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Les président.e.s du GFEN

Paul Fauconnet (1874-1938)

Sociologue français, professeur de psychologie et de pédagogie à la Sorbonne, il est connu d’une part pour ses contributions au périodique L’Année sociologique, fondé par Émile Durkheim, et d’autre part pour ses analyses sociologiques de la responsabilité pénale.

En 1922 est fondée  l’Éducation nouvelle : Groupe d’études, de recherches et d’expériences éducatives. Paul Fauconnet en prend la direction.

Bibliographie :

La responsabilité, Étude de sociologie, thèse de doctorat soutenue en 1914 et publiée en 1928, portant sur la notion de responsabilité. Rééditée par les PUF en mai 2023

 

Paul LangevinPaul Langevin (1872-1946)

Physicien connu pour ses travaux sur le magnétisme, la détection par ultrasons et la théorie de la relativité, il montra en particulier, indépendamment d’Einstein et simultanément, qu’énergie et masse ne sont que deux formes d’une même réalité.
Il fut également un militant politique, pacifiste et antifasciste, et mit au point avec Henri Wallon, en 1945, un projet de réforme de l’enseignement, dite réforme « Langevin-Wallon ». Le Plan du même nom est resté la bible des syndicats enseignants depuis une cinquantaine d’années.
Il a présidé en 1932 le congrès international de l’Education Nouvelle, collaboré à la création du Palais de la Découverte et à celle du G.F.E.N. Il existe depuis 1989 les Journées Langevin, mises en place pour la concertation des enseignants et chercheurs, des étudiants et du public sur l’apprentissage des sciences et la diffusion d’une culture « scientifique ». Ces Journées se déroulent gratuitement à l’Université de Brest.

Bibliographie (à partir de 1923, en ce qui concerne l’enseignement):

 


Henri Piéron
(1881-1964)

Psychologue français, il est l’un des fondateurs en France de la psychologie scientifique.

Professeur au Collège de France, il crée en 1928  L’Institut National de l’Orientation professionnelle (INOP), qui deviendra l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle en 1942 dépendant aujourd’hui du CNAM. Il prend en charge la formation des conseillers d’orientation-psychologues et réalise des recherches dans le domaine de la psychologie de l’orientation. L’intervention de Henri Piéron fut décisive dans la création et le développement de l’orientation professionnelle. Son engagement au sein des associations militantes pour une réforme démocratique de l’enseignement à laquelle il croit s’est traduite par la prise de responsabilités dans les instances de notre mouvement.

Bibliographie

  • Le Cerveau et la pensée, Paris, Alcan, Nouvelle collection scientifique,
  • Psychologie expérimentale, Paris, A. Colin, 1927.
  • Le Développement mental et l’intelligence (Leçons professées à l’université de Barcelone), Paris, Alcan, 1929.
  • La sensation, guide de vie. Aux sources de la connaissance, Paris, Gallimard
  • Vocabulaire de la psychologie(avec la collaboration de l’Association des travailleurs scientifiques), Paris, Presses universitaires de France, 1951.
  • La sensation, guide de vie. Aux sources de la connaissance, Paris, Gallimard, coll. «L’avenir de la science», 1955.
  • Examens et docimologie, Paris, Presses universitaires de France, 1963, 191 p., fig., graph. Bibliogr., index (Coll. Le psychologue)
 

Henri Wallon (1879-1962)

Autre figure marquante du groupe, nommé vice-président du GFEN de 1929 à la guerre, il est président de 1946 à sa mort en 1962. Il créa, en 1925, un laboratoire de psychologie biologique de l’enfant et anima le G.F.E.N. En 1929, il est professeur à la Sorbonne. A partir de 1937, une chaire de psychologie et d’éducation de l’enfance est créée à son intention au Collège de France.
En tant que psychologue, il a contribué à une meilleure connaissance de l’enfant et en tant qu’admirateur de l’oeuvre de Decroly, il a mis en évidence l’importance de l’affectif dans le développement psychologique de l’enfant et les liens existant entre le « biologique et le social ». Parallèlement à ses recherches, Henri Wallon s’est intéressé aux différentes applications possibles de la psychologie aux problèmes éducatifs.
La longue maladie d’Henri Wallon a eu des répercussions sur la vie du G.F.E.N. L’état du groupe n’était pas très brillant. Un grand effort de redressement restait à faire. Gaston Mialaret, professeur émérite de l’Université de Caen, lui succèdera après sa mort et tentera de remettre le G.F.E.N. sur pieds.

Bibliographie

  • L’évolution psychologique de l’enfant, ed. Armand Colin, réédition 2002
  • Les origines du caractère chez l’enfant, ed PUF, réédition 2002
  • Les origines de la pensée chez l’enfant, ed PUF, réédition 1989
  • De l’acte à la pensée, ed Flammarion réédition 1999, réédité plusieurs fois depuis

Pour en savoir plus :

 
 

Paul Faucher (1898-1967)

En 1923, il rencontre de Madeleine Guéritte qui a fondé deux années plus tôt avec Roger Cousinet la Société de la Nouvelle Education affiliée à la Ligue Internationale de l’Education Nouvelle (LIEN). La Nouvelle Education met en avant les qualités intellectuelles, artistiques, manuelles et sociales de chaque enfant. Il adhère à ce mouvement et sera même président du GFEN en 1935. Il y trouve des réponses aux questions qu’il n’a cessé de se poser sur l’éducation.

En 1926, plus de trente ans avant la Déclaration des Droits de l’Enfant (Nations unies-1959), Paul Faucher rédige avec Jean Baucomont et Marguerite Reynier une Déclaration de principes des droits de l’enfant. Le premier point : « L’enfant est une espérance à respecter, à protéger, à aider« . En 1927, il crée sous l’égide de Flammarion une collection dédiée à la Nouvelle Education intitulée Education. Au sein de la librairie du Havre il constitue une bibliothèque pédagogique et un système d’échange de livres s’amorce. Le premier livre en circulation choisit par Paul Faucher est L’activité spontanée chez l’enfant d’Adolphe Ferrière.

Il fonde en 1931 les Albums du Père Castor (Editions Flammarion, Paris) dont il devient directeur de collection.

accéder à l’hommage fait à Paul Faucher en 2021

Bibliographie

Auteur de livres pour la jeunesse, il a publié sous le pseudonyme de Paul François de nombreux albums jeunesse dont : La grande panthère noireTrois petits cochonsLa chèvre et les biquetsLes bons amisBravo tortue ou encore Chante pinson dans la collection Père Castor.

Les archives du Père Castor inscrites à  L’inventaire Mémoire du monde de l’UNESCO

 
 

Robert Gloton (1906-1986)

Inspecteur départemental honoraire de l’Education nationale, président d’honneur du G.F.E.N., il se consacre depuis de longues années à la pénétration dans l’enseignement public français des apports de l’éducation nouvelle. Le Groupe expérimental de pédagogie active fonctionnelle du XXème arrondissement de Paris, qu’il a crée et animé, est une des réalisations internationalement connues qui illustre cet effort.
Pour en savoir plus lire « Au pays d’un pionnier démasqué…Traces de vie de Robert Gloton« , par Odette Bassis.

Bibliographie

  • L’activité créatrice chez l’enfant (en collaboration avec Claude Clero), Casterman, Paris.
  • L’Autorité à la dérive..., Casterman, Paris.
  • L’Etablissement scolaire, unité éducative(travail d’équipe du G.F.E.N. sous la direction de Robert Gloton), Casterman, Paris.
  • L’Art à l’école, Presses Universitaires de France, Paris.
  • A la recherche de l’école de demain (sous la direction de R. Gloton), Armand Colin, Paris.
  • Au pays des enfants masqués, Casterman., Casterman.
 
 

Gaston Mialaret (1918-2016)

Né en 1918, président du GFEN de 1962 à 1969, à la suite d’Henri Wallon et avant Robert Gloton, Gaston Mialaret a été élu président d’honneur du GFEN à l’occasion du congrès 2004. Après des études en mathématiques et en psychologie, il est instituteur puis professeur de mathématiques au collège.
Il organise le laboratoire de psychopédagogie de l’ENS de Saint Cloud et est chargé d’enseignement à la Sorbonne, à l’Institut de psychologie, à l’ENNA de Paris.
En 1957 il soutient deux thèses : l’une en Lettres et l’autre sur l’apprentissage des mathématiques et la formation des professeurs de mathématiques.
Il organise la licence de psychologie de l’université de Caen. En 1967 il intitule sa chaire de psychologie « chaire de sciences de l’éducation  » donnant ainsi naissance à un nouveau département universitaire : « Les Sciences de l’Education ». Il participe à la création d’un centre français médico-psycho-pédagogique ainsi qu’à la création d’un institut de formation des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle. Après sa retraite en 1984, il assure la direction du Bureau International de l’Education à Genève (1987-1988). 
Décoré de l’Ordre des Educateurs polonais, Commandeur dans l’Ordre français des Palmes académiques, Officier de la Légion d’Honneur, il reçoit en 1991 le Grand Prix international de l’Education (Prix COMENIUS). Membre d’Honneur de l’OMEP, docteur honoris causa des universités de Gand (Belgique), Lisbonne (Portugal), Sherbrooke (Canada), Crête (Grèce), Bari (Italie), Timisoara (Roumanie) et Laval (Québec).Sur le plan international, Gaston Mialaret a été expert-consultant de la plupart des grandes organisations internationales: UNESCO, ONU, OEA, UNICEF, Conseil de l’Europe.
Gaston MIALARET a créé et dirigé plusieurs collections dont les PUF.  L’hommage à Gaston Mialaret

Bibliographie

  • Education nouvelle et monde moderne, PUF, 1966
  • Henri WALLON, Atrapos Publications, 2001
  • Introduction aux sciences de l’éducation, Delachaux et Niestlé, UNESCO, 1985
  • La psychopédagogie, PUF, col. « Que sais-je ? », n° 2357, 1987, 5è éd., 2002
  • Le Plan LANGEVIN-WALLON, PUF, 1997
  • Les sciences de l’éducation, PUF, col. « Que sais-je ? », n° 1645, 1976, 9è éd., 2002
  • Pédagogie générale, PUF, 1991
  • Propos impertinents sur l’éducation actuelle, PUF, 2003
 
 

Henri Bassis (1916-1992)

Directeur d’école, il a été l’un des pionniers du Groupe expérimental du XXème arrondissement de Paris (fondé et animé par Robert Gloton) de 1962 à 1971. De 1971 à 1975, il a conduit au Tchad avec sa femme Odette, une vaste expérience de formation des maîtres. Il est membre du Secrétariat national du G.F.E.N. Ecrivain et poète, dont les chansons furent mises en musique par Joseph Kosma, Jean Wiener ou Jean Ferrat, ses livres sont aussi l’expression d’une pensée collective, le G.F.E.N.

Bibliographie

  • Poésie
    A l’assaut du ciel, chansons (fresque historique). Musique de Joseph Kosma (Chant du Monde).
    Autant d’amours, autant de fleurs, chanson, musique de Jean Ferrat (Gérard Meys, éd.).
    Bonheur en tête, poèmes (chez Pierre Seghers).
    Les moissons et les jours, poèmes, prix Interfrance (Belgique).
    Les lentes eaux du temps, poèmes (prix Maurice Rollinat).
    Le mors-aux-dents, poèmes (prix Blaise Cendrars).
    Phosphores, ou les bûchers de la résurrection, poèmes (Jean Germain, éd.).
  • Théâtre
    Gracchus Babeuf, ou la Conspiration des Egaux, tragédie en 5 actes et en vers (Corps Neuf, éd.).
  • Education
    Former ou transformer ? des maîtres pour une autre école(Casterman).
    Quelles pratiques pour une autre école, tous capables ! collectif G.F.E.N. (Casterman. ed).
    Je cherche, donc j’apprends (Messidor- épuisé).
    Reconstruire ses savoirs, collectif G.F.E.N. (Messidor ).
    Dialogues sur l’égalité (Aléas éd.), 1990.
 
 

Odette BassisOdette Bassis

Professeur de mathématique en Collège-Lycée puis Formatrice d’enseignants (IUFM), elle contribua à la fusion du GEMAE (Groupe d’Etudes pour les Méthodes Actives en Education) avec le GFEN puis participa avec Henri BASSIS, son mari, à la conduite d’une vaste entreprise de formation-transformation des instituteurs au Tchad (1971-1975). Elle réalisa, avec une équipe de formateurs (Créteil) un Projet de Formation dans des classes de ZEP. Après une thèse de doctorat en Sciences de l’éducation sur les « processus de recherche des enfants dans une démarche d’auto-socio-construction du savoir » elle a enseigné en Sciences de l’Education à Paris 8 et Nanterre, a co-élaboré et animé des projets de transformation des pratiques enseignantes en France et à l’étranger (Belgique, Suisse, Italie, Russie, Maroc, Tunisie, Sénégal). Présidente du G.F.E.N de 1994 à 2007, elle en est aujourd’hui Présidente d’honneur.

Bibliographie

  • Concepts-clés et situations-problèmes en mathémathiques tome 1 et 2, Hachette Education
    Mathématique : … quand les enfants prennent le pouvoir, Des démarches d’auto-socio-construction pour l’Ecole.
  • Se construire dans le savoir, à l’école, en formation d’adultes. (ESF éd.)
 
 

Jacques Bernardin

Docteur en sciences de l’éducation, associé à l’équipe Circeft-ESCOL- université Paris 8.
Président du Groupe Français d’Education Nouvelle depuis le congrès de juillet 2007

Instituteur puis professeur des écoles, maître formateur pendant 20 ans avant d’être chargé de formation générale à l’IUFM du Centre Val de Loire (Université d’Orléans-Tours) jusqu’en 2011, Collaborateur de la MAFPEN puis de la DIFOR d’Orléans-Tours, il a été conseiller pédagogique auprès de clubs « coup de pouce » de Saint Denis de 1997 à 2008.

Il continue d’assurer :

  • l’animation de très nombreux stages et/ou formations pour le GFEN auprès de publics divers : enseignants des 1er et 2nd degrés, notamment en REP, associations de parents (FCPE, EPA – Association Européenne de Parents d’élèves), acteurs de l’accompagnement à la scolarité, cadres territoriaux, bibliothécaires et animateurs culturels municipaux ou auprès du Service de Neuropsychiatrie infantile (Chartres)…
  • de  nombreuses interventions (conférences ou tables rondes) à la demande de l’Education Nationale, des collectivités locales, d’associations et syndicats… quelques thématiques abordées : « L’école est-elle capable de faire réussir tous les élèves ? », « Les relations école/familles », « Quelles approches des apprentissages ? « , « Concevoir une formation : l‘expérience du GFEN »,  » Rapport au savoir / Rapport à l’écrit”, “Entrer dans l’écrit : obstacles et malentendus”,  » Travailler l’écrit : pourquoi ? Comment ? », – « Ces enfants de familles populaires qui « s’autorisent » à réussir » », « Les conceptions éducatives des différents temps de l’enfant « …

Jacques Bernardin, docteur en sciences de l’éducation est président du GFEN depuis le congrès de juillet 2007.

Bibliographie

  • Comment les enfants entrent dans la culture écrite, RETZ « pédagogie », 1997
  • Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires, De Boeck « Le point sur… Pédagogie », 2013

Jacqueline BONNARD

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Podcast « Faire de l’élève l’auteur de ses propres apprentissages » : les éclairages de Pascal Diard sur le mouvement de l’Éducation nouvelle

Podcast de Lallumeur de réverbères

Par Jorge Brites, le 25 Mars 2024

« Pour ce 28ème épisode du podcast, nous avons décidé de mettre en lumière un mouvement pédagogique et politique qui milite depuis près d’un siècle pour revoir tous les paradigmes qui ont guidé l’édification de l’École de la République depuis le XIXème siècle, et par exemple les Lois Ferry (1881-1882).

L’éducation nouvelle défend le principe d’une participation active des individus à leur propre formation et à leurs apprentissages. L’idée est de sortir de la simple accumulation de connaissances pour avoir une approche globale de l’éducation qui permette de susciter chez l’individu l’esprit d’exploration et de coopération. Une importance égale y est accordée aux différents domaines éducatifs, et l’apprentissage de la vie sociale y est considéré comme central. L’éducation nouvelle fonde sa philosophie dans la confiance dans les ressources propres à chacune et chacun. En somme, elle reconnaît l’éducabilité du genre humain.

Pour nous éclairer, nous avons donné le micro le 3 novembre dernier, à Saint-Ouen, à Pascal DIARD, né en 1961, professeur d’Histoire-géographie à Saint-Denis, et responsable Île-de-France du Groupe Français Éducation Nouvelle (GFEN). »

Ecouter

Origines et jalons historiques

 

Issu de la Ligue Internationale de l’Education nouvelle, le G.F.E.N. a été créé en 1922 à l’initiative de savants et d’éducateurs qui, au sortir de la première guerre mondiale, ont ressenti l’urgence de lutter contre l’acceptation fataliste par les hommes, de la guerre comme solution.

L’un de ses principes fondateurs était : « L’éducation nouvelle prépare, chez l’enfant non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme ».

De nombreux éducateurs, au sein du G.F.E.N., ont nourri leur recherche de la pensée de précurseurs universels tels que Rousseau, Pestalozzi, Jacotot, Montessori, Decroly, Makarenko, Korczak, Bakulé, Freinet, Piaget, Freire. Paul Fauconnet, Paul Langevin, Henri Piéron, Henri Wallon, Paul Faucher, Gaston Mialaret, Robert Gloton, Henri Bassis, qui ont été présidents ou vice-présidents du GFEN, ont également contribué à forger l’identité actuelle de ce Mouvement de Recherche et de Formation en Education.

C’est dans la recherche obstinée de cohérence entre valeurs, comportements et pratiques, que le G.F.E.N. n’a cessé d’œuvrer, sur les champs de l’enfance, de l’école, de la formation, comme dans tous les lieux où se construisent des savoirs, pour créer les conditions concrètes de la réussite de tous.

Un terrain de référence comme le « Groupe Expérimental du XXeme arrondissement  de Paris  »  (de 1962 à 1971 dans les écoles des rues Vitruve, Le Vau et Bretonneau) a permis de creuser une brèche dans l’acceptation fataliste de l’échec scolaire ségrégatif et des  » handicaps socioculturels « . Et c’est en Afrique, au Tchad, de 1971 à 1975, dans une vaste entreprise de formation-transformation (pour laquelle une évaluation à long terme, en 1996, a contribué à montrer les fruits), que Odette et Henri Bassis ont développé des pratiques nouvelles auprès des enfants, et une transformation des pratiques de formation des enseignants, apportant une rupture décisive dans la transmission des savoirs : non plus recevoir docilement, mais mettre en œuvre son intelligence et ses potentialités d’imagination créatrice pour « construire  » son savoir, en faire un levier de transformation dans son rapport à soi, aux autres et au monde.
C’est la notion de « démarche d’auto-socio-construction du savoir » qui n’a cessé de s’enrichir, de s’affiner, apportant ainsi une réponse pratique positive à l’échec scolaire et à l’idéologie des dons.

Depuis, le G.F.E.N. développe des stratégies et des pratiques de formation d’adultes tout en continuant à démultiplier des expériences de terrain dans l’Institution (Education Nationale, Education surveillée, Culture, Agriculture,…) où il conduit des stages et Universités d’Eté. Une large ouverture est en même temps réalisée sur les secteurs éducatifs hors l’école : parents, travailleurs sociaux, stages d’insertion ou réinsertion, M.J.C., syndicats, associations… tous les lieux où sont mis en œuvre de nombreuses démarches de tous niveaux et de toutes disciplines, dont de nombreux ateliers d’écriture dans lesquels la langue écrite est vécue comme forme spécifique de la pensée.

A l’étranger, les stages et problématiques du G.F.E.N. rencontrent un écho important, aboutissant à des Universités d’Eté Internationales et à des projets qui, pour certains, s’institutionnalisent : ainsi en Russie six ans d’échanges débouchant sur un Projet Européen Tacis (sur :  » le développement de la démocratie dans les pratiques d’apprentissages « ) et sur la création de Groupes d’éducation nouvelle (Belgique, Suisse, Italie, Russie…)

Le GFEN aujourd’hui

Face aux nécessités actuelles d’agir contre toutes les exclusions et l’esprit de fatalité, le G.F.E.N. cherche à mettre en partage, sur tous les champs aujourd’hui ouverts à la formation, les pratiques et stratégies qu’il a construites et mises à l’épreuve sur de multiples terrains, en particulier les plus « difficiles  » : stages du P.A.F. (sur l’aide, savoirs et citoyenneté), R.E.P., insertion sociale et professionnelle (16-18, R.M.I.,…), animateurs de quartiers, accompagnement scolaire, bibliothèques, travailleurs sociaux, etc.

Actuellement, il s’implique résolument dans des actions de formation qui débordent du seul champ de l’école, les problématiques travaillées tant sur le terrain de l’échec scolaire que celui des échanges avec l’étranger, s’inscrivent dans la recherche de solutions nouvelles où chacun, se construisant comme personne solidaire puisse, dans une approche multiculturelle, devenir acteur de transformations possibles.

Les situations et les conditions nécessaires pour que les contenus de savoir et de formation ne soient plus simplement transmis comme produits finis – pseudo-évidences qu’il faut accepter – mais construits par le sujet lui-même, prennent corps dans la notion et la pratique de  » démarche d’auto-socio construction  » : c’est dans un processus intégrant raison et imaginaire et s’inscrivant dans l’espace plus large du  » projet  » que chacun est amené à chercher, se questionner, élaborer, créer, structurer, en confrontation avec les autres, mettant en acte toutes les potentialités cognitives et créatrices dont il est authentiquement porteur, devenant ainsi, se transformant lui-même, auteur de sa propre formation.

Pour compléter voir le site « Le temps des instituteurs »

Instances

Elu.e.s au congrès du GFEN, le 13 novembre 2022
 


Président
: Jacques BERNARDIN

Présidente d’honneur : Odette BASSIS

Trésorier : Dominique PIVETEAUD

le SGC (Secrétariat Général Collectif)

Pascal DIARD
Jacqueline BONNARD

le BN (Bureau National)

Bruno ASTULFONI
Michel BARAER
Jean BERNARDIN
Jacqueline BONNARD
Alice BOUAZIZ
Stéphane BOUQUEY
Jérôme CANONGE
Joëlle CORDESSE
Florie CRISTOFOLI-COULON
Camille DANZON
Carole DELANOE
Pascal DIARD
Stéphanie FOUQUET
Nicole GRATALOUP
Geneviève GUILPAIN
Elisabeth LABOREL
Sylvie LANGE
Gaëlle LAULIER-SIMON
Catherine LEDRAPIER
Sylviane MAILLET
Méryl MARCHETTI
Gérard MEDIONI
Maria-Alice MEDIONI
Michel NEUMAYER
Sophie NONNET
Marie-Laure PIROTH
Dominique PIVETEAUD
Alexi RACLE
Annabelle RODRIGUES
Damien SAGE
Jany VIDAL

Suppléant.es :
Pauline GASSELIN
Magali KOUTTI
Philippe LAHIANI
Françoise LAPLACE
Justine PIBOULEAU
Cécile VICTORRI

Collectif Dialogue

Michel BARAER
Laurent CARCELES
Hélène COHEN-SOLAL
Jean-Louis CORDONNIER
Florie CRISTOFOLI-COULON
Tristan MERIEUX
Patrick RAYMOND
Sophie REBOUL
Jean-Jacques VIDAL

Collectif International

Colette CHARLET
Joëlle CORDESSE
Jean-Louis CORDONNIER
Patricia CROS
Stéphanie FOUQUET
Betty LABOREL
Catherine LEDRAPIER
Michel NEUMAYER

Nous avons besoin de votre soutien

Nous avons besoin de votre soutien

Depuis deux ans, le Ministère nous rabote 40 % des subventions, mettant en péril la pérennité du GFEN.
Sur fond de recomposition de la politique éducative, au nom de la situation sanitaire, les actions de formation y compris programmées ont été annulées, notamment sur les réseaux d’éducation prioritaire, nous privant de ressources pour faire face à l’impondérable.

Le GFEN a cependant réussi à maintenir sa présence en assurant près de 9000 journées/formation en 2021 auprès de divers partenaires (institutions, associations, collectivités, syndicats)

Etranglé par ces contraintes, le GFEN se voit obligé de renoncer au seul détachement dont il bénéficiait jusqu’alors sur le plan national.

Malgré les difficultés auxquelles nous sommes toutes et tous confrontés nous faisons appel à votre soutien, vital pour notre devenir. 

Pour nous soutenir vous pouvez faire un don et/ou adhérer.


Pour rappel, adhésions et dons sont déductibles pour 66 % des impôts


Si vous préférez nous soutenir par un chèque, merci de l’établir à l’ordre du GFEN et de l’adresser à :
GFEN – 14 avenue Spinoza – 94200 IVRY SUR SEINE

Après le choc sanitaire, la purge ?

septembre 2020

Après le choc sanitaire, la purge ?

L’éducation n’est ni neutre, ni innocente, les orientations actuelles nous le rappellent :

– promotion du mérite personnel masquant la sélection sociale ;

– fracturation des cursus au service d’une individualisation des parcours, outil de sélection élitiste ;

– envahissement des évaluations, plaçant les élèves et les enseignants sous contrôle ;

– multiplications de guides réduisant l’acte pédagogique au suivi de prescriptions standardisées, basées sur des entraînements mécaniques au détriment de la compréhension ;

– courte échelle faite au privé (de la maternelle aux expérimentations, du partenariat avec les entreprises au mode de pilotage du système éducatif) ;

– leurre d’un discours officiel sur la « continuité éducative » occultant des inégalités redoublées…

De hauts fonctionnaires, consternés, dénoncent les mensonges et l’aveuglement scientiste, s’inquiètent
de la dérive autoritaire du pilotage, au service d’un projet réactionnaire (cf. Tribune du « Groupe
Grenelle », Café Pédagogique, 16 mai 2020).

On y ajoutera le choix récent d’une réduction drastique des subventions accordées aux mouvements pédagogiques (baisse de 30 %), mettant leur existence en péril.

Dans ce contexte, le GFEN a plus que
jamais besoin de votre soutien.

 

Au-delà de l’appui indispensable à la pérennité de notre structure associative, il importe de sortir de l’isolement professionnel et de la seule action individuelle, impuissante à se faire entendre.

Comment contribuer à l’action du GFEN ? Cela peut se décliner de diverses manières :

– sur la base de l’examen critique, peser collectivement sur les choix éducatifs ;

– agir ici et maintenant, au quotidien professionnel, en renouvelant le regard sur les situations, en élargissant la palette de nos pratiques, qu’elles soient puisées dans le vivier des acquis du mouvement ou s’en inspirent ;

– poursuivre la recherche avec d’autres — au sein de collectifs (groupes locaux et/ou secteurs) — de problématiques, pratiques et stratégies éducatives au service d’une réelle démocratisation de l’accès au savoir, à la culture visant l’émancipation tant individuelle que collective.

Merci de penser à votre adhésion ou ré-adhésion annuelle

Télécharger l’appel  à adhérer

Texte d’orientation

POURQUOI L’EDUCATION NOUVELLE ?

 Texte d’orientation du GFEN,
Congrès d’Ivry, 2 juin 2019

« L’Éducation Nouvelle prépare chez l’enfant,
non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs
envers ses proches et l’humanité dans son ensemble,
mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme »

Principe de la Ligue Internationale d’Éducation Nouvelle, 1921

« Contribuer conjointement à former
l’Homme et le Citoyen, à éclairer l’action par la pensée,
à vivifier la pensée par l’action »

Henri Wallon

L’éducation nouvelle s’affirme au lendemain de la première guerre mondiale, en réaction à l’éducation traditionnelle, rigide, visant l’obéissance plus que l’esprit critique, pour fonder une culture de paix. Elle n’aura de cesse, tout au long de son histoire, de développer la démocratisation de l’accès à la culture et viser à l’émancipation intellectuelle, condition de toutes les autres.

Un monde en crise travaillé par des aspirations et des exigences

Le capitalisme exacerbé, l’économie libérale engendrent des servitudes qui envahissent les champs de l’éducation, de la culture et de la santé. Ils exigent une adaptabilité permanente des individus. Ceux-ci, en intériorisant les injonctions de performance et de concurrence, en sont à la fois les acteurs et les victimes.

De nouvelles formes d’inégalités, une société et une école à plusieurs vitesses effritent les liens sociaux, fracturent les rapports humains et exacerbent les repliements identitaires.

L’assignation de chacun.e à une place pré-convenue, par le jeu d’une « égalité des chances » falsifiée, prépare à l’acceptation du déclassement dans une société hiérarchisée. Surveiller, contrôler, sélectionner : une manière de soumettre et de conformer à un ordre du monde inchangé et présenté comme inchangeable.

L’Education nouvelle, les pratiques et les valeurs qu’elle porte, sont plus que jamais indispensables pour que l’intelligence et le pouvoir de création de chacun.e concourent à l’émancipation collective.

Tous capables : du pari philosophique au défi de sa mise en actes

Par son pari philosophique du « Tous capables », le GFEN postule que chaque enfant, chaque adulte, chaque peuple a des capacités immenses pour comprendre et créer, et donc devenir responsable de son histoire. Ce défi l’amène à repenser les conceptions dominantes du savoir et de la création et de leur transmission.

Le GFEN récuse les formes d’éducation qui contribuent à renforcer l’idéologie des dons et du handicap socio-culturel. Il s’agit de créer les conditions de la réussite de toutes et de tous en refusant le principe de méritocratie.

Contre la compétition et l’individualisme, le GFEN promeut des apprentissages solidaires dans une conception de la démocratie reconnaissant et sollicitant chaque sujet dans sa dimension singulière et sociale. Dans la diversité des approches culturelles, les pratiques du GFEN participent de la construction dynamique d’une culture commune, associant pluralité et unité, et restituant par là-même leur sens aux valeurs de fraternité et de démocratie. « Tous capables. Tous chercheurs. Tous créateurs. »

Transformer le rapport à la culture

Les pratiques pour y parvenir – qu’elles se déclinent en démarches d’auto-socio-construction des savoirs, ateliers d’écriture, de création ou projets – ne sont ni neutres, ni innocentes. Sollicitant créativité et coopération, imagination et rationalité critique, elles concourent à l’émancipation intellectuelle, révélant pour chacun.e et pour toutes et tous des capacités de penser et des pouvoirs d’agir insoupçonnés.

C’est à travers des situations-défis, des productions et des élaborations intellectuelles ambitieuses que cela se conquiert. Dans ce processus d’appropriation des outils culturels, « l’intelligence individuelle,à la conquête de ses moyens », fait écho à « l’intelligence collective, à la conquête de ses concepts » (H. Wallon). S’y joue la conscience d’appartenir à une commune humanité : émancipation similaire pour une humanisation solidaire. Chacun mais ensemble, dépasser les obstacles, faire reculer les limites, s’affranchir des pesanteurs du passé et s’inscrire pleinement comme auteur.e.s d’un monde à (ré)inventer.

Pratiquer l’Education nouvelle : une dynamique de transformation 

L’éducation ne saurait se suffire de « bonnes pratiques ». Toute éducation est un lieu de transformation et donc de confrontation, un lieu d’élaboration des savoirs et de construction de la personne et du citoyen, gages d’émancipation.

La mise en réseau et la coopération des acteurs et actrices de l’Education nouvelle, en particulier à travers le LIEN (Lien International d’Education Nouvelle), engagent de nouvelles perspectives solidaires.

Face à la complexité, la maîtrise des savoirs est indispensable pour rendre le monde intelligible, appréhendable, afin de pouvoir y agir. Démocratiser l’accès au savoir, à la culture n’est pas seulement un objectif de justice sociale, c’est un impératif pour notre devenir commun.

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Philosophie du GFEN/ Partis-pris

  • Dialogue n° 56 – Histoire du GFEN. L’Education Nouvelle : une bataille d’idées… et de pratiques

Lire en ligne :

Le PDF de ce numéro est téléchargeable gratuitement
 

Jeanne DION : démarche d’auto-socio-construction
 

 

Odette Bassis paradoxe de la situation et des processus
(colloque « Avons-nous encore besoin de la pédagogie ? » Lyon, 2010)
 

Podcasts

  • « La Fabrique de l’Histoire » de France Culture
    Le GFEN était invité à participer à l’émission « La Fabrique de l’Histoire » de France Culture, en direct, le 27 novembre 2017, pour entamer un cycle hebdomadaire sur l’éducation nouvelle. Jacqueline Bonnard y représentait le GFEN et la biennale de l’éducation nouvelle, avec Anne-Claire Devoge des Ceméa.
    Présenté par Emmanuel Laurentin, « La Fabrique de l’Histoire » ambitionne de mieux comprendre le lien qui nous unit au passé. Documentaires, archives commentées, débats, déclinent cette émission quotidienne.
 
Dans la même série d’émissions sur les pédagogies nouvelles, l’une d’entre elles était consacrée au plan Langevin-Wallon. L’occasion d’entendre les voix de Paul Langevin, Henri Wallon et Henri Piéron qui furent présidents du GFEN.

  • Lallumeur de réverbères

    « Faire de l’élève l’auteur de ses propres apprentissages » : les éclairages de Pascal Diard sur le mouvement de l’Éducation nouvelle.
    Par Jorge Brites, le 25 Mars 2024
    Ecouter

Tous capables ! Du pari éthique à la loi d’orientation

Tous capables !
Du pari éthique à la loi d’orientation (1)
Jacques BERNARDIN

Sujet de controverses lors du débat parlementaire, audace défendue au Sénat avant d’être ratifiée par l’Assemblée nationale (2) , l’idée que « tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » est désormais inscrite dans la loi de juillet 2013 en tant que principe de l’éducation.
« Tous capables ! » La formule portée avec audace par le GFEN (mouvement pédagogique héritier de Langevin et de Wallon, présidents successifs de 1936 à 1962) fut d’abord un parti-pris éthique (relevant d’une philosophie de l’éducation) et simultanément un défi pédagogique (pour en attester) avant de trouver un étayage scientifique, puis de devenir un principe institutionnalisé.
Au regard des effets socialement sélectifs qui spécifient l’école française au fil des comparaisons internationales, chacun pressent l’exigence que cela fait porter sur l’École, la nécessité de pratiques en rupture avec les logiques du passé… Mais revenons sur les amonts historiques de cette conviction.

Tous capables ! Un pari sur l’humain…

Croire aux possibilités d’évolution de ceux dont personne n’attend plus rien, c’est un principe d’action pour les pionniers de l’Education Nouvelle, parmi lesquels on trouve beaucoup de médecins qui ont pris en charge des enfants dont tout le monde désespérait, enfants dits « arriérés » ou difficiles : Maria Montessori (Italie), Edouard Claparède (Institut JJ Rousseau, Genève), John Dewey (USA), Anton Makarenko (Russie soviétique), Janusz Korczak (Pologne), Ovide Decroly (Belgique) et en France, Henri Wallon (psychologue et neuropsychiatre, auteur d’une thèse sur l’Enfant turbulent en 1925)…
Ce principe d’éducabilité, qui traverse tous les courants de l’éducation Nouvelle, est assis sur une conception dynamique et optimiste de l’humain. Vision humaniste qui a peiné à s’imposer, tant elle bousculait les mentalités fatalistes jusqu’alors dominantes.

… A contre-courant de l’opinion commune

Dans les années 60, l’ouverture du Secondaire à tous les élèves à mesure de justice sociale tout autant que nécessité économique à révèle un phénomène jusqu’alors impensé : l’échec scolaire, assez massif à l’époque. Comment va-t-on alors l’expliquer ? Par la théorie des dons, entendus comme aptitudes naturelles, dont chacun hérite par son patrimoine génétique.
On en trouve trace y compris dans les textes officiels de l’Education nationale !
– 4 juillet 1961 : les programmes des classes de  fin d’étude primaire ne correspondent plus « exactement aux aptitudes d’écoliers médiocrement doués (…) » ;
– circulaire du 17 nov. 1961 : « Il faut détecter les plus doués, quel que soit l’endroit où ils se trouvent pour leur donner immédiatement les plus larges accès aux enseignements longs. » (3).
Chacun à sa juste place, l’idéal d’une société bien ordonnée, ainsi que nous l’expliquent des « autorités »… Alexis Carrel, médecin français, écrit en 1935 : « la répartition de la population d’un pays en différentes classes sociales n’est pas l’effet du hasard, ni de conventions sociales. Elle a une base biologique profonde. (…) Ceux qui sont aujourd’hui des prolétaires doivent leur situation à des défauts héréditaires de leur corps et de leur esprit » (4)  . En 1971, Herrnstein, psychologue américain, écrit : « il se peut que la tendance au chômage se transmette par les gênes familiaux, avec à peu près la même certitude que les caries dentaires ».  En 1973, le psychologue anglais Eysenk parle de « reconnaissance de la nature biologique de l’homme et de l’inégalité génétiquement déterminée qui en résulte de façon inévitable »(5) . En France, le professeur Debray-Ritzen (1978) explique l’échec scolaire par « le caractère héréditaire des facultés intellectuelles »(6) .
Le GFEN contre la théorie des dons
« La lutte contre l’échec scolaire » est le thème du Congrès du GFEN en 1971, d’où naît l’idée d’un ouvrage pour l’étayer : ce sera l’ouvrage collectif Doué ou non doué en 1974, qui sera diffusé à 60.000 exemplaires…
Dès 1932, Henri Wallon, à l’époque vice-président du GFEN, déclarait au congrès de la Ligue Internationale de l’Education Nouvelle de Nice (plus de 2000 participants) : « Il n’y a pas d’organisme qui soit explicable sans le milieu dans lequel il se développe. Il n’y a pas d’aptitudes que l’on puisse définir sans un objet propre à ces aptitudes. L’enfant ne développe pas d’aptitudes en elles-mêmes. L’enfant, en réalité, dès le moment de sa naissance, s’adapte à son entourage » (7).
« Les ‘dons’ n’existent pas », soutient le philosophe Lucien Sève dans une longue étude publiée en octobre 1964 dans la revue L’Ecole et la Nation : « la
diversité des aptitudes intellectuelles n’est pas du tout la conséquence fatale de la diversité des données biologiques et, (…) bien que ces données biologiques aient naturellement une certaine incidence sur le développement psychique, ce sont les conditions sociales de ce développement qui décident de tout ».
En effet, si les progrès de l’espèce se fixent pour l’animal dans un patrimoine biologique, chez l’homme ils se fixent dans un patrimoine social à partir  duquel chaque individu fait l’essentiel de son développement. C’est dire « le rôle décisif de cette appropriation sociale » (du langage, de la culture…) qui s’opère initialement dans des conditions socio-familiales très diverses (7 bis).

A la même période, les sociologues révèlent la corrélation entre origine sociale et devenir scolaire, et interrogent : qui a intérêt à parler de « dons » ? Pour Bourdieu et Passeron, « la cécité aux inégalités sociales condamne et autorise à expliquer toutes les inégalités, particulièrement en matière de réussite scolaire, comme inégalités naturelles, inégalités de dons » (8).

Les dons sont un prêt-à-penser idéologique justifiant les inégalités, qui déporte les raisons des difficultés vers l’individu, vers le programme génétique auquel son destin serait inexorablement soumis, indépendamment du contexte où il agit, des expériences et des interactions avec son entourage. La rhétorique des « dons » masque les conditions de socialisation qui construisent les différences, tout comme elle cherche à occulter la sélection sociale devant l’éducation.
Pour Michel Brossard, professeur en psychologie du développement à l’université de Bordeaux, l’idéologie des dons (sans cesse réactualisée)(9)  relève de la « préhistoire de la psychologie ». Pour autant, « on ne peut non plus évoquer le ‘milieu’ comme facteur explicatif ultime, ce qui serait en rester à une psychologie sommaire du conditionnement culturel, substituer un mot (milieu) à un autre (hérédité), remplacer un fatalisme de l’hérédité par une fatalité de l’héritage »(10) .
Contre la théorie du handicap socioculturel
L’idée de handicap socioculturel s’est substituée aux dons pour expliquer l’échec scolaire : celui-ci serait dû aux déficits de langage, d’ouverture culturelle, de références et d’ambition, en bref aux carences de la socialisation familiale. Dans une telle perspective, on parle de « richesse » ou de « pauvreté » du milieu, sans vraiment spécifier de quoi on parle et sans interroger le point de vue d’où l’on se situe : tendance classique à l’« ethnocentrisme », posture de domination qui consiste à considérer ses propres usages, pratiques et valeurs comme étant des référents universels.
Cette vision sera critiquée en tant qu’approche défectologique (ne pointant que les supposés manques ou déficiences, mais jamais les expériences et ressources singulières) et trop unilatérale, renvoyant la responsabilité des difficultés à l’enfant et/ou sa famille, sans jamais interroger l’école, ses valeurs et ses pratiques.
Est-ce l’élève qui est handicapé ou l’école qui est handicapante ? Pour la sociologie critique des années 70, c’est le système éducatif qui transforme les injustices sociales en inégalités scolaires. Dans l’espace socio-familial, se construit un habitus (dispositions psychiques incorporées : rapport au monde, façons de penser et de parler, etc.) qui va constituer une grille d’appréhension du réel. Bourdieu parle de violence symbolique lorsque le système scolaire présuppose chacun des élèves de plain-pied avec ses exigences (en matière de disposition vis-à-vis des études, de références culturelles, de rapport au langage). Il discrimine et sélectionne en supposant présent chez tous ce qui ne fait connivence que pour certains et « en ne donnant pas explicitement ce qu’il exige » (11).
Il n’y a pas de fatalité de l’héritage… Débat critique important, nécessitant confirmation pratique.

Un défi pédagogique

Dans la scolarité « ordinaire », deux expériences vont confirmer la non fatalité de l’échec, contrer les idées reçues quant aux dons ou aux handicaps socioculturels et étayer le « Tous capables »…
L’expérience du XXème arrondissement de Paris
Robert Gloton, IEN élève de Wallon et qui lui-même deviendra président du GFEN, conduit une expérience de 1962 à 1971 dans le 20è arr., alors quartier au recrutement populaire où près de 60 % des élèves de CM2 ont redoublé de un à trois ans. Le challenge : éradiquer l’échec scolaire, permettre une scolarité sans redoublement, avec les mêmes exigences quant aux programmes (12).
L’expérience va concerner de 33 à 40 classes, avec des enseignants volontaires. Si aucune compétence technique particulière n’est requise, « trois qualités sont indispensables : l’optimisme pédagogique, le postulat que chez tout enfant les ressources personnelles sont considérables, qu’on ne doit jamais désespérer de celui qui a été jugé par d’autres irrécupérable et ne jamais le traiter comme tel ; un minimum d’imagination créatrice, chacun étant chaque jour poussé à inventer, sur la base des options générales ; l’esprit d’équipe (… ) », la mise en commun des problèmes et des solutions imaginées, sur le plan matériel comme pédagogique (13) .
L’expérience dure 9 ans. Tous les élèves entrent en 6è sans redoubler, plus de 90 % réussissent le BEPC « à l’heure ». Les proviseurs de lycée reconnaissent que les élèves du groupe du 20ème – outre leur curiosité, leur goût d’apprendre et de comprendre – sont parmi les meilleurs en français et en mathématiques. Toutefois, certains professeurs trouvent que ces élèves, habitués à débattre, ont trop de franc-parler… Mais preuve est faite que l’échec scolaire n’est pas une fatalité.
L’expérience du Tchad
En 1971, Henri Bassis, directeur d’école dans le 20è, a l’opportunité avec sa femme Odette de reprendre un projet de coopération en panne, avec 60 classes expérimentales dans le sud du Tchad. Ce qui a réussi pour les enfants du 20è est-il applicable dans un contexte africain, avec des enfants de culture si différente, dans un pays des plus démunis, avec 45 à 80 élèves par classe et des enseignants n’ayant que le Certificat d’études primaires et au maximum le BEPC ?
Sur la base de ce qu’ils engagent, avec l’équipe franco-tchadienne qu’ils constituent et forment sur place, des transformations s’opèrent. Alerté, le Directeur général de l’Enseignement du Tchad s’inquiète et demande à voir les classes… De retour, il convoque l’équipe et déclare : « Voilà ce qu’il nous faut ! Le travail en équipes, je veux le voir dans tout le Tchad ». Une vaste expérience de formation-transformation des maîtres va alors être conduite sur l’ensemble du territoire, de 1971 à 1975 (14) . Démonstration sera faite, à grande échelle, de l’inanité de la théorie des ‘dons’ ou de celle des ‘handicaps socioculturels’ comme justification d’un échec scolaire prétendument fatal.
Au principe des transformations opérées : une transformation des modalités d’apprentissage, de nature à permettre l’engagement intellectuel de chacun et la compréhension partagée. Basée sur le double apport de Piaget et de Wallon pour la psychogenèse de la connaissance, de Bachelard pour la notion de rupture épistémologique, ce qui s’appelait originellement « méthode d’observation »(15) , va désormais devenir démarche d’auto-socio-construction des savoirs, formalisée dans l’ouvrage collectif du GFEN : Quelles pratiques pour une autre école ? Le savoir aussi, ça se construit !   (16)
Il faudra attendre le second tirage pour que l’éditeur accepte le bandeau : TOUS CAPABLES ! 
Bernard Charlot, philosophe et sociologue, fournit une contribution conclusive à l’ouvrage avec un titre évocateur : « Je serai ouvrier comme papa, alors à quoi ça me sert d’apprendre ? », amorçant des travaux qu’il dépliera au sein de l’équipe ESCOL (Université Paris 8) sur le rapport au savoir.

L’appui des recherches…

Le GFEN n’a cessé de croiser recherches pratiques et étayage scientifique, en s’appropriant les avancées dans divers domaines. Le « tous capables ! » trouve ses appuis du côté de la génétique (et des neurosciences), de la psychologie sociale (l’effet des attentes) et de la sociologie, indispensable pour comprendre la façon dont se constitue et peut se recomposer le rapport à l’école et au savoir.
Génétique et neurosciences
Ce sont d’abord, dans les années 80, les travaux d’Albert Jacquard, polytechnicien du Service génétique de l’INED et dont on connaît des engagements éthiques, avec lequel nous allons mener de nombreuses initiatives (soirées, débats, prises de positions publiques). Ses ouvrages de vulgarisation ont des titres éloquents : Éloge de la différence, Au péril de la Science, Moi et les autres, Inventer l’homme (17) . Il démonte les contre-vérités, dénonce les raisonnements tronqués qui s’habillent des habits de la science pour soutenir des thèses innéistes et fatalistes, argumente sur ce qui fait « la spécificité de l’être humain (…) l’importance de son pouvoir d’auto création »(18) .
Plus récemment, en 2009, alors que resurgissaient les discours sur les « talents » et « aptitudes », sur l’apologie du mérite individuel et de l’excellence, le GFEN coordonne un nouvel ouvrage : Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard (19). Selon Michel Duyme, directeur de recherche au CNRS (INSERM de Montpellier) qui y contribue : « Il est maintenant bien établi qu’un environnement enrichi facilite non seulement les apprentissages mais développe les interconnections synaptiques du système nerveux central. Les apprentissages transforment biologiquement le cerveau »(20) . Plasticité cérébrale désormais attestée, concept fédérateur des neurosciences qui finit d’invalider la théorie des dons. Conception dynamique du développement renvoyant à la centralité des expériences et des interactions du sujet avec son environnement.
Psychologie sociale
Concernant les interactions éducatives, les travaux de Rosenthal et Jacobson dans les années 70 sur l’effet Pygmalion  (21) méritent l’attention. Contestés, ils ont été soumis au débat critique à travers de multiples recherches, évoquées dans une note de synthèse parue en 2003 dans la Revue Française de Pédagogie. Ces recherches attestent de l’importance des attentes professorales à l’égard de celui qui apprend, attentes qui se traduisent par des modifications bien souvent inconscientes du comportement et de la conduite de classe, qui participent à l’« autoréalisation des prophéties », confirmant en boucle le regard porté sur l’élève (22) . Un récent dossier Veille et analyse de l’Ifé (2011) portant sur les effets des pratiques pédagogiques sur les apprentissages fait abondamment référence aux incidences des « attentes fortes à l’égard des élèves »(23) .
Signalons que parmi tous les facteurs déterminant les attentes professorales, le plus influant  est… l’origine sociale des élèves. Les enseignants seraient-ils victimes d’un aveuglement sociologique ?
Sociologie
Bien qu’important dans la relation éducative, le phénomène des attentes ne suffit pas, à lui seul, à expliquer la récurrence des difficultés des élèves de milieux populaires face aux apprentissages, qui s’inscrivent dans un continuum historique. Qu’est-ce qui pose problème dans la confrontation à la culture scolaire ? Quels seuils les élèves qui ne sont pas dans la connivence culturelle doivent-ils franchir pour accéder aux concepts, aux oeuvres culturelles et aux outils intellectuels ?
Appui intéressant pour plaider la non fatalité de l’ordre des choses, le fait que les destins scolaires ne sont pas aussi prédéterminés que les théories de la Reproduction peuvent le laisser supposer : bien des élèves échappent aux corrélations statistiques…
L’éclairage scientifique est ici du côté de la sociologie de l’éducation et de la culture, notamment des travaux de l’équipe Escol sur le rapport au savoir et de Bernard Lahire sur la culture écrite.
Comment se génèrent les parcours scolaires de réussite ou d’échec qui sont toujours singuliers ? A partir des années 90, des recherches microsociologiques vont se développer, creusant ce que les visions plus distanciées de la sociologie critique ont du mal à saisir, notamment :
– la compréhension des cas atypiques qui échappent aux corrélations statistiques ;
– les caractéristiques différenciatrices du rapport des élèves à la scolarité et au savoir et les processus par lesquels se tissent les destins scolaires heureux ou malheureux ;
– les déplacements sur les plans langagier, cognitif et culturel qu’exigent les apprentissages scolaires, produits d’une culture écrite socio-historiquement constituée.
Quel sens les élèves donnent-ils à leur présence à l’école et à ce qu’ils apprennent ? Quelle posture adopter, quelle visée et quels moyens pensent-ils adéquats pour apprendre ? C’est ce qui sera au coeur de 30 ans de recherches, de la maternelle au lycée professionnel. Nous y reviendrons…
Si de belles réussites sont possibles pour des élèves en éducation prioritaire dont tout laissait présager du contraire, c’est que cela est potentiellement possible pour tous. Reste à en comprendre les ressorts pour les activer de façon consciente et déterminée. C’est là que la pédagogie peut prendre le relais (24) . Et ce, d’autant plus qu’elle est soutenue et accompagnée par une politique éducative d’ensemble, qui prescrit un nouvel horizon pour l’Ecole.

Une nouvelle orientation de la politique éducative

Jusqu’alors, on ne parlait que d‘égalité des chances, visée qui faisait assez largement consensus. A quelle idée de la démocratisation cette logique renvoie-t-elle ?
Promouvoir l’égalité des chances
C’est une idée novatrice, progressiste à l’origine, proposant de substituer le mérite aux privilèges hérités de naissance : grâce à l’éducation, tout un chacun peut accéder aux plus hautes fonctions et responsabilités. Mais le problème avec l’égalité des chances, c’est qu’elle contient en germe des idées discutables sur le plan éducatif…
L’égalité des chances renvoie à l’idée qu’indépendamment de l’origine sociale, les potentialités sont diverses, et qu’il appartient à l’école de les révéler. Égaliser les chances, c’est mieux détecter les compétences là où elles se trouvent, repérer les talents et aptitudes et lever les obstacles à l’épanouissement de ces capacités natives. C’est aider matériellement ceux qu’on a détectés par des bourses d’étude, des internats ou l’accès aux grandes écoles… mais sans rien changer pour le plus grand nombre, ni au fonctionnement de l’école : c’est alors une promesse de démocratisation, mais restreinte. L’objectif revient à sélectionner plus « justement » l’élite, au service d’une économie toujours plus compétitive.
L’égalité des chances prépare à l’inégalité des destinées, avec des gagnants et des perdants. Au mérite des uns fait écho la disqualification des autres, qui ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, faute d’avoir « saisi leur chance ». Renvoi à l’individu d’un échec alors intériorisé comme incapacité personnelle, masquant sa dimension ségrégative. Comme le remarquait un sociologue : « L’égalité des chances, plus on en parle, moins on la voit à l’oeuvre ». 
Démocratiser l’accès aux savoirs
La démocratisation peut être pensée autrement, non pas viser le repérage et l’écrémage de quelques élèves jugés plus « méritants » mais viser la promotion de tous, former non seulement les futurs agents économiques mais d’abord et essentiellement l’homme et le citoyen.
C’est alors missionner l’école pour faire avec les différences sans les penser comme des inégalités, pour enrayer les mécanismes de la reproduction ségrégative, pour faire oeuvre de justice dans l’accès au savoir, à la culture. Ce qui suppose d’avoir une autre vision de l’humain, moins héritier de capacités natives qu’en perpétuel développement, potentiel en jachère qu’il convient de cultiver.
« Tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser », tel est désormais le principe d’éducation qui fait loi… et qui met les pratiques au défi de l’incarner !

Tous capables ! Les pratiques à l’épreuve…

Après avoir combattu les dons, l’idée d’inégalités naturelles et les handicaps socioculturels, reste à affiner le contenu du « tous capables », formule qui peut se présenter comme « incantation magique » faute d’interroger la nature des différences entre les individus (produits d’une histoire à la fois personnelle et sociale), laissant en suspens la question du « capables »… oui, mais de quoi ?
Au vu de l’histoire, les hommes n’ont qu’une capacité native : celle de surmonter leurs handicaps, d’accroître leurs pouvoirs en surmontant les obstacles et en faisant reculer les limites de leur condition. Il faut donc penser le « tous capables » non pas comme donnée de nature mais comme conquête, acte de rupture avec les fatalités intériorisées, avec l’auto limitation des possibles …
Invitation à oser le dépassement de soi, à déborder le sentiment d’impuissance et à s’étonner de capacités insoupçonnées : c’est à l’éducation d’en favoriser les conditions.
Penser autrement les différences…
Pour beaucoup d’enseignants, l’hétérogénéité plombe l’exercice professionnel, est une contrainte qui barre les ambitions éducatives, oblige à une différenciation épuisante, aux effets médiocres et parfois désespérants. On pense l’hétérogénéité à partir des résultats scolaires, mais en oubliant d’en interroger les amonts qui pourraient les expliquer. Faute de cela, on est condamné à la répétition.
Identifier la nature des difficultés des élèves, c’est la première des difficultés… des enseignants, selon l’Inspection générale (25) . Si on peut repérer des incompréhensions conceptuelles relevant des disciplines, amenant à reconsidérer les séances de découverte, on constate au-delà des récurrences dans les façons d’être et de faire des élèves : invitation à explorer, de façon plus transversale, leur rapport au savoir. Rappelons quelques éléments qui « font la différence », quant au sens qu’ils donnent au savoir d’une part, quant à leur façon de penser l’apprentissage d’autre part.
Pour les élèves scolairement fragiles, le sens des savoirs est étroitement instrumentalisé, au service d’exigences scolaro-centrées (contrôles, passages de classe) ou du futur professionnel (souvent fantasmé). On peut parler d’extériorité des objets de savoir conçus comme vérités formelles et atemporelles, à recevoir, mémoriser et restituer lors des contrôles. L’apprentissage est conçu comme activité réceptive (« il faut écouter ») et réduite au « faire » (« il faut travailler… faire ce qu’on nous demande »), dans l’aveuglement à l’égard du but et de l’enjeu de l’activité, donc de ses critères de pertinence, ce qui est facteur d’une dépendance excessive à l’enseignant. Ce qui pourrait expliquer leurs demandes incessantes pour qu’il redise la consigne, avalise le travail engagé et les guide au pas à pas… sans pour autant que ces élèves restent attentifs lors de la correction !
A contrario, pour les élèves en réussite, les savoirs sont investis pour leur valeur formative et émancipatrice, sont perçus comme des clés de compréhension du réel, repères structurants face au chaos du monde, outils d’une maîtrise accrue de l’environnement élargissant les pouvoirs d’action. L’apprentissage est appréhendé comme processus nécessitant l’engagement personnel, les essais réitérés et la persévérance, occasion à au-delà des objets travaillés à d’exercer et de développer sa pensée, ses capacités de réflexion. S’interrogeant sur le but des activités et faisant des mises en relation avec ce qui s’y réfère, ils sont plus à même de prendre distance et de s’autoréguler. Pour eux, une fois le travail fini, l’activité n’est pas terminée : elle se poursuit lors de la correction, qui permet d’identifier les acquis mais aussi les points à reprendre pour parfaire leur maîtrise.
Apprendre ensemble, réussir tous
La différenciation consiste souvent à simplifier, segmenter, guider et aider davantage, au risque d’affadir l’enjeu des tâches, de pulvériser l’unité de l’activité, de conforter la dépendance. Le résultat de ces aménagements : la paix dans la classe… mais une dispersion croissante des acquis.
A contrario, il nous faut conjuguer diversité des élèves et convergence des objectifs. Au regard des déplacements à faire opérer par les élèves les plus éloignés de l’univers scolaire, deux axes sont à investir : la nature des situations d’une part, la conduite des activités d’autre part.
La nature des situations. 
Si on sait assez bien exercer et contrôler, c’est la découverte des notions, la construction de concepts et des techniques intellectuelles qui méritent une attention accrue. Deux éléments peuvent y aider : l’interrogation épistémologique d’une part, l’analyse des difficultés récurrentes des élèves d’autre part. Les savoirs sont nés comme réponse à des problèmes, ils résultent d’une genèse faite d’essais réitérés, de reprises et d’emprunts, sont fruits « d’erreurs rectifiées »… Dans le domaine scientifique de façon patente, mais cela vaut dans bien d’autres domaines. L’oeuvre littéraire, musicale ou plastique s’inscrit elle aussi dans un contexte, met en tension des contraintes, le matériau et les procédés d’expression étant pliés au service de l’intention de l’auteur.
Sauf à être dans la démagogie et le renoncement, ce n’est pas en simplifiant à l’excès que l’on aide les élèves à apprendre et à progresser, mais à travers des situations ayant une certaine épaisseur culturelle et conceptuelle permettant de « rejouer » ces épreuves du passé, traduites dans des situations adaptées à l’âge des élèves, à travers des activités complexes et ambitieuses, à la hauteur des attentes que l’on soutient – à travers elles – à leur égard. Ainsi que le soutient Catherine Tauveron en matière de rapport au langage et à la littérature, « plus nous croyons les enfants limités, plus nous les mettons en incapacité de pouvoir dépasser leurs limites » (26).
Répondre à la question du sens oblige à « opérer une refondation épistémologique de la culture » poursuit Yves Chevallard, depuis la didactique des mathématiques (27), refondation qui consiste à appréhender les savoirs comme réponse à des problèmes, conquête de l’humanité sur la nature et l’ordre immuable des choses : échanger des messages à distance, transmettre les acquis aux générations suivantes, conserver trace de grandes quantités, gérer des échanges, édifier des monuments, échapper aux maladies, aux catastrophes, prévoir et non subir…
Qu’est-ce qui fait sens pour les élèves ? Ce qui fait écho à leurs préoccupations, ce qui les aide à se construire, à gagner en maîtrise, ce qui participe à leur développement intellectuel et personnel :
– les situations-défis, occasions de se mettre à l’épreuve et de réhabiliter l’estime de soi ;
– les énigmes, les situations problématiques qui « réchauffent les significations cristallisées » (Y.Clot), créent le doute et l’interrogation, stimulent la curiosité et l’envie de comprendre ;
– l’approche anthropologique des savoirs, vécus comme clés résolutives face aux impasses, sésames de l’intelligence, dont la (re)découverte les affilie à l’histoire humaine.
Ecoutons Bachelard à ce propos, dont les travaux réfèrent à l’épistémologie des sciences : « Balzac disait que les célibataires remplacent les sentiments par des habitudes. De même, les professeurs remplacent les découvertes par des leçons. Contre cette indolence intellectuelle qui nous prive peu à peu de notre sens des nouveautés spirituelles, l’enseignement des découvertes le long de l’histoire scientifique est d’un grand secours. Pour apprendre aux élèves à inventer, il est bon de leur donner le sentiment qu’ils auraient pu découvrir » (28).
La conduite des activités
Les amener à se penser « tous capables ! » nécessite d’abord à pour ceux qui ont intériorisé le contraire à de créer une suspension, un contexte favorable pour qu’ils acceptent de « jouer le jeu », de se risquer… L’amorce de l’activité est donc un moment clé : savoir quel est l’enjeu de ce que l’on propose, clarifier l’attendu de la consigne, poser le cadre (visée, modalités de travail, durée…).
Chacun peut d’autant plus s’investir dans une activité de recherche que le cadre est structuré, que les attentes de l’enseignant et le climat de classe contribuent à sécuriser l’espace d’apprentissage.
Si l’enjeu est de gagner l’implication de chacun, les situations d’apprentissage se caractérisent par un degré de complexité qui outrepasse les acquis des uns et des autres, à la fois les convoquent et en éprouvent les limites, appelant à leur dépassement. C’est dans la confrontation entre pairs que les solutions vont devoir être justifiées, argumentées… invalidées et réaménagées, construites au fil d’un débat de preuves exigeant, où l’erreur est le moteur de l’élaboration commune.
La confiance en soi se fortifie dans les épreuves, grâce aux obstacles surmontés, dans le sentiment réitéré de victoires sur l’impossible… Y compris jusqu’à l’expérience jubilatoire de la pensée. En effet, pas d’apprentissage véritable qui ne ménage un moment de recul réflexif permettant une ressaisie de l’objet, une mise à jour des procédures intellectuelles : bien que n’ayant pas réussi la tâche, je peux néanmoins réussir l’activité, comprendre l’essentiel, « tirer leçon » de l’expérience…

Conclusion

Se sentir réellement « capable » nécessite de l’avoir éprouvé et pas seulement de l’avoir entendu : c’est dire l’importance de vivre des défis, des expériences fortes pour s’en persuader intimement…
Le moteur du « Tous capables » : le sentiment de réussir ce dont on ne s’imaginait pas être capable. Chaque victoire sur soi en appelle d’autres, étapes graduées d’élargissement des possibilités, de transformation de l’horizon d’attentes. Encore faut-il accepter, une première fois, de se risquer…
Si l’enjeu est que chacun se « sente capable…», il est clair que c’est de la conjugaison des apports de tous que cela se nourrit et se renforce. Autrement dit, c’est à travers des apprentissages vécus comme conquêtes collectives que le « Tous capables » prend forme, aventure solidaire d’un collectif s’inscrivant à par ces conquêtes à dans la dynamique émancipatrice de l’humanité.

 (1) Journée de formation des professeurs stagiaires du second degré à Académie de Rennes, Jeudi 27 mars 2014 – ESPE de Rennes (et Brest)
 (2) Chapitre Ier, Section 1 « Les principes de l’éducation », article 2 de la Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (JO N°0157 du 9 juillet 2013)
 (3) GFEN (1974), L’échec scolaire : « Doué ou non doué ? », Editions sociales, 1974, p. 91-92.
 (4) Alexis Carrel (1935), l’Homme, cet inconnu, Plon (il a soutenu des thèses eugénistes et eu des liens avec Pétain).
 (5)Eysenck H.J. (1973), L’inégalité de l’Homme (The Inequality of man, Londres, Temple Smith).
 (6) Debray-Ritzen P. (1978), Lettre ouverte aux parents des petits écoliers, Paris, Albin Michel. Citations qui sont extraites de Schiff M. (1982), L’intelligence gaspillée. Inégalité sociale, injustice scolaire, Paris, Seuil.
 (7) Au congrès de la L.I.E.N. Cité dans GFEN (1974), L’échec scolaire : Doué ou non doué ? Op. cit. p. 106.
(7bis) Lucien Sève, « Les
« dons » n’existent pas », article repris et partiellement
résumé dans l’ouvrage collectif déjà cité Doué
ou non doué
, p. 28-46 (passages cités, p. 30 et 40-41).
 (8) P. Bourdieu et J-C. Passeron (1964), Les Héritiers, Ed. de Minuit (cité p. 47 de l’ouvrage précédent).
 (9) Elèves « abstraits » ou « concrets » ; ayant des « talents », « aptitudes » ou « formes d’excellences » spécifiques…
 (10) Michel Brossard (1974), « Diversité culturelle, inégalités de développement », in L‘échec scolaire… Op. cit., p. 239.
(11)P. Bourdieu, J.-C. Passeron (1970), La Reproduction, Paris, Ed. de Minuit.
(12) Cf. Robert Gloton, (1970), A la recherche de l’école de demain. Le groupe expérimental du XXè arrondissement de Paris, Cahiers de Pédagogie Moderne. 43, Armand Colin
(13) Robert Gloton (1979), Au pays des enfants masqués, Casterman, p. 202-218 (passage cité : p. 209).
 (14) Henri Bassis (1978), Des maîtres pour une autre école : former ou transformer ?  Casterman.
 (15) Aurélien Fabre (1972), L’école active expérimentale, PUF (Vice-président du GFEN à l’époque).
 (16) GFEN (1982), Quelles pratiques pour une autre école ? Le savoir aussi, ça se construit ! Casterman.
 (17) Albert Jacquard (1978), Éloge de la différence. La génétique et les hommes, Seuil ; (1982) Au péril de la Science, Seuil ; (1983) Moi et les Autres, Seuil…
 (18) Albert Jacquard (1984), Inventer l’homme, éditions Complexe (coll. Le Genre humain), p. 167.
 (19) GFEN (2009), Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard, La Dispute.
 (20) M. Duyme, C. Capron (2009), « Handicap, performances intellectuelles et inégalités scolaires », Ibidem, p. 45
 (21) Robert A. Rosenthal et Lenore Jacobson (1971), Pygmalion à l’école. L’attente du maître et le développement intellectuel des élèves, Casterman.
 (22) David Trouilloud, Philippe Sarrazin (2003), « Les connaissance actuelles sur l’effet Pygmalion : processus, poids et modulateurs » (Note de synthèse), Revue Française de Pédagogie N°145, oct.-nov.-déc. 2003, p. 89-119.
 (23) Annie Feyfant, « Effets des pratiques pédagogiques sur  les apprentissages », Dossier d’actualité Veille et analyses, n°65, septembre 2011, Ifé-ENS de Lyon (notamment p. 7 à 10).
(24)  Pour une synthèse des travaux de recherche précédents et la proposition de perspectives pédagogiques, cf. Jacques Bernardin (2013), Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires, De Boeck.
(25) Anne Armand, Béatrice Gille (2006), « La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves », Rapport IGEN-IGAENR.
(26) Catherine Tauveron (2011), site du Café Pédagogique, avril 2011.
(27) Yves Chevallard (2003), « Approche anthropologique du rapport au savoir et didactique des mathématiques », Rapport au savoir et didactique, Sylvette Maury et Michel Caillot (dir.), Ed. Fabert, p. 20.
(28) Gaston Bachelard (1938), La formation de l’esprit scientifique, Vrin, rééd. 1993, p. 247.

La démarche d’auto socio construction

La démarche d’auto-socio-construction des savoirs

à l’école et en formation

Odette BASSIS

Lire aussi une définition brève de l’auto-socio-construction

 

C’est la spécificité de la recherche présentée ici que d’être fondée pour l’essentiel sur une mise en dialectique entre pratique et théorie[1] et cela, à propos de l’acte même d’apprendre et donc, pour l’enseignant, de l’acte d’enseigner.

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I De quelques prémisses incontournables

  • Une approche épistémologique des savoirs enseignés:

Un retour rapide à la genèse historique des savoirs nous apprend combien ils sont issus de questionnements forts, souvent insolites, y compris quand ils relèvent de la vie courante (ex : le feu, la roue) portés par un regard curieux ne se fiant pas à l’évidence. Or c’est de ces questionnements, lorsqu’ils sont pris à bras le corps et qu’ils sont mis en travail, qu’émergent élaborations et ruptures créatrices qui vont constituer l’ossature culturelle et scientifique proprement dite de ces savoirs, à l’échelle d’une vie comme entre générations et cultures multiples. C’est d’une telle forme d’auto-socio-construction historique et culturelle, face aux aléas, contradictions, voire conflits, que ces savoirs ont tiré leur force de signification et de capacités confirmées.

Bien sûr, sur le plan des contenus à enseigner, il serait naïf et irréaliste de croire que les apprenants pourraient repasser par les étapes historiques d’élaboration des savoirs. Mais il est tout autant
réducteur de n’enseigner que des productions finales telles quelles, même assorties d’argumentaires serrés ou d’éléments de leur genèse. De toutes façons l’enseignement, quel qu’il soit, ne peut éviter d’avoir à « transposer »[2] les savoirs de l’héritage culturel et scientifique pour en extraire ce qui parait devoir en être retenu et enseignable. Ecart obligé d’une transposition faite d’étagements successifs,
depuis les programmes et référentiels, les manuels et jusqu’aux savoirs effectivement enseignés auprès des élèves. Sans omettre le savoir propre de l’enseignant avec les normes implicites ou explicites qu’il se donne  et les « attentes » qu’il a par rapport aux élèves.

Mais c’est là où il peut y avoir perte de sens ou détournement de sens, laissant place au moment où ils sont enseignés à des descriptions, des explications ou démonstrations présentées dans une logique a
posteriori dont la fonction risque de se réduire à en légitimer le bien-fondé ou à donner seulement dans l’efficace en vue de l’examen. Constat brutal, indispensable à aborder pour ne pas se contenter des allants de soi convenus mais d’accéder aux questionnements et cheminements qui les ont générés. Non
pour alourdir mais centrer sur l’enjeu qui est de chercher à la fois quelles clés pour comprendre tel savoir et dans quelle problématique plus large il trouve sa signification, en ouvrant sur un autre rapport au monde, en rupture créatrice avec l’apparent ou l’immédiat. C’est-à-dire entrer dans « le champ de la
signifiance »
comme le précise Roland Barthes(1974)[3].
Ce qui est par là même, pour l’enseignant, le  refus de quelque « violence symbolique » dont il pourrait être l’agent, y compris à son insu.Violence symbolique telle que la stigmatisait Bourdieu (1970) allant avec les méfaits d’une pédagogie implicite voulant ignorer en quoi toute transposition n’est ni neutre ni objective. D’où une explicitation nécessaire que Bourdieu  soulignait par l’importance « d’une maîtrise symbolique de la pratique ». Ce qui est l’objet de cette communication.

C’est dans ce sens que la dimension épistémologique abordée ici se rapproche des épistémologies constructivistes telles que les aborde Jean-Louis Lemoigne (1994) non sans lien, préalablement, avec celle de Piaget (1970), liées ici aux apports de Bachelard  face à ce « nouvel esprit scientifique » qui vint ébranler un positivisme dominant.

  • Une approche épistémique du sujet apprenant

C’est Bachelard, dans la « La formation de l’esprit scientifique » (1983) et dès les premières lignes, qui
soulève la notion d’obstacles épistémologique qui se présentent pour tout sujet humain, « dans l’acte même de connaître ». Il place la capacité d’interrogation à pour l’apprenant – comme moteur décisif de toute avancée de la pensée, car « Il faut avant tout savoir poser des problèmes »…. « S’il n’y a pas eu de questions, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné, tout est
construit »
. Et il précise, dans les dernières pages, d’une part l’importance des « autres » dans les apprentissages : «pour que la science objective soit pleinement éducatrice, il faudrait que son enseignement fût socialement actif », soulignant  même, à certains égards, « les camarades plus importants  que les maîtres »  et mettant en garde de ne pas « figer en dogmatisme une connaissance
qui devrait être une impulsion pour une démarche inventive »
dans laquelle pourtant, au final, « une
découverte objective est immédiatement une rectification subjective. »

La notion de « sujet épistémique » a été abordée par Piaget (1969) pour nommer cette part du sujet propre à gérer des activités cognitives. Ici, il s’agit de dimensionner le « sujet épistémique » en le connectant aussi à l’imaginaire et à la dimension subjective, psychique qui permet de jeter des ponts entre savoir et sujet, dans l’acte de connaître et en cela en prenant en compte aussi la part des relations
aux autres sujets-connaissant[4].

Ici, ce qui est délibérément nommé comme dimension épistémique de l’acte de connaître nous parait décisif car cela fait référence à l’unicité (dans la complexité) de tout sujet-apprenant de par son histoire antérieure et son milieu de vie, ses représentations et ses savoirs actuels qui sont inévitablement présents dans l’ici et maintenant de l’acte d’apprendre. Mais surtout ce qui est en jeu dans cette «démarche d’auto-socio-construction du savoir» ce sont les potentialités encore inexploitées que chacun porte en soi et dont les situations proposées se donnent pour enjeu de les stimuler et de leur donner corps. Sachant, comme le souligne fortement Vygotski (1985) combien « L’apprentissage
peut non seulement marcher du même pas que le développement mais il peut le devancer, le faire progresser en suscitant en lui de nouvelles formations 
», l’acte pédagogique devenant tremplin pour de telles avancées : « L’apprentissage est lui-même source de développement, source du nouveau ». Et si cela est vrai pour l’apprenant, cela est aussi vrai, dans une pratique pédagogique en transformation,
pour le pédagogue lui-même, comme l’analyse finement Castoriadis (1975) à propos de la praxis : « le
sujet lui-même est constamment transformé à partir de cette expérience où il est engagé et qu’il fait et qui le fait aussi. Les pédagogues sont éduqués».
Faut-il clarifier, avec Léontiev (1984) à propos de la
connaissance:

« Le concept de sens signifie que la conscience individuelle n’est pas réductible à un savoir impersonnel, qu’appartenant à un sujet vivant elle est toujours passionnée, bref que la conscience n’est pas seulement un savoir mais un rapport. » (c’est la dimension épistémique) 

« Le concept de signification pose le fait que la conscience de l’homme ne se développe pas dans des
conditions de robinsonnade, mais au sein d’un certain tout culturel, dans lequel se trouve historiquement cristallisée l’expérience de l’activité, des relations et de la perception du monde qu’il lui faut s’approprier. »
      (c’est la dimension épistémologique)

  • L’introduction de la notion de paradoxe :

Déjà, il est précieux de prendre le mot de « construction » dans cette « DASC » (démarche d’auto-socio-construction) avec son double sens qui indique à la fois l’action de construire dans l’exigence soutenue d’aller jusqu’à la conceptualisation et la conscientisation. Sachant que l’action de
construire part toujours à la fois de données déjà là (terrain, situation…) qui sont à retravailler en profondeur à d’où une forme de déconstruction des soubassements à élaguer, déplacer, creuser, casser même parfois et auxquels viennent s’adjoindre d’autres matériaux et configurations nouvelles.

Là, en éducation, nous sommes  dans une situation encore plus complexe : « métier impossible » dirait
Freud ? Car il en va du sujet humain dans ce qu’il devient lui-même, en lui-même et parmi les humains.

Pour ce qui est de la notion de paradoxe, reprise maintes fois dans mes propres recherches de théorisation de cette démarche en éducation, elle apparait dès Socrate, dans sa maïeutique et son dialogue avec Ménon, pour tenter de renverser l’initiative des questions, c’est-à-dire créer les conditions pour que ce soit, lui, l’apprenant qui en arrive à s’en poser. Analyses concernant les
« paradoxes de la connaissance » rassemblées par Canto-Sperber (1991).
Bachelard lui-même, déjà, mettant en cause un cartésianisme fermé, invitait à : « tout recours aux paradoxes si utiles à susciter, même dans l’enseignement élémentaire » (1966).

En Education Nouvelle (GFEN) nous disions : « derrière tel titre de leçon, quel but ? » ou encore « Expliquer, ça empêche de comprendre…quand ça empêche de chercher ! » : c’est-à-dire quelle « rupture » par rapport au bon sens, au cela va de soi… ? plus précisément, quelles contradictions non apparentes, de prime abord, faire déceler sachant que « la connaissance cohérente est un produit de la raison polémique » Bachelard (1981).

II  les paradoxes de la demarche d’auto-socio-construction

 Paradoxe de l’enseignant formateur dont la plus grande utilité consiste à se rendre inutile

  •  un pari : Pour l’enseignant/formateur c’est le parti pris délibéré sur des potentialités de
    développement dont dispose tout apprenant en même temps que sur les siennes pour oser s’y risquer. S’appuyer sur « l’éducabilité cognitive » comme le formule Meirieu ou sur un « tous  capables » tel que l’avance le GFEN, conscient toutefois des risques d’une telle formule quand il s’agit justement de créerles conditions pour que ces potentialités puissent devenir capacités.
  • un travail spécifique : Pour l’enseignant/formateur sont prioritaires les problématiquesàclés à déterminer à propos de tel ou tel contenu: ou, plus simplement, derrière tel titre de leçon, tel libellé du programme, quels concepts déterminants, quelle recherche des problématiques centrales qui, si elles ne sont pas abordées et construites enlèvent aux savoirs leur raison d’exister, pour en faire des formules ou procédures vides de sens.  Là, chaque discipline est concernée très spécifiquement et cela par rapport à une problématique conceptuelle en rupture épistémologique avec ce que l’on trouve pour le moins (dans la pratique ou les manuels courants) dans tant « d’allants de soi » ou le « c’est ainsi » va pouvoir se transformer en un « pourquoi il en est ainsi ».

 

Ainsi pour la numération , il s’agit d’aller à la recherche des raisons d’être du «pourquoi » telle écriture numérique alors que tant de manuels multiplient pages après pages des activités imagées d’assimilation des conventions d’écriture concernant seulement le « comment » dans un pas à pas qui en édulcore le contenu conceptuel. D’où la nécessité de découvrir – comme nécessité –  le fait de grouper, dans une activité liée à une situation spécifique ouvrant ensuite
sur le travail dans le symbolique pour signifier les groupements d’ordre différents et surtout l’invention de ce « zéro » qui signifie « rien » alors qu’il a justement fonction de « lien » dans l’écriture positionnelle[5].

Autant de points majeurs problématisés différemment suivant les disciplines[6] qui posent ensuite à l’enseignant la recherche de situations propres à les aborder pour qu’il y ait construction et non pas seulement réception, quand bien même celle-ci serait logiquement présentée. Et donc, pour cela, une autre nécessité pour l’enseignant quant au mode d’animation à partir des situations engagées qui rendront possible l’auto-socio-construction de tels savoirs. Une animation qui se veut être ni imposition ni effacement, quoique pourtant incitatrice et « empathique »[7] étant elle-même tout au long des processus engagés, dans une activité permanente d’analyse et recherche des processus des apprenants avec un cap toujours à tenir, pour parvenir jusqu’à l’étape de conceptualisation.

 

Paradoxe des situations                           

où ce qui fait problème et paraît pour un temps déroutant met en effervescence de multiples possibles

Deux impératifs contradictoires quant à la conception, par l’enseignant, de telles situations :

  • être accessibles à tous: c’est-à-dire clairement compréhensible par tous, quant aux données proposées et l’objectif à atteindre. Ceci afin d’éviter le préalable d’un magistral lourd qui ferait barrage à l’entrée de tous dans la recherche. Cette situation doit être vraisemblable même si elle est fictive et se présente comme une situation de « simulation »[8]. Les élèves ne s’y trompent pas, d’ailleurs, lorsque la situation est présentée simplement et du  moment qu’ils savent reconnaître si l’objectif recherché est clair pour eux.
  • être à même de générer des processus de recherche : c’est l’enjeu principal car il s’agit de traduire la problématique conceptuelle visée dans une situation qui, sans poser directement
    des questions, va faire se poser un questionnement fort, qui va même dérouter, bousculer, étonner et peut-être dans un premier temps paraître impossible à gérer. Chaque fois, la situation n’a de sens que si précisément elle pose problème, non comme dérivatif illustratif ou ludique, mais déjà par rapport à un objectif bien ciblé, première étape en vue d’un but conceptuel à atteindre.

La caractéristique de l’objectif proposé est d’être « quelque chose à faire » à partir de données spécifiques minutieusement choisies: documents liés à telle ou telle discipline, tableaux, cartes, figures géométriques différentes, etc…. Sachant que ce qui est « à faire » prépare les matériaux réflexifs, les questionnements qui deviendront nécessaires pour la conceptualisation qui suivra.

Par exemple:

–  « classer », mais les critères de classement sont à chercher, en dégageant des invariants.

–  « comparez », mais les éléments de comparaison sont à qualifier (ex : textes littéraires, historiques, documents)

– « préparez une rencontre entre protagonistes différents en vue d’une polémique à gérer, d’une problématique à dégager, d’une décision possible à prendre, d’une conséquence à tirer,… », à partir de documents historiques, scientifiques, littéraires, linguistiques, philosophiques ou autres (pratique de controverse)

La consigne consiste donc à impulser une action dont l’objectif est fixé, en effet, mais non point la conduite, tout entière laissée à l’initiative de l’apprenant. C’est pourquoi cette consigne s’exprime par un verbe, non comme réponse à donner, non comme procédure à suivre, non comme manipulation sous
contrôle, mais comme tremplin où du nouveau est à concevoir.

 

Paradoxe des processus où l’interaction des différences, contraintes et contradictions  permet l’exercice d’une liberté nécessaire pour les surmonter

C’est bien là où se joue ce que signifie une « démarche d’auto-socio-construction» étant un parcours qui déborde le cadre de bipolarisations encore tenaces entre empirisme et rationalisme, entre faire et penser. Là encore Bachelard (19815) avance une position ouverte :« Penser scientifiquement, c’est se placer dans le champ épistémologique intermédiaire entre théorie et pratique » à quoi nous pourrions  argumenter en posant non point la notion d’intermédiaire mais bien plutôt celle de dialectique, voire peut-être de « dialogique » comme le revendique avec force Edgar Morin. Là, dans le vécu d’une telle démarche, des champs différents sont travaillés en tuilage, voire à certains moments en symbiose.

  • processus dialectiques entre acte et pensée :

D’entrée de jeu, la situation initiale étant posée, des contradictions jaillissent perçues un moment comme impossibilité. Aspérités inattendues qui donnent du piment à l’investissement tout en mettant un
moment en arrêt l’action, obligeant à un recul réflexif et à des essais encore craintifs. Des schèmes d’actions et représentations antérieures sont sollicités. Temps précieux où viennent s’insérer de nouvelles tentatives de conduites opératoires et réflexions jusque-là non sollicitées. Des potentialités balbutiantes sont mises en mouvement. Va et vient accéléré entre faire et penser. Où se succèdent, sortant d’un syncrétisme premier, des capacités à discriminer, mettre en relation, coordonner, structurer…et formuler.
Et ce faisant, dans le cours de tentatives plus affirmées, d’en venir au temps des activités représentatives à dans le champ du symbolique – exprimées par le langage, par des schématisations, diagrammes, etc…comme autant « d’actions signifiantes ». Passage où le « comprendre en action »
devient  « réussir en pensée »[9]. Ce sont là des moments décisifs où sont en jeu à la fois fonctionnalité et signification. C’est-à-dire où l’activité change de registre pour entrer dans la conceptualisation.

  • processus dialectiques entre chacun et les autres :

Aux interactions entre chacun et la situation vient vite s’intercaler un va et vient entre chacun et les autres qui va entraîner l’obligation de se décentrer, par rapport à soi-même. C’est le moment de faire face aux différences et même divergences, contradictions rencontrées dans une situation pourtant la même pour les uns et les autres. Mise à l’épreuve, par la médiation de la situation donnée, qui contribue à passer d’une subjectivité, aux risques d’enfermement ou d’illusion, à des plans successifs d’objectivation. Le langage y joue un rôle décisif : être amené à décrire, expliquer ce qui est fait et pourquoi, à clarifier sa propre pensée, argumenter, mais aussi écouter, entrer dans la pensée de l’autre, dans ses référents culturels aussi, et donc en retour visiter autrement sa propre pensée, autant de mises en  dialectique qui instituent une mise à distance indispensable vers une conceptualisation. Sachant qu’il ne s’agit pas de se démettre d’un esprit critique mais bien plutôt d’en aiguiser la
perspicacité tout en construisant ensemble[10].
Des rapports inter-individuels qui, tout en étant parfois vifs, sont autant de moments qui participent à construire une forme de socialisation non sans lien avec une dimension de formation à la citoyenneté sur le champ même de l’apprendre. En quoi instruire, c’est éduquer.

Bien sûr c’est cette interaction entre chacun et les autres qui justifie la terminologie de « démarche
d’auto-socio-construction du savoir » où le mode d’animation de l’enseignant, délicat, n’est pas moindre, dans l’alternance du travail entre petits groupes et confrontations collectives suivant des paliers d’approfondissement successifs. Avec, dans ces paliers, la place qui devient prépondérante du
symbolique dans la conceptualisation[11].

  • processus dialectiques entre liberté et contraintes

C’est dès la donnée des situations de départ et dans les processus qui suivent qu’apparaissent des difficultés liées aux interactions multiples qui surgissent. La double altérité par rapport à la situation et par rapport aux « autres ». Est-il besoin de souligner que c’est cela même qui tient en haleine l’attention et la recherche dans la mesure où les difficultés rencontrées ne sont pas fermées parce qu’il s’agit
de se frayer des chemins de liberté pour introduire des modifications, des transformations. Que serait l’exercice d’une telle liberté si elle n’était cette capacité à déjouer les obstacles, à surmonter les contraintes pour un but à atteindre haut placé? Ce qui donne l’importance au type de consigne,
incitatrice dès la situation initiale. Et l’importance du mode d’animation[12].

Les plus grandes découvertes, les plus belles créations, les plus étonnants exploits ne furent inouïs que par les dépassements qu’ils ont su réaliser. Et cela peut être à l’honneur de la pédagogie, dans son champ spécifique, que de croire possible un tel apprentissage de la liberté au cœur même de l’acte d’apprendre. On peut relire Wallon: « La connaissance est essentiellement un effort pour résoudre des contradictions » ainsi que « Rien ne subsiste qui n’ait triomphé du conflit, en réalisant un nouvel équilibre, un nouvel état, une nouvelle forme d’existence ». Là se trouve ce qui donne saveur à savoir (J-P Astolfi, 2008) en restituant aux savoirs leur dimension d’aventure humaine.

C’est à l’issue de la réalisation d’un projet de formation en ZEP[13] qu’une institutrice s’exclama: « Ce qui m’a le plus frappé c’est que, pour aider les enfants le plus en échec, c’est en leur proposant du difficile qu’on peut le faire ». Parce que ces enfants y trouvaient de quoi exister[14].

 

III dimension systémique de la demarche

C’est à partir de deux triangles utilisés en stage, pour mettre en évidence les pôles significatifs de la relation pédagogique qu’une question nouvelle fut posée :
quelles relations entre eux

– Le premier triangle dit pédagogique, mis en avant par J.Houssaye analyse les postures que sont : Enseigner (relation Enseignant-Savoir), Apprendre (relation Savoir-Apprenants) et Former
(relation Enseignant-Apprenant).

– Le deuxième triangle, intégrant des apports en psychologie de Wallon, fut réinvesti en pédagogie  pour mettre l’accent sur tout processus de recherche et d’objectivation, sur le double va et vient, entre chacun (comme sujet) et la situation, entre chacun et les autres, les uns et les autres en travail par rapport à la situation. Intervient en outre sur ce deuxième triangle l’enjeu même de toute démarche que sont pour chacun les transformations de ses propres schèmes de pensée dans  les élaborations de savoir (flèche en retour du sujet sur lui-même). C’est ce triangle qui indique les chemins suivant lesquels se jouent les inter-relations, sans confusion ni cloisonnement entre les trois pôles que sont
les situations proposées, chaque sujet-apprenant et le groupe des apprenants, l’explicitation de ces pôles donnant sa signification à « l’auto-socio-construction ».

Cependant, dans une analyse plus complexe, intervient la nécessité de mettre en évidence :

  • Le lien entre Savoir et Situation(s) : travail spécifique de l’enseignant dans l’élaboration d’une situation porteuse de processus significatifs.
  • Le lien entre l’enseignant/formateur (E/F) et le triangle d’auto-socio-construction : indispensable pour éviter tout glissement vers la double illusion d’un principe de non-intervention, porte ouverte à un pédagogisme irresponsable ou d’une relation univoque de l’enseignant.
  • Le lien entre chaque sujet-apprenant (je) et le groupe des apprenants (dissocié suivant les étapes en petits groupes ou groupe-classe). Lien nécessaire pour clarifier les va et vient de l’auto-socio.

C’est cette nécessité d’expliciter les différentes relations effectives qui entrent en jeu dans toute démarche qui permit d’en arriver à un diagramme plus complexe mettant notamment en relation
les deux triangles précédents (en grisé). Avec le risque toutefois d’une multiplicité de lecture où ce que l’on voit sur un même plan peut concerner des relations qui se déroulent dans des temporalités différentes, aussi bien antérieures (relation Savoir /Situations  pour l’Enseignant) qu’en finalisation (Situations/Savoir pour les Apprenants). Le risque aussi d’une représentation apparemment fermée alors que tout démarche, quoique construisant des conceptualisations effectives à et justement parce qu’elles le sont dans une dynamique vivante à ouvrent sur des conscientisations qui se poursuivent et rebondissent à propos d’autres savoirs avec des questions nouvelles. Comme il en est pour chaque apprenant entre soi et soi, par rapport à des représentations préalables et des résistances internes qu’il a dû surmonter.

Toutefois, l’apport  d’un tel diagramme est de permettre d’en saisir la dimension systémique globale mise en jeu dans une telle pratique de « démarche d’auto-socio-construction du savoir ».

Car un tel diagramme, indiquant la multiplicité des dynamiques qui s’y jouent, peut  permettre de poser en quoi la notion de « rapport au savoir » clarifiée par Bernard Charlot (1997) conduit à une autre question, traversant  de telles dynamiques : celle du « rapport à savoir » permettant de relier le savoir à l’acte de savoir, c’est à dire relier le savoir comme substantif au savoir comme verbe.

Toutefois une lecture plus « sériée » du diagramme peut être esquissée tout au moins suivant les
constituants essentiels du travail de l’enseignant/formateur et du travail  de chaque apprenant.

  • Le travail de l’enseignant-formateur

Une lecture du diagramme, à partir du point focal que représente celui de l’enseignant/formateur (E/F) met en évidence quatre axes essentiels de travail :

Les axes de travail propre à l’enseignant/formateur

– En direction du Savoir :
c’est, derrière tout savoir prescrit, d’en dégager les « buts », à savoir la problématique conceptuelle spécifique qui sera ensuite intégrée dans une/des situations proposée(s). Ce sont de tels buts qui constituent le « cap à tenir »[15] par l’enseignant-formateur, tout au long des processus, pour qu’il y ait
construction effective de savoir.

–  En direction des Situations : travail d’élaboration, à partir des buts dégagés pour imaginer-élaborer une (ou des) situation(s) à la fois compréhensible par tous (quant aux objectifs à atteindre  par des
conduites à initier par les apprenants) et porteuse de développements cognitifs conduisant aux buts proprement dits, au-delà des objectifs opératoires atteints.

– En direction des Apprenants : c’est à l’ensemble des apprenants que sont présentées les situations, leur contexte (y compris les objets, documents, …) et leurs objectifs (ex : classez, traduisez, reconstituez, représentez, écrivez…). Et c’est en vue d’une élaboration à mener collectivement que toute démarche s’organise, se vit. Particulièrement dans les temps forts de confrontation collective où l’enseignant, sans perdre le « cap » à tenir, s’appuie sur une forme d’intervention en « effet-miroir » c’est-à-dire en renvoyant les éléments contradictoires pour une remise en travail. Comme l’indiquait Léontiev (1984)« Il faut éduquer l’attitude vis-à-vis des connaissances elles-mêmes. En cela réside le
sens profond de la conscience réfléchie de l’étude »

– En direction de tel ou tel apprenant : l’activité d’observation et d’analyse de la part de l’enseignant est permanente, en position de « veille active » et positive. Il est donc amené à être l’objet d’une question ou d’une interpellation de tel ou tel, à laquelle il apporte un retour ou non de réponse directe, préférant en général un retour au « faire », ou susciter un nouveau questionnement (y compris par l’apport d’une situation contradictoire), ou encore une autre entrée de recherche pour que reparte le questionnement et la recherche de l’apprenant.

Ce qui demeure central pour tout démarche, de la part de l’E/F, étant son apport des situations de recherche et son mode d’animation sachant qu’il demeure responsable des conditions d’aboutissement de toute démarche quant à la construction des savoirs en jeu.

  • Le travail de chaque apprenant

C’est ce travail pour lequel toute démarche a sa raison d’être.

Les axes de travail propre au sujet-apprenant

– En direction des Situations : c’est le point  d’ancrage essentiel de chaque apprenant dans toute démarche. Les situations lancent la recherche, mettent en travail schèmes de pensée, conduites opératoires et enfin représentations dans le champ du symbolique (oral, écrit, dessiné,…)

– En direction des « autres » (Apprenants) : c’est la confrontation des conduites opératoires,
hypothèses, arguments… des uns et des autres, avec pour médiation essentielle les pratiques langagières, en réajustements permanents en cours de démarche. Ce qui conduit au travail de confrontation collective qui, à partir des productions des apprenants (individuelles, de petits groupes ou collectivement) a pour fonction d’en arriver à la problématique conceptuelle elle-même (buts). C’est
l’aboutissement des processus précédents où prend place d’une façon délibérée, le travail sur les formulations et/ou les représentations symboliques (schémas, diagrammes, texte en élaboration…) pour donner corps au savoir en construction.

– En direction de l’E/F : c’est l’importance du comportement de l’E/F par rapport à chaque apprenant qui
« donne le ton » du climat de recherche, fondé sur la prise en compte des capacités des élèves à s’y engager, à la fois dans la confiance et l’exigence.

– En direction du Savoir : en définitive, c’est bien par rapport au(x) but(s) recherchés pour tout savoir
que démarche il y a. Un savoir, dont la dimension épistémologique a nourri les processus (avec, en situation, apports de données ou documents historiques). Toutefois, la démarche étant vécue dans le présent de chacun, avec le déjà-là de ses acquis antérieurs et ses implications propres de recherche qu’en final, si construction de savoir il y a à dans le travail d’objectivation qui, y est engagé – c’est bien pour chacun avec quelque tonalité singulière, unique incluant ainsi une dimension épistémique qui fait que ces savoirs deviennent SES savoirs et, se faisant, ses propres pouvoirs de réinvestissement dans des contextualisations autres.

**********

Une telle recherche spécifique – concernant cette notion de démarche d’auto-socio-construction du savoir –  a été toujours menée en interaction réciproque entre pratique et théorisation. Et cela au plus près des processus vécus et dans le contexte de projets réalisés de transformation de la formation sur des terrains spécifiques (Tchad, dès les années 70, IUFM de Créteil et terrain de ZEP dans les années 80, et nombreux stages et Universités d’Eté depuis, en France et à l’étranger (Europe, Afrique, Russie) avec des réinvestissements en Science de l’Education[16] et des stages de formation toujours en cours[17].

C’est particulièrement dans l’interrelation entre terrains (élèves et/ou enseignants en formation) et
l’apport des sciences de l’éducation qu’un tel travail de théorisation a pris corps. Soutendu par les enjeux spécifiques et l’expérience de l’Education Nouvelle (particulièrement ceux de Paul Langevin et Henri Wallon ainsi que le Groupe Expérimental du 20ème créé par Robert Gloton) ainsi que les travaux de Piaget[18], Vygotsy, Léontiev, Bruner,.. en épistémologie par ceux de Bachelard, Popper,.. et en sociologie particulièrement de Bourdieu. Enrichie au fil des années[19] et démultipliée dans l’ensemble des disciplines (français, histoire-géographie, langues, philosophie, mathématiques, arts plastiques, musique, technologie,…)[20] la mise en pratique et les recherches poursuivies (thèses  et ouvrages multiples) ont permis une théorisation plus poussée ouvrant un champ fructueux pour apporter
de nouvelles dimensions, en amont et dans le parcours de l’école, à une transformation de la formation des enseignants.

L’enjeu d’un tel apport est d’ouvrir un autre champ de lucidité et d’exigence au cœur des apprentissages à et donc un champ de recherche à poursuivre – dans le rapport au savoir et plus particulièrement dans le rapport « à » savoir dont dépend, pour chaque sujet apprenant, sa formation à une pensée lucide et
exigeante, où la construction de soi comme sujet unique se joue aussi dans une interrelation avec  les autres[21] en vue d’une conscience plus avivée  de son implication dans ce monde en devenir.

Communication présentée au Congrès de l’AFIRSE
Association Francophone Internationale des Sciences de l’Education
Paris. UNESCO Juin 2011


[1] Cf la thèse soutenue par Etiennette Vellas en 2008 « Approche, par la pédagogie de la démarche
d’auto-socio-construction : une « théorie pratique » de l’éducation  nouvelle » Université de Genève (dir. Mireille Cifali)

[2] Cf.Y.Chevallard, « La transposition didactique »(1985) et Michel Verret, « Le temps des études »(1975)

[3] Cf  les apports de R.Barthes (1974) ouvrant de nouveaux espaces dans l’exploration sémiotique d’une « théorie du texte » sur ce qu’il appelle « le procès de signifiance ».

[4] Une réflexion serait à mener à propos du sous-titre que Bachelard ajoute à « La formation de l’esprit
scientifique » soit: « Contribution à une approche psychanalytique de la connaissance objective » laquelle ouvre d’autres espaces jusque-là si peu traités concernant la connaissance et sa place dans l’inconscient et la vie du sujet.

[5] Démarche longuement décrite et analysée dans le Tome 1 de « Concepts-clés et situations problèmes en mathématiques (O.Bassis, Hachette Ed 2010)

[6] De nombreux ouvrages d’auteurs membres du GFEN font état de telles questions et démarches correspondantes en grammaire, orthographe, productions de textes, lecture, histoire, géographie,
apprentissage des langues, poésie, philosophie, arts plastiques.etc…ainsi que de nombreux articles dans la revue Dialogue ( cf le site :  new.gfen.asso.fr)

[7] Au sens Rogérien de «chercher à comprendre la logique, le positionnement de l’autre ».

[8] Terme qui est à prendre avec le plus grand sérieux dans la mesure où toute transposition à parce que non collée au réel historique des savoirs- nécessite des situations et dispositifs eux-mêmes
transposés.

[9] Pour reprendre des termes utilisés par Piaget dans « Réussir et comprendre » 1974 PUF.

[10] Ainsi pour la notion de numération, ce sont 8 étapes successives qui sont nécessaires. Mais c’est prendre du temps pour en gagner, quand on mesure ensuite (opérations, décimaux, etc…) tout le gain mis à profit.

[11] Cf : l’article d’O.Bassis : « La place du symbolique dans la conceptualisation », revue Dialogue
n°139 du GFEN.

[12] Des études de Landsheere sur les fonctions verbales de l’enseignant permettent de souligner l’importance de la fonction de développement (inciter, mettre en relation des interventions verbales différentes, renvoyer à d’autres situations, faire représenter ou formuler,…)

[13] Projet mené en relation entre des classes de ZEP et l’IUFM de Bonneuil. C’est dans une de ces classes que fut réalisée une longue « démarche » (des polygones aux carrés) en 5 séances dont l’analyse des productions des enfants fut le centre d’une thèse soutenue sous la direction de Gérard Vergnaud.

[14] C’est-à-dire de quoi surmonter la « peur d’apprendre » (Serge Boimare,)

[15] Et cela au travers d’une analyse et des choix conséquents quant à la transposition dont ils sont l’objet pour éviter notamment des transgressions de sens qui peuvent  s’opèrer entre savoirs savants, savoirs prescrits et savoirs enseignés.

[16] Par ex. création d’un module sur « l’acte d’apprendre » à Paris 8 et Nanterre (années 90 par O.Bassis).

[17] Ces dernières années, par des formateurs du GFEN, plus de 20 000 journées/stagiaires annuelles de formation dont 6000 à la demande  de responsables de l’Education Nationale.

[18] Particulièrement les travaux de Piaget à partir des années 60.

[19] Notamment avec les apports et ouvrages de Gaston Mialaret

[20] Cf site du GFEN : new.gfen.asso.fr et ouvrages publiés.

[21] Des mises en relation seraient à faire concernant les processus des grandes inventions en sciences et arts, fonctionnant  en auto-socio-élaboration/création (ex dans ce qui précède et qui suit la physique
quantique jusqu’au Boson de Higgs.. tout comme il en est pour les créations artistiques, littéraires, etc…)

Qu’est-ce qu’un mouvement pédagogique aujourd’hui ?

Jacques Bernardin (GFEN)

Répondre à cette question amène à déplier les caractéristiques distinctives des mouvements pédagogiques actuels afin d’en dresser un portrait générique, ici brossé en plusieurs touches :

–       cerner leur singularité associative dans le paysage social ;

–       revenir sur la genèse constitutive de leur orientation ;

–       inventorier leurs fonctions et leurs moyens d’action.

I/ Une place singulière dans le paysage social

Le domaine propre au mouvement pédagogique, c’est le champ des pratiques éducatives.Il se démarque du champ politique et du champ syndical… mais questionne pourtant :

 *l’idéologie qui sous-tend les choix éducatifs : quelle idée de l’Homme (Chacun naît ainsi… ou n’est qu’un devenir : naturalisation versus développement) ? Quelles visées de l’éducation, au regard de la société actuelle et à venir (en référence aux choix précédents de l’élitisme, de l’excellence, d’une école visant la performance des résultats et l’individualisme exacerbé) ?

*le cadre et les moyens de leur mise en oeuvre : quelle orientation de la politique éducative ? Quels moyens sont mis en oeuvre sur le plan structurel, sont-ils en phase avec ces intentions ? (Hier : sectorisation et internats d’excellence, mise en concurrence des établissements, pré-apprentissage[dispositif DIMA], multiplication de dispositifs d’aide personnalisée et casse des RASED, chute de la scolarisation maternelle, etc. Aujourd’hui, principe de mixité sociale et scolaire, réorganisation du cursus, programme et attendus…)

*les prescriptions officielles, qui ont des incidences au quotidien.Rappelons-nous en matière d’apprentissage de la lecture [De Robien, 2006] et les programmes de 2008, au parfum de « réaction pédagogique » : place faite aux mécanismes, à la mémoire, à l’autorité version autoritarisme…

Le mouvement pédagogique se démarque également, dans le champ éducatif :

de la recherche, qui fournit des outils de lecture, d’intelligibilité, de compréhension de phénomènes,qui dresse l’état des lieux… mais n’explore pas des possibles d’action ;

des associations de spécialistes (AFEF, IREM, etc.), centrées sur la didactique de leur discipline mais parfois au détriment de la pédagogie. Or, l’échec ségrégatif et le manque d’intérêt de bien des élèves pour ce qui est proposé à l’école tendent à prouver que la réalité « déborde » la didactique ;

de l’éducation populaire, centrée sur une démocratisation culturelle pensée en terme d’accessibilité élargie, soucieuse de promotion culturelle et de pratique sportive de masse… plus que sur la recherche des modalités de leur mise en oeuvre,qui ont pourtant des incidences différentielles au regard de ses objectifs de démocratisation de l’accès au savoir et d’émancipation intellectuelle.

… et pourtant, le mouvement pédagogique :

*est attentif aux recherches, pour élaborer ses problématiques et formaliser ses outils  mais aussi les soumettre à l’épreuve critique et les actualiser(ex. sur les questions de rapport à l’école et au savoir ou à propos du débat pédagogie active / pédagogie explicite) ;

* intègre une approche didactique : la pédagogie ne peut opérer « en suspension » des objets d’apprentissages, sauf à penser que la méthodologie et les détours stratégiques (comme les projets) prévaudraient sur les contenus(d’où la place accordée à la réflexion épistémologique sur leur essence constitutive et la prise en compte des représentations des élèves, afin d’imaginer l’agencement des étapes de l’appropriation) ;

*vise une diffusion élargie, souhaite que sa vision de l’éducation devienne populaire.Par ailleurs, bien que faisant une large place aux pratiques scolaires(héritage du passé), ses problématiques, réflexions et pratiques ont aujourd’hui une résonance bien au-delà des murs de l’école.

II/ Des orientations redevables à une histoire

 Que ce soit l’ICEM, le CRAP ou le GFEN, tous se définissent comme mouvements d’Éducation Nouvelle. Quels jalons sont constitutifs de leur orientation ?

1)    La « méthode active ».

Cette mouvance éducative émerge dès la fin du XIXè siècle dans divers pays : en Suisse (avec Pestalozzi à Yverdon, s’inspirant de l’Emile, de JJ Rousseau), en Allemagne (avec « les écoles du travail » de Georg Kerschensteiner à Munich), en Angleterre (New Scool à Abbotsholme, qui aboutit en 1899 à la création par Adolphe Ferrière du Bureau International des écoles nouvelles), en France (avec l’école des Roches,d’Edmond Demolins). Cette nouvelle éducation est fondée sur une critique des écoles traditionnelles, marquées par l’artificialisme, dans une négation des besoins physiologiques et psychologiques des enfants. « Cette « mise en pratique » a l’avantage de combattre l’ennui et de favoriser la compréhension, de susciter l’implication et de permettre l’assimilation »[1].

Toutefois, les méthodes actives ont parfois été entendues et mises en oeuvre de façon réductrice, donnant prévalence au « faire » sur le comprendre, mouvement de balancier assez classique cherchant à rompre avec le formalisme du passé. Ce qui a ouvert à bien des critiques, parfois faciles et caricaturales entre les tenants de la« pédagogie » et ceux du « savoir », mais aussi plus dérangeantes, de la part des sociologues pointant les effets discriminatoires accrus à notamment à l’égard des enfants de milieux populaires – d’une pédagogie « invisible » laissant l’essentiel dans l’implicite.Pourtant, les promoteurs de l’éducation nouvelle l’avaient précisé : « La véritable activité n’est pas l’activité extérieure, l’activité d’effectuation, c’est l’activité de l’esprit à la poursuite de la connaissance »[2].

2) Un autre regard sur l’enfant

Parmi les pionniers de l’Education Nouvelle, on trouve beaucoup de médecins qui ont pris en charge des enfants jugés inéducables, dont tout le monde désespérait,enfants dits « arriérés » ou difficiles : Maria Montessori (Italie), Edouard Claparède (Institut JJ Rousseau, Genève), John Dewey (USA),Ovide Decroly (Belgique), Henri Wallon en France (neuropsychiatre, auteur d’une thèse sur l’Enfant turbulent en 1925)… Résolument contre la théorie des dons ou du handicap socioculturel,  le principe  d’éducabilité reste un fondement de nos mouvements : (défi du« Tous capables ! » lancé par le GFEN contre tous lesfatalismes).

Comment assurer l’instruction aux enfants« anormaux » ? C’est pour répondre à cette demande du Ministère de l’Instruction publique en 1904 que Binet élabore les premiers tests,initiant les travaux en psychologie expérimentale. D’autres chercheurs s’intéresseront plutôt à la psychologie génétique, comme Jean Piaget et Henri Wallon, pendant que parallèlement, Vygoski travaille sur le rapport entre apprentissage et développement. Les recherches actuelles en neurobiologie étayent ces convictions : la plasticité cérébrale est sensible aux stimulations de l’environnement. Il faut donc « changer le milieu » pour dynamiser le développement…

3) Des valeurs, un positionnement social.

En 1921, le Congrès de Calais amorce une nouvelle étape avec la création de la Ligue Internationale d’éducation Nouvelle(LIEN). Suite à la guerre de 14-18, se pose la question de la responsabilité des éducateurs dans l’Education à la Paix. « L’Éducation Nouvelle prépare chez l’enfant,non seulement le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme ». En 1922 parait Pour l’ère nouvelle,revue du LIEN. La même année, est fondée en France l’Éducation Nouvelle (Groupe d’études, de recherches et d’expériences éducatives), association loi 1901 qui va prendre en 1929 l’appellation Groupe Français d’Education Nouvelle (GFEN), dont Paul Langevin est le premier président d’honneur. Henri Wallon, du comité de rédaction de Pour l’ère nouvelle dès 1929 en sera le président actif de 1933 à 1935, puis de 1946 à 1962[3].

L’éducation Nouvelle n’est pas en suspension du monde social, elle a conscience que l’éducation prépare la société de demain. Si elle reste attachée à la démocratisation de l’école, elle interroge la réussite scolaire quand elle est trop strictement entendue,indifféremment des moyens pour y parvenir. Elle prône une école de la réussite de tous entendue comme propice à développer l’ouverture culturelle, la confiance en soi et la coopération, avec des pratiques exerçant la créativité mais aussi la rationalité critique, gages d’autonomie et d’émancipation[4].

III/ Quelle(s) fonction(s) d’un mouvement pédagogique ?

Dans cette période de Refondation de l’école comme à toute période historique, les mouvements pédagogiques sont des viviers d’innovation. Selon l’historien Antoine Prost, ils servent de « boîte à outils » du changement en éducation. Ils ont plusieurs fonctions.

1) Infléchir les pratiques éducatives

Le GFEN se définit comme mouvement de recherche visant à élaborer, mutualiser et formaliser des pratiques. Pour cela, il a des groupes de travail, reste en lien avec la recherche, et produit des publications(pour formaliser les travaux, diffuser plus largement : plus de 35 ouvrages dans tous domaines et à tous niveaux d’enseignement en 15 ans).

Il est aussi mouvement de formation. Il organise localement, sur le plan régional ou national des journées, stages et universités d’été. A côté de ces actions à son initiative, ouvertes à tous, il répond aux demandes de formations qui lui sont adressées, que ce soit par l’Education nationale, le ministère de l’Agriculture ou d’autres organismes officiels, mais aussi par diverses associations, syndicats, fédérations de parents ou collectivités locales.

2) Etre structure d’appui au changement

Changer seul est difficile, parce que son action peut être regardée avec méfiance voire suspicion par les collègues, parce que cela expose au jugement des parents ou à la défiance de l’administration. C’est difficile aussi parce que sortir des sentiers battus n’est pas un prendre un chemin tranquille : celui qui innove sait ce qu’il ne veut plus faire… mais sans être sûr de ce qu’il faut faire, pas plus qu’il n’a l’assurance que ce qu’il tente est pertinent, au regard de ses intentions.

L’échange entre pairs, soulagé du poids du regard hiérarchique, soutient le processus de changement, permet d’exposer ses essais et ses doutes, comme de piocher dans le vivier de l’espace ressource : réseau d’adhérents, site, revues, livres… Les formations permettent de prendre durecul, de s’outiller pratiquement et théoriquement. Celles que nous menons dans l’éducation nationale dynamisent le travail d’équipe (de cycle,d’établissement, de bassin…).

3) Peser sur l’orientation des politiques éducatives

Quelques jalons historiques à ce propos :

.  1920 : suite à la boucherie de 14-18, prise de position des Compagnons de l’Université Nouvelle pour plaider la même école pour tous, quelle que soit l’origine sociale.

. 1936 : réforme Jean Zay. Henri Wallon et Roger Gal (du GFEN) sont chargés d’animer les classes d’orientation expérimentales (172 classes avec des méthodes actives dans le secondaire, ancêtre des classes nouvelles de la Libération).

.1947 : mûri dans la Résistance, élaboration du Plan Langevin-Wallon.

.1967 : création des Sciences de l’éducation par Gaston Mialaret, alors présidentdu GFEN

.1989 : loi orientation Jospin (« l’enfant au centre »… lescycles)

.2002 : Programmes (situations-problèmes, dimension culturelle des apprentissages)

.2013 : loi d’orientation (art. 3 : de l’égalité des chances au « tous capables » / coopération…)

4) Contribuer à l’évolution des mentalités :

C’est indispensable pour une véritable transformation. Rien ne se passe tant que les modes de pensée restent attachés au vieux monde : les meilleures prescriptions sont détournées de l’esprit qui les a initiées, la force de l’habitude fait résistance au changement. Le GFEN a porté le fer contre les théories fatalistes des dons, du handicap socioculturel et de ses avatars(talents, aptitudes, formes d’excellence)[5].

Changer la grille de lecture, les catégories de perception du réel qui, souvent à notre insu, infléchissent les pratiques : regard sur l’enfant, conception du savoir, de l’apprentissage. Contre l’esprit de fatalité, montrer les possibles, redonner sens à apprendre et plaisir à enseigner/éduquer…  C’est tout l’enjeu de la formation.


[1] Philippe Meirieu (2013), Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés, ESF, p. 13.

[2] Edouard Claparède (1930), L’éducation fonctionnelle, Delachaux etNiestlé, p. 65 (cité par P. Meirieu, p. 29)

[3] Pierre Clément (2013), Réformer les programmes pour changer l’école ? Une sociologie historique du champ du pouvoir scolaire,Thèse pour le doctorat de sociologie, Université de Picardie Jules Verne, p. 90 et suivantes.

[4] Le CRAP- Cahiers Pédagogiques (Cercle de recherche et d’action Pédagogique) est créé en 1945 ; l’ICEM-pédagogie Freinet en 1947.

[5] Ouvrages collectifs :L’échec scolaire. « Doué ou non doué » ? (Editions sociales, 1974) qui a eu une énorme audience à l’époque et plus récemment : Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard, La Dispute, 2009.

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Rapport à l’apprentissage dans l’Education Nouvelle : actualité et débats

 Jacques BERNARDIN

Séminaire de la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants) 18-19 janvier 2013  – Pôle Innovant Lycéen, 96 rue Barrault, Paris 13ème

Ne pouvant prétendre à donner une vision d’ensemble de la façon dont l’Education Nouvelle, dans la
pluralité de ses courants, travaille cette question, je me contenterai plus modestement de situer l’approche du GFEN, qui s’inscrit dans une filiation commune tout en déclinant ses recherches et questionnements de façon singulière.

Parler de rapport à l’apprentissage amène à interroger simultanément le regard sur l’apprenant
qui y est confronté, la conception du savoir en jeu et le paradigme d’apprentissage qui organise leur rencontre et règle l’activité d’appropriation.

I/ La vision du sujet

1) Le principe d’éducabilité  est un acquis commun (contre toutes les théories fatalistes).

Parmi les pionniers de l’Education Nouvelle, on trouve beaucoup de médecins qui ont pris en charge des enfants jugés inéducables, dont tout le monde désespérait, enfants dits « arriérés » ou difficiles : Maria Montessori (Italie), Edouard Claparède (Institut JJ Rousseau, Genève), John Dewey (USA), Ovide
Decroly (Belgique), et en France, Alfred Binet et Henri Wallon (médecin neuropsychiatre, auteur d’une thèse sur l’Enfant turbulent en 1925)…

Le GFEN parlait de « pédagogie de la réussite » en 1968, a combattu l’idéologie des dons (1974)[1], et lancera en 1982 le défi du « tous capables ! ». Aujourd’hui, les travaux des neurosciences sur la plasticité cérébrale viennent étayer ce qui était un pari éducatif à résonance sociale : rien n’est définitivement joué pour qui que ce soit, ni à 2 ans, ni à 6, le développement peut reprendre et se poursuivre tout au long de la vie… pour peu que le contexte et les activités y soient propices[2]. Du
côté de la psychologie sociale, les travaux de Rosenthal et Jacobson dans les années 70 sur l’effet Pygmalion[3], qui ont été soumis au débat critique à travers de multiples recherches depuis, attestent de l’importance des attentes professorales à l’égard de celui qui apprend, attentes qui se traduisent par des modifications inconscientes du comportement et de la conduite de classe[4].

2) La centration sur le développement (contre une naturalisation… justifiant les inégalités).

L’Education Nouvelle est contemporaine des travaux de la psychologie, y trouve son appui et
sa légitimité : travaux de Jean Piaget, Henri Wallon (et parallèlement de L.S. Vygotski) sur la psychogenèse. Ces travaux convergent sur l’importance de plusieurs facteurs contribuant au développement du sujet, notamment du milieu et de l’activité de l’apprenant.

L’importance du milieu, de ses stimulations (contre l’idée d’« auto-développement »). D’une part, le milieu où l’individu évolue n’est pas un milieu naturel, mais culturel et technique, milieu social façonné et transformé par l’histoire humaine. D’autre part, l’enfant est au carrefour de plusieurs milieux, l’amenant à des comparaisons et à des choix, permettant l’émancipation de celui qui vivait « encastré dans sa vie familiale » (H. Wallon). Enfin, le groupe est « initiateur de pratiques sociales », pousse à la double contrainte de singularité (faire sa place) et de conformité (qui ne se plie pas aux règles communes se met « hors jeu »), servant conjointement la personnalisation et la socialisation.

Le GFEN développera la notion de « milieu stimulant » : maison du Renouveau à Montmorency,
accueillant des orphelins de la Shoah (1945-1960)[5] ; groupe expérimental du XXè arr. de Paris (34 classes – de 1962 à 1971) avec ateliers-clubs intégrant les parents[6] ; équipes d’école à Morlaix, Ivry, Drancy, Paris [école Jourdain], Antony…[7] ; Parlement d’élèves au collège des Gorguettes à Cassis (1982)[8]

La prévalence de l’activité, du « faire », de l’expérience… (contre le formalisme abstrait)

Les références pourraient se multiplier sur ce point. Nous ne citerons que quelques auteurs :

* O. Decroly : « Pour ce qui concerne les méthodes d’acquisition des connaissances et des techniques, il faut accorder le plus d’importance à celles qui permettent la redécouverte, l’expérience personnelle, l’activité, la réalisation individuelle ou collective, en un mot, la solution complète de problèmes réels »[9].

* J. Piaget : « (…) une vérité n’est réellement assimilée en tant que vérité dans la mesure seulement où elle a été reconstruite ou redécouverte au moyen d’une activité suffisante (…) Les connaissances dérivent de l’action (…) Connaître un objet, c’est agir sur lui et le transformer (…)»[10].

* H. Wallon : « (…) s’accommoder, s’adapter au réel, l’utiliser et, à cet effet, le connaître. L’intelligence, instrument de connaissance, sort de l’action et y retourne »[11].

Comme bien d’autres, le GFEN parle de « pédagogie active ». Marqué par l’empreinte de ses présidents
successifs (Paul Langevin 1936-46, Henri Wallon 1946-62), ce sont les pratiques d’apprentissage qui seront au cœur de sa réflexion. Promotion des ateliers d’écriture (1975)[12] puis de création ; pédagogie du projet (1982)[13] et
– parce qu’il ne s’agit pas de négliger la question des savoirs – démarches de construction de savoir.
Lente gestation, depuis la « méthode d’observation » (portée par Aurélien Fabre, faisant transition avec les travaux de Wallon auprès de Robert Gloton qui la met en œuvre avec les équipes du groupe expérimental du XXè)[14], qui deviendra « démarche d’observation et de structuration » (1971) avant
d’être appelée, suite à l’expérience du Tchad avec Henri et Odette Bassis (occasion de formation des maîtres à l’échelle d’un pays, de 1971 à 1975)[15], « démarche d’auto-socio-construction du savoir » dans les années 80, Odette Bassis en formalisant les caractéristiques depuis les apports croisés de
Piaget, Wallon et Bachelard notamment [16].

3) La lucidité sociologique (contre une vision idéalisée de l’enfant)

On ne peut ignorer la nature socialement ségrégative des difficultés scolaires, ce qui explique notre attention aux travaux de sociologie pouvant rendre compte de « la reproduction ». Si la sociologie critique de Bourdieu la dévoilait en 1970, elle était insuffisante à en expliquer précisément les rouages, faisant la part belle à des surdéterminations sociales. Or, la reproduction n’est pas aussi automatique et les cas atypiques marquent les limites de cette logique « mécaniste » faisant peu de cas du sens que
les individus accordent aux situations.

En 1982, Bernard Charlot contribue à l’ouvrage collectif du GFEN « Quelles pratiques pour une autre école ? » avec un article intitulé « Je serai ouvrier comme papa, alors à quoi ça me sert d’apprendre ?» Réflexion amorçant le travail développé à l’université Paris 8 sur le rapport au savoir, visant
à comprendre la logique des élèves face aux apprentissages[17]. Comment le « social » s’incarne-t-il dans l’appétence à apprendre, dans la posture et les comportements des élèves en classe ? Aujourd’hui, la crise du sens d’apprendre est plus marquée que jamais : les certifications ne sont plus garantes de l’emploi ; l’inflation des diplômés alimente la déflation de la valeur des diplômes ; la concurrence des nouvelles technologies d’accès à l’information interroge la pertinence de ce qui est proposé à l’école, au
niveau de la forme comme des contenus. A quoi ça sert ? Ne cessent de demander certains élèves, n’investissant que ce qui leur apparaît « utile » dans la course scolaire ou vis-à-vis du futur
professionnel. Leur rapport à l’apprentissage balance entre attente passive et activisme improductif, ils sont imbriqués dans le « faire » mais sans distance vis-à-vis de la situation, dont ils peinent à percevoir et investir les véritables enjeux cognitifs, élèves qui sont plus prompts à l’exercice et à la mémorisation qu’à la recherche et à l’exploration créatrice. Bien des élèves sont ainsi en situation de « décrochage cognitif » précoce… et cumulatif, qui se traduit par la fuite ou l’absentéisme, sur fond de dégradation
de l’estime de soi.

Aussi, de notre point de vue, c’est moins l’élève qu’il faut mettre au centre (par une sorte de bienveillance compassionnelle) que son rapport au savoir, qu’il faut prendre en compte et faire évoluer.
Et ce, grâce à l’activité… Mais de quelle activité parle-t-on ?

II/ La « pédagogie active » en question

L’Education Nouvelle est dans un paradoxe. Alors qu’elle est mal connue (à cause d’une reconnaissance
institutionnelle incertaine et de sa faible place dans la formation, rendant sa diffusion très aléatoire), elle est accusée de tous les maux, que ce soit par les courants réactionnaires (dénonçant le « pédagogisme », avatar de l’esprit de 68) ou à ce qui est plus gênant à par la recherche.

Ainsi, Basil Bernstein qui critique les « pédagogies invisibles »[18] ; Philippe Perrenoud qui s’interroge : « Les pédagogies nouvelles sont-elles élitaires ? »[19] ou ces chercheurs québécois qui, en 2005, à travers une recension de recherches internationales, font une critique radicale du constructivisme, des approches centrées sur l’élève, de la différenciation pédagogique et de la pédagogie du projet
(constatant de mauvais résultats des élèves malgré la dynamique pédagogique apparente des écoles) et prônent un « enseignement explicite »[20].
Plus récemment, en 2011, le réseau RESEIDA piste les processus de différenciation à l’œuvre dans les classes « ordinaires », interroge la doxa constructiviste qui les sous-tend[21].

Que constatent-ils ? Assez souvent, un retrait du maître au prétexte qu’il faut mettre les élèves « en activité ». Deux processus sont distingués. Le processus de différenciation « passive » présuppose
tous les élèves en phase avec les demandes et attendus scolaires. Faute de clarification préalable, les élèves s’égarent dans des interprétations inappropriées des situations. Et il n’y a guère de recadrage par la suite, l’activité d’appropriation n’étant pas assez planifiée par manque d’analyse approfondie de l’objet travaillé. Enfin, au terme de la situation, comme il n’y a pas de reprise réflexive, les élèves restent dans la logique de l’expérience vécue. Au total, tout se passe comme si l’habillage des tâches et le déroulé de la séance étaient privilégiés, au détriment de la réflexion sur les enjeux cognitifs.

Le processus de différenciation « active » est à l’œuvre quand l’intervention éducative, cherchant à s’adapter aux élèves, les dessert à son insu. L’organisation standard des séances comprend un temps de travail individuel suivi d’une phase de confrontation et de validation, avant une reprise conclusive aboutissant à une synthèse. Or, on observe que ce dernier temps, essentiel pour la montée en généralité et l’exercice de la réflexion, est souvent écrasé et ne sollicite que les « meilleurs » élèves… et
l’enseignant. Comment s’étonner alors du décalage entre ce qu’on croit avoir travaillé collectivement à l’oral et les résultats du travail individuel écrit ?
Face aux difficultés rencontrées par certains élèves, les professeurs aménagent le support ou la tâche en réduisant leur complexité, segmentent le travail et font un guidage renforcé. Les sollicitations et interactions sont ainsi revues à la baisse, aboutissant dans la même classe à des « contrats didactiques
différentiels » qui étirent les différences en croyant les réduire. Quant aux usages du langage, plus les élèves sont considérés comme ayant de difficultés scolaires et/ou étant de milieux populaires, plus les interventions et le dialogue sont sur le registre quotidien, local et contextualisé, discours régulateur « horizontal » au détriment d’un discours instructeur « vertical » qui décontextualise, tire leçon de l’expérience, sert l’élaboration intellectuelle dans une visée cognitive.

D’où la nécessité d’interroger la pédagogie active… dans sa mise en œuvre concrète. Cela oblige à mieux cerner l’objet de savoir, « ce qu’il y a à comprendre », et à revisiter les modalités d’apprentissage en conséquence.

III/ La conception du savoir

Pour les élèves scolairement fragiles, les savoirs sont perçus comme des obligations formelles plus ou moins utiles pour obtenir de bonnes notes, passer et avoir un bon métier plus tard. Savoirs qui sont appréhendés comme des objets réifiés, vérités atemporelles qu’il s’agit, de leur point de vue,
d’ « enregistrer », de mémoriser puis de restituer lors des contrôles. Faut-il alors s’étonner de la forte déperdition des savoirs et de leur improbable transfert ? Faible valeur des savoirs et méprise quant à
leur nature pourraient expliquer l’extériorité des élèves vis-à-vis de leur apprentissage. Quels renversements viser ?

1) La valeur du savoir

Perçus dans leur unique valeur sociale d’échange, les savoirs ne sont pas perçus comme ayant plus foncièrement une valeur anthropologique d’usage : les objets techniques, les œuvres culturelles, les concepts, les systèmes symboliques sont autant d’outils de compréhension, de maîtrise symbolique mettant de l’ordre dans le chaos, médiatisant le rapport au réel et redoublant les pouvoirs d’action sur le monde. Ni tombés du ciel, ni jaillis spontanément de l’expérience, ils sont produits de l’activité humaine face aux besoins qui se sont imposés, faisant reculer les limites du possible par les audaces inventives
et la puissance de l’intelligence collective. Autrement dit, pour l’humanité comme pour celui qui en recueille l’héritage, ce sont des outils d’émancipation faisant pièce à l’esprit de fatalité.

2) Leur nature

Ces outils et les significations qu’ils incarnent ont été progressivement élaborés, sont les fruits de processus socio-historiques ayant des caractéristiques semblables. A l’origine, ils sont réponses à des problèmes sociaux qui se sont transformés en défis cognitifs (comment communiquer à distance sans ambiguïté, garder trace de grandes quantités, prévoir les récoltes, mesurer le temps, restituer les terrains inondés par le Nil, rendre compte de l’espace, mesurer à distance, prévenir les catastrophes naturelles, éviter ou soigner les maladies, etc.). Par ailleurs, leur genèse est jalonnée d’obstacles successifs, d’étapes constitutives avec :

– une formalisation progressive (d’une vaste pluralité d’idéogrammes à un nombre restreint de lettres, dont la valeur est organisée dans un pluri-système graphique ; des calculi dans leur bulle d’argile à leur représentation chiffrée, dans un système de numération positionnelle ; de la corde à treize nœuds des égyptiens au théorème de Pythagore ; de la ruse pour mesurer la hauteur de la pyramide au théorème de Thalès…) ;

– des ruptures, englobant les états antérieurs des connaissances en les débordant ou bien invalidant les savoirs passés (ainsi, la théorie microbienne de Pasteur contre la génération spontanée, la tectonique des plaques contre la dérive des continents de Wegener, la révolution évolutionniste de Darwin, la conception héliocentriste de Copernic…).

Sans se noyer dans une histoire culturelle exhaustive, l’interrogation épistémologique permet de ressaisir les savoirs au cœur de leur intimité conceptuelle : à quelle question répondent-ils ? Qu’est-ce qui les a amenés à évoluer ?
Autant d’appuis donnant sens et saveur aux savoirs, pouvant redonner goût d’apprendre et servir une appropriation raisonnée.

Autrement dit, pour transformer de façon sensible le rapport aux objets culturels, il s’agit d’amener les élèves à s’approprier les savoirs à travers les processus qui les ont constitués, qui en justifient l’existence et en légitiment la forme actuelle.

IV/ Le paradigme d’apprentissage

En écho avec cette conception socio-historique des savoirs, le GFEN se situe dans une approche
socioconstructiviste de l’apprentissage. Quelques points de repères.

1) Cerner la rupture (G. Bachelard : « on connaît contre une connaissance antérieure »…)

Une double interrogation s’impose pour cerner la (ou les) rupture(s) à faire opérer :

– du côté du savoir : questionnement épistémologique de ses amonts constitutifs ;

– du côté des élèves : pour transformer les conceptions préalables, encore faut-il les
connaître, observer les élèves et analyser leurs erreurs pour en déterminer la nature.

2) Débat contenu / méthode : pas de fétichisation du dispositif

Le dispositif d’apprentissage ne vaut que par rapport à l’intention, à l’enjeu, au contenu visé.

Le « travail de groupe », qui fait partie de la doxa de l’éducation contemporaine, n’a pas de sens hors d’objectifs précis : confrontation des points de vues singuliers ; débat sur des critères de catégorisation ; recherche commune d’invariants ; changement d’orientation de l’activité (ex. formaliser par un schéma, un tableau, une phrase conclusive…). A contrario des idées reçues, le magistral peut avoir sa place à un moment donné…

Une « démarche » est opératoire pour optimiser l’appropriation d’une nouvelle notion, de concepts-clés. Elle est pertinente pour modifier le rapport au savoir car elle « met en scène » le problème à résoudre et aménage les étapes pour y parvenir. Elle sollicite l’engagement personnel, pousse au débat de preuves, stimule l’intérêt, la recherche individuelle et collective, ouvre à une compréhension partagée. L’essentiel étant moins le dispositif que la démarche intellectuelle des apprenants, la conduite de l’activité importe tout autant que sa préparation.

3) Une conduite de classesur le fil des paradoxes.

Il s’agit de prendre en compte la singularité des élèves, de ne pas se substituer à leur libre cheminement sans pour autant qu’ils se perdent, au regard de l’objectif à atteindre. Jamais semblable selon le groupe et les individualités qui s’y expriment, la conduite de classe – notamment lors de séances inaugurales de
nouvelles notions – est au carrefour de plusieurs zones de tension qui en assurent la dynamique et en gagent la pertinence.

– Cadre instruit / libre cheminement. Le lancement de l’activité est un moment clé de la mobilisation initiale : présentation de l’enjeu, clarification du but à travers la réappropriation de la consigne voire présentation des formes de travail et de leur durée contribuent à installer le cadre de travail, à
éviter les interprétations hasardeuses de la situation et les malentendus parasites, sans pour autant rien dévoiler de ce qui va faire l’objet de l’exploration conjointe.

L’accompagnement passe ensuite par d’éventuels recadrages afin de ne pas perdre l’objet et de faire en sorte que chacun saisisse clairement, au-delà du but opératoire (ce qu’il y a à faire), le but cognitif (la question à résoudre) : temps de « dévolution » du problème aux élèves, amorce incontournable pour sa
résolution.

– Engagement individuel / dynamique collective. Tension ici entre la nécessité  pour chacun de s’engager, de s’impliquer, de tisser un rapport personnel à l’objet (point de vue inévitablement subjectif)
comme de la rencontre avec les points de vue des autres sur le même objet, afin de l’appréhender avec plus de recul, de distance.

Pour Piaget, faute de confrontation, « l’individu demeure prisonnier de son point de vue qu’il considère naturellement comme absolu. (…) L’objectivité ne suppose pas seulement en effet l’accord avec l’expérience mais plutôt l’accord des esprits, ou plutôt, c’est par la critique mutuelle et la
coordination des perspectives que l’esprit dépasse l’expérience immédiate 
».
Point de vue partagé par Aurélien Fabre, s’appuyant sur Wallon : «(Le facteur commun) se dégage de la confrontation des représentations individuelles que les enfants, chacun pour leur propre compte, viennent de tirer de l’objet. Il se situe exactement au point de convergence de ces représentations par leur retour sur l’objet ; il consiste dans le réajustement des perceptions sur l’objet de manière à donner à la représentation un même contenu que le mot viendra enfermer et fixer. C’est dans cette activité à double face, perception du côté de l’objet, et langage du côté du social, que se trouve le moment de la connaissance, celui où se décide le sort de la vérité ou de l’erreur »[22]. Moment
clé du débat de preuves, où les pensées subjectives évoluent en entrant dans un processus d’objectivation.

– Viser la réussite / … ou la compréhension ?

La question, provocatrice, attire l’attention sur les limites de l’expérience en matière d’apprentissages,
notamment intellectuels. « Faire » voire réussir ne suffit pas pour savoir. Encore faut-il tirer leçon de l’expérience, prendre du recul : « (…) Le réel, pour être objet de connaissance, ne se donne pas directement à voir, il doit être représenté, construit, interprété, faire l’objet d’une élaboration.»[23].  Ressaisie de l’objet et/ou des stratégies utilisées qui vise la prise de conscience. Piaget insiste sur ce point, Vygotski le confirme : « la prise de conscience, conçue comme généralisation, conduit directement à la maîtrise »[24].

Pédagogie active, oui… mais à condition qu’elle intègre l’activité intellectuelle des élèves.

– Du rôle de l’enseignant d’Education nouvelle.

Se mettre en retrait, renvoyer en miroir les questions que les élèves nous adressent (afin qu’ils se sentent autorisés à penser par eux-mêmes) est une attitude pertinente pour qui vise leur émancipation intellectuelle. Toutefois, on a évoqué les limites d’un retrait excessif, pouvant contribuer aux malentendus, au brouillage des pistes pour les élèves qui ne sont pas en connivence avec
l’univers scolaire. Ce qui amène à poser le dernier paradoxe :

Adopter la posture du « maître ignorant »[25], certes… mais sans pédagogie de l’abstention !


[1] GFEN, L’échec scolaire. « Doué ou non doué » ? Editions sociales, 1974.

[2] GFEN (coll.), Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard, La Dispute, 2009.

[3] Robert A. Rosenthal et Lenore Jacobson, Pygmalion à l’école. L’attente du maître et le développement intellectuel des élèves, Casterman, 1971.

[4] David Trouilloud, Philippe Sarrazin, « Les connaissance actuelles sur l’effet Pygmalion : processus, poids et modulateurs » (Note de synthèse), Revue Française de Pédagogie N°145, oct.-nov.-déc. 2003, p. 89-119.

[5] Claude François-Unger, L’adolescent inadapté, PUF, 1957.

[6] Robert Gloton (dir.), A la recherche de l’école de demain. Collection Bourrelier, Armand Colin, 1971.

[7] GFEN / Robert Gloton (dir.), L’établissement scolaire : unité éducative, Casterman, 1977.

[8] Vincent Ambite, Il s’est passé quelque chose à Cassis. Des témoins parlent, Casterman, 1982.

[9] Ovide Decroly, Manuscrit, oct. 1929 (Cf. Le Docteur Decroly et l’éducation, Centre d’Etudes decrolyennes, Ecole Decroly-Ermitage, Bruxelles, mars 1999, p. 20).

[10] Jean Piaget, Psychologie et pédagogie, Denoël / Gonthier, 1969 (respectivement, p. 45 et 48).

[11] Henri Wallon, De l’acte à la pensée. Essai de psychologie comparée, Flammarion, 1970, p. 9.

[12] GFEN / Michel Cosem (dir.), Le pouvoir de la Poésie, Casterman, 1978.

[13] GFEN / Michel Huber (dir.), Agir ensemble à l’école. Aujourd’hui… la pédagogie du projet, Casterman, 1982.

[14] Aurélien Fabre, L’école active expérimentale, PUF, 1972 (Vice-président du GFEN à l’époque).

[15] Henri Bassis, Des maîtres pour une autre école : former ou transformer ? Casterman, 1978.

[16] GFEN, Quelles pratiques pour une autre école ? Casterman, 1982 ; Odette Bassis, Se construire dans le savoir, ESF, 1998.

[17] Cf. Bernard Charlot, Elisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, École et savoir dans les banlieues… et ailleurs, Armand Colin, 1992 ; Bernard Charlot, Du Rapport au savoir. Éléments pour une théorie, Anthropos, 1997.

[18] Basil Bernstein, Classes et pédagogies : visibles et invisibles, Paris, CERI-OCDE, 1975

[19] Philippe Perrenoud, La pédagogie à l’école des différences. Fragments d’une sociologie de l’échec. ESF, 1995

[20]
Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier, « Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés », Note de synthèse, Revue
Française de Pédagogie
, n°150, janvier-février-mars 2005, p. 87-141.

[21] Jean-Yves Rochex, Jacques Crinon (dir.), La construction des inégalités scolaires. Au cœur des pratiques et des dispositifs d’enseignement. PUR, Rennes, 2011.

[22] Aurélien Fabre, L’école active expérimentale, PUF, 1972, p. 96.

[23] Elisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, Henri Wallon. L’enfant et ses milieux, Hachette, 1999, p. 49.

[24] L.S. Vygotski, Pensée et Langage, Editions Sociales (1934/1985).

[25] Jacques Rancière, Joseph JacototLe maître ignorant, 10/18, 2004.

Osez le changement !

Sans attendre…

OSEZ LE CHANGEMENT !

Sortir de l’isolement professionnel

– s’inscrire dans la dynamique d’un intellectuel collectif

– élargir les échanges avec tous les acteurs de l’éducation

– bénéficier de problématiques, outils et pratiques visant une réussite partagée

Etre informé et pouvoir profiter

– des initiatives locales (journées, débats, stages) et nationales (universités d’été, séminaires, journées d’étude)

– d’ouvrages de référence (livres, bulletins régionaux, revues nationale et de secteurs…)

– de tarifs préférentiels

– de contacts locaux, de réseaux d’appui de proximité

Se donner les moyens

– d’intervenir avec plus de force sur les débats éducatifs d’aujourd’hui

– de peser sur les orientations de la politique éducative

– d’élaborer et d’agir avec d’autres dans le sens de l’émancipation intellectuelle.

Rejoindre le GFEN

ne nécessite aucun pré-requis   

 … ni obligation
chacun décidant de son investissement

mais a une importance capitale en

– contribuant à l’audience et à l’impact du GFEN sur la scène nationale

– garantissant son indépendance vis-à-vis des aléas de la conjoncture politique

 télécharger le bulletin d’adhésion (pdf)

Appel à soutien pour que vive le GFEN (2010)

Appel à soutien pour que vive le GFEN

L’annonce brutale, le 2 juillet 2010 d’un arrêt de subventionnement d’un poste de détaché sur deux met en péril le devenir du GFEN. Or derrière une logique comptable, c’est la pédagogie qui est menacée et avec elle, toutes celles et tous ceux qui pensent et agissent aujourd’hui pour la réussite de tous.
 
Depuis de nombreuses années, le GFEN poursuit son engagement militant dans le refus des fatalités et d’une éducation socialement ségrégative. Il fait la preuve dans les formations qu’il conduit de la pertinence de ses approches, de l’efficience de ses propositions en matière d’apprentissage et de création.
 
Mais il il n’y a pas de fatalité au déni de la pensée, de la recherche obstinée des conditions de l’accès de tous à la culture.
 
Nous appelons toutes celles et tous ceux qui partagent nos défis à venir nous rejoindre lors de nos stages d’été et de entrée.
 
Nous appelons chacun et chacune à s’abonner à la revue Dialogue, à adhérer au GFEN pour que perdure son projet d’émancipation solidaire.
 

Issu de la tourmente de la Première guerre mondiale, le GFEN n’a cessé de promouvoir la transformation de l’Ecole afin qu’elle parle à tous, prépare « le futur citoyen (…) mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme ».

Ses apports à l’Education portent l’empreinte de ses présidents successifs. Le physicien Paul Langevin insiste sur la formation de l’esprit scientifique (« L’enseignement fait trop souvent apprendre mais pas comprendre »). Henri Wallon contribue à une meilleure connaissance de la psychologie de l’enfant, dans un débat stimulant avec Piaget où, dans l’entrecroisement de l’affectif et du cognitif, si « la pensée naît de l’action pour retourner à l’action », c’est toujours en interaction avec la pensée de l’autre. Son travail à la Maison du Renouveau à Montmorency, qui accueille des enfants juifs victimes de la guerre, permettra de développer la notion de surcompensation pour rendre compte de leur exceptionnel développement. Est-il besoin de rappeler la place qu’a pris le Plan Langevin-Wallon, mûri dans la Résistance, dans l’imaginaire éducatif de notre pays ?

Gaston Mialaret lui succèdera en 1962, contribuant à la création des Sciences de l’Education en France (en 1967), puis Robert Gloton, lui aussi ancien élève de Wallon, IEN qui n’aura cesse de développer l’éducation nouvelle auprès de ses équipes de circonscription dans la Marne, l’Eure puis à Paris, où il crée le Groupe Expérimental du 20ème arrondissement, attestant de la puissance créatrice du travail d’équipe, ayant contribué à éradiquer l’échec scolaire. Henri Bassis en exportera le principe au Tchad, élaborant une expérience de formation des maîtres à l’échelle d’un pays, occasion d’élaborer, à l’épreuve du terrain, puis de formaliser – en complicité avec sa femme Odette Bassisla démarche d’auto-socio-construction du savoir.

Le GFEN a parallèlement porté la polémique contre les dons et ses avatars (talents, aptitudes…) et affirmé l’éducabilité de tous ; il a introduit et popularisé les pratiques des ateliers d’écriture, travaillé la pédagogie du projet, expérimenté le travail par cycles, n’ayant cesse d’inventer des pratiques pour que tous les élèves réussissent, transforment leur rapport au savoir et à culture de la maternelle à l’université, dans tous les domaines disciplinaires, en lien avec la recherche (plus de trente ouvrages parus depuis dix ans)…

Ses apports à l’Education sont considérables. De l’élémentaire au secondaire, nombre d’équipes peuvent témoigner de la pertinence et de la fécondité de ses formations, qui dynamisent le travail des équipes d’établissement, contribuent à redonner sens à apprendre pour les élèves tout autant qu’elles réactivent l’envie d’enseigner des professionnels. Son travail est salué par de nombreux chercheurs.

L’annonce brutale de coupes sombres début juillet (arrêt du soutien d’un de ses deux détachés par l’Education Nationale et du subventionnement de ses projets par le Haut Commissariat à la Jeunesse) lui porte un coup terrible fragilisant la poursuite de son action.
A l’heure où les difficultés scolaires se creusent sur fond de problèmes sociaux accrus, il est inconcevable et inacceptable d’asphyxier cet espace de réflexion et d’action pédagogique, alors même  qu’il est sollicité pour la formation de formateurs, auprès des équipes en Education Prioritaire et des dispositifs relais, des éducateurs de la PJJ et de tant d’autres lieux préoccupés par des jeunes en mal d’apprendre. Au-delà de leur efficacité, les moyens pédagogiques ne sont pas indifférents aux finalités éducatives : à quel monde préparons-nous nos élèves au quotidien ?

Nous appelons à soutenir le GFEN, pour la démocratisation de l’Ecole et une conception émancipatrice de l’éducation, contre toutes fatalités.

Merci de signer et faire signer cet appel à soutien

Violence gouvernementale

Violence gouvernementale contre les mouvements pédagogiques

 05/07/2010

La pédagogie serait-elle devenue à moitié inutile ? Le ministère de l’Éducation nationale vient de nous annoncer la suppression de la moitié de la subvention permettant le paiement des enseignants employés dans nos deux associations dès la rentrée de septembre.

Depuis des dizaines d’années, nos deux mouvements pédagogiques ont produit un travail considérable en contribuant à la réflexion sur les apprentissages, à la formation des enseignants, à la promotion d’innovations en faveur d’une meilleure école. Une part importante de ce travail repose sur l’action militante de bénévoles, des adhérents de nos associations, de tous les acteurs du monde éducatif qui nous soutiennent, mais il dépend également de quelques enseignants mis à disposition par le ministère, quatre pour nos deux associations.

Ces moyens humains sont essentiels pour assurer la pérennité de nos activités. Il en va de la survie même de nos associations. Mais ils sont dérisoires à l’échelle d’un ministère employant des centaines de milliers de personnes. La décision de supprimer la moitié de ces postes ne peut qu’être interprétée que comme un acte d’hostilité à l’égard des mouvements pédagogiques. L’annonce de cette décision le vendredi 2 juillet avec effet au mois de septembre ne peut que nous contraindre à une réduction brutale de nos activités.

L’école a besoin de pédagogie, a besoin des mouvements pédagogiques. Nous demandons instamment au ministère de l’Éducation nationale d’au moins suspendre cette décision.

Pour tout contact :

Philippe Watrelot, CRAP-Cahiers pédagogiques, 06 74 99 96 90 – Philippe.watrelot@cahiers-pedagogiques.com

Jacques Bernardin, GFEN, 01 46 72 53 17 – gfen@gfen.asso.fr