Education patrimoine de notre société (2007) Signataires : CEMEA, CRAP Cahiers Pédagogiques, Education & Devenir, FERC/CGT, FSU, GFEN, ICEM Pédagogie Freinet, JPA, Ligue de l’enseignement, OCCE, SGEN/CFDT, UNSA Education Ce texte a été envoyé le 14 mars 2007 aux candidats à l’élection présidentielle, ainsi qu’à la presse. Dans cette période de campagne électorale, il est beaucoup question d’éducation. Tous les candidats affirment la nécessité d’en faire une priorité. La réussite des jeunes semble être une préoccupation. Nous pourrions nous en satisfaire mais en fait cela ne saurait nous suffire. Car de quoi parle t-on réellement ? S’agit-il d’un affichage politiquement correct ou de corriger à la marge les inégalités ou bien d’un réel engagement pour permettre à tous les jeunes de réussir à l’Ecole ? Or, que nous soyons enseignants, acteurs de l’éducation, citoyens nous sommes préoccupés par l’avenir de tous les jeunes et particulièrement des jeunes des milieux les plus défavorisés. Et nous voulons que les débats sur l’école débouchent sur un véritable engagement de l’Etat à garantir l’accès de tous les jeunes aux savoirs, à garantir que plus aucun jeune ne soit laissé sur le bord du chemin. Nous voulons également que les conditions sociales ne soient, pour personne, un obstacle à la poursuite d’études et à l’acquisition d’une formation. Certains tentent de faire croire à l’opinion qu’on pourrait garantir l’égalité des chances sans en expliquer le caractère mensonger en ne disant pas ce que deviennent dans leurs projets les élèves les plus fragiles. Prétendre mettre tout le monde sur une même ligne de départ ne garantit en rien l’arrivée de chacun. Nous préférons, nous, le concept d’égalité effective d’accès à l’éducation, à la formation, à la culture et à la qualification. Cela implique des changements réels pour l’Ecole (école primaire, collège, lycée). Nous ne pouvons pas accepter non plus les discours actuels de démolition : l’Ecole ne saurait pas apprendre à lire aux élèves, elle enregistrerait une baisse importante du niveau de connaissance, elle serait le lieu des incivilités… Et il est intolérable que les élèves et leurs familles soient tenus pour responsable de leurs difficultés scolaires. Il en va ainsi de l’apprentissage à 14 ans qui sonne le glas d’un véritable collège pour tous, des injonctions aux enseignants sur les méthodes d’apprentissage (lecture, calcul …). Nous ne nous contenterons donc pas non plus d’entendre des discours flatteurs sur l’Ecole d’autant que le contexte actuel ne peut que nous inquiéter. Ce que nous vivons depuis des mois est un renoncement sans précédent à la réussite de tous les jeunes. C’est l’installation d’une école à plusieurs vitesses, d’une Ecole qui au lieu de combattre les difficultés scolaires contribue à les accentuer. Les suppressions de postes de ces dernières années en sont un des signes les plus visibles. Depuis des mois nous alertons sur le sort qui est fait à l’Ecole et nous redisons avec force à tous les candidats à la fonction de Président de la République : les idées apparemment les plus simples ne sont pas forcément les meilleures ! Certes, l’École ne peut pas tout. Le lien entre les inégalités sociales et les inégalités scolaires est aujourd’hui une réalité connue de tous. Des politiques d’emploi, de logement, de santé… doivent permettre de contribuer à la réduction des inégalités. Mais l’Ecole doit faire encore mieux que ces dernières années. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que l’Ecole a su répondre au défi de la massification rendue nécessaire par les exigences éducatives, sociales, culturelles et économiques de la société. De 5 % d’une classe d’âge au baccalauréat en 1960 nous sommes maintenant à plus de 62 %. Certes aujourd’hui encore trop de jeunes sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification. La contribution de l’école à cette lutte contre les inégalités est essentielle et son bilan actuel est loin d’être catastrophique comme le prétendent certains et les dernières données de la recherche, les études statistiques le prouvent. Enseigner, éduquer n’est pas chose simple. Vouloir convaincre l’opinion de l’inverse relève de l’illusion et du mensonge. L’Ecole a en particulier la responsabilité de faire apprendre la complexité du monde, de savoir traiter la difficulté, les difficultés. Oui l’échec scolaire existe, oui il doit être combattu. Cela nécessite de réfléchir aux conditions de la démocratisation du système éducatif, de promouvoir des dispositifs qui ont pu faire leurs preuves sur le terrain mais sont méconnues et de chercher avec l’ensemble des acteurs de l’école des propositions qui soient de véritables mesures innovantes (le développement et la diffusion des pratiques différenciées, le développement du travail en équipe, l’amélioration des conditions de scolarisation des élèves, l’organisation de l’Ecole, le renforcement de projets éducatifs territoriaux articulés avec les projets des écoles et des établissements…). L’école a déjà fait beaucoup. Les résultats encourageants, voire positifs, d’un grand nombre de ZEP dans un contexte de dégradations sociales en sont un bel exemple. Et pour cela chaque jour des enseignants s’investissent, des équipes réfléchissent, des acteurs travaillent en complémentarité avec l’école. Notre pays dispose pour cela d’une véritable richesse, d’un engagement des enseignants et de tous ceux qui travaillent au quotidien au côté de la jeunesse dans l’école mais aussi autour de l’école. Il faut croire en la possibilité de tous les jeunes de réussir, il faut avoir le courage d’engager une véritable transformation du système éducatif, avoir la volonté d’y mettre les moyens nécessaires. L’éducation ne saurait participer d’une logique quantitative, d’une logique comptable mais bien d’une logique humaine. Il s’agit de construire une société où toutes les femmes et tous les hommes auront la capacité de conduire leur vie personnelle, civique et professionnelle en pleine responsabilité et serons capable d’adaptation, de créativité et de solidarité. De tout temps l’école a été un choix de société. C’est parce que nous voulons une société plus juste, plus égalitaire, plus humaine et plus citoyenne que nous voulons que l’éducation soit considérée au travers d’actes concrets comme un élément essentiel du patrimoine de notre société. Le défi est aujourd’hui de permettre à tous les jeunes d’accéder à l’éducation, à la culture et à une qualification. 14 mars 2007 Valérie Pinton