Evaluations CP et CE1 : pour quoi faire ? Ce lundi 16 septembre, alors que malgré les critiques, les évaluations commencent dans les classes, celles-ci posent toujours problème quant à leur pertinence, aux conditions de leur passation et au type de remédiations proposées. Le GFEN et sept autres organisations syndicales et mouvements pédagogiques s’adressent au ministre, à travers une lettre ouverte, pour l’interroger sur les finalités de ces évaluations standardisées et lui demander de prendre en compte l’expertise des enseignant.e.s. Au GFEN particulièrement, « notre crainte est grande que ces évaluations servent de prétexte pour assigner à la maternelle une mission réduite à une préparation à l’école élémentaire au détriment de toutes les autres finalités. Prenant ainsi le risque de créer de la difficulté scolaire notamment chez les élèves dont la culture familiale est éloignée de la culture scolaire. » Paris, le 14 septembre 2019 Monsieur le Ministre, L’an dernier, la mise en place des évaluations standardisées de CP et CE1 a généré de fortes critiques de la profession et des familles. Nos différentes alertes ont permis des modifications sur la forme et dans le contenu des items, des temps de passation, du nombre de livrets et des temps de saisie mais ne modifient ni la nature ni les finalités de ce protocole. Comme l’année dernière, elles laissent de côté de nombreux pans des apprentissages pourtant essentiels à la maîtrise des compétences visées au cycle 2. De même, nous nous interrogeons toujours sur la finalité de ces évaluations. Nous craignons toujours un étiquetage précoce et une volonté renforcée de piloter par les résultats. Cela entraine une modification des pratiques enseignantes préjudiciable aux élèves les plus fragiles et une défiance à l’égard du professionnalisme des collègues. En effet la valorisation par la DEPP de la stratégie de « réponse à l’intervention » risque d’engendrer une réduction des savoirs enseignés à ce qui est évalué, la prévalence de l’entraînement et la répétition sur les autres processus d’apprentissage, tout comme une évolution du métier d’enseignant avec une place réduite pour la conception de l’enseignement. Les différentes expériences internationales en matière d’évaluation et de pilotage des systèmes éducatifs par ce système, nous montrent déjà ce type de dérives qui génèrent des situations anxiogènes, du bachotage, un abandon des matières culturelles ou sportives, et une mise en concurrence des classes et des écoles. Notre crainte est grande que ces évaluations servent de prétexte pour assigner à la maternelle une mission réduite à une préparation à l’école élémentaire au détriment de toutes les autres finalités. Prenant ainsi le risque de créer de la difficulté scolaire notamment chez les élèves dont la culture familiale est éloignée de la culture scolaire. L’évaluation fait partie intégrante des enseignements et des apprentissages des élèves et tou-tes les enseignant-es la pratiquent régulièrement. Cependant, plutôt que de reconnaître que les enseignant.es, pratiquent leur métier avec sérieux, votre administration envisage encore des sanctions à l’encontre de celles et ceux qui n’ont pas appliqué totalement ou en partie le protocole en 2018/2019 qui leur a été imposé alors qu’il était très mal adapté à la réalité des classes. Dans un souci d’apaisement des tensions, de rétablissement d’une forme de confiance, et de respect de l’expertise des enseignants, ces sanctions (retrait de salaire, inscription au dossier personnel des enseignant-es, restrictions du choix du niveau de classe…) doivent être levées. Nous tenons à réaffirmer ici notre attachement à une Ecole qui soit respectueuse des élèves, de leurs familles, du travail des enseignant-es et de leur liberté pédagogique. C’est à cette condition, en respectant les spécificités de chacun et chacune, les différents contextes de scolarisation et en accordant véritablement la confiance aux enseignant-es que notre Ecole pourra progresser. Nous ne rejetons pas l’idée de disposer d’outils d’évaluation nationaux, mais nous demandons que les protocoles d’évaluation continuent de mieux prendre en compte les besoins réels des classes en respectant la professionnalité et l’expertise des enseignants. Ce qui n’est pas le cas avec les évaluations standardisées actuelles et c’est pourquoi nous les remettons en question. Dans ces conditions, nous ne sommes pas opposé-es à ce que la question de l’évaluation nationale soit posée collectivement et qu’un travail en profondeur sur les finalités, les contenus d’une telle pratique, ainsi que sur les outils et leur usage soit menée. Notamment, sur la correction et le retour des résultats aux professionnels pour que ceux-ci soient utiles à leurs pratiques en classe. Si les protocoles d’évaluation CP-CE1 ont été constamment présentés par la DGESCO et la DEPP comme des outils au service des enseignant-es, nous souhaitons qu’ils le soient vraiment et qu’ils ne soient plus instrumentalisés à des fins d’évaluation des performances du système, de mesure de l’«efficacité » d’une politique ou de rémunération au mérite. Nous, organisations syndicales et mouvements pédagogiques signataires sommes à votre disposition pour travailler ces questions avec vous, en nous appuyant sur l’expertise des enseignants. Francette Popineau, co-secrétaire générale du SNUipp-FSU Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT Norbert Trichard, secrétaire général du Snudi-FO Patrick Désiré secrétaire général de l’UNSEN-CGT Educ’action Isabelle Lardon co-secrétaire générale du GFEN Catherine Chabrun vice-présidente de ICEM-pédagogie Freinet Roseline Prieur présidente du CRAP — Cahiers pédagogiques télécharger la lettre 16 septembre 2019 Valérie Pinton