Frapper les pauvres, un roman de Jean-Paul Delahaye 27 août 2025 Valérie Pinton Présentation éditeur : Ancien numéro deux de l’Éducation nationale de 2012 à 2014, Inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire, Jean-Paul Delahaye n’y va pas de main morte dans ce premier roman.Resté fidèle à ses convictions égalitaires, républicaines et laïques, cet enfant de pauvres, (émouvant récit relaté dans un précédent livre “Exception consolante”) utilise cette fois la forme romanesque pour décrire une société et un système éducatif qui demeurent profondément injustes. Dylan et Brandon, deux jeunes lycéens de banlieue sont scolarisés à Clovis, un grand lycée parisien. Ils sont hébergés à l’internat d’excellence de cet établissement. Le contraste entre les conditions dont ils bénéficient dans leurs études à Paris et celles de leurs copains du lycée professionnel Croizat à Clichy-sous-Bois devient très vite insupportable.Sur fond de pauvreté, de précarité, de suppressions d’heures d’enseignement et de professeurs non remplacés, les élèves du lycée professionnel, conduits par Elsa, l’amie de Dylan, imaginent une façon originale de manifester leur révolte.Aidés par des enseignants et des parents, Elsa, Dylan et Brandon organisent une expédition dans les locaux du lycée Clovis pour porter une revendication qui leur semble normale : avoir les mêmes droits que ceux accordés à la jeunesse des milieux favorisés.Ce roman d’un combat, conduit par des jeunes des milieux populaires contre les injustices subies dans leur quotidien familial et scolaire, se construit autour de leur cahier de doléances qu’ils nomment “Brèves d’en dessous”. Éditions de la Librairie du Labyrinthe, 20 août 2025, 224 pages 18 €https://www.librairiedulabyrinthe.fr/livre/frapper-les-pauvres/
Pour Salgado 28 mai 2025 Valérie Pinton Sebastião Salgado est décédé le 23 mai 2025. Pascal Diard l’avait invité à intervenir dans sa classe en 2001. Sebastião Salgado fait partie de ces « célébrités » qui ne font pas leur star ! La preuve ? Sa célérité à répondre à un projet d’élèves de 4ème à Saint-Denis ; sa gentillesse lors de notre rencontre au collège Henri Barbusse et sa disponibilité à répondre à leurs questions ; sa générosité à nous offrir des photos format affiche pour continuer à penser les phénomènes d’exode dans le monde au XXème siècle[1]. Je l’ai dit à maintes reprises mais ne l’ai encore jamais écrit : c’est grâce à mes élèves du 93 que j’ai pu rencontrer, en tant que « petit prof de banlieue », des personnalités importantes, voire majeures, pour comprendre notre monde : Albert Jacquard, généticien, à propos de l’intelligence, des résistant.es et des déporté.es pour témoigner des années 40, Yves Lacoste géographe auteur de « La géographie ça sert d’abord à faire la guerre », quatre dignitaires religieux acceptant de débattre avec une classe de 5ème, Arsène Tchakarian du groupe FTP-MOI Manouchian puis, après son décès, Robert Guédiguian le cinéaste qui a mis en scène son histoire dans « L’armée du crime », Béatrice Giblin fondatrice de la revue « Hérodote » et des géographes de Paris VIII, Alain Serres fondateur des éditions « Rue du monde », … Et donc, en 2002, Salgado. Cependant, je dois ajouter que ces personnalités se sont déplacées en Seine-Saint-Denis car elles étaient curieuses – comme des élèves ! Comme mes élèves !! Or, cette curiosité a été nourrie par les projets que nous construisions en classe, les élèves et moi, autour d’un moteur de recherche non-artificiel, à têtes multiples : l’envie de savoir, le besoin de chercher donc d’apprendre, le plaisir de savourer une certaine prise de conscience devant la complexité du monde. Pour mettre en route ce moteur de recherche, m’ont été d’une grande aide, et ma militance au sein du GFEN, et mes luttes quotidiennes pour ouvrir, avec et pour mes élèves, l’histoire à de possibles transformations progressistes, à rebours de toute forme de sclérose politique et de régression sociale. Monsieur Salgado, je n’aurai de cesse, de mon vivant, de vous remercier pour votre présence lumineuse, généreuse et combative, en cette année 2002, face à des élèves avides de comprendre alors les exodes de notre histoire humaine ! Pascal DIARD [1] Lire mon article qui fait référence à cette rencontre dans Dialogue n° 104/105, mai 2002 : Avec Salgado, une rencontre entre histoire et poésie. Des jeunes gens fuient le sud du Soudan pour éviter l’enrôlement dans les forces armées. Ecole gérée par les Nations Unies au camp de Kakuma. Nord du Kenya. 1993 Zone de distribution de nourriture située à plusieurs kilomètres du camp de réfugiés rwandais de Kikumba. Goma, Zaïre. 1994 Nahr el-Bared, camp de réfugiés palestiniens. Région de Tripoli, nord du Liban. 1998 Les mines à ciel ouvert ont endommagé de vastes étendues de terres cultivables et de forêts. Illégalement, les paysans ramassent le charbon de leurs anciennes terres pour le vendre. Etat de Bihar, Inde. 1997
Livres, articles, podcasts, tribunes… 17 février 2025 Jacqueline Bonnard Julien CUEILLE « Je comprends rien » Pourquoi les ados résistent-ils aux apprentissages ? Eres, 2024 VoirLa santé mentale des adolescents est au plus bas aujourd’hui, l’anxiété les paralyse et serait à l’origine de blocage dans leurs apprentissages. Un professeur de philo décrypte les mécanismes de ces résistances. Mangas, sagas, séries, les nouveaux mythes adolescents. Devenir soi-même par la fiction, Eres, 2022, 312 p. VoirLa culture des adolescents amateurs de mangas et autres sagas, de séries Netflix ou encore de jeux vidéo en réseaux décontenance parfois les générations précédentes. Un professeur de philosophie curieux de ces nouvelles pratiques a réalisé une enquête approfondie auprès de soixante adolescents, afin de comprendre comment ils utilisent ces récits pour se construire. La classe à l’épreuve du distanciel. Enquête sur le lycée numériqueL’Harmattan, Logiques sociales, 2021 VoirLes confinements successifs auront été une épreuve de vérité : que serait un enseignement… sans école ? Cette école entièrement ou partiellement à distance nous aura permis de nous interroger sur ce que veut dire « faire classe ». Or a-t-on pris la peine d’écouter les acteurs et actrices de terrain ? Ce livre relate une enquête menée, entre 2020 et 2021, auprès de nombreux professeurs et élèves de lycée. Il réserve bien des surprises : notamment sur leur perception du « distanciel ». Les élèves sont-ils convaincus par le e-learning ? Le numérique améliore-t-il réellement les apprentissages ? L’auteur, en confrontant ces résultats avec des discours d’« experts » nous invite à nous questionner :« révolution numérique » et « révolution pédagogique » vont-elles nécessairement de pair ? Un prof s’interroge : « Jusqu’où supportons-nous de laisser parler les élèves ? » L’Obs, 19 octobre 2020, LireTRIBUNE. Professeur de philosophie à Montauban, Julien Cueille raconte à « l’Obs » comment il met en place dans sa classe des débats sur les sujets les plus délicats, y compris religieux. Exercice périlleux. Moi, prof confiné (3) : « Le Covid-19 ne doit pas être le cheval de Troie d’une école numérique désincarnée » LirePropos recueillis par Gurvan Le Guellec, L’Obs, 13 avril 2020Pour Julien Cueille, professeur de philosophie en lycée, les solutions numériques développées pendant le confinement devraient être davantage questionnées. Pérenniser leur utilisation pourrait creuser encore plus les inégalités. Jacques BERNARDIN Quelle conception du savoir ? in Carnets rouges n° 33 « Que fait l’économie de la connaissance aux savoirs ? » janvier 2025 bientôt en ligne Entretien de Jacques Bernardin in Carnets rouges n° 31 « Fondamentaux ou fondements ? Former à exécuter ou à concevoir ? » mai 2024 lire De la maison à l’école, en quête d’autonomie in Traces n° 265 « Autonomie, tire ton plan »? mars-avril 2024 en savoir plus L’élève pensant est un chercheur, FNAME, Retz, 2021Contribution de Jacques Bernardin « Les dispositifs d’accompagnement au fil du temps : comment l’élève est-il pensé ? » en savoir plus Un rôle de tiers médiateur – in Dossier « RASED, plus que jamais » de Fenêtres sur cours n°467, juillet 2020 Quel sens des savoirs ? in Animation & Education, n° 265-266, juillet-octobre 2018Atelier présenté à l’Université d’Automne de l’OCCE 2017. A propos des fondamentaux, in Carnets rouges n° 12 : Des fondamentaux pour quelle école ? , janvier 2018 (pp. 21-23) accéder au texte Créer les conditions pour des élèves « ‘tous capables« in dossier « Inégalités scolaires : une question prioritaire » Pour – FSU n° 198, février-mars 2017 Entretien dans le Dossier « Enseignement explicite : une clé pour la réussite de tous » Fenêtres sur cours, n° 432, 23 janvier 2017 Dominique PIVETEAUD Ecrire en coopérant pour mettre en mots le monde in Animation & Education n° 300 « Ecrire et lire en coopération » mai-juin 2024 (pp 16-17) lire Laurent CARCELES Podcast « Des voix pour adapter mon enseignement : hétérogénéités » – Animé par Laurent Carceles et Anne Giral, produit par l’Académie de Créteil. Ecouter Florie CRISTOFOLI-COULON En REP ou ailleurs, impossible d’enseigner sans liberté pédagogique ! Animation & Education n° 298 « Liberté pédagogique, j’écris ton nom » janvier-février 2024 (pp 30-31) lire Jacqueline BONNARD 3 questions à Jacqueline Bonnard, dans le cadre du dossier « Technologie : construire et concevoir » in Fenêtres sur cours n° 495, 2 février 2024 (p 17) Maria-Alice MEDIONI Pourquoi « gérer ? » Les Cahiers Pédagogiques, n° 589 « Tu la gères ta classe ? » décembre 2023 (pp 18-19) lire Les « bons élèves » ne perdent pas leur temps ! Les Cahiers Pédagogiques, n° 584, mars-avril 2023 (pp 25-26) lire La formation par isomorphisme peut-elle encourager les enseignants à repenser l’organisation du travail scolaire ? Andreea Capitanescu Benetti et Maria-Alice Médioni in Les nouvelles formes du travail scolaire, changer l’école pour la renforcer ? sous la dir. de A. Capitanescu Benetti, C. Letor et S. Guillemette, PULM, 2022 (pp 91-106) lire Profession Enseignant ? Collectifs à venir ? Aurélie Beauné, Sociétés et Humanités,Laboratoire EDA, Université de Paris, 2021, (pp. 82-86) Lire La coopération, pas si simple ! Lire et écrire. Le Journal de l’alpha, n° 217, juin 2020. Dossier : Pratiques coopératives et collaboratives 2 (pp. 46-57). Lire La lecture en classe de langue étrangère. In SER, Educateur, Et pourtant, les jeunes lisent… , n° 5, 22 mai 2020 (pp. 14-16). Vingt ans après. CGé. TRACeS de Changements, n°243, décembre 2019 Lire Un leurre : la transparence. CRAP. Cahiers pédagogiques, Dossier : Expliciter en classe, n° 551, février 2019 (pp. 44-45) Lire La consigne. De l’impératif au futur de l’indicatif. Lire Oral et écrit en classe de langue étrangère. Quelle articulation ? Lire et écrire. Le Journal de l’alpha, n° 211, novembre 2018. Dossier : Lien oral-écrit (pp. 11-22) Lire MIGNOT A. et MEDIONI M.-A. Enseigner les langues à l’école élémentaire (version courte). L’École, journal du SNUIpp-Paris-FSU, n° 355, du 5 octobre 2018 (pp. 10-11).Version longue (à paraître sur le site du SNUIpp) Lire L’hétérogénéité, un atout pour apprendre ? A quelles conditions ? Lire et écrire. Le Journal de l’alpha, n° 209, juin 2018.Dossier : L’hétérogénéité, une réalité incontournable. Comment la valoriser ? (pp. 19-28) lire A quelles conditions la grammaire peut-elle favoriser le pouvoir de communication ? APLV. Les langues modernes. Dossier :Grammaire ? Vous avez dit grammaire ? Représentations et pratiques enseignantes, n° 3/2018 (pp. 24-33). lire Faire du conflit un levier d’apprentissage. LIRE ET ECRIRE. Journal de l’alpha Les conflits, n° 208, 1er trimestre 2018 (pp. 64.-71) lire Et si on rendait l’exposé interactif ? CRAP. Cahiers pédagogiques. Dossier : Les tâches complexes à la loupe n° 541, décembre 2017 (pp. 36-37) Lire De ce qu’on engage à comment on s’engage. LIRE ET ECRIRE. Journal de l’alpha Apprendre une langue, n° 207, 4ème trimestre 2017 (pp. 82-87). Lire Restituer sens et saveur au texte littéraire. APLV. Les langues modernes. Dossier : Texte littéraire et enseignement des langues : pratiques de terrain, n° 4/2017 (pp. 42-50) Lire L’apprentissage chez les adultes est-il vraiment spécifique ? Lire et écrire. Le Journal de l’alpha, n° 205, juin 2017 (pp. 9-20) lire L’évaluation qui aide à apprendre. CRAP. Cahiers pédagogiques. Dossier : Enseigner les langues aujourd’hui, n° 534, janvier 2017 (pp. 45-46). accéder au texte MEDIONI M-A. et NARCY-COMBES J.-P. Coordination du dossier sur l’éthique, de APLV. Les languesmodernes, n° 4-2016. Introduction Compétences et attendus dansl’apprentissage de la langue étrangère. In Lire et écrire. Journal del’Alpha, n° 202, 3ème trimestre 2016 (pp. 35-45). lire Pour une pédagogie de projet émancipatriceau service des apprentissages. In Lire et écrire. Journal de l’Alpha,n° 200, Pédagogie du projet, janvier 2016, pp. 18-26. lire Deux modèles pour penser laformation. In CRAP. Cahiers pédagogiques, n° 529, mai 2016, pp.62-63. lire MEDIONI M-A.(coord), MAZET F. et SEBAHI E. La traduction. Le grand retour ou l’occasion d’uneautre réflexion sur la langue ? InAPLV. Les langues modernes, 1-2016 : La traduction lire Une autre organisation du travail à l’université en langue étrangère : entre conflits de représentations et développement de l’autonomie.Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité. Les Cahiers de l’APLIUT, vol 25 n°1 L’introduction de cet article très documenté et s’appuyant sur les données d’une enquêteréalisée auprès des étudiants ayant suivi le dispositif L3 au Centre de Langues Lyon2 résume bien l’article. L’organisation du travail s’inscrit encore et de façon majeure dans la forme scolaire (Vincent, Lahire et Thin 1994) malgré des dispositifs innovants, en particulier dans le domaine de l’enseignement des LE en direction des étudiants non-spécialistes. Ces dispositifs hybrides articulant présentiel et non présentiel (travail en autonomie guidée : TAG) proposent aux étudiants des parcours d’apprentissage en autonomie (Demaizière 2001) intégrant, entre autres, les apports des TICE. Ils supposent l’exercice et la construction de l’autonomie entraînant parfois des confusions et souvent un sentiment d’abandon de la part d’étudiants encore attachés à des modalités de travail plus familièrespour eux. Cet article se veut une contribution susceptible d’éclairer la réflexion sur ce qui se joue dans ce type de dispositif pour les apprenants, en termes de modification dans leur rapport à l’apprentissage de la langue étrangère et de construction de l’autonomie. Lire l’article Pascal DIARD Vidéo de l’entretien de Pascal Diard par de Cristina Agosti-Gherban pour l’Enfance, culture, musique & pédagogie, dans le cadre de son 11ème numéro (janvier 2025) consacré aux Pédagogies actives. Podcast de L‘allumeur de réverbères « Faire de l’élève l’auteur de ses propres apprentissages » par Jorge Brites, le 25 mars 2024 : les éclairages de Pascal Diard sur le mouvement de l’Éducation nouvelle Ecouter L’insertion des jeunes : question de justice ? coordonné par Michelle Olivier, Editions Syllepse, « Nouveaux Regards », Juin 2022 , 168 p. Chapitre de Pascal Diard, formateur au GFEN : « Que vient faire un mouvement pédagogique à la PJJ ? » Présentation de l’ouvrage Gatien ELIE Le Nouveau Monde, tableau de la France néolibérale. Antony Burlaud, Allan Popelard,Grégory Rzepski (dir.) éditions Amsterdam, 1046 pages, septembre 2021 Contributions de Gatien ELIE (GFEN Ile de France) . Présentation de l’ouvrage La plaine, récits de travailleurs du productivisme agricole, de Gatien Elie, éditions Amsterdam, 156 p, mars 2018Présentation de l’ouvrage L’école en Seine-Saint-Denis : une pauvre école pour des enfants de pauvres ? Hérodote n° 162 (troisième trimestre 2016) Le 9-3, un territoire de la nation Résumé : La question scolaire en Seine-Saint-Denis est chargée de représentations, souvent misérabilistes et spectaculaires. Enseigner et apprendre dans les classes de ce département ne constituent pas pour autant des activités de nature différente. Analyser ce qui se déroule ici permet de comprendre ce qui se joue dans l’école en général. Car, dans ce département, les contradictions de la société française sont exacerbées. Les ressorts de l’échec scolaire s’en trouvent plusfacilement identifiables. De la salle de classe à la nation en passant par le quartier, chaque niveau d’observation tend à prouver que la relation entre l’école de la République et les enfants des milieuxpopulaires est problématique, surtout lorsque ces derniers sont issus de l’immigration postcoloniale. Entre les deux, les travailleurs de l’éducation, souvent démunis sur le plan pédagogique et de plus en plus précaires, tentent, tant bien que mal, de résoudre ces contradictions. Disponible intégralement sur le site. Pascale BOYER Petits gymnastes et grands exploits, Cahiers Pédagogiques n° 574, janvier 2022 lire Lancer de plus en plus loin en moyenne et grande section de maternelle, co-écrit avec Michèle MERCIER, site EPS et Société-Contrepied, 2018 Lire Colette CHARLET Centenaire de la fondation de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle, ADAJEP INFO n° 24 – juin 2021 lire Janusz Korczak, la pédagogie du respect, entretien avec Colette Charlet, propos receuillis par Katia Rouff-Fiorenzi, in Lien social 1223 (20.02 au 5.03.2018) Nathalie FARENEAU La liberté d’expression en classe de langue. In APLV. Les langues modernes, n°4-2016. Corinne OJALVO L’oral s’acquiert à chaque séance. OCCE. Animation & Education, n°274, janvier-février 2020 Lire Claire BENVENISTE Professionnalisation des enseignants et démocratisationscolaire : une formation initiale pensée à l’aune de la réduction desinégalités scolaires ? in Education etsocialisation – cahiers du CERFEE (centre de recherches sur laformation, l’éducation et l’enseignement) n° 50, 2018 Lire Les enseignants sont-ils formés pour réduire les inégalités ? de François Jarraud, Café pédagogique, 18/01/2019 sur l’article de C. Benveniste précédemment cité Lire Agnès MIGNOT MIGNOT A. et MEDIONI M.-A. Enseigner les langues à l’école élémentaire (version courte). L’École,journal du SNUIpp-Paris-FSU, n° 355, du 5 octobre 2018 (pp. 10-11).Version longue (à paraître sur le site du SNUIpp) Lire Christine CLEMENS-CORBI et Agnès MIGNOT L’album de littérature étrangère : regards croisés de formatrices. APLV. Les langues modernes. Dossier : texte littéraire et enseignement des langues : enjeux formatifs, n°1/2018 (pp. 49-55). Isabelle LARDON Ces Assises ne s’adressaient à personne, Lea.fr (Nathan), 16 avril 2018 Lire l’interview L’école maternelle ouvre l’esprit des citoyens de demain, La Montagne, le 4 avril 2018 lire le texte Des assisses de la maternelle qui ne s’adressent à personne, site du SNUipp – FSU 89 lire le texte Enseigner la compréhension de textes narratifs à des élèves scolarisés en ULIS-école : des résultats encourageants Sur le site du centre Alain Savary-Ifé Ce texte rend compte d’une recherche sur l’enseignement de la compréhension en lecture à des élèves présentant une déficience intellectuelle scolarisés en ULIS école Les auteurs pensent que leurs conclusions peuvent profiter a fortiori à des élèves des classes ordinaires qui ont des difficultés scolaires, des troubles spécifiques des apprentissages, avec des élèves allophones, des élèves des milieux populaires éloignés de la culture scolaire ou des élèves scolarisés en éducation prioritaire. Par Isabelle Lardon, Michaël Billebault et Sylvie Cèbe Si lire c’est comprendre, apprendre à lire, c’est apprendre à comprendre les textes qu’on nous lit ou qu’on décode seul. Un large consensus scientifique et les prescriptions institutionnelles engagent les enseignants à enseigner la compréhension en lecture, et ce, dès l’école maternelle.Mais comment s’y prendre quand on exerce auprès d’élèves qui présentent des troubles importants des fonctions cognitives ? Les limitations de leur fonctionnement cognitif leur permettent-elles d’acquérir les habiletés procédurales, les connaissances et les compétences requises pour comprendre ? En adaptant les pratiques d’enseignement, les tâches et les activités pour répondre à leurs besoins peut-on obtenir les progrès attendus ? C’est à toutes ces questions que répond la recherche que nous avons menée en 2014-2015. lire le texte Pour une école et une société plus inclusives in Cahiers pédagogiques n°593 : Inclure tous les élèves en savoir plus Michel NEUMAYER Opposant ? Adjuvant ? Du conflit comme trésor pour le pédagogue, LIRE ET ECRIRE. Journal de l’alpha Les conflits, n° 208, 1er trimestre 2018 (pp. 11.-22) lire Christine PASSERIEUX Pour en finir avec la sélection, in Carnets rouges n° 12 : Des fondamentaux pour quelle école ? , janvier 2018 (pp. 7-9) accéder au texte Les mystifications de « l’innovation »Carnets Rouges n°8, octobre 2016 : Chacun pour soi ou savoirs pour tous : quelle école pour demain ? accéder au texte Livre Passerelle Témoignages sur le chemin militant d’une équipe de bénévoles qui « offre un regard, un geste, une histoire, un conte, une parole, un livre, un rire ». Territoires d’éveil, N°9 – Mars 2017 accéder au texte Marta PUIG SEDO Les outils web àl’école : enjeux éthiques et socio-critiques. In APLV. Les languesmodernes, n° 4-2016. Florence MAZET MAZET F. etMIKIC J. (2016). Traducteurs automatiques et apprentissage des langues. InAPLV. Les langues modernes, 1-2016 : La traduction MEDIONI M-A.(coord), MAZET F. et SEBAHI E. La traduction. Le grand retour ou l’occasion d’uneautre réflexion sur la langue ? InAPLV. Les langues modernes, 1-2016 : La traduction Valérie SOUBRE L’organisation en groupes decompétence : une avancée réelle mais non aboutie. In Synergies. La réécrituresolidaire au service de la production écrite en classe de langue. In APLV.Les langues modernes, n° 4-2016. Nicole GRATALOUP Quel enseignement de la philosophie dans l’école commune ? par Nicole Grataloup, Pascal Engel, Serge Cosperc Site Démocratisation-scolaire.fr du GRDS (Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire) IntroductionDans le cadre du séminaire « Quels contenus pour une école démocratique ? », organisé en partenariat GRDS / Fondation Gabriel Péri, nous avons demandé à trois enseignants de philosophie de répondre à plusieurs questions concernant leur discipline et la façon dont il leur paraîtrait souhaitable que son enseignement soit organisé. Pascal Engel, Directeur d’études à l’EHESS (philosophie et épistémologie) ;Serge Cosperec, Professeur de philosophie à l’UPEC/ ESPE de Créteil ;Nicole Grataloup, Professeur de philosophie au lycée Jean Jaurès de Montreuil. On lira leurs réponses à chacune de ces questions. Leurs réflexions et leurs propositions seront mises en débat dans le séminaire du GRDS, à la rentrée 2016. Lire l’article Geneviève GUILPAIN Formation au genre : avancées et résistances. La revue Skole Introduction Recommandée depuis les années 2000, la formation des enseignant-e-s à la lutte contre les stéréotypes et à l’éducation aux valeurs de l’égalité entre les sexes est restée lettre morte pendant des années dans la plupart des IUFM et des plans académiques de formation. Alors que les différents champs disciplinaires de la recherche universitaire s’emparaient les uns après les autres des méthodologies produisant des analyses genrées, partageaient leurs premiers résultats dans des colloques de plus en plus réguliers, la formation des enseignants restait ignorante des travaux menés en sciences de l’éducation, en histoire ou en mathématiques. Lire l’article
L’éducation prioritaire. Une politique féconde pour le système éducatif 17 février 2025 Valérie Pinton Collectif Langevin-Wallon, Éditions du Croquant, déc. 2024. L’ouvrage est une somme inédite sur l’éducation prioritaire, à bien des égards. La politique de l’éducation prioritaire y est décortiquée dans le détail, depuis ses fondements originels jusqu’à la Refondation de 2014, analyse critique de ses orientations et développements, qui ont fluctué au gré des changements politiques. Loin de s’arrêter à l’archivage du passé (ce qui est déjà une performance), le devenir de l’éducation y trouve de solides ancrages et perspectives. Ayant exercé des responsabilités à différents niveaux de l’institution, les auteurs étayent leur analyse par un corpus impressionnant de sources : textes de lois, circulaires officielles, notes d’information de la DEPP, rapports de l’Inspection Générale, de la Cour des Comptes et de l’OCDE, ouvrages de recherches et revues spécialisées sont ainsi convoqués… sur près de 800 pages. La préface de Jean-Paul Delahaye, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, dont on connait les engagements et le rapport sur la grande pauvreté, donne le ton. La première partie s’attache à définir l’éducation prioritaire, qui rompt dans les années 80 avec l’égalitarisme structurel qui prévalait jusqu’alors dans le système éducatif français pour promouvoir le principe d’équité afin de contrer l’effet des inégalités sociales et consistant, selon la formule consacrée de l’époque, à « donner plus à ceux qui ont moins », à prioriser au niveau des moyens financiers et humains, en postes et formation, les écoles et collèges particulièrement touchés par l’échec scolaire, souvent au sein de quartiers socialement ségrégués. On y suit les mutations opérées au fil des changements politiques, avec des glissements compensatoires s’accommodant d’une pauvre politique à l’égard des pauvres, leurrés avec l’idéologie du mérite, et une alternance de relances à l’initiative de gouvernements plus progressistes mais soutenant parfois la thématique ambigüe de l’excellence, loin d’une visée de promotion de tous. Les auteurs tiennent ferme leur ligne d’examen critique, s’inscrivant dans les pas de Langevin et Wallon qui, dans l’après-guerre, plaidaient pour la transformation d’un système éducatif jusqu’alors cloisonné et élitiste n’ouvrant le Secondaire qu’à une minorité, mutation exigée par les besoins de l’époque. Tant pour répondre au principe de justice que pour faire face à la hausse des qualifications alors exigée par l’économie, à une démocratisation restreinte n’ouvrant les études qu’aux plus « méritants » des milieux populaires, ils opposaient l’option d’une démocratisation élargie, la promotion de l’ensemble de la population. Pour réaliser cette ambition, si l’ouverture de l’école à tous est nécessaire, ce changement structurel doit être accompagné d’une transformation des pratiques pédagogiques dominantes, faire place aux « méthodes actives ». Telle est l’orientation du plan Langevin-Wallon qui, bien que jamais appliqué, n’a cessé de servir de référence et d’inspirer les politiques éducatives. La postface de Jean-Yves Rochex rappelle des pages essentielles de ce plan et les commentaires qu’en fait Wallon, associant au principe et à l’exigence de justice le principe et l’exigence de culture, « la nécessité de reprendre les questions de la culture scolaire, de ses formes et contenus, aussi bien que de ses formes de transmission » afin de « rendre réalisable dans les faits le droit de tous à une culture commune, à une culture qui ‘unit’ » (p. 790). La politique d’éducation prioritaire est jugée par certains contradictoire avec le principe de mixité sociale et scolaire souhaitable pour contrer la ségrégation qui perdure. Pour les auteurs, elle reste néanmoins indispensable face à la réalité des inégalités sociales et territoriales actuelles, entretenues et renforcées par la place accordée à l’enseignement privé. L’abandonner signerait le renoncement politique y compris à l’idée d’égalité des chances, contestable dans son principe et déjà si malmenée dans les faits. Que l’éducation prioritaire soit la pointe avancée d’une démocratisation élargie souhaitable au-delà de son périmètre, c’était la volonté d’Alain Savary lors de la fondation de cette politique éducative dans les années 80, c’est ce qui a inspiré la Refondation de 2014, objet central de la deuxième partie. Au-delà de la labellisation et du travail en réseau qui font l’objet d’une légitimation argumentée, les auteurs s’arrêtent longuement sur la partie pédagogique en ayant constitué le cœur, formalisé par le référentiel, dont l’élaboration et les différents axes sont finement exposés, raisonnés et commentés, soutenus par de nombreuses références. On a le plaisir d’y constater que le GFEN compte parmi celles-ci sur bien des thèmes. Au fil des pages, on peut ainsi relever : la visée du « tous capables », l’association de la bienveillance avec l’exigence, l’approche d’un enseignement plus explicite à distance de « l’instruction directe », l’effet des attentes, la conception de l’école maternelle, la relation aux parents, l’importance de la coopération, le rôle du travail personnel ou l’approche de la formation… La troisième partie porte sur des questions vives faisant l’actualité éducative, examine les divers dispositifs d’égalité des chances, interroge la portée de l’internat public et la pertinence de la découverte des métiers et des formations pour en montrer les limites au regard de la promesse de réussite de tous. Le collectif poursuit l’analyse de plusieurs « classiques » en éducation : la question du temps d’apprentissage, les rythmes, le climat scolaire, l’autorité et l’innovation passent ainsi à la loupe. La place des recherches, l’omnipotence des neurosciences sous le ministère Blanquer est examinée avec la même rigueur, bouclant la boucle d’un examen sans concession de la politique scolaire actuelle et reposant avec force la question sociale, jusqu’alors si négligée. Au total, cet ouvrage fera référence pour tous ceux qui, des politiques aux syndicats, des responsables institutionnels aux acteurs soucieux de changement, aspirent à donner un nouveau souffle à la démocratisation de l’accès au savoir, à la culture. La dynamique de la Refondation, élaborée en référence à tout un ensemble de rapports et recherches, pensée dans ses déclinaisons institutionnelles et son réseau d’acteurs à divers niveaux, impulsée par un pilotage coordonné, orienté par un référentiel commun et accompagné par une ample formation des formateurs chargés de la mettre en œuvre, dans la pleine conscience et le partage de ses enjeux, est un modèle de ce que l’on pourrait généraliser pour un changement systémique de l’éducation. Jacques Bernardin, Président du GFEN
Dernières Boîtes à lire 12 décembre 2024 Valérie Pinton Boîte à lire de la Lettre d’Informations : d’avril 2021 voir de juillet 2021 voir d’octobre 2021 voir de janvier 2022 voir de juin 2022 voir de mars 2023 voir de novembre 2023 voir d’avril 2024 voir de décembre 2024 voir
Illettrisme et innumérisme : les nouveaux chiffres analysées par l’ANLCI 3 décembre 2024 Valérie Pinton L’Insee a publié en avril 2024 les résultats de l’enquête Formation Tout au Long de la Vie (FLV). Les résultats mettent en évidence que 4% des personnes âgées de 18 à 64 ans ayant débuté leur scolarité en France peuvent être considérées en situation d’illettrisme. Cela représente 1.400.000 personnes. L’Observatoire de l’illettrisme et de l’illectronisme de l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme a analysé le module « compétences » de l’enquête FLV. Il communique aujourd’hui une synthèse des chiffres clés de l’illettrisme et de l’illectronisme destinée à éclairer les décisions et les actions. Parmi les personnes âgées de 18 à 64 ans, une personne sur dix rencontres des fortes difficultés dans au moins une des compétences de base enquêtées, à savoir : identifier les mots, comprendre le texte, écrire et compter.Lorsque l’on s’intéresse aux personnes en forte difficulté, la moitié a plus de 45 ans mais les jeunes représentent une part sensible de celles-ci. La moitié des personnes en forte difficulté est en emploi. Un quart vit dans un ménage qui bénéficie du RSA. 18 % des demandeurs d’emploi sont en forte difficulté en littératie et numératie. Ce taux monte à 25% pour les demandeurs d’emploi ayant plus de deux ans de chômage. A retrouver sur le site de l’anlci : La publication complète de l’Observatoire Le communiqué de presse
Retours sur la rencontre OZP du 16 octobre « Quel avenir pour l’éducation prioritaire dans le contexte actuel ? » 6 novembre 2024 Valérie Pinton Enregistrement audio du débat iciTranscription de l’introduction de Marc Douaire ici
Entretien avec Jacques Bernardin, in Carnets Rouges « Fondamentaux ou fondements ? » 21 juin 2024 Valérie Pinton Carnets rouges n° 31 (mai 2024) – « Fondamentaux ou fondements ? Former à exécuter ou à concevoir ? » Sommaire L’Édito | Paul Devin Le dossier La question des « fondamentaux » dans l’école française depuis 1945 | Paul DevinFondamentaux et instruction obligatoire | Claude LelièvreLe simplisme des fondamentaux | Patrick RayouDes « fondamentaux » dans et pour la formation des enseignants ? | Claire BenvenisteQuels fondements pour entrer dans les apprentissages scolaires ? | Christine PasserieuxLes conditions de l’autonomie de l’élève | Héloïse DurlerSavoirs fondamentaux ou culture commune ? | Sandrine CharrierL’EPS : parent pauvre des savoirs fondamentaux ? | Lucie Mougenot L’entretien Entretien avec Jacques Bernardin | Président du GFEN Notes de lecture Former contre les inégalités | Philippe Losego & Héloïse Durler (dir.)Note de lecture proposée par Christine Passerieux Quand l’extrême-droite rêve de faire école | Grégory ChambatNote de lecture proposée par Paul Devin
Podcast « Faire de l’élève l’auteur de ses propres apprentissages » : les éclairages de Pascal Diard sur le mouvement de l’Éducation nouvelle 22 avril 2024 Valérie Pinton Podcast de L‘allumeur de réverbères Par Jorge Brites, le 25 Mars 2024 « Pour ce 28ème épisode du podcast, nous avons décidé de mettre en lumière un mouvement pédagogique et politique qui milite depuis près d’un siècle pour revoir tous les paradigmes qui ont guidé l’édification de l’École de la République depuis le XIXème siècle, et par exemple les Lois Ferry (1881-1882). L’éducation nouvelle défend le principe d’une participation active des individus à leur propre formation et à leurs apprentissages. L’idée est de sortir de la simple accumulation de connaissances pour avoir une approche globale de l’éducation qui permette de susciter chez l’individu l’esprit d’exploration et de coopération. Une importance égale y est accordée aux différents domaines éducatifs, et l’apprentissage de la vie sociale y est considéré comme central. L’éducation nouvelle fonde sa philosophie dans la confiance dans les ressources propres à chacune et chacun. En somme, elle reconnaît l’éducabilité du genre humain. Pour nous éclairer, nous avons donné le micro le 3 novembre dernier, à Saint-Ouen, à Pascal DIARD, né en 1961, professeur d’Histoire-géographie à Saint-Denis, et responsable Île-de-France du Groupe Français Éducation Nouvelle (GFEN). » Ecouter
L’école en équilibre, chronique d’une maternelle de quartier 18 avril 2024 Valérie Pinton Ce film de 52 minutes, co-produit par France 3 Pays de la Loire et Moïra Chappedelaine-Vautier, nous plonge dans la réalité quotidienne de quatre enseignantes de grande section d’une école maternelle REP+ de Nantes. Les réalisatrices de ce documentaire, Eurydice Calméjane et Catherine Pamart ont fait le choix de se centrer sur les gestes du métier dans le quotidien de la classe. Pendant une année, elles ont suivi Carole, Pascale, Elsa et Lucie au plus près de projets construits et gérés collectivement car c’est l’idée directrice de cette école : tout membre de l’équipe éducative est à la disposition de chacun des enfants accueillis. 100h de rushes pour 52 minutes d’immersion dans la « vraie vie » d’une école de quartier, avec des enseignantes qui posent et se posent des questions de métier, s’interrogent sur l’impact de l’école maternelle sur l’évolution scolaire future de leurs jeunes élèves sans éluder les questions de fond sur l’articulation entre inégalités sociales et inégalités scolaires. Par petites touches, on peut suivre différents gestes du métier : l’accueil des enfants mais aussi l’information aux parents, le suivi d’activités prescrites, la prise en compte d’une école inclusive, le conseil de l’équipe éducative, la mise en œuvre de projets visant à sortir du quartier… avec à chaque fois cette conviction que tous les enfants sont capables d’apprendre et en particulier ceux-ci qui naviguent entre deux langues, deux cultures et s’adaptent à de nouveaux codes. Ce documentaire ne cherche pas à démontrer quoi que ce soit, il montre une réalité qui interroge les mobiles d’enseigner : « Sommes-nous à la hauteur des enjeux ? » se questionnent ces enseignantes confrontées au manque d’accompagnements nécessaires à la compréhension et à la gestion de situations complexes liées à une grande hétérogénéité des élèves. Même si le sentiment d’être utile et la fierté de bien faire son métier sont présents, chacune à sa façon émet ses craintes de devoir un jour changer d’école ou… de métier ! A l’image de ce passage très symbolique où la collègue s’escrime à défaire les noeuds de la tyrolienne pour permettre aux enfants de s’en servir, on ne peut que remercier ces professionnelles centrées sur la réussite de toutes et tous, sans exclusive liée à des besoins spécifiques repérés, « combattantes du quotidien pour une école égalitaire et émancipatrice ». Comme me dit Lucie – complice du GFEN – « en somme, les réalisatrices ont fait ce qu’on préconise : prendre le temps de comprendre et ont gagné notre confiance, ce qui permet sans doute, je l’espère, ce ton authentique qui permet à qui connaît un peu le monde de l’école d’y retrouver des petits bouts de soi… » Jacqueline Bonnard Accéder à cette vidéo : france.tv Lire également l’article de Patrick Picard sur le café pédagogique
La terre plate. Généalogie d’une idée fausse 18 avril 2024 Valérie Pinton de Violaine Giacomotto-Chara et Sylvie Nony Éditions Les Belles Lettres, 2021, 280 pages Un livre décapant à l’ère des fake-news. L’idée reçue, c’est que pendant le Moyen Âge, on croit que la Terre est plate, croyance rétrograde et dogmatique promue par l’Église ; mais grâce à de grands hommes courageux et bravant les prélats, – Galilée, Christophe Colomb… – le monde moderne découvre enfin que la Terre est sphérique. Dans une première partie, de leur livre, les autrices Violaine Giacomotto-Chara et Sylvie Nony (1) montrent qu’il n’en est rien : Platon (423-348) et Aristote (384-322) considèrent déjà que la Terre est une sphère (p. 22). Et l’argumentent : l’ombre de la Terre sur la Lune lors des éclipses est circulaire (p. 28) ; le Soleil ne se lève pas partout à la même heure ; en se déplaçant vers le nord ou le sud, on ne voit pas les mêmes constellations. Ératosthène (276-194) fournit une méthode pour évaluer sa taille ; il trouve une circonférence proche de 40 000 km (p. 255). Au Ve siècle, Aryab-hata, un Indien, suppose même que la Terre tourne sur elle-même. Al Bîrûnî qui rapporte cette hypothèse dans le monde arabo-musulman au XIe siècle y renonce, après avoir calculé qu’un point de la surface se déplacerait à 1 700 km/h « ce qui ne s’observe pas ». L’ouvrage détaille de nombreux auteurs du Moyen Âge qui transmettent et vulgarisent l’idée que la Terre est sphérique. Passant du grec au latin puis au français, ce résultat est transmis souvent sans les méthodes qui l’ont établi (p. 85). Il faudra attendre les traductions des textes grecs faites par les Arabes pour qu’au XIIe-XIIIe siècle l’occident latin se réapproprie les démonstrations (p. 216). Lors de ce parcours, on rencontre à de nombreuses reprises la question des antipodiens, ceux qui de l’autre côté de la Terre auraient la tête en bas ! C’était un argument de Lactance (dc.325)) (p. 58) pour refuser la sphéricité, et il est l’exemple souvent cité. Mais il est seul car cet argument est repris par les Pères de l’Église comme St Augustin (dc. 430)) ou Bède (dc.735)) qui ne contestent pas que la Terre soit ronde. Nulle part – excepté dans un texte de Fernando Colomb – on ne trouve la crainte d’avoir à « remonter la mer » pour revenir des Indes occidentales, comme en témoignent trop souvent les souvenirs scolaires de nos contemporains (p.184). Dans la seconde partie, les autrices explorent la création et la persistance de ce mythe d’une conception moyenâgeuse de la Terre plate. Comment au XVIIIe et XIXe se constitue un biais cognitif contre les évidences historiques et comment il perdure jusqu’à aujourd’hui. C’est la faute à Voltaire (p. 151-154) mais pas que. Les États-uniens Washington Irving avec son livre History of the Life and Voyages of Christopher Columbus (1828) et John William Draper (1874) alimentent cette fake-news pour alimenter la thèse d’un conflit éternel Église/science. Michelet pour des motifs tout aussi idéologiques présente l’histoire comme la victoire de « fils de serfs » contre l’élite : les héros de la science s’opposent aux détenteurs des savoirs que sont les docteurs de l’Église, mais aussi aux puissants (p. 221).De nombreuses pages sont consacrées à la construction des mythes qui entourent Christophe Colomb (2). Cette seconde partie se termine par le constat que les manuels scolaires (français) ne sont pas en reste pour colporter cette infox.Les autrices, dans la préface et la conclusion se positionnent clairement dans une perspective pédagogique. Il s’agit de lutter contre une manipulation de l’histoire des sciences, et surtout des consciences, contre une vision pauvrement linéaire et téléologique du développement des civilisations issue du positivisme et d’une certaine idée du progrès (p. 13). On prend ainsi conscience de la différence entre les conceptions médiévales (appartenant au Moyen Âge) et les représentations moyenâgeuses (qualificatif visant à les discréditer) (note 16 p. 293).Les matériaux cités dans le livre, les nombreuses notes ainsi que la bibliographie très détaillée, l’index des personnes citées exhaustif permettent de se servir de ce livre pour construire des démarches en histoire, histoire des sciences, sciences, philosophie… J’en profite pour citer un autre ouvrage qui n’est pas du tout dans le même genre littéraire. Timeline (1999), en français Les prisonniers du temps (Robert Laffont) de Michael Crichton est un roman de science-fiction – un voyage dans le temps vers le Moyen Âge (également en film 2003). L’intention de Crichton est – à travers des descriptions technologiques ou architecturales – de montrer que la science du 14e siècle (en Dordogne) est développée et que le Moyen Âge n’a pas été une période obscure de stagnation. Note de lecture par Jean-Louis CORDONNIERparue dans Dialogue n° 190,« Éduquons-nous à la démocratie ?Éduquons-nous à la démocratie ! », octobre 2023 _______________1- Sylvie Nony a été secrétaire générale du GFEN pendant une dizaine d’années. Elle est actuellement chercheuse en Histoire et philosophie des sciences, rattachée au laboratoire SPHere, UMR 7219, université de Paris.2- On pourra aussi lire « Christophe Colomb » de Michel Baraër in Enseigner l’Histoire autrement, Alain Dalongeville – Michel Huber ed ; Chronique sociale, p. 22-42, 2002 ou « Christophe Colomb sujet bateau », in L’histoire indiscipline nouvelle, chapitre 12, Syros, 1984
L’insertion des jeunes : question de justice ? 30 août 2022 Valérie Pinton coordonné par Michelle Olivier Editions Syllepse, « Nouveaux Regards », Juin 2022 , 168 p. 12 € Lorsqu’on évoque la délinquance juvénile, un certain nombre d’idées reçues circulent. Parmi celles-ci, il en est une qui se perpétue, celle de penser que si un ou une jeune commet des délits, c’est avant tout parce qu’il ou elle traîne dans la rue. Ainsi, la formation ou le travail serait une solution pour l’en sortir. Certes l’insertion peut être un moyen efficace d’éviter la récidive. Mais ce n’est pas si simple que cela. Une grande majorité des jeunes accompagné.es par la Protection judiciaire de la jeunesse sont cabossé.es par la vie et trop souvent laissé.es sur le bord de la route. L’une des missions essentielles des équipes éducatives est de comprendre leur histoire, de les aider à avancer sur leur problématique. Bien souvent, ces jeunes ont été confronté.es à l’échec, freiné.es dans leur insertion par différents facteurs sociologiques, psychologiques ou encore institutionnels qu’il faut pouvoir prendre le temps de décoder. Fragilisé.es dans leur estime de soi, ils et elles trouvent dans la rue, auprès de leurs pairs, des façons d’être valorisé.es autrement. Dans ce contexte, quels sont les leviers actuels leur permettant de reprendre confiance en eux et elles et de sortir de la spirale délinquante dans laquelle cette situation peut parfois les placer ? De quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’insertion ? Peut-on «insérer» sous contrainte ? Quelles sont les perspectives susceptibles de répondre à l’enjeu d’éducation et d’émancipation de la jeunesse parmi la plus en difficulté ? Ce livre retrace les grandes lignes d’un colloque organisé à la Bourse du travail de Paris, le 5 et 6 février 2021, par le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat national des personnels de l’Éducation et du social à la PJJ avec le soutien de la FSU, de la LDH et de la FCPE. Parmi les auteurs Françoise Dumont, présidente honorifique de la LDH Joelle Bordet, psychologue, Jean-Jacques Yvorel éducateur, chercheur à l’ENPJJ et au CNRS, Martine Hannoun, responsable de l’Unité éducative d’activités de jour à Levallois-Perret, Eva Sicakyuz, responsable d’unité éducative d’insertion à Paris et membre du SNPES-PJJ/FSU, Carole Sulli, avocat au barreau de Paris et coresponsable de la commission mineure du Syndicat des avocats de France, Anna Michaut, juge des enfants au Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, Pascal Diard, professeur d’histoire-géographie, formateur au GFEN avec un chapitre « Que vient faire un mouvement pédagogique à la PJJ ? » Anne-Gaëlle Dartiguepeyrou, éducatrice, Stéphanie Gadret professeure à l’UEAJ de Levallois-Perret, Sylvie Amici, psychologue de l’Education nationale, Florian Borg, avocat au barreau de Lille. Commander
L’enseignement agricole 25 mars 2022 Valérie Pinton Récemment viennent de paraître deux ouvrages sur la rénovation de l’enseignement agricole dont le GFEN fut un des acteurs : Par delà les camarades du mouvement qui sont cités dans ce livre pour leurs pratiques ou leurs écrits : BASSIS H., BASSIS O., CLOT Y., DALONGEVILLE A., DUNY A., GFEN – IHW Dijon – HUBER M., – TRAMOY M., WALLON H., … il est possible de mieux connaître ce qu’a été la participation du GFEN à la rénovation de l’enseignement agricole. Participation peu connue des militants du mouvement. L’invention des idées – Le défi réussi de l’enseignement agricole français Sous la direction de Philippe MAUBANT et Edgar LEBLANC – Champ Social Éditions 2022. De l’hétérogénéité de ses publics et de ses partenaires, l’enseignement agricole a su extraire une force d’action et une ambition politique. Ce livre tente de décrire, d’analyser et de comprendre la singularité de l’enseignement agricole français faite d’audaces, d’inventions et d’innovations. En découvrant les textes, le lecteur pourra constater combien tous les actes posés, tous les fondements des politiques éducatives soulignés et mis en valeur, tous les argumentaires déployés par les différents auteurs du livre soutiennent une seule et même vision de l’enseignement agricole : « faire société ». En effet, « Faire société » n’est pas une reformulation du « vivre ensemble » des années 1980. L’expression « Faire société » souligne la dimension d’unité et de cohésion sociale, voire d’intégration des différences au service du Bien commun. Or, tous les acteurs de l’enseignement agricole, rencontrés dans ce livre, ont souhaité et souhaitent encore, avec fougue et passion, contribuer à rassembler toutes les personnes œuvrant ensemble pour défendre et soutenir une certaine idée de l’éducation, de la formation, de l’agriculture, du monde rural et plus généralement de la société. À l’heure où différentes études soulignent le caractère encore très inégalitaire de l’École française, l’enseignement agricole semble avoir réussi le défi de « faire société » au sens où il est parvenu à rassembler, à fédérer, à unir et à intégrer. De l’hétérogénéité de ses publics et de ses partenaires, l’enseignement agricole a su extraire une force d’action et une ambition politique. Des différences, il a su construire des lieux uniques et singuliers où la seule ambition est celle de concilier formation, travail, insertion, intégration au service d’une éducation émancipatrice et transformatrice des individus et des collectifs. De l’invention des idées, il a su faire œuvre de transgression et de création au service de la transmission et du dépassement des expériences humaines. site éditeur Un institut en appui à l’innovation dans l’enseignement agricole – INRAP (1968/1993) Auteur : Association Mémorap – Educagri Éditions 2020. L’INRAP n’a pas toujours été l’Institut national de recherches archéologiques préventives, avant 1993, l’INRAP était l’Institut national de recherches et d’applications pédagogiques. Il a été créé par le ministère de l’Agriculture, à la fin des années 1960 dans une période d’expansion économique mais aussi de profonds bouleversements sociétaux. L’intitulé de son sigle « recherche et applications pédagogiques » correspond à une certaine conception de la « diffusion du progrès », en plaçant l’Institut à l’interface entre recherche et pratiques. Dans les faits, l’Institut a beaucoup contribué à la formation des personnels del’enseignement technique agricole, tout en recherchant de «nouvelles méthodes pédagogiques propres à développer et à améliorer l’enseignement», et en produisant pour les praticiens et avec eux, des publications et des outils pédagogiques. L’INRAP a été actif de 1968 à 1993, date de sa fusion au sein du nouvel Établissement national d’enseignement supérieur agronomique dijonnais (ENESAD). L’association MEMORAP, constituée d’anciens personnels de l’INRAP, a entrepris depuis 2016 un travail mémoriel pour documenter les archives et publications de l’Institut conservées par AgroSup Dijon dans les locaux de Mediadoc. Son objectif est de faire connaître aux formateurs de l’enseignement général et agricole, les formations, les expérimentations et les recherches conduites par l’INRAP de 1968 à 1993 pour nourrir la réflexion actuelle sur l’appui à l’innovation pédagogique dans l’Enseignement agricole. Ce travail d’histoire et de mémoire donne à comprendre l’identité revendiquée par et pour l’INRAP, comment les chantiers emblématiques lui ont donné forme et comment le fonctionnement collectif lui a donné sens. Ce faisant, il donne un aperçu des fondements objectifs de la « dynamique d’innovation pédagogique » que l’enseignement agricole revendique « comme un élément important de son identité ». site éditeur
Pour une école des arts et de la culture, Carnets 8 – Collection OLO 27 mai 2021 Valérie Pinton Collection OLO (anthropologie pour tous) Alors que faisant face à la pandémie, le pays se confinait forçant les professionnels de l’éducation à s’interroger sur les pratiques à mettre en place pour que les élèves en pâtissent le moins possible, l’équipe d’oLo[1] avec la DAAC de l’académie de Créteil a interrogé la place des arts et de la culture dans l’enseignement. Pour ce faire, elle a interrogé une quarantaine de témoins représentatifs des professionnels intervenant sur le terrain : enseignants, artistes, chercheurs, lycéens, administrateurs de compagnie de théâtre, médiateurs culturels, cadres intermédiaires de l’éducation nationale, scientifiques, auteurs… Ces témoignages courts explorent différentes facettes de la question posée : quelle place de l’éducation artistique dans la formation du futur citoyen et au-delà quelle incidence sur l’élévation du niveau culturel ? Regroupés autour de sept thématiques, ces témoignages interrogent le rôle de chacun des acteurs dans une éducation artistique et culturelle digne de ce nom. Et si ce confinement subi allait obliger les professionnels à renouveler leurs pratiques ? C’est l’hypothèse des concepteurs du projet, lorsqu’ils proposent les axes de réflexion : Créer l’étincelle — Ouvrir l’école aux artistes — Donner des lettres à l’esprit — Oser savoir — Vitaminer l’école — Aller vers l’autre — Chercher ensemble. Si ici, on tente de clarifier la place de chaque intervenant pour une éducation artistique accessible à tous, la réflexion va bien au-delà : dans une école publique tributaire des inégalités territoriales quelle place laisse-t-on à l’initiation artistique et plus généralement à la culture ? Quelle place les professionnels de l’éducation laissent-ils à la créativité de l’enfant ? Pourquoi donne-t-on si peu de place à l’art et la culture dans les enseignements obligatoires comme s’il s’agissait d’un supplément d’âme ou pire comme s’il fallait appartenir aux classes sociales favorisées pour en comprendre les ressorts ? Aborder l’art et la culture nécessite d’en apprendre les codes pour s’y investir, agir et réagir en tant que spectateur. Vouloir abaisser le niveau pour rendre accessible l’offre culturelle en fonction de l’origine sociale des élèves équivaut à une rupture du contrat qui lie l’école aux citoyens empêchés de comprendre « qu’existe quelque chose de radicalement différent d’eux, qui leur est sans doute jusque là étranger et qui est gratuit et beau » (A. Markowicz) Sans doute les enseignants se sentent-ils insuffisamment formés pour dispenser cette éducation artistique et le partenariat avec des artistes professionnels leur est bien utile. Mais sans une politique éducative et culturelle volontariste accompagnée d’une reconnaissance institutionnelle, les projets resteront limités alors même qu’ils devraient être partie prenante des projets d’établissement : «l’éducation aux arts est essentielle, et je dirais même urgente, non seulement pour les enfants des pauvres mais aussi pour une grande partie de la jeunesse » (JP Delahaye) Pour R. Renucci, s’ouvrir à l’art, c’est s’autoriser à penser par soi-même et refuser l’assignation sociale ou géographique. Si les fondamentaux « lire, écrire, compter » sont nécessaires, dans ce contexte de crise il y aurait un besoin d’art à l’école pour nourrir les imaginaires et restaurer l’équilibre psychologique. Mais disons-le c’était avant que le monde de la culture soit déclaré « non-essentiel » par nos dirigeants politiques! Entre oral et écrit – et faut-il les opposer… — quel apport des activités culturelles à la maîtrise de la langue ? A la veille de l’épreuve du grand oral, tout enseignant devrait s’interroger sur le travail de déconstruction/reconstruction du rapport à la langue car l’oral du cadre scolaire est différent de l’oral du cadre familial : dans le premier cas il est fondé sur l’explicite et l’explicitation quand dans le second il s’appuie sur l’ici et maintenant. L’école devrait être ce lieu où l’on s’attache à la qualité des formulations pour progressivement les adapter au contexte : usage d’une éthique grammaticale, impact des lieux d’accueil, compréhension des attendus de l’exercice oratoire. Contrairement aux systèmes anglo-saxons, l’école française enseigne peu l’art oratoire et ses techniques. A la fin du 19ème siècle le discours disparait des exercices scolaires au profit de la dissertation, écrit jugé plus rationnel. Pourtant « élaborer un discours, c’est œuvrer à expliciter la complexité des choses, embrasser la diversité et cheminer vers davantage de clarté, autant pour les autres que pour soi-même » (P. Gadmer) S’exprimer oralement nécessite une confiance en soi et en la pertinence de ses connaissances basée sur des expériences personnelles réussies. Or notre système scolaire laisse peu de place à l’initiative de l’élève face à des situations inédites génératrices de questionnements et de résolutions de problèmes. Contrairement à leurs homologues européens, les élèves français sont rarement sollicités à débattre et confronter leurs points de vue sur les éléments d’une même réalité mise en travail. Alors que dans d’autres pays, on encourage la prise de parole et l’argumentation pour en faire un comportement adapté à la scolarité, il apparaît qu’en France cette attitude de l’élève soit jugée inappropriée au bon déroulement d’un cours, effet renforcé par la peur du jugement qu’il vienne des pairs ou de l’enseignant. Au-delà de cet encouragement à oraliser et argumenter, tout n’est pas qu’une affaire de technique : « si une idée n’est pas incarnée, elle n’existe pas » ; « au-delà des trucs, montrer comment un texte respire, comment on peut en restituer la sens par soi-même en partant de ce qu’on est ». (O. Balzac) Maitriser les formes orales de la conviction, c’est parler la langue utilisée à l’école et au- delà de la langue identifier les savoirs construits. Tout en les nommant, l’élève est capable d’analyser son cheminement, les ruptures et contradictions qu’il a dû surmonter. De cette expérience personnelle, s’est construite une représentation du monde qui s’accompagne d’un vocabulaire nécessaire à la communication. C’est en multipliant les regards possibles sur une même réalité, en rencontrant d’autres points de vue que s’élabore le sentiment d’humanité. L’homme est ainsi fait qu’il est condamné à apprendre tout au long de sa vie. Mais apprendre et savoir est-ce la même chose ? Si l’on prend le cas des sciences, elles sont souvent perçues comme vraies et qu’il suffirait d’apprendre pour être savant. C’est occulter le fait que le savant est celui qui s’est posé ses propres questions sur un phénomène avant d’y répondre dans le cadre d’un travail collaboratif cadré par des protocoles afin d’établir un savoir théorique. Mais comme toute construction humaine, ce savoir peut être remis en cause lors de nouveaux cadres théoriques. L’enseignement scientifique et technique en France souffre d’une situation qui tient à la fois au cursus initial des enseignants du 1er degré (rarement issus d’un cursus scientifique et/ou technique) et à leur formation professionnelle axée sur les « savoirs fondamentaux » (lire, écrire, compter). Malgré quelques supplétifs comme la main à la pâte, les services de formation continue de structures comme le Muséum d’histoire, les Maisons de la Science … ce domaine culturel reste peu abordé à l’école primaire, tout comme les activités artistiques. Et pour de multiples raisons ces enseignements semblent devenus accessoires. Pourtant ce sont des domaines qui permettent aux élèves et aux enseignants de faire un pas de côté, d’installer l’esprit d’équipe, de sortir de la classe pour explorer d’autres facettes du monde, en comprendre les codes et développer des pratiques qui permettent à chacun de développer sa pensée tout en la disciplinant : « l’expérience esthétique est un des chemins de l’apprendre, complémentaire de la rigueur intellectuelle de la pensée » (J. Aden). Et si les élèves et leurs parents ne vont pas aux œuvres, les œuvres peuvent aller aux eux : il existe de nombreux dispositifs qui permettent cette rencontre. C’est la mission des FRAC (Fonds régional d’art contemporain) qui réunissent des collections d’art contemporain et imaginent des dispositifs pour sensibiliser de nouveaux publics, sensibilisation aidée parfois par les médiateurs culturels lors des ateliers au musée. Autant d’actions menées sur des lieux culturels et coordonnées des administrateurs ou chargés de relations afin que le maillage local se fasse dans le respect des métiers (créateurs et enseignants) tout en essayant d’impliquer les parents pour que l’enfant s’autorise la créativité. Le dernier chapitre s’appuie sur le projet « Thélème/l’anthropologie pour tous » du lycée Le Corbusier d’Aubervilliers. Dans cet établissement, un groupe d’enseignants « s’entêtent à empêcher que l’origine sociale des élèves devienne une catégorie descriptive et paralysante et un préjugé qui fasse obstacle au désir de partager les savoirs ». Cette année-là, les élèves ont travaillé sur l’ouvrage collectif coordonné par de Bernard Lahire : Enfances de classe qui propose les résultats d’une recherche sociologique portant sur les gestes d’étude de 18 élèves en maternelle et met en évidence les inégalités sociales dès cet âge ainsi que la place très importante de l’école dans le présent et le devenir de ces enfants. En les engageant dans « l’opération Valentine » – du prénom d’une des élèves du l’ouvrage, la plus éloignée de l’origine sociale des élèves d’Aubervilliers — les enseignantes les invitent à découvrir d’autres milieux sociaux avec leurs usages, leur approche du savoir et des apprentissages, convaincus que la connaissance des autres éclaire nos propres identités. Cette lecture permet en effet aux lycéennes de comparer l’éducation familiale reçue selon les milieux, les effets produits sur les gestes de l’apprendre (B. Charlot), la représentation du monde et de l’avenir qui se construit. Ce travail de réflexion et d’analyse aboutit à une présentation orale lors d’un stage organisé par la DAAC à destination d’enseignants avec l’intitulé : « Identité/altérité : constructions, représentations et enjeux ». Ce grand oral eut lieu dans la salle de cinéma du musée du quai Branly, en présence de Bernard Lahire pour qui ce fut un moment exceptionnel car « toutes les planètes étaient alignées ce matin-là pour produire une grande émotion collective ». En proposant à leurs élèves de travailler sur un réel éclairé par la lecture d’une recherche sociologique, les enseignantes font le pari du « Tous Capables !», convaincus que l’inversion des rôles (des élèves vers les enseignants) lors de la présentation au musée du quai Branly permettra de dépasser les limites de l’exposé et à chacun d’interroger le rôle de l’école dans la construction du citoyen, d’identifier sa propre place dans le monde. Ce livre n’est pas seulement un plaidoyer pour une école des arts et de la culture digne de ce nom, c’est une invitation à transformer les pratiques pédagogiques dans une approche anthropologique des savoirs permettant à celui qui apprend de s’émanciper de ses origines sociales et de s’inscrire dans l’aventure humaine des savoirs pour y trouver sa place et se sentir appartenir à cette lignée. « Il nous faut réinventer en permanence notre vocabulaire, assumer les valeurs qui fondent notre engagement et réveiller les paroles gelées qui doivent renaître ainsi que «des dragées en forme de perles de toutes les couleurs» comme dit Rabelais » (J-J Paysant) Jacqueline BONNARD [1] OLo : L’Anthropologie pour tous
Franchir les lignes. Gitans/Payos, même combat. Philippe Fayeton 28 avril 2021 Valérie Pinton Editions Academia-L’Harmattan, décembre 2020 – 157p., 16,50€ C’est à la fois un voyage et une réflexion sur l’altérité auxquels nous invite Philippe Fayeton, architecte et urbaniste, chercheur en politique urbaine et bénévole dans l’accompagnement scolaire de collégiens du quartier bourg de Narbonne. Durant une année, il a accompagné son héros « H* » jeune gitan de vingt ans dans sa quête du « Graal » : savoir lire pour « pouvoir avoir accès aux formulaires de l’administration … pour obtenir un emploi… parce qu’il faut un emploi pour subvenir aux besoins d’une famille ». Parce que « chez les Gitans, à vingt ans il faut se marier et avoir des enfants, pouvoir subvenir aux besoins de la famille donc être reconnu comme « un homme parmi les hommes » », H*prend conscience de son incapacité à déchiffrer et comprendre le sens des documents, de l’obligation systématique de recourir à un tiers pour y accéder. Certes les associations et services d’aide sociale sont nombreuses dans son environnement mais vouloir s’émanciper d’une tutelle omniprésente passe par l’appropriation de compétences de base en lecture et écriture. Un contrat s’établit entre l’auteur et H*, intitulé : « Apprendre à lire et écrire des formulaires » avec l’installation de rencontres régulières en interaction avec les associations et organismes d’aide locaux. L’ouvrage est une transcription du journal de bord de ce projet mis en place par l’auteur. Mais comment se fait-il qu’un jeune homme intelligent ne sache ni lire ni écrire alors que de nationalité française et sédentarisé, il a été soumis à l’obligation scolaire ? De nombreuses absences dont les motifs n’ont pas été vérifiés, une famille trop éloignée des codes de l’école, une administration qui ferme les yeux et des élèves qui ainsi « glissent » d’année en année pour sortir du système à 16 ans en ayant appris peu de choses. Ce constat, beaucoup de bénévoles de l’aide le font mais l’administration scolaire semble détourner pudiquement le regard sur ces populations dont le mode de vie parait à tort ou à raison « étranger ». Et H* est bien à vingt ans un illettré, capable de repérer les lettres mais pas de les associer pour transcrire des sons ni de déchiffrer un texte court. De plus, dans un rapport identitaire au monde H* -s’il veut apprendre à lire et à écrire- semble rejeter tout apport de connaissances non utiles à son projet. Difficile pour l’auteur de trouver un support adapté aux premiers apprentissages de la lecture qui ne soit pas prévu pour de jeunes enfants. Il essaie plusieurs supports : vidéos, fables de la Fontaine, livres d’art… Il accompagne ces séances de lecture d’entretiens pour comprendre les motivations du jeune homme et son rapport au monde, en particulier son rapport au temps qui se traduit par des retards systématiques à tout rendez-vous pourtant fixés en accord avec lui. Dans sa recherche d’un support adapté à la situation, l’auteur propose la lecture du Petit Prince de Saint Exupéry avec ses « phrases plutôt simples, pas longues et surtout des phrases ou des expressions répétées comme dans une comptine ». L’histoire n’accroche pas vraiment le jeune homme mais il veut savoir lire et s’accroche car l’exercice s’accompagne d’échanges systématiques sur les progrès constatés. Ils sont palpables et progressivement H* se met à écrire chez lui, en toute autonomie, quelques lignes sur son cahier même s’il peine à trouver « la lettre correspondant au son prononcé ». Ce sont des phrases retenues d’une chanson, des projets qu’il souhaiterait réaliser… Mais comment faire sortir H* de l’insoutenable ambiguïté de l’aide qui assigne à résidence (soins à domicile, photocopies faites par un médiateur, classement des papiers par un membre de la famille…) et favorise le sentiment de victimisation lorsque le moindre obstacle se présente ? Comment comprendre que tout en s’estimant victime de racisme, la tentation de rejeter la faute sur l’autre – l’immigré – est forte, porteuse de comportements déviants ? Comment saisir cette hiérarchie entre roms, tsiganes et gitans, les gitans s’estimant « supérieurs » alors que la langue qu’ils revendiquent (le calo) est la même ? Que cache cette réponse incontournable de H* : « Chez nous, c’est comme ça ! » ? Pour l’auteur, il y a une culture à explorer pour saisir les freins et les ressorts d’une émancipation individuelle et collective : histoire, organisation familiale et sociale, organisation temporelle et spatiale, rapport au savoir et procédures d’évitement. Dans ce projet, la posture de l’accompagnant ne lâchant rien sur les valeurs qu’il porte -mais sans émettre de jugement sur la personne auprès de laquelle il chemine- devient un point d’ancrage de cette aventure partagée. « Apprendre à lire et écrire des formulaires », c’est aussi comprendre l’environnement dans lequel ces formulaires sont produits, le monde du travail qui est associé avec ses contraintes et ses codes, autant pour l’accompagnateur que pour l’accompagné. Chaque étape du projet permet à chacun de se questionner sur la culture de l’autre, son rapport au monde, sa capacité à respecter l’autre dans ses choix de vie, cette difficulté à imaginer les ressorts d’une décision prise en fonction d’une situation donnée. Toutes les raisons sont bonnes d’esquiver les obstacles mais les échanges permettent la résolution de problèmes pour s’adapter aux situations nouvelles. Prenons les conditions sanitaires du confinement : elles permettent à H* de se familiariser avec le numérique via son téléphone, de se créer une adresse mail et d’écrire des messages. Un pas de plus dans la familiarisation avec l’écrit mais se pose la question de « méthodes pour apprendre » car H* souhaite obtenir le permis de conduire avec l’étape incontournable de l’examen du code de la route et surtout pour s’y inscrire : l’attestation de participation à la Journée Défense et Citoyenneté ! Autant d’épreuves à surmonter lorsqu’il s’agit de franchir les lignes : celle qu’on franchit pour sortir du quartier pour obtenir un extrait d’acte de naissance à la maire du centre-ville, celle qui permet de se présenter seul à la caserne, celle qui transcende la peur de remplir le questionnaire de l’armée mais y réussir en toute autonomie afin d’obtenir le précieux sésame … C’est un voyage au long cours auquel on assiste, alternant avancées et revers tant il semble difficile d’intégrer les codes du monde des payos lorsque les habitudes ont ancré un mode de vie où chaque membre de la famille a si peu d’autonomie que la moindre initiative personnelle représente une gageure, parce que « Chez nous, c’est comme ça ! ». Ce livre – journal de bord de cette aventure – est à la fois empreint d’humanisme et de beaucoup d’humilité. Un récit où l’on découvre qu’aider ce n’est pas « faire à la place de » mais « cheminer à côté de » prêt à apporter les éléments de compréhension des situations rencontrées pour surmonter les obstacles. Une leçon de vie rendue possible par le maillage associatif présent sur le quartier, une première saison durant laquelle le héros a franchi certaines lignes : celle de l’invisibilité sociale dans laquelle il se trouvait, celle de la lecture et l’écriture, celle du monde des adultes chez les gitans même s’il est encore en équilibre sur celle du monde des adultes chez les payos. On aimerait connaître la suite… Jacqueline BONNARD
Comprendre les pratiques et pédagogies différentes, Yves Reuter 15 mars 2021 Valérie Pinton éd. Berger Levault, « Les indispensables », 2021 Yves Reuter nous livre un « petit » livre pour comprendre les pratiques et les pédagogies différentes, « petit » par le format, mais « indispensable » comme l’indique le nom de la collection chez Berger Levrault, dans lequel il est publié. C’est le livre d’un chercheur « impliqué », parce que, estime l’auteur, quand on est chercheur en éducation centré sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, « il est difficile de ne pas avoir une forme d’engagement, une posture « impliquée » ou, (…) un « horizon praxéologique ». Il nous offre un guide pour mettre en place et analyser des pratiques pédagogiques nouvelles à travers trois temps : analyser des fonctionnements pédagogiques différents, questions de méthode et débats. Chaque chapitre est divisé en sections, subdivisées à leur tour en sous-sections qui proposent une synthèse rapide mais claire et efficace des différentes questions abordées, suivies presque toujours d’une bibliographie, ce qui est bien commode pour le lecteur qui souhaite approfondir une question spécifique. Yves Reuter, à partir de ses travaux sur les écoles de Mons-en-Barœul et de Vitruve (XX° arrondissement de Paris) et sa connaissance des pédagogies différentes, rappelle dans le premier chapitre, les fondamentaux communs aux pédagogies différentes – les apprentissages au cœur de l’école, le postulat d’éducabilité, l’activité du sujet apprenant, la complexité qui caractérise tout autant le processus d’apprentissage que celui d’enseignement – et propose « une vingtaine de principes d’action qui permettent l’opérationnalisation de [ces] principes fondamentaux ». En ce qui concerne l’évaluation (chapitre 2), il dénonce le rôle négatif de la peur sur la mémorisation et les apprentissages et le fait que, dans les évaluations classiques, l’élève, « appréhendé comme un potentiel délinquant scolaire », soit, avant tout « un sujet à surveiller et à corriger ». A l’opposé, il développe, dans le chapitre 3, avec l’exemple de la coopération, l’idée que les pédagogies différentes sont des lieux de ressources. Dans le chapitre 4, il analyse les critiques à l’encontre des recherches qui éablissent les intérêts des pédagogies différentes, caractérisées, pour lui, par la naïveté, l’ignorance ou le mépris, une position qui « tient plus d’une foi en « La Science », sur un modèle quasi religieux, que d’approches scientifiques », qui révèlent que « l’institution et certains chercheurs semblent préférer la résignation et l’inertie à la volonté de changer ce qui ne marche pas », et une certaine indigence propositionnelle basée, principalement sur le « modelage » de l’élève, par le biais de l’enseignement dit explicite, et l’absence de doute. Ces critiques évacuent constamment « les problèmes massifs des démarches pédagogiques « classiques » : échec socialement différencié, décrochage, climat dégradé, ennui, etc. » Il souligne, en outre, que la question de la « plus-value » est demandée à ceux qui pratiquent des démarches différentes mais ne l’est pas aux autres. En ce qui concerne les propositions spécifiques aux pédagogies différentes, une réponse possible pourrait se baser sur la multiplication des garanties de scientificité pour les chercheurs qui travaillent sur les pédagogies alternatives ; une vigilance symétrique quant aux slogans, « plus répétés que construits et mis en débat, de certains thuriféraires des pédagogie différentes » ; la notion de « plus-value » quant à ce qu’apporteraient des démarches différentes à mettre en interrogation dans la mesure où la preuve de cette plus-value n’est pas demandée aux pratiques « classiques » ; ne pas se limiter aux apprentissages disciplinaires considérés comme principaux ; ne pas en rester aux effets chez les élèves, hic et nunc mais prendre aussi en compte leurs trajets ultérieurs. Le chapitre 5 est consacré à un référentiel pour analyser des démarches pédagogiques différentes, conçu comme « un outil de description et d’évaluation afin d’aider les équipes à mieux comprendre leurs points forts et leurs points de fragilité » et dont la première section aborde la question de l’histoire afin de comprendre comment elle « a façonné ce qui existe, au travers des permanences, des évolutions, des crises, etc.. ». C’est l’occasion, pour l’auteur, de rappeler les débuts de l’école Vitruve et « la mise en place en 1962 d’une pédagogie spécifique dans plusieurs écoles de la circonscription par l’inspecteur Robert Gloton, par ailleurs membre du GFEN ». Ce référentiel peut constituer, pour Yves Reuter, « un panorama de vigilances quant aux différents aspects du travail pédagogique », dans un contexte où, qu’on le regrette ou pas, « le changement est à justifier, le statisme peut s’en dispenser ». C’est la question du débat nécessaire qui occupe les deux derniers chapitres (6 et 7) de l’ouvrage. Débat qui porte avant tout sur les critiques à l’encontre des pédagogies différentes concernant les confusions entre activités et apprentissage et sur les implicites et malentendus que ces pédagogies peuvent générer. L’auteur questionne l’idée qu’il pourrait exister des apprentissages qui s’effectueraient en dehors d’activités des élèves ou des pédagogies qui seraient non actives : tout savoir est construit, et il est impossible d’apprendre sans rien faire. En revanche, il s’agit de distinguer des modalités différentes d’activités et de privilégier celles par lesquelles « on essaie de donner aux élèves une maîtrise sur leur existence scolaire, de les associer aux décisions et de les constituer comme acteurs, avec une marge d’autonomie et des projets personnels ». En ce qui concerne la question des implicites et des malentendus, Yves Reuter remet radicalement en cause une idée, malheureusement maintenant trop convenue – « pour quelle raison cela ne toucherait que lesélèves issus de milieux défavorisés, ce qui est rarement étayé au-delà de simples assertions ? » – et dénonce une vulgate, séduisante « en raison de son apparente simplicité » , selon laquelle « nombre de problèmes, voire d’échecs, seraient dus aux implicites de l’enseignement, et dont la solution consisterait à pratiquer ce que d’aucuns appellent une pédagogie explicite ». Parmi les obstacles multiples à dépasser, nous retiendrons particulièrement ceux que l’auteur pensent être générés par certaines formes de militantisme pédagogique : la sous-estimation des variations nécessaires dans la mise en œuvre des principes pédagogiques selon les disciplines ; la privation de certains concepts précieux (« communauté discursive », « conscience disciplinaire », « contrat didactique », « dévolution », etc.) ; une réflexion parfois insuffisante sur les contenus et par voie de conséquences des pistes non explorées dans la compréhension des difficultés des élèves ; l’absence d’utilisation de dispositifs de travail intéressants construits par les didacticiens. « Il s’agit de comprendre les obstacles « internes » pour mieux les surmonter ». Pour autant, l’auteur s’attache également à souligner les transformations de la « forme scolaire », les intérêts de ces transformations et la congruence avec nombre de recherches. Et de conclure que, malgré l’exigence de prudence face à la maltraitance subie par les enseignants et à la dureté de l’imposition qu’ils subissent, il s’agit d’ouvrir des possibles par des démarches et des pratiques différentes : « c’est intéressant, c’est possible, c’est souhaitable. Elles ne peuvent pas tout mais elles peuvent beaucoup » ! Un livre, donc, indispensable pour tout enseignant, a fortiori d’Education nouvelle, parce qu’il permet de s’outiller sur les plans pédagogique et didactique et de (se) réassurer afin de poursuivre sur la voie de la transformation des pratiques, et de répondre également aux critiques de ceux qui préfèrent l’inertie et la résignation. A ce titre, saluons les références que l’auteur fait au GFEN, même si l’on peut regretter que la bibliographie concernant notre mouvement date quelque peu : pas d’ouvrage, ni d’article, après 1979! Mais la chose n’est pas si répandue et nous ne pouvons que nous réjouir de ces rappels. Un livre aussi pour se mettre en vigilance sur les freins à l’extension des pratiques alternatives à l’école dus aux militants pédagogiques eux-mêmes. Maria-Alice MEDIONI 12 mars 2021 Lire aussi : Présentation éditeur Café Pédagogique – 12 février 2021 TOUTEDUC – le 9 mars 2021
Comprendre l’échec scolaire, Stéphane Bonnéry – réédition 26 février 2021 Valérie Pinton Elèves en difficultés et dispositifs pédagogiques La dispute, 2021 (réédition) Le GFEN a contribué à la diffusion du livre de Stéphane Bonnéry à sa parution en 2007. Ce livre va être republié à l’identique, sauf la couverture, d’ici quelques semaines. Il était épuisé depuis 6 ans au moins. Stéphane Bonnéry nous explique pourquoi les choses n’ont pas beaucoup changé et qu’il est toujours utile de sensibiliser les enseignants aux inégalités sociales de réussite scolaire. Nous vous incitons à le lire, le relire, le diffuser car les analyses sont toujours d’actualité. Tout le monde connait Amidou et sa carte de géographie mais l’ouvrage contient bien d’autres situations dont les enseignants peuvent s’emparer dans des collectifs de travail, pour ne pas culpabiliser mais plutôt lutter contre les déterminismes. Pourquoi faire reparaître « Comprendre l’échec scolaire » ? Il y a quatorze ans, paraissait « comprendre l’échec scolaire ». Cet ouvrage s’inscrivait dans la lignée d’un ensemble de travaux, en sciences de l’éducation ou en sociologie, qui essayaient d’expliquer le maintien des inégalités sociales de réussite scolaire malgré l’existence d’objectifs égaux dans la « scolarité unique ». Le choix consistait à entrer dans les salles de classe, à interroger les modalités pédagogiques et la façon dont les élèves se confrontent à celles-ci, quand ils n’ont que l’école pour s’approprier la culture scolaire. Si l’ouvrage reparait, c’est que fondamentalement, la situation n’a pas changé depuis, et que les phénomènes qui posaient problème sont malheureusement toujours d’actualité, voire se sont accrus. La population scolaire française reste très populaire (jusqu’au collège, plus de la moitié des parents déclarés comme référents à l’éducation nationale occupent des emplois d’exécution). L’écart entre les cultures rencontrées par les enfants à la maison et à l’école reste conséquent pour beaucoup d’entre eux. Contrairement à l’idéologie du « handicap socio-culturel » qui fait de ce constat une fatalité dont il faudrait accabler les familles populaires, on peut au contraire considérer que cet écart définit la mission même de l’école. Or, de plus en plus, plutôt que de faire l’école à l’école, on constate une externalisation des missions de celle-ci en direction des familles. Ainsi, les devoirs qui autrefois consistaient à stabiliser ce qui était appris en classe sont de plus en plus envahis par les enjeux de compréhension, ce qui accroit les inégalités. Mais ce qui se joue au sein même de la classe pose toujours centralement question. Les écarts d’apprentissage des élèves selon les origines sociales se sont accrus. Même si l’on accorde un crédit limité aux évaluations PISA[1], il est intéressant de noter qu’entre 2006 et 2015, la proportion d’élèves « performants » (massivement recrutés dans les familles de cadres et des classes supérieures) a augmenté en France, tandis que dans le même temps la proportion des élèves les moins performants, massivement issus des classes populaires, c’est elle aussi accrue[2]. Pour expliquer comment des enseignants et élèves de bonnes volontés co-construisent ces phénomènes malgré eux, le livre reste d’actualité. Le constat selon lequel les enseignants sont soumis à des injonctions variées et contradictoires dans leurs choix pédagogiques (chapitre II) s’est même accentué. C’est le cas entre les incitations à encourager l’autonomie (qui poussent à guider faiblement les élèves et les laisser ne pas apprendre) et celles à « revenir aux basiques », empreintes de comportementalisme et de certaines sciences cognitives, en passe de devenir une « science officielle», ce qui n’a jamais bien fini dans tous les pays où les gouvernants sont allés dans cette direction. Il en va de même pour ce que je pointais, des télescopages entre les modalités pédagogiques : ceux de la maternelle et de l’élémentaire ont colonisé le collège, et inversement, des exigences du secondaire pèsent sur les élèves à un âge de plus en plus précoces pour conceptualiser, formuler soi-même, déduire, inférer[3], produisant des agencements parfois incohérents entre ces logiques. Et, avec la réforme du socle commun de 2006 et l’injonction à enseigner par compétences, la tension est allée croissant, entre la logique d’enseigner à tous, et celle d’inégaliser les objectifs selon les profils sociaux des élèves, derrière l’argument de « différenciation » ou d’« individualisation ». Ces décisions politiques font pression sur les enseignants. De plus, le rôle catalyseur des tensions que jouait l’évaluation s’est exacerbé, le temps de classe consacré à évaluer les élèves ayant nettement pris de l’importance au détriment du temps d’enseignement, qui a été amputé des samedis matins (sous le président Sarkozy) ce qui représente, de la maternelle au CM2, l’équivalent horaire d’une année scolaire. Transmettre dans un temps réduit des choses plus difficiles, à un âge plus précoce, à une population majoritairement éloignée de la culture scolaire, en étant soumis à des injonctions pédagogiques contradictoires : enseigner semble être devenu plus difficile de nos jours. Les logiques politiques et institutionnelles poussent les enseignants à renoncer aux objectifs d’égalité. Ainsi, pas plus que lors de sa première parution, le propos du livre n’est de culpabiliser les enseignants mais de montrer comment au quotidien, sans s’en rendre compte, le contexte d’exercice, les modèles pédagogiques reçus et contradictoires, peuvent conduire à des malentendus socio-cognitifs. Car les observations dans les situations pédagogiques d’aujourd’hui montrent les mêmes incompréhensions que celles décrites dans l’ouvrage et que rencontrent Bassekou, Amidou, Raffik, Niamounga, Vikash ou Jérémy (chapitres I et IV). Ces exemples ayant été relativement diffusés, je me suis toujours attaché à rappeler que la consonance migratoire des prénoms ne doit pas induire en erreur : les enfants d’ambassadeurs et de cadres originaires des mêmes pays, et qui sont scolarisés dans les établissements de la bourgeoisie parisienne, ne rencontrent pas ces malentendus. Les élèves décrits sont avant tout issus des classes laborieuses, dans lesquelles bien sûr la part des familles issues de migrations est allée croissante, mais qui, quelles que soient leur couleur ou leur nom, ont surtout pour caractéristiques de n’avoir quasiment que l’école comme ressource pour s’approprier des savoirs et des formes de pensées inhérentes à la culture écrite, celle qui permet de prendre pouvoir sur la compréhension du monde, et par là, d’agir dessus. Mais justement, quand l’école ne permet pas d’apprendre, renvoie aux élèves la responsabilité d’être auto-entrepreneurs de leur propre progression, et signifie ces difficultés sans y remédier, sans que la famille ne puisse le faire, alors la pression des copains qui ont déjà renoncé a vraiment prise. Ces tensions entre instances de socialisation restent malheureusement toujours d’actualité pour produire des spirales de décrochage (chapitre III et IV). La relégation de certains quartiers, le renoncement politique à leur décloisonnement, pourrait même avoir accru l’emprise des pairs pour les collégiens dont les cercles de socialisation sont les mêmes dans l’établissement scolaire, dans les loisirs et dans le voisinage. Dans les conférences débats qui ont accompagné la sortie de l’ouvrage (plus de 300), j’ai souvent senti combien le décorticage de ces processus conduisant à l’échec pouvait produire des effets contradictoires. La démoralisation quand l’enseignant est seul, sans solutions pour remédier au constat. Ou au contraire la redynamisation, la motivation pour rejeter la caporalisation pédagogique et se mettre en réflexion sur ses propres pratiques. C’est évidemment à cette dernière perspective que la reparution de l’ouvrage veut contribuer. Il doit ainsi sa large diffusion aux mouvements pédagogiques, aux syndicats enseignants et parents d’élèves qui y ont vu une occasion de travailler à transformer l’école, à contre-courant de l’air du temps anti-égalitaire et des prescriptions autoritaires. Ces analyses, redevable à l’équipe ESCOL et au réseau RESEIDA dans lesquels j’ai suivi ma formation doctorale, ont ensuite été prolongés dans ces collectifs, et en échangeant avec d’autres laboratoires où se sont développés de tels travaux, qui essaient d’articuler l’analyse des enjeux sociaux des scolarités, l’étude de la transformation des contenus, celle des modalités pédagogiques, de leur appropriation par les enseignants comme la confrontation des élèves à ces situations pédagogiques selon leurs caractéristiques sociales. La recherche en éducation, si malmenée et méprisée, continue à avancer pour comprendre les processus inégalitaires et inviter les pratiques à s’en inspirer pour y remédier. Stéphane BONNERY – le 09.02.2021 [1] En ce qu’elles mesurent des choses non enseignées, et parce qu’elles évaluent des compétences dont il a été montré qu’elles peuvent être considérées comme présentes ou non chez un même élève selon la formulation des tâches, ce qui contredit totalement le postulat de PISA de l’existence de compétences stables et mesurables… Ces aspects ont été développés dans le dernier chapitre de : Stéphane Bonnéry (dir.) Supports pédagogiques et inégalités scolaires. Paris, La Dispute, 2015. [2] PISA 2015. Les défis du système éducatif français et les bonnes pratiques internationales. OCDE, 2016. On peut d’ailleurs faire l’hypothèse que ce constat s’explique sans doute en partie du fait de l’influence et des préconisations de soi-disant « bonnes pratiques » de PISA… notamment l’individualisation pédagogique. [3] Dans le cadre d’un ouvrage collectif de l’équipe CIRCEFT-ESCOL, nous avons depuis précisé le rôle des supports pédagogiques dans ces changements : Stéphane Bonnéry, Supports pédagogiques et inégalités scolaires, déjà cité.
Les gestes professionnels dans la classe, Dominique Bucheton 11 novembre 2020 Valérie Pinton Ethique et pratiques pour les temps qui viennent Editions ESF, 2020 Un métier en crise, face aux enjeux actuels La crise sanitaire a été l’occasion d’une prise de conscience pour bien des parents : enseigner est un métier. Métier actuellement malmené, nous rappelle Dominique Bucheton, de plus en plus sous contrôle et instrumentalisé au service de la sélection, masquée sous un discours officiel lénifiant. La référence au mérite personnel et à l’excellence, l’élitisme et la compétition se substituent de fait à la visée de démocratisation de l’école, principes aux antipodes des valeurs de la République. Le creusement des inégalités, la concurrence des nouvelles technologies, les défis sociaux et climatiques actuels contribuent à déstabiliser la façon ancienne de penser le métier, mettant les professionnels à l’épreuve. La faible reconnaissance sociale, le statut précaire des nouveaux arrivants et une formation jugée indigente et inadaptée alimentent la crise des vocations : enseigner ne fait plus rêver. L’actualité y superpose une gouvernance managériale autoritaire qui heurte la profession. L’ouvrage interroge les visées mais aussi le cœur du métier, réduit à l’acte de simple transmission, dans un appauvrissement techniciste des contenus comme des modalités d’enseignement qui est préjudiciable à l’émancipation intellectuelle. A quoi formons-nous les élèves ? Quelle ambition peut on/doit-on soutenir ? Dominique Bucheton rappelle que l’école a la responsabilité de préparer les nouvelles générations à la compréhension du monde et à la conscience des enjeux contemporains, tout en développant leur pouvoir de contribuer de façon lucide et critique au devenir commun. Les composantes de l’agir enseignant « Développer le pouvoir et la liberté de penser des élèves pour assurer leur avenir et celui de la planète» (p.41), cela nécessite de s’interroger sur la nature des savoirs à enseigner mais aussi sur les modalités les plus à même d’y faire accéder l’ensemble des élèves. Susciter l’intérêt, convoquer la pluralité des expériences, amener à se questionner, mettre les points de vue en débat, réguler l’activité pour que chacun reste dans le jeu, y chemine et y progresse dans une atmosphère sécurisante propice à la prise de risque et au dépassement : pour identifier les composantes de ce qui fait l’essence du métier, Dominique Bucheton avance le modèle du multiagenda, fruit de recherches successives dont elle restitue la teneur et les principales conclusions. Où l’agir enseignant se révèle fait d’ajustements incessants devant composer avec la singularité du groupe classe et la diversité des interventions, dans une préoccupation croisant attention au contenu et souci de l’engagement conjoint des élèves, sur fond d’arrière-plan professionnel collectivement sédimenté et personnellement actualisé, en lien avec la communauté d’exercice. A la diversité des postures des enseignants répondent en écho les postures des élèves, de façon plus ou moins heureuse, « ajustements délétères ou efficients » (p. 127) sur lesquels l’auteure s’arrête, en éclairant son propos par des exemples. Occasion d’interroger consensus et doxas constitutifs d’habitudes professionnelles, impensés collectifs qui figent les pratiques (ainsi en matière d’écriture…), condamnant à la répétition du geste d’enseignement et à la stagnation des progrès des élèves. Mais comprendre l’agir enseignant nécessite de saisir ce qui, au-delà, influe sur leurs conduites, notamment les « logiques profondes d’ordre psychanalytique, sociologique mais aussi culturel, idéologique et politique » (p. 153), logiques concernant tout autant les élèves, rappelant qu’enseigner n’est jamais neutre. Où se croisent et s’entremêlent le rapport à l’autorité, le fatalisme social, le regard sur la « capabilité » des élèves et le sens donné au métier, références singulières historiquement constituées et usuellement peu interrogées dans la préparation au métier. Prospective pour l’avenir L’ensemble plaide pour un métier à défendre et à réinventer, en phase avec les enjeux de notre époque. Appelant à développer la vigilance critique et à exercer la liberté pédagogique, l’auteure propose des principes éthiques pour le métier enseignant, articulés à un projet politique pour l’école. Ce qui doit s’incarner – outre les moyens en postes et personnels – par une formation repensée. L’ouvrage de Dominique Bucheton arrive à point nommé, pour mettre la recherche d’une vie au service d’un changement de politique scolaire « cohérente et démocratique ». Son contenu et ses propositions font écho à nos préoccupations, dans un déploiement didactique très étayé. Nous nous retrouvons notamment, au-delà des aspects structurels et des moyens nécessaires, sur la centralité de la formation. Plaider pour le haut niveau, nous ne saurions être contre. Mais encore faut-il en définir la teneur : l’élévation du niveau de recrutement des enseignants n’a jusqu’alors pas fait la preuve de sa pertinence pour enrayer les logiques de disqualification des élèves, la masterisation non plus… C’est bien dans une professionnalité entendue et travaillée dans la pluralité de ses composantes – ici exposées – interrogeant au-delà du didactique qu’il nous faut poursuivre l’exploration des voies d’un réel changement. Jacques BERNARDIN
L’éducation aux temps du coronavirus, Stéphane Bonnery et Etienne Douat 10 novembre 2020 Valérie Pinton sous la direction de Stéphane Bonnery et Etienne Douat La Dispute, 2020 « Il faut essayer de rester solide car sinon on devient fou »[1] Rester solide ? Vaste programme en ces temps troublés ! Et pourtant cette période interroge, des chantiers de recherche se dessinent : ce leitmotiv revient à plusieurs reprises et fait tout l’intérêt de cet ouvrage écrit à plusieurs voix. Des chercheurs en sociologie et en sciences de l’éducation ont réussi en effet à dépasser l’instant de sidération des débuts du confinement. Comment ? En interrogeant différents acteurs de l’éducation, déconstruisant ainsi les discours gouvernementaux et médiatiques sur cette suspecte « continuité pédagogique », proposant enfin des pistes pour de futures recherches. Les paroles et témoignages recueillis sont d’autant plus frappants qu’elles disent et qu’ils tracent des chemins de compréhension dans des lieux, autour de métiers qui ont rarement les honneurs des commentaires « autorisés » des médias. Voici donc les CPE qui, ne pouvant exercer leur métier de proximité avec les jeunes élèves, se retrouvent bombardés « urgentistes invisibles » de la continuité pédagogique, sans consignes bien précises parce qu’oublié.es des injonctions officielles, obligé.es de se débrouiller pour épauler des enseignant.es. Car quoi faire d’autre quand son cœur de métier est tout bonnement nié par la mise à distance des élèves ? Voici les collègues de l’enseignement professionnel, dont les spécificités d’exercice du métier sont loin d’être reconnues, alors que les métiers auxquels elles forment et ils préparent ont été essentiels à la vie quotidienne sous confinement. Combien ont alors pu constater à quel point « l’expérience scolaire ordinaire des élèves s’est, de fait, trouvée profondément déstabilisée par la virtualisation des apprentissages »[2] ? Voici les étudiant.es des quartiers populaires qui, ne pouvant plus occuper les espaces universitaires nécessaires à la poursuite de leurs études (bibliothèque, amphis, salles de TD), ne pouvant plus compter sur « les moments de l’expérience pédagogique (les échanges, les débats, les explications, etc., qui permettent de comprendre et s’exercer à la pensée) »[3], se découragent devant un savoir devenu abstrait à force de distance, s’interrogent sur le sens de leurs études et ne sont pas loin de l’abandon pour certain.es, les difficultés financières en ajoutant une couche. Voici enfin les parents qui ont du subir la « scolarisation de l’espace familial au quotidien »[4], avec son lot d’inégales conditions matérielles, ses effets de « surinvestissement scolaire », d’aggravations des difficultés en matière de suivi de la scolarité des enfants, et qui se retrouvent « sous le regard des enseignants », non sans gêne. Même si, au fil des conversations téléphoniques, des malentendus ont pu être levés, augurant de possibles relations plus compréhensives entre école et famille. Au final, pourquoi ouvrir de tels chantiers de recherche ? Comme Stéphane Bonnery et Etienne Douat le disent en conclusion[5] : pour « comprendre le bouleversement des scolarités à venir » et à propos, par exemple, de l’externalisation du sport et des arts du temps scolaire, « élucider s’il s’agit d’un changement mineur, d’une disparition tendancielle ou d’une redéfinition profonde de la scolarité unique». Autrement dit, il est question de la manière de penser ce temps du confinement : « moment exceptionnel qui s’est refermé après lui » ou « accélérateur des logiques déjà engagées qui vont tramer les réformes à venir » ? Les réponses sont loin d’être évidentes, même si nous sommes d’accord sur le constat de départ, à savoir que cette « crise sanitaire est aussi une crise du capitalisme », qui n’est pas qu’un « problème médical [mais] aussi un problème économique, écologique et politique »[6] Pascal DIARD [1] Elie, directeur expérimenté d’une école de vingt classes en REP+ [2] p. 94 [3] p. 124 [4] Titre de la contribution de Daniel Thin (p. 39 à 53) [5] « Chantiers … », p.147 à 159 [6] p. 16
Les « incasables » ne sont pas des incapables, au contraire ! 23 septembre 2020 Valérie Pinton Les Incasables Rachid Zerrouki Ed. Robert Laffont, 2020 Dans son ouvrage, Les incasables, Rachid Zerrouki nous invite à parcourir une expérience d’enseignant en SEGPA de 2016 à 2019. Il nous invite à les rencontrer, ses élèves et lui. Et cette invitation au voyage en scolarité vaut beaucoup plus que les discours-clichés sur, pêle-mêle, les déterminations sociales qui conduisent à l’impuissance d’agir et d’apprendre, la démission des enseignant.es devant les difficultés de leurs élèves, l’impossibilité d’ouvrir des possibles et de comprendre ce qui se joue dans la tête des élèves quand ils « décrochent », la crise de l’autorité ou autre analyse à l’emporte-pièce mettant dans un même sac toutes les diversités contenues dans nos classes. Or, la SEGPA est un univers particulier (et déjà les contradictions se disent dans cette expression ; quand le particulier se présente sous la forme d’un univers, pouvons-nous tirer de cette singularité des généralités ?) : elle occupe un espace à part dans le collège, elle a une histoire institutionnelle bien à elle, et elle est perçue, vécue et ressentie comme telle par les élèves … et les enseignant.es. Le premier mérite de Rachid Zerrouki ? Ne pas faire de cette spécificité un enfermement dans des certitudes aliénantes, mais au contraire, de s’y appuyer pour penser en quoi cette situation peut être dépassée, en quoi elle interroge l’ensemble de l’école publique, en quoi elle oblige les constructions pédagogiques à ne pas s’engluer dans des évidences. Car Rachid Zerrouki ne cesse de s’interroger : sur l’apport de son histoire personnelle dans son rapport aux élèves, ces « gamins du fond de la classe » que Patrick, son chef d’équipe du centre de manutention où il travaille pour payer ses études, lui demande de ne pas oublier ; sur sa part de convictions politiques et éthiques qu’un membre du jury de l’ESPE questionne, laissant entendre que cela n’aide pas à enseigner ; sur ses lectures nombreuses en pédagogie, en sociologie, en psychologie qui l’aident à comprendre et qui, parfois, ne répondent pas aux questionnements que sa pratique de prof de SEGPA engendre. Car, en effet, Rachid Zerrouki ne cesse de chercher à comprendre ce que ses élèves peuvent bien receler d’obstacles divers aux apprentissages (et beaucoup d’auteurs cités nous sont familiers : Vygotski, Rancière, Freinet, Meirieu, Lahire, Freire, Bonnery, Pennac, Bourdieu, etc.). C’est cette mise en question permanente qui nous invite à discuter, à confronter cette expérience à la nôtre, à trouver dans les questionnements de ce jeune enseignant des pistes pour confirmer et/ou enrichir nos pratiques d’éducation nouvelle (exemple : « La différenciation ne doit pas céder à l’individualisation » p 247). Voilà bien un témoignage qui trouve votre lecteur actif ! Et puis, parfois il désespère, parfois il reprend espoir. Et puis, dans des moments pas toujours prévus, une grande lumière s’allume qui justifie, selon lui, le fait de ne jamais abandonner. Parmi les passages que je vous incite à lire, outre le chapitre « On peut mettre Nina Simone ? » (p 199 et suiv.), celui-ci, tiré du chapitre « Antigone et reprendre espoir », fait écho à notre pari du « Tous capables ! » : « J’ai entamé la séquence en disant à mes élèves qu’on allait travailler sur quelque chose de difficile mais que j’avais confiance en eux pour ne rien lâcher. On a étudié de véritables extraits de la version de Jean Anouilh, et même de celle de Sophocle. C’était effectivement difficile, mais j’ai senti chez beaucoup de mes élèves une forme de ténacité que je croyais perdue. Leur expliquer que même les classes générales n’étudiaient pas cette œuvre au collège avait engendré chez eux une envie de dépassement de soi. Il y a quelque chose du « vous allez voir ce dont je suis capable » dans leur regard. Antigone est leur victoire, leur insurrection par la littérature, leur revanche sur les moqueries et les humiliations, les livres qu’ils n’ont jamais lus et l’université qu’ils ne verront jamais. L’envie de montrer qu’ils ne sont pas si bêtes que les petites frappes qui leur manquent de respect a comme par magie étendu leur zone proximale de développement, et, au bout de la septième semaine, même si personne n’a saisi l’œuvre dans sa globalité et sa complexité, tous en ont compris quelque chose. » (p 257) Preuve en est la réplique que « Selma la Star » (une élève qui s’est présentée ainsi) balance devant toute la classe, en hurlant alors qu’elle hésitait encore à le dire quelques instants auparavant : « Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur, avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte ! On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent, et cette petite chance tous les jours, si on n’est pas trop exigeant, moi, je veux tout tout et tout de suite, et que ce soit entier ou je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite ou mourir ! » (p 260) On vous l’avait bien dit, les « incasables » ne sont pas des incapables ! Peut-être peuvent-elles et peuvent-ils devenir celles et ceux qui, en ne cessant de nous interroger sur nos pratiques, nous obligeront à concevoir autrement le rapport à l’éducation, le rapport à l’école, les rapports sociaux en général ? Pascal DIARD