques pratiques d’évaluation à l’étranger. Lire le rapport
L’évaluation des enseignants – Rapport de l’IGEN – n°2013-035- avril 2013
Cette étude s’inscrit dans le contexte de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école. Elle vise à recenser, clarifier et expliciter les pratiques de l’évaluation des enseignants et dégager un nouveau cadre général adéquat à la réalité de ce début du XXIème siècle. Très détaillée et sans concession sur les pratiques d’évaluation et leurs effets souvent dévastateurs sur les enseignants, ce rapport pointe le caractère réducteur et inapproprié de la note pour juger de l’efficacité professionnelle de l’enseignant. Dix préconisations parmi lesquelles : Donner un rôle formatif à l’évaluation. Mettre à l’étude la suppression de la notation. Élaborer des critères nationaux d’évaluation. Lire le rapport
Bilan de la mise en oeuvre des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008 – Rapport de l’IGEN – n°2013-066 – juin 2013
Ce rapport prend appui sur une enquête menée entre les mois de décembre 2012 et avril 2013 auprès d’IEN et d’enseignants d’un panel d’écoles représentatif. Il présente un bilan très mitigé qui met en évidence la lourdeur de ces programmes rapportée au temps réel de classe. Sans accompagnement et en l’absence d’une formation adaptée, toute entrée en application de nouveaux textes semble vouée à l’échec. L’inspection générale « appelle de ses voeux une articulation renforcée et clarifiée entre le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et les programme ou la rédaction de liens explicites entre les disciplines. » Lire le rapport

Articles et pratiques du GFEN

De quelques principes à propos de l’évaluation – Henri Bassis lire l’article
 
La Bienveillance en éducation – Jacques Bernardin
Thème apparu lors de la consultation de l’été 2012, « l’école de la  bienveillance » est repris depuis, que ce soit dans les propos ministériels comme dans les débats concernant la Refondation de l’école. Celle-ci serait-elle affaire de bons sentiments ?
Comme tous les termes consensuels, la « bienveillance » mérite qu’on s’y arrête afin d’en préciser les contours et les limites. Que l’on soit parent, enseignant, éducateur, animateur ou travailleur social, chacun sait qu’il ne suffit pas de vouloir le bien de l’autre pour le réaliser. Si la malveillance et la négligence ne sont jamais souhaitables, combien d’histoires personnelles ont été contrariées au nom du « c’est pour ton bien ! ». Nos façons de faire étant corrélées aux représentations de l’enfant, de ses potentialités et de ses besoins, l’action éducative gagne à être réfléchie et collectivement discutée pour converger au mieux. Lire l’article
 
Tous capables ! Du pari éthique à la loi d’orientation – Jacques Bernardin
Sujet de controverses lors du débat parlementaire, audace défendue au Sénat avant d’être ratifiée par l’Assemblée nationale, l’idée que « tous les enfants partagent la capacité d?apprendre et de progresser » est désormais inscrite dans la loi de juillet 2013 en tant que principe de l’éducation.
« Tous capables ! » La formule portée avec audace par le GFEN (mouvement pédagogique héritier de Langevin et de Wallon, présidents successifs de 1936 à 1962) fut d’abord un parti-pris éthique (relevant d’une philosophie de l’éducation) et simultanément un défi pédagogique (pour en attester) avant de trouver un étayage scientifique, puis de devenir un principe institutionnalisé. Lire l’article
Université d’été du secteur Langues – Ethique et évaluation – août 2014 lire l’article
C’est le moment ou jamais d’apprendre à se passer d’un maître… Cécile Victorri
J’enseigne à Sarcelles, en banlieue parisienne, et contrairement à ce qu’on pourrait peut-être s’imaginer, mes élèves ont souvent complètement intériorisé les enjeux de l?école : les notes, l’objectif du bac, l’orientation par la sélection. De ce fait, leur demande est parfaitement claire : des notes convenables, pour leur permettre d’accéder à des études supérieures d’une qualité raisonnable. Lire l’article
Supprimer les notes au collège pour retrouver le plaisir et l’envie d’apprendre – Christèle Thiriet
« Que perdrait-on à supprimer les notes ? Et que nous apporterait un système d’évaluation sans notes, mais uniquement par compétences ? » Retour sur le projet dans un collège rural d’une autre pratique de l’évaluation. Lire l’article
L’évaluation entre tensions et questions : changer le moteur de l’action – Jean-Marc Richard ( Groupe Roman d’Education Nouvelle)
Tout le monde devrait le savoir : il n’y a rien de scientifique à l’utilisation du chiffre pour mesurer, évaluer les faits humains. D’abord parce qu’ils sont complexes, singuliers et de ce fait irréductibles à une norme, qu’ils s’inscrivent dans une histoire – sociale et personnelle – qui n’est pas universelle. Qu’ils relèvent autant de procédures et de choix explicables que d’habitudes et de processus inconscients. Et qu’il n’y a pas d’aune pour mesurer cela. Lire l’article 
Construire la vigilance orthographique – Jean Bernardin
« Orthographe : construire vigilance et appétence », janvier 2014.
Les contenus de savoir en orthographe sont généralement appréhendés comme des règles à appliquer, des exercices répétitifs pour des résultats parfois médiocres au regard de l’investissement de l’enseignant et de l’élève. Il s’agit donc de modifier le rapport à la langue en permettant aux élèves de construire du sens à la nécessité d’écrire correctement, des attitudes opératoires (vigilance) et des savoirs sur la langue (compétence). Lire l’article
Qu’as-tu appris à l’école, mon fils, à l’école aujourd’hui… – Jean-Louis Cordonnier
Il faut l’affirmer : l’évaluation – surtout à la dose pratiquée – inculque aux élèves l’esprit de concurrence et de compétition qui sont au fondement des valeurs libérales. La compétition ne fait pas mieux apprendre ; la compétition fait moins bien apprendre. Lire l’article 

Formation

Journée nationales sur l’évaluation – Paris, 11 et 12 décembre 2014 – Compte-rendu d’Isabelle Lardon
 
Conférences de consensus ESPE Créteil – 2011 – L’action d’évaluer et ses pratiques dans le champ scolaire. Accéder au site
Enregistrements vidéos des interventions : Marc Bru, Georges Figari, Martine Rémond, Lucie Mottier-Lopez, Léopold Paquay, Jean-Marie De Ketele.

Numéros de revues dédiés

L’observation et l’évaluation au service du progrès des élèves en EPS – Dans la collection des dossiers « Enseigner l’EPS », ce dossier constitue les Actes de la Biennale de l’AE-EPS des 17 et 18 octobre 2015. En savoir plus
 
Revue Diversité N° 169 – juillet 2012 – La pression évaluatrice – Quelle place pour les plus faibles ? Accéder au sommaire
 
CRAP – Cahiers Pédagogiques N° 491 – octobre 2011 : Evaluer à l’heure des compétences. Accéder au sommaire
 
ICEM : Le Nouvel Educateur n° 189 – Evaluer, s’évaluer en pédagogie Freinet. Accéder au sommaire

Des livres

L’évaluation formative au coeur du processus d’apprentissage. Des outils pour la classe et la formationMaria-Alice Médioni, Préface Charles HadjiChronique sociale (2016)

C’est de ce processus dynamique, intégré au processus d’apprentissage, dont l’objectif est de faire évoluer les apprenants vers une meilleure compréhension des savoirs et des enjeux, qu’il est question dans cet ouvrage.
Il s’agit de partager une réflexion et des pratiques tournées vers l’évaluation considérée comme un processus formateur et transformateur des actions et des personnes. en savoir plus

Evaluer sans noter. Eduquer sans exclure
Coordination Michel Neumayer, Etiennette Vellas. Une production du LIEN
Chronique sociale (2015)

‘Né du sentiment d’urgence qu’il faut au plus vite nous « désintoxiquer » de la note à l’école, ce livre entend relever un triple défi : convaincre les citoyens des méfaits sur l’éducation d’une estimation chiffrée, outil de sélection ; décrire des alternatives non-chiffrées en matière d’évaluation ; s’interroger sur comment éduquer et évaluer sans exclure. Soit « dé-chiffrer l’humain ». en savoir plus

L’évaluation, plus juste et plus efficace : comment faire ? – Florence Castincaud, Jean Michel Zakartchouk – éditions Canopé (2014 )

 
L’évaluation dans les systèmes scolaires – Accommodements du travail et reconfiguration des professionnalités – Vincent Dupriez et Régis Malet – Bruxelles : De Boeck (2013)
Cet ouvrage décrit les politiques et dispositifs d’évaluation des écoles et des enseignants dans différents pays. Il met en évidence la manière dont ces dispositifs ont une incidence sur le travail des enseignants et sur leurs identités professionnelles.
 
Faut-il avoir peur de l’évaluation? – Charles Hadji – Bruxelles : De Boeck (2012)
 
L’évaluation : une menace ? ouvrage collectif de la collection Apprendre des PUF (2011), suivi d’un entretien avec Fabrizio Butéra de l’Université de Lausanne.

Les élèves, connaissances, compétences et parcours – Hélène Quéré – DEPP – 2011
L’évaluation des compétences par les enseignants est-elle juste? La question est posée par la Direction des études et prospectives (DEPP) dans cet ouvrage.
Du socle commun à la carte scolaire, en passant par le rôle du travail personnel, cet ouvrage apporte les éclairages sur tous les aspects d’un parcours d’élève, en s’arrêtant aussi sur des questions primordiales : quelle est la part des déterminants socio-économiques dans la performance des élèves ? Comment évaluer réellement celle-ci ?
sur le site de la documentation française

Des dossiers

Centre Alain Savary : Que signifie « évaluer les élèves » ? Accéder au dossier
 
Dossiers de veille scientifique
  • IFé – Service Veille et Analyses – Dossier de veille de l’IFé n°94 – septembre 2014 : Evaluer pour mieux apprendre – Olivier Rey et Annie Feyfant. Accéder au dossier
Un dossier d’analyse très fourni  du service de veille de l’ifé qui parcourt de nombreux questionnements. Est-ce qu’on évalue les élèves ou le système ? N’y a-t-il pas des confusions dans les usages, les fonctions ? Evaluer pour mesurer, contrôler en tension avec évaluer pour former… avec des comparaisons internationales et un long développement sur les rapports entre apprentissage et évaluation.

  • IFé – Service Veille et Analyses – Dossier d’actualité n°65 – septembre 2011 : Effets des pratiques pédagogiques sur les apprentissages – Annie Feyfant. Accéder au dossier

 

  • INRP – Service de veille scientifique et technologique – Dossier d’actualité n° 39 – novembre 2008 : L’évaluation au coeur des apprentissages – Laure Endrizzi et Olivier Rey. Accéder au dossier
Un dossier syndical : SGEN – EVALUTIONS  (2009). Accéder au dossier

En complément

 
Pour une évaluation bienveillante,  un exemple de modalité d’évaluation : le cahier de réussite en maternelle lire
 
Peut-on changer l’évaluation? un article de François Jarraud sur l’expresso du Café Pédagogique (19 nov 2014) lire
L’évaluation: une vraie question politique, Claude Lelièvre lire
 
Ethique et évaluation – Bernard Rey, intervention à l’université d’été du secteur Langues (août 2014) lire
 
Une histoire de la note… et de sa contestation – Grégory Chambat, CNT éducation 78 – Revue N’autre école
Un article très intéressant qui s’appuie sur les travaux d’Olivier Maulini,  où l’on découvre que la notation telle qu’on la connait aujourd’hui est une pratique récente. Lire
 
Evaluer autrement la dictée pour apprendre l’orthographe
  • Une nouvelle évaluation : construction et expérimentation d’un barème graduel pour l’exercice de la dictée, Olivier Barbarant (Inspecteur Général). Lire
  • Changer la dictée pour mieux apprendre l’orthographe – entretien accordé par Olivier Barbarant (Inspecteur Général) au Café pédagogique.
  • Vers une évaluation positive de l’orthographe, La position de l’Association française des enseignants de Français (AFEF). Sur le café pédagogique
Evaluer les compétences : obstacles et solutions pour l’enseignant d’EPS – Stéphane Roubieu. Lire

Le bosseur, le fumiste, les touristes et le forçat – Formes du travail lycéen et pratiques de formation – Anne Barrère. Lire
réalisation : Isabelle Lardon, Jacqueline Bonnard

Rapport au savoir

  • Quel sens des savoirs ?

     
     
     
     
Jacques BERNARDIN
Président du GFEN
 
 
À tous niveaux, on accueille des élèves qui doutent de l’importance de ce qu’ils apprennent et ont du mal à s’impliquer dans les activités, si ce n’est en surface, à « moindre coût ». Oscillant entre attente passive et activisme aveugle, leurs acquis sont fragiles et peu opératoires, avec des effets de cumul dégradant leurs résultats (1) . Face à cela, les réponses adaptatives courantes (qu’elles passent par les petits groupes proposant un travail différencié ou par l’aide accrue) ont tendance à renforcer les différences en pensant les réduire (2) . Qu’est-ce qui est de nature à (re) mobiliser les élèves, à restaurer leur appétit de savoir ?
 
 

Croire en leurs capacités

Les recherches convergent sur l’importance des attentes élevées à l’égard des élèves, signifiées moins par les discours que par les actes, à travers des situations ambitieuses. C’est du dépassement des obstacles, du défi relevé que le sentiment de maîtrise peut s’affirmer (3).
Ces situations d’apprentissage sollicitent la recherche personnelle, s’appuient sur la créativité des élèves et sur l’échange entre pairs. Face au problème, l’écoute et la parole se succèdent en s’éprouvant à la double exigence du réel à comprendre et des autres à convaincre, le dépassement des impasses et contradictions révélant la puissance de l’intelligence collective. La reprise réflexive émancipe de la situation, activité de formalisation propice aux prises de conscience, spécifique de la conceptualisation.
Ce qui ne peut se faire, chacun s’en doute, sans objet ni enjeu.
 

Restituer l’essence des savoirs

Si les élèves doutent de la valeur des contenus, comment les ouvrir à un autre rapport à la culture ? Une voie s’avère fructueuse, qui consiste à restituer aux savoirs leur épaisseur humaine à travers deux dimensions constitutives : leur valeur opératoire (ils répondent à des problèmes) et leur genèse (ils sont les produits d’une histoire jalonnée d’erreurs rectifiées).
Comment communiquer à distance ? Rendre compte d’une grande quantité ? Mesurer la hauteur de l’arbre ? « Toute connaissance est une réponse à une question », affirme Bachelard. C’est le sens du problème qui caractérise la pensée scientifique. Or, l’école professe trop souvent des « vérités » sans que les élèves aient eu le temps d’en percevoir l’intérêt ou la signification. Si beaucoup pensent que savoir ne sert que pour avoir des bonnes notes ou réussir aux examens, sans doute est-ce faute de mieux.
La valeur sociale d’échange des savoirs (pour passer, obtenir des certifications) masque leur valeur anthropologique d’usage : les outils, qu’ils soient techniques ou conceptuels, ont avant tout une fonction opératoire. Ils ont permis à l’humanité de vaincre ses handicaps (guérir les maladies ; aller plus vite que l’animal,  etc.) et d’élargir ainsi sa vision du monde. Sans doute est-ce essentiellement cela, savoir : s’émanciper des fatalités, conquérir de nouveaux pouvoirs de compréhension et d’action sur le réel.
 
Par ailleurs, tout savoir est le fruit d’une genèse faite d’inventions, d’erreurs, d’impasses et d’emprunts interculturels. Le savoir « épuré » d’aujourd’hui n’est donc qu’une forme cristallisée socio historiquement construite (donc provisoirement définitive) n’ayant conquis sa légitimité qu’au terme d’un long débat critique : Pasteur ferraille à la fin du 19ème siècle avec la communauté scientifique pour faire admettre sa thèse contre l’idée de génération spontanée ; il faut attendre le début du 20ème siècle pour qu’Hugo de Vries redécouvre et légitime les travaux de Mendel sur la génétique et que dire de l’invention de ces outils fondamentaux que sont les systèmes de numération et d’écriture ? (4)
 
C’est amputer le savoir de cette dimension humaine que le présenter sous une forme réifiée et atemporelle. Ce qui fait sa force, c’est qu’il répond au double critère d’efficacité et d’économie ; ce qui assoit son universalité, c’est que l’arbitraire de ses formes s’impose comme nécessité. Le système de numération positionnelle évite les risques d?erreurs et la lourdeur des systèmes additifs précédents : les Égyptiens avaient besoin de 27 signes pour écrire 1998 et les Romains de 9 ; ce n’est qu’au 12ème siècle que les chiffres arabes et le zéro (inventé 600 ans plus tôt) seront utilisés en France, faisant alors gagner un temps précieux pour calculer.
 
OEuvres, codes symboliques, concepts, mais aussi modes de représentation (plan, schéma technique) ne sont que les points d’orgue d’autant d’aventures de la pensée, balises historiques de l’intelligence humaine, dont nous avons la charge d’actualiser l’héritage auprès des élèves.  » les professeurs remplacent les découvertes par des leçons. Contre cette indolence intellectuelle (), l’enseignement des découvertes le long de l’histoire scientifique est d’un grand secours. Pour apprendre aux élèves à inventer, il est bon de leur donner le sentiment qu’ils auraient pu découvrir » : les propos de Bachelard restent d’actualité (5).
Une telle approche anthropologique des savoirs noue l’histoire de chacun à celle de l’humanité. Peu d’élèves y restent insensibles.
 
Intervention lors de l’Université d’Automne OCCE , du 23 au 26 2017
 
 1. BernardinJ. (2013), Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires.Paris-Bruxelles, De Boeck
2. Rochex J.-Y. (2011), « Au coeur de la classe, contrats didactiques différentiels et production d’inégalités », dans Rochex & Crinon J. (dir.), La construction des inégalités scolaires. Presses Universitaires de Rennes.
3. Bandura A. (2002 [1997]), Auto efficacité. Le sentiment d?efficacité personnelle. Bruxelles, De Boeck.
4. Lespremières traces de numération positionnelle à neuf chiffres apparaissent enInde au 5ème siècle après J.-C., soit environ 4 000 ans après les premièresrecherches de précédés de comptage ; en matière d?écrit, il faudra 2500 anspour mettre au point le principe alphabétique, autant pour élaborerl?orthographe de notre langue
5. BachelardG. (1938), La formation de l?esprit scientifique, J. Vrin, rééd.1993.
 
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Ouvrages de référence

 
 
Education ou Barbarie, Bernard CHARLOT, ed Economica & Anthropos, février 2020
 
 
Ce livre est porté par l’idée qu’il faut réintroduire la question de l’homme dans le débat sur l’éducation. Mais comment penser l’homme ? Bernard Charlot pose la question à des auteurs modernes et contemporains, en particulier Gehlen, Heidegger, Arendt, Patocka, Sloterdijk, Descola, Schaeffer, et il interroge la paléoanthropologie, qui étudie scientifiquement comment sont advenues ces diverses espèces humaines dont nous, Sapiens, sommes l’ultime forme.
Cet appel à une anthropo-pédagogie contemporaine est une contribution importante au débat sur l’avenir de notre monde, de notre espèce, de notre planète. Éducation ou barbarie.
 
 
 
Du rapport au savoir, éléments pour une théorie, Bernard CHARLOT, col Anthropos, 1999
La notion de rapport au savoir s’est répandu  dans le champ des sciences humaines. Elle attire l’attention sur le savoir comme sens et plaisir et ouvre un espace de dialogue entre disciplines. Mais par là même elle court le risque de devenir attrape-tout. L’auteur, qui est l’un des « pères » de la notion, entreprend ici de lui donner statut de concept. Ce faisant, il bouscule quelques idées reçues sur « les causes » de l’échec scolaire et transgresse un tabou en avançant l’idée d’une sociologie du sujet. Prenant appui sur une réflexion anthropologique, il explore diverses « figures de l’apprendre » et propose plusieurs définitions du rapport au savoir. Ce livre repose sur un pari : rien n’est plus utile que la théorie, dès lors qu’elle parle du monde, en un langage accessible à tous.
 
 
 

 

Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires, Jacques BERNARDIN, De Boëck, 2013 L’auteur étudie l’évolution du rapport entre origines sociales et institution scolaire : comment les jeunes d’aujourd’hui, d’origine tant aisée que populaire, appréhendent-ils l’école et la notion de savoir ? Quel sens les élèves donnent-ils à leur présence à l’école et à ce qu’on leur enseigne ? Qu’est-ce qu’apprendre de leur point de vue ? Face aux situations et aux contenus scolaires, quelles logiques sont à l’oeuvre et contribuent à la différenciation des résultats ? Autrement dit, qu’est-ce qui caractérise le rapport à l’école des élèves de milieux populaires ? sur le site du GFEN

 
 
 

Analyses et réflexions

 
La notion de rapport au savoir : origines et problématiques, un texte de Bernard Charlot qui retrace l’historique de l’élaboration de ce concept.  « Si la question est ancienne et si la notion apparaît au début des années 60 en psychanalyse et au début des années 70 en sociologie, la problématique du rapport au savoir naît vraiment en sciences de l’éducation, à partir de la fin des années 70″. Une mise en perspective historique pour comprendre l’articulation de cette notion entre différents champs conceptuels et surtout la pertinence de « refuser de séparer, d’un côté la question du social et, de l’autre, la question du sujet. » lorsqu’on s’interroge sur les apprentissages scolaires et les conditions à mettre en place pour la réussite de tous.lire
 
L’école face aux inégalités, intervention à l’Université d’automme du SNUipp de Haute Garonne,  ESPE de Toulouse (2017) Jacques BERNARDIN
Dans un contexte où les familles de milieux populaires vivent de plus en plus difficilement, quelles conséquences de ces conditions de vie  sur la façon dont leurs enfants sont initiés à la réalité : la construction d’un rapport au monde et d’un rapport au monde ; le rapport à l’école et au savoir. Quelles réponses de l’école ? lire
 
Professionnalisation des enseignants et démocratisation scolaire : une formation initiale pensée à l’aune de la réduction des inégalités scolaires ? Claire BENVENISTE in Education et socialisation, cahiers du CERFEE (centre de recherches sur la formation, l’éducation et l’enseignement) n° 50, 2018. en savoir plus
 
Transformer le rapport aux savoirs, Jacques BERNARDIN  Face aux apprentissages, les élèves en difficulté oscillent entre attente et fulgurance improductive. Ils veulent bien faire mais sont plus rétifs à réfléchir. Ils doutent d’eux et de ce qu’on attend d’eux, redemandent la consigne, sollicitent les enseignants à l’excès pour valider leur travail pas à pas. Ils ont par ailleurs souvent du mal à stabiliser les acquis et ne cessent d’interroger la valeur de ce qu’on leur enseigne (« à quoi ça sert »).lire
 
Rapport au savoir, métier d’élève et sens du travail scolaire, Olivier Maulini, Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Octobre 2009
Rapport au savoir, métier d’élève, sens du travail scolaire : à quoi renvoient ces trois concepts, et en quoi nous aident-ils à lire, penser, exploiter ou aménager des situations éducatives (complexes) ? lire
 
« Recentrer sur les savoirs » … Mais de quels savoirs parle-t-on ? Jacques Bernardin, 2008
Les modalités d’appropriation que nous mettons en place dépendent essentiellement de notre conception du savoir, la trahissent en quelque sorte (dans le double sens d’en rendre compte ou de la dénier, à notre insu). Jean-Pierre Astolfi nous invite à ne pas confondre information, savoir et connaissance, amalgame communément indifférencié source de confusion et de nombreux « échanges de sourds » sur la question pédagogique lire
 
Le « rapport au savoir », nouveau handicap, Jacques BERNARDIN (2006)
Victime de son succès, la notion de rapport au savoir est parfois utilisée comme version soft et moderniste du handicap socioculturel, habillant de mots neufs l’explication des différences par des caractéristiques psychologiques, cognitives ou langagières qui apparaissent intrinsèques aux élèves et intangibles, relevant de leur seule expérience familiale : renvoi habile à des différences interindividuelles qui, encore une fois, maquille les inégalités persistances face à l’école et  alimente les sentiments de fatalité et d’impuissance.
Dans quel contexte la notion émerge-t-elle ? Comment la définir ? En quoi cela renouvelle-il la compréhension des problèmes  et  ouvre de nouvelles possibilités d’action ? lire
 
 
Les malentendus face à l’apprentissage , Jacques BERNARDIN (2003)
Le constat réitéré d’une fragilité face à l’écrit tendanciellement plus fréquente et plus conséquente chez les élèves issus de milieux populaires incite à croiser les travaux de psychologie avec un éclairage plus sociologique pour tenter d’en rendre compte.
Si ce sont bien à chaque fois des sujets irréductiblement singuliers qui sont confrontés à des apprentissages culturels, ils sont néanmoins porteurs d’une histoire familiale elle-même inscrite dans un paysage social. Antérieurement puis parallèlement à la scolarité, la famille a à de façon explicite ou implicite à initié l’enfant à la signification et à la valeur des choses, à des façons de penser et de parler le monde et d’y désigner sa place. lire
 
Construction des inégalités scolaires dans la confrontation des élèves à l’école, Stéphane Bonnery
Plutôt que de postuler l’existence d' »élèves en difficulté » par essence, la recherche vise à comprendre comment se construisent les processus désignés comme « difficulté » par l’École. lire
 
Comprendre les parcours de « ruptures scolaires » et de « déscolarisation » des collégiens de milieux populaires, Daniel THIN
Intervention sur la compréhension des parcours de « ruptures scolaires » et de « déscolarisation  » des collégiens de milieux populaires à partir de ses recherches, sur les relations entre les familles populaires et l’école.(Actes des séminaires interacadémiques 2001-2002 – Regroupement des acteurs des classes relais – site EDUSCOL)
Plan de l’intervention
– De quelques comportements communs aux collégiens des quartiers populaires
– Ambivalence des collégiens des milieux populaires
– L’expérience scolaire et le rapport au savoir
– La tension entre la socialisation primaire (familiale) et la socialisation secondaire (ici scolaire)
– Des familles fragilisées
– Le risque de disqualification de la famille par la scolarisation
– Le groupe de pairs
– Les formes de prise en charge des comportements perturbateurs lire
 
Faire partager les valeurs de la République, une mission prioritaire mais difficile à l’école aujourd’hui, Jean-Paul Delahaye Inspecteur général de l’éducation nationale honoraire, intervention aux rencontres nationales du GFEN « Les valeurs à l’épreuve des pratiques : valeurs à l’école, valeurs de l’école » (2017) lire
 
Rapport au savoir, rapport à savoir. Enjeu de formation, Odette BASSIS.  Dialogue n° 159, Conformer ou transformer ? Enjeux des formations, janvier 2016
Le rapport au savoir concerne le rapport à « l’objet » du savoir (c’est-à-dire son contenu) dans la richesse propre qui le constitue et l’a constitué et le rapport à savoir désignant les chemins engageant « le sujet » qui entre, pour lui-même, dans le vivant de l’élaboration et l’aventure d’une telle conquête. Former à une pensée critique et créatrice, responsable et solidaire est bien un défi face aux impératifs d’une société en mal de réussites monnayables et utilisables à merci. lire
 

Rapport au savoir et « devoirs à la maison » : Pour beaucoup de familles, les devoirs sont partie intégrante du travail scolaire. Mais tous les élèves sont-ils égaux devant le devoir ?

Devoirs : autour d’un malentendu. Entretien avec Patrick Rayou, entretien réalisé et publié par le Café Pédagogique dans son « expresso », 2010
« Le bien fondé du travail hors la classe n’est pas évident », écrit Patrick Rayou dans l’ouvrage « Faire ses devoirs » publié par les Presses Universitaires de Rennes.
L’ouvrage dirigé par P. Rayou interroge le devoir sous des angles complémentaires, sociologique ou pédagogique. Pourquoi le devoir résiste-t-il aussi bien aux injonctions officielles ? Comment est assurée la continuité entre le travail fait en classe et celui à faire à la maison ? Comment est-il reçu dans les familles alors que nombre d’entre elles ont très tôt arrêté l’Ecole ? Patrick Rayou nous éclaire sur ces points. lire
 
Les implicites du travail du soir, Sylvie MEYER DREUX (2009)
Dans le cadre de l’accompagnement à la scolarité, à la sortie de la classe, l’objet le plus visible à interroger est le fameux « travail du soir ». Pour préparer les journées de Saint Denis, le groupe Paris a mené à ce sujet, dans 2 écoles parisiennes (une située en ZEP et une autre relevant d’une dite « mixité sociale »), des entretiens avec des enseignants et des élèves, prenant appui sur les travaux, recherches et séminaires menés sur la question de l’accompagnement et de l’aide et principalement sur le rapport de Dominique Glasman « Le travail des élèves pour l’école en dehors de l’école » lire
 

A visionner

Décrochage scolaire : quels obstacles, quels leviers ?
Vidéo – à voir sur le site de l’Ifé – Centre Alain Savary un entretien avec Jacques BERNARDIN (2014) Visionner
 
Une continuité éducative réussie : à quelles conditions ?
Les 5 et 6 décembre 2018, le laboratoire de sciences de l’éducation de Normandie (CIRNEF)  organisait les 10èmes journées sur l’enfance sur le thème de la continuité éducative. S’interroger sur les conditions d’une continuité éducative réussie suppose de concevoir l’éducation sous toutes ses déclinaisons, dans la multiplicité des acteurs, des lieux et des temps qui y participent. Plus précisément, la thématique amène à considérer l’éducation formelle (à l’école principalement) et non formelle (dans cette école et dans d’autres espaces). Il s’agit d’entrer par les expériences et les motivations des acteurs de terrain, leurs conditions de vie et conditions d’exercice professionnelles, leurs histoires, leurs cultures familiales et professionnelles, leurs représentations sociales et leurs désirs, plus que par les projets politiques et les institutions qui ont pour mission de les mettre en ?uvre. La problématique suppose de regarder et d’analyser comment, du fait de ces politiques, et dans le cadre de leurs institutions respectives, ils mettent en place ou non une éducation des enfants et de jeunes qui suppose des éléments de continuité et des ruptures. Visionner sur le site Canal U
 
 
Jacqueline BONNARD – juin 2019

Apprendre à lire : le point de vue de dix mouvements pédagogiques, d’éducation populaire, d’associations et de syndicats

Après la parution du guide « orange » ministériel sur l’apprentissage de la lecture au CP, voici la riposte d’un collectif associatif et syndical dont le GFEN a fait partie et qui a travaillé de concert pour proposer cette brochure « Apprendre à lire, oui mais comment ? ».

Malgré des positions qui ne sont pas tout à fait les mêmes
mais d’accord sur l’essentiel, les partenaires ont su trouver un consensus et ré-affirment que lire est une opération éminemment complexe dont le but est de comprendre.

La brochure se décline en plusieurs points-clés

La page 2 qui s’intitule « Des prescriptions ministérielles, le bon choix ? » est une critique de la conception de l’apprentissage appuyée sur des données de recherches autres que les
neurosciences et les repères dans le cycle.

La page 3 définit ce qu’est lire et apprendre à lire et comment les parents et les associations peuvent participer à aider les enfants.

« Lire, c’est élaborer une signification en prenant appui sur des indices linguistiques de natures diverses et les articuler pour décrypter le sens d’un texte… Apprendre à lire, c’est apprendre  à mobiliser des compétences spécifiques pour construire une représentation mentale cohérente de l’ensemble du texte…
L’apprentissage de l’écriture ne peut être dissocié de celui de la lecture…
Laisser penser, comme dans le guide « orange » que lire consiste essentiellement à identifier les graphèmes et les mots, à oraliser le texte le plus rapidement possible, conduit à des malentendus sur la nature de l’activité, dont beaucoup d’élèves ont du mal à se débarrasser ensuite. »

La page 4 précise qu’enseigner n’est pas un métier d’exécution et que l’enseignant dans sa classe, est capable d’adapter les situations d’apprentissage à ses élèves.

Cette brochure est signée par les structures suivantes : AFEF — CRAP — FCPE — GFEN — ICEM — Ligue de l’enseignement — SE — SGEN — SNPI — SNUipp

Elle est destinée aux enseignants, aux parents, aux animateurs… à un public le plus large possible.

Lire la brochure dans son intégralité

LireEcrireCP, les vidéos du 25 septembre consultables en ligne

Etude de l’influence des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur la qualité des premiers apprentissages

Le 25 septembre, à l’Institut français de l’Éducation / ENS de Lyon, les chercheurs engagés dans l’étude LireÉcrireCP ont exposé leurs premiers résultats. Pour aller au-delà de la question des méthodes de lecture, ils ont décrit les pratiques d’enseignement qui ont été observées, pendant trois semaines, en prenant en compte un ensemble très détaillé de variables pédagogiques et didactiques. La recherche prend appui sur l’observation des heures d’enseignement filmées et indexées, sur l’analyse des traces écrites (cahiers, affichages, livres) et sur les informations délivrées directement par les maîtres. La recherche a été coordonnée par Roland Goigoux, financée par l’Ifé avec le soutien de la DGESCO.

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Maîtrise de la langue

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Orthographe…  » au-delà de la faute… »

C’est ma faute
 
C’est ma faute
 
C’est ma très grande faute d’orthographe
 
Voilà comment j’écris
 
Giraffe.
Histoires (1946), Mea culpa – Jacques Prévert
Régulièrement, au fil de publications d’études ou de rapports  à ce sujet, chacun y va de sa plume pour déplorer avec nostalgie la pratique quasi quotidienne de la dictée du siècle dernier, rempart supposé à la multiplication de la « faute » et garantie de la maîtrise orthographique pour celui qui s’y soumet. Mais au-delà du constat, quelles propositions concrètes et adaptées à notre contexte socio-historique pour sortir de l’impasse ?
Aujourd’hui, le débat est relancé par la proposition d’Olivier Barbarant (Inspecteur Général) d’évaluer autrement la dictée pour que, d’exercice pénalisant, elle devienne élément constructif de l’apprentissage de l’orthographe.
Ce dossier propose différents articles et ouvrages relatifs à la thématique de l’apprentissage de la norme orthographique de la langue française, sujet sensible dans notre système éducatif du fait de la complexité de notre langue à ce sujet d’une part, de l’impact symbolique accordé à la maîtrise de l’orthographe lors des échanges interpersonnels ou professionnels d’autre part.
Evaluer autrement la dictée pour apprendre l’orthographe
  • Une nouvelle évaluation : construction et expérimentation d’un barème graduel pour l’exercice de la dictée, Olivier Barbarant (Inspecteur Général) lire le texte
  • Changer la dictée pour mieux apprendre l’orthographe ? entretien accordé par Olivier Barbarant (Inspecteur Général) au Café pédagogique.
  • Vers une évaluation positivede l’orthographe, La position del‘Association française des enseignants de Français (AFEF) lire
A propos des pratiques 
  • Grammaire, orthographe, lexique : quelles pratiques au collège et en CM2 ? Un dossier de la DEPP qui décrit les pratiques majoritaires dans la mise en oeuvre des programmes de français au collège observées lors d’une enquête nationale. Afin d’obtenir des éléments de comparaison et d’analyse sur la continuité école/collège, l’enquête a été élargie au CM2 .
  • Mobiliser les élèves sur l’orthographe, Pratiques et repères pédagogiques, sous la direction de Dominique Senore, Chronique Sociale 2011 Présentation de l’ouvrage
Des pratiques du GFEN
  • Construire la vigilance orthographique, Jean Bernardin
« Orthographe : construire vigilance et appétence », janvier 2014.
Les contenus de savoir en orthographe sont généralement appréhendés comme des règles à appliquer, des exercices répétitifs pour des résultats parfois médiocres au regard de l’investissement de l’enseignant et de l’élève. Il s’agit donc de modifier le rapport à la langue en permettant aux élèves de construire du sens à la nécessité d’écrire correctement, des attitudes opératoires (vigilance) et des savoirs sur la langue (compétence).
Alors, à quoi « sert » l’orthographe ? lire
  • L’étymologie pour travailler l’orthographe  (cycle 3), Laurent Vaussenat 
Le français vient du latin… mais pas seulement !
Faut-il apprendre l’orthographe ou la comprendre ? S’intéresser à ses origines, se pencher sur l’histoire de la langue, comprendre que le concept même d’orthographe est assez récent et repose sur une volonté d’uniformiser l’orthographe, comprendre aussi que les mots s’inscrivent dans un lent processus évolutif. lire
  • Travailler l’orthographe en classe (cycle 2), Gérard Médioni
Comment travailler l’orthographe ? L’article présente plusieurs situations pédagogiques prenant appui sur des ateliers d’écriture : le chantier d’amélioration de textes, le chantier d’orthographe, l’exercice de la dictée revisité. Des situations exigeantes mais non démobilisatrices pour consolider la maîtrise de la langue. lire
  • Terminaisons du futur (cycle 3), Jeanne Dion 
« De la multiplication égyptienne à l’orthographe du futur : du signe au sens « 
Rendre insolites des savoirs du quotidien qui n’interrogent plus la plupart des enseignants ni des élèves et proposer des pratiques qui redonnent sens au savoir, tels sont les visées de ce texte. On passe de la multiplication à la numération décimale, de l’orthographe du futur des verbes à la fonction de la virgule dans la phrase pour expliquer la normativité de ces codes par l’histoire et inscrire le savoir et le sujet qui apprend dans l’aventure humaine.lire
  • « Ilécricomiparl’ » [en hommage à Raymond Queneau] (collège, SEGPA, CFA…), Odette et Michel Neumayer
Animer un atelier d’écriture, ESF éditeur, rééd. 2011, p.69-74
Mettre des jeunes en difficulté scolaire, ou pas, en situation de travailler leur rapport à la norme langagière et littéraire pour renouer avec la lecture et l’écriture.  Ecrire et découvrir les partis pris et choix littéraires d’un écrivain : Raymond Queneau.  lire
Du côté des syndicats d’enseignants
au SNUipp
  • Comment diversifier les situations de dictées ? Comment faire que cet exercice incontournable devienne un support d’apprentissage et non pas une simple évaluation ? en savoir plus
  • grammaire : des activités en ligne pour s’exercer. en savoir plus
au SE-UNSA
  • Exemples de dictées toutes différentes et motivantes par Stéphanie de Vanssay. en savoir plus
  • Analyse de l’expérimentation DGESCO et pistes pédagogiques par  Anthony Lozac’h. en savoir plus
Des ouvrages traitant de l’enseignement de l’orthographe
  • Faire réussir les élèves en français de l’école au collège. Des pratiques en grammaire, conjugaison, orthographe, productions d’écrits. Jeanne Dion et Marie Serpereau (GFEN) Présentation de l’ouvrage
  • Orthographe : A qui la faute ? Danièle Manesse et Danièle Cogis, ESF 2007
Au terme d’une enquête auprès de 3 000 élèves, les auteurs montrent que « l’écart entre les résultats des élèves de 1987 et ceux de 2005 » est en moyenne de deux niveaux scolaires.
La présentation de l’ouvrage et un entretien avec les auteures.
Cette présentation est complétée par  deux entretiens : le premier avec Jean-Pierre Jaffré linguiste et didacticien de l?orthographe, le second avec Viviane Youx de l’AFEF. lire l’article
  • Oui ou non, peut-on dire que le niveau en orthographe baisse chez les élèves ? Un article d‘Evelyne Charmeux suite à la parution de cet ouvrage, article publié sur le site de Daniel CALIN lire l’article
  • Enseigner l’orthographe autrement, « Sortir des idées reçues et comprendre comment ça marche », Evelyne Charmeux Chronique Sociale, 2013
Le présent ouvrage propose une théorie et des mises en application concrètes de l’enseignement de l’orthographe, en relation avec la communication écrite. Ces apports, qui se veulent solides, sont fondés linguistiquement et construits avec des classes dans une démarche de recherche-action. Présentation
  • Orthographier, Michel Fayol, Jean-Pierre Jaffré, puf 2008
Cet ouvrage prend le temps de faire le point sur le fond : quelles difficultés spécifiques de la langue française écrite pour les « écriveurs » (phonologiques, lexicales et morphologiques), et quelles pistes pour l’enseignement.
Présentation faite de cet ouvrage sur le café pédagogique Présentation 
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Rectificatif de Prévert quelques années plus tard…
Sans faute (codicille)
 
J’ai eu tort d’avoir écrit cela autrefois
 
Je n’avais pas à me culpabiliser
 
Je n’avais fait aucune phaute d’ortographe
 
J’avais simplement écrit giraffe en anglais
Jacques Prévert (« Choses et autres » – Gallimard, 1966)
 
Jacqueline Bonnard, Isabelle Lardon

Ateliers d’écriture en milieu scolaire

Travailler l’étonnement
dans les ateliers d’écriture en milieu scolaire

Michel Ducom

C’est toujours un grand plaisir pour l’enseignant dans un atelier d’écriture de voir des enfants construire ou restaurer leur pouvoir d’écrire.
L’ étonnement, la fierté ou les inquiétudes des jeunes participants devant les textes affichés ou lus sont exactement les mêmes que ceux de bien des écrivains débutants…

Tout se passe comme si celui qui a écrit entrait dans un nouveau monde, un monde qui lui aurait été mystérieusement interdit ou confisqué. Il y a sans doute beaucoup d’illusions dans cette émotion, et le travail de l’adulte dans les ateliers suivants sera sans cesse de ramener à la réalité ceux qui écrivent, pour les prévenir contre de multiples désagréments et pour qu’ils comprennent qu’est-ce qu’écrire, afin d’en faire le meilleur usage dans leur vie. Mais cette émotion est commune aux adultes et aux enfants. Elle signale bien l’importance de l’acte. Dans un monde envahi par l’écriture – de la librairie à la publicité sur les écrans, de la bibliothèque aux notes professionnelles – tout se passe comme si certains avaient
droit à écrire et d’autres pas. Et certains qui écrivent dans un domaine, professionnel par exemple, n’auraient jamais envisagé pouvoir le faire dans une fiction, un poème ou un scénario…
Les représentations que les enfants ont de l’écriture sont souvent plus contradictoires que celles des adultes. Comme eux ils savent par l’expérience qu’ils ont de la société que les écritures sont diverses. Ils voient d’ailleurs bien mieux que les adultes que les romans ne sont pas la seule forme d’écrit validée par la société : leur planète écriture est peuplée de publicités, de panneaux, d’écrits scolaires, d’étiquettes
de marques et d’enseignes… La légitimation hiérarchisée de certains écrits ne les empêche pas de voir la variété des écrits. Mais contradictoirement ils savent qu’ils vont apprendre à écrire, et là ils ont souvent l’illusion qu’ils vont apprendre un secret valable pour toutes les formes d’écriture, celles qu’ils connaissent et quelques unes mal connues qu’ils soupçonnent être celles d’un monde qui leur échappe, le monde adulte.
De la même façon que certains adultes, ceux qui par exemple ont des carnets secrets poétiques, découvrent parfois avec un grand plaisir leur pouvoir insoupçonné de produire un texte scientifique, les enfants vont de découvertes en découvertes lorsque grandissent les champs d’application de leur pouvoir d’écrire..
Le pouvoir est une réalité, mais avant de devenir une réalité sociale, il s’éprouve d’abord comme une
réalité individuelle. Le sujet est confronté à deux étonnements majeurs qui touchent sa sphère « proximale ».

L’étonnement devant la trace produite :

Que ce soit un plaisir régressif ou une jubilation de pouvoir
– au sens de « pouvoir faire », et dans tous les sens imaginables
– le rapport à la trace est une forte expérience personnelle.
Les arts plastiques ou la musique enregistrée en sont aussi comptables, comme la fabrication d’un meuble ou la production d’un théorème.
Ce n’est pas « propre » à l’écriture, mais la situation est à prendre en compte, parce que parfois redoutable, ou narcissiquement dangereuse, ou facteur d’un plaisir intense, ou à l’origine d’un dégoût de soi incontrôlable…
Nous sommes dans l’imaginaire de la trace. Le langage et l’ordre symbolique que nous manions si bien, ou si peu, nous échappe et prend les figures de l’autonomie. C’est moi, mais cela m’est extérieur.
Je croyais « faire » peu et j’ai « fait » beaucoup. L’adulte enseignant – comme l’animateur d’atelier d’adolescents ou d’adultes – devra veiller à ce que le sujet puisse « en dire quelque chose », qu’il puisse aussi en entendre quelque chose de différent proposé par les autres participants, sous peine de rester prisonnier de sa découverte.
Il faut que chacun à chaque enfant – puisse accepter cette nouvelle situation qui est d’ordre imaginaire où de l’inattendu est survenu dans ses propres codes si sûrs et si bien protégés.
C’est pourquoi il est indispensable que les ateliers d’écriture à l’école comportent une phase de discussion sur les conditions de la production des textes, discussion menée par les enfants participants, et dans un premier temps discrètement soutenue par l’adulte.
Les enfants parlent alors de ce qu’ils ont aimé, de ce qui a été difficile, ils mettent en relation cette activité d’écriture avec d’autres activités de classe.
Bien entendu, le maître peut participer à la discussion avec des phrases courtes qui portent sur le vécu des enfants. Il veille alors à faire apparaître au groupe la diversité des points de vue des enfants.
Ces derniers seront alors vraiment en recherche sur ce qui s’est passé, la posture de l’adulte n’étant ni celle d’un psychologue, psychanalyste ou thérapeute , mais celle d’un pédagogue, créateur d’atelier chargé d’actualiser les potentiels de création des jeunes participants et de soutenir un débat d’enfants
qui construit de la distanciation sur une activité d’écriture impliquée et récente.

L’étonnement devant ses propres capacités :

Il n’est pas rare dans un atelier d’enfants d’entendre des critiques assez virulentes sur d’autres activités scolaires ou familiales où les élèves témoignent de s’être ennuyés, d’avoir été négligés…
Ces critiques ne font pas avancer grand chose. Elles sont la plupart du temps un excellent moyen pour échapper à l’analyse de ce qui s’est réellement passé dans l’atelier. Mais elles mettent en valeur la nouvelle façon qu’a le sujet d’apprécier ses propres capacités. Il se sent investi de nouveaux attributs,
il manifeste souvent qu’il mue, il vit un changement fort de représentation sur lui-même. C’est que la révolution est copernicienne : à l’endroit où il se sentait incapable, le voici devant une évidence, d’autant plus forte qu’il s’infériorisait plus. Il a réussi à l’endroit exact de ses fatalités. Ce n’est pas toujours facile à supporter. On voit parfois des enfants nier la qualité de leur texte même s’il est très riche. On en voit d’autre essayer de ne plus parler de cette réussite et se lancer dans mille autre sujets de discussion pour échapper à cette nouvelle réalité : ils peuvent écrire.
Certains ne peuvent décidément pas démentir leurs parents qu’ils aiment et qui ne croyaient pas qu’ils y arriveraient, ni les valeurs de leur milieu d’origine où on ne trahit pas, quand on est Gitan et de culture orale, ou imprimeur et donc pas du tout écrivain…
Là encore, le moment bref de la discussion en fin d’atelier, ou au milieu, va être décisif : il va permettre la relativisation des positions de chacun, des discours sur les « prétendues incapacités ». Si la qualité des textes est interpellée par les enfants, un travail ultérieur doit être leur être proposé dans une nouvelle séquence pour qu’ils examinent en présence du jeune auteur les qualités et les fonctionnements du texte qui prétendument ne serait pas de qualité. On peut faire confiance aux enfants en groupe si on leur demande : « qu’est-ce qui est bien pour vous dans le texte de Pierre ? ».
Ils trouvent de nombreux éléments, y compris au CP. Et le collectif des « pairs » -les participants – a presque autant de force que la parole de l’adulte, et surtout il n’est pas une parole de « maître ».

Mais l’étonnement devant les nouvelles capacités peut provoquer une attitude totalement opposée et tout à fait ennuyeuse : le nouvel écrivant – bien que tout jeune – se sent soudain écrivain jusqu’au bout des ongles et à deux doigts d’obtenir le Goncourt. La divine surprise devient magie divine et l’imaginaire
délirant. Dans ce cas l’adulte, pour éviter tout danger, se doit aussi d’organiser le débat sur ce qui, dans l’atelier a facilité, ou au contraire rendu difficile, la production des textes. Peu à peu, d’une séquence d’atelier d’écriture à l’autre, le naïf ne manquera pas de découvrir tout le travail cristallisé par le meneur
d’atelier dans les consignes orales ou écrites, en relief ou « en creux » la place des textes des autres enfants dans sa propre production, la force de l’imprégnation des textes d’écrivains lus en classe, le modèle et la façon de s’en écarter…
L’impatience de l’enfant se heurte alors à une réalité, et il est nécessaire de proposer des projets de socialisation : affichage des textes, lectures de l’adulte ou mise en place d’un mini récital pour une autre classe, affichage des textes dans la cour… Les obstacles de la réalité « je ne suis pas un véritable écrivain » reculent . Les projets sont réalisés en petits groupes ou en groupe
classe et ils sont valorisant pour chacun. L’illusion peut alors laisser place à la détermination à fortifier longuement cette nouvelle capacité.

L’étonnement des enfants dans un atelier est une grande satisfaction pour celui qui conduit l’affaire. Mais sans la mise en place d’un travail réfléchi accompli en grande partie par les jeunes eux-mêmes, sans des débats courts mais sérieux sur ce qui est dit et fait dans l’atelier, le risque est grand de laisser les promesses d’émancipation et d’apprentissage de l’écriture dans leur état de promesses, et franchement, avec un aussi joli outil pédagogique, qui marche si bien avec un investissement en formation relativement léger, quel grand dommage ce serait !