Centenaire de l’Education Nouvelle

De l’organisation de la biennale de Bruxelles au congrès du GFEN, retour sur l’histoire d’un mouvement d’idées visant l’émancipation individuelle et collective par l’éducation pour tous.

1.   Biennale de l’éducation nouvelle de Bruxelles (2022)

Depuis 2015, cinq associations et mouvements impliqués dans l’éducation formelle, non-formelle, informelle et se réclamant de l’Éducation Nouvelle ont uni leurs forces pour relancer la réflexion autour de ce courant de pensée. Dans un premier temps, il s’est agi de se rencontrer et  échanger sur le socle commun de valeurs partagées. Au-delà des lieux d’intervention des uns et des autres, le besoin d’expliciter et analyser des pratiques, d’en dégager les similitudes mais également les différences a permis des rencontres régulières et fructueuses visant à renforcer la visibilité de l’Éducation Nouvelle. L’objectif était d’autant plus nécessaire que s’installait progressivement une libéralisation de l’école et des espaces éducatifs centrée sur l’individualisation des parcours et la mise en concurrence quels que soient les milieux sociaux. Une première biennale (2017), réservée à nos militants, a permis d’élargir ces échanges.

La deuxième édition (2019) réalisée sur le campus de l’Université de Poitiers a renforcé la dynamique internationale grâce à un projet Erasmus+ instituant des échanges entre travailleurs de jeunesse de différents pays et intégrant nos fédérations internationales (FICEMEA, FIMEM et LIEN).

Ces deux évènements ont installé les bases d’un travail coopératif et progressivement, l’idée de célébrer le centenaire du congrès de Calais[1] et de poursuivre l’oeuvre de nos prédécesseurs par la mise en place du mouvement ConvergENce(s) pour l’Education Nouvelle. Il s’agissait d’accueillir de nouveaux mouvements sur le principe d’une base commune : le Manifeste pour l’Éducation Nouvelle 2022,intitulé « Le monde que nous voulons, les valeurs que nous défendons » conçu comme l’un des éléments d’un projet politique partagé. Après la célébration du centenaire du congrès de Calais en juillet 2022 sur site, la biennale s’est ainsi déplacée vers Bruxelles, accueillie par le CERIA (campus universitaire bruxellois).

Biennale 2022 : opération réussie

 
 
Plus de 500 participants issus de 24 pays se sont inscrits à cette troisième biennale introduite par une conférence de Bernard Charlot :« L’être humain est une aventure.Pour une anthropo-pédagogie contemporaine ». Ils y ont alterné des temps pour penser, des temps pour partager (ateliers échanges de pratiques),des temps pour débattre (enjeux de nos sociétés), des temps pour vivre ensemble (découverte de Bruxelles et nombreuses activités culturelles).

La séance de clôture a permis d’allier expression artistique avec Magali, retours sur les travaux avec Philippe Meirieu, Laurence De Cock, ainsi que les perspectives pour l’avenir.

Performance artistique

 

L’implication du GFEN

Créé en 1922, le GFEN est en filiation directe avec le congrès de Calais de 1921 et s’est inscrit dans cette initiative portée par les CEMEA en intégrant le comité de pilotage des biennales, apportant sa contribution à l’organisation, en diffusant les informations en amont et en aval. Pour la biennale 2019, le GFEN a été support du projet Erasmus+ qui a développé la partie internationale de l’évènement. Faire alliance, accueillir au sein de «ConvergENce(s) pour l’Éducation Nouvelle» les organisations de tous pays agissant au quotidien selon de mêmes principes et valeurs devient une nécessité politique majeure. Dans un monde de plus en plus dur où l’on voit la résurgence de l’intolérance,du rejet de l’autre, où l’individualisme et la rivalité compétitive sont érigés en vertu, il devient urgent de redonner à l’Éducation Nouvelle toute sa place dans les enjeux éducatifs à l’échelle internationale.

Atelier « texte recréé »
Ses militants et sympathisants ont participé nombreux à cette biennale. Par son expérience de la formation dans les milieux difficiles (REP+ et publics en grande précarité), son approche anthropologique du savoir, l’articulation entre théorie et pratique, le GFEN a donné à voir sa singularité dans une culture commune mais multiforme.
Séance de clôture

2. Ivry, 11/12/13 novembre : un congrès pour revisiter une histoire et mieux se projeter

Une histoire à revisiter pour en comprendre les enjeux

 

Durant trois jours, les militants ont revisité l’histoire du mouvement en s’appuyant sur une démarche d’auto-socio-construction conçue par la commission de congrès en charge de l’organisation. Des principes de l’accueil bienveillant des nouveaux militants à l’étude de textes fondateurs pour comprendre l’évolution des idées et des parti-pris philosophiques, les plages de travail se sont succédées dans une ambiance détendue mais studieuse. En1922, dans la filiation de la ligue internationale de l’éducation nouvelle qui posait la question de la responsabilité des éducateurs dans la formation à la paix, à une autre manière de résoudre les conflits, le GFEN déposait ses statuts comme groupe d’étude et de recherche sur les questions éducatives. Sur cette base, les militants se sont organisés en collectifs et groupes de recherche centrés sur des problématiques liées à l’éducation dans une perspective d’émancipation.

Aujourd’hui, le constat économique et social pèse lourdement sur les débats éducatifs : si la massification scolaire a permis l’accès de tous au collège, les inégalités scolaires s’accentuent. La période récente a vu s’accélérer la pauvreté, les difficultés sociales en même temps que la montée des réflexes identitaires, l’individualisme jusque dans les préconisations ministérielles en matière d’éducation et accentué par une marchandisation rampante des savoirs et des moyens de transmission des informations. La fracture sociale se double d’une fracture numérique reléguant chaque jour un peu plus ceux qui ne possèdent pas les codes favorisant une insertion scolaire, économique et sociale.

Le défi aujourd’hui est de construire des réponses aux questions que se posent les éducateurs, quels que soient leurs lieux d’exercice, face aux défis actuels : comment former le futur citoyen à exercer une pensée critique et développer sa capacité de réflexion pour construire avec d’autres des solutions adaptées aux problèmes actuels. Le fil rouge des travaux était donc « un nécessaire sursaut radical face aux défis de notre société » ou comme le dirait Bernard Charlot : « qu’avons-nous à proposer aux générations actuelles ? »  Si les situations politiques, économiques et sociales sont différentes par rapport à 1922, des similitudes existent sur les inégalités persistantes, l’inadéquation des pratiques enseignantes pour élever le niveau général de connaissances, la nécessité de modifier les orientations éducatives pour que chacun trouve sa place dans une société fracturée avec une tendance au repli sur soi. Quelles réponses construire collectivement pour démocratiser l’accès au savoir et à la culture ?

S’adapter aux défis actuels et développer un projet fédérateur

Comme toute association, le GFEN est confronté aux formes nouvelles de l’engagement. Si les orientations politiques restent inchangées, l’investissement des militants est différent aujourd’hui et nécessite une réflexion sur le fonctionnement interne ainsi que la nécessaire adaptabilité des moyens mis en oeuvre. Ce fut le travail des différentes commissions : financière, fonctionnement interne, communication, orientation politique, international. Revisiter l’histoire, c’est aussi comprendre les fonctionnements d’une structure selon les époques pour les faire évoluer et les mettre en cohérence avec les besoins d’une période dans l’intérêt du collectif. C’est à cette condition que se développera le projet du GFEN.

« Tous capables ! » affirmons-nous…  Prôner le principe d’éducabilité ne peut se concevoir sans une démocratisation réelle de l’éducation s’appuyant sur l’interrogation des modalités classiques de la transmission. Il nous faut travailler sur les façons d’enseigner et d’éduquer pour « viser une appropriation critique et raisonnée des contenus culturels en maillant implication personnelle et échanges argumentés avec les pairs ». Viser l’émancipation individuelle et collective passe par une réflexion préalable sur ce qui fait empêchement aux apprentissages : déterminisme social, représentations initiales induites par les groupes d’appartenance, manque d’estime de soi, pratiques langagières… pour permettre à chacun de penser par soi-même en se dégageant des différentes influences. C’est dans un esprit de coopération que s’installent des apprentissages solidaires où la mise en débat permet à chacun de se construire une représentation cohérente du monde. Loin d’une appropriation des savoirs pour soi et dans un esprit mercantile, il s’agit de s’inscrire dans une aventure humaine porteuse de significations partagées visant l’intérêt collectif.

Les outils développés par les militants du GFEN dans les différents groupes et secteurs : démarches d’auto-socio-construction, ateliers d’écriture et de création, formations auprès de publics défavorisés… sont autant d’atouts pour affirmer la volonté du GFEN de s’inscrire dans le mouvement actuel de ConvergENce(s) pour l’Education Nouvelle et d’y prendre toute sa part par la mise en place de collectifs pour réinventer en permanence une éducation en prise avec les réalités des sociétés au sein desquelles nous vivons.

Jacqueline BONNARD
Images :Tiphaine Fabre, Isabelle Lardon, Jacqueline Bonnard

Site convergENce(s)

Sur le Café pédagogique :
– Le GFEN a 100 ans LIRE
– L’éducation nouvelle en biennale LIRE


[1] Congrès de Calais, 6 août 2021. Sont présents à ce congrès : Adolphe Ferrière , Jean Piaget, Maria Montessori et AS Neill. Marqués par les dégâts de la Première Guerre mondiale, il s’agit pour eux de lancer le projet d’une éducation internationale.