Université d’été du GFEN -2015 20 août 2015 Jacqueline Bonnard L’EDUCATION, FERMENT DE LA DÉMOCRATIE Pratiques de savoir : les valeurs en jeu ******************************************** Du 6 au 8 juillet 2015, l’Université d’été du GFEN s’est tenue au collège Clairs soleils de Besançon. Implanté dans un domaine partiellement boisé de plus de 2 ha en lisière de la forêt de Chalezeule, ce collège s’ouvre sur le quartier du même nom entre l’entrée nord de la ville et la colline de Bregille. Dans cet environnement propice à la réflexion, les participants ont exploré lors des ateliers proposés l’articulation entre pratique(s) de savoir et valeurs en jeu. Ils ont été accueillis par Mme Viviane MAGIN-FEYSOT, Principale du collège. Mr Pierre MAGNIN FEYSOT, représentant Marie-Guite DUFAY présidente du Conseil Régional de Franche-Comté, a mis l’accent sur l’investissement de la région dans le cadre d’une démocratie participative afin d’accompagner au « tous capables ». Dans son discours d’ouverture, Jacques BERNARDIN, président du GFEN a rappelé que les événements dramatiques de janvier 2015 ont suscité une réflexion sur les enjeux de l’éducation et les effets néfastes de la déqualification : ce n’est pas par la leçon de morale qu’on devient démocrate mais par la pratique de la citoyenneté dans les apprentissages. « Des savoirs appris comme des catéchismes, deviennent croyances » Jour 1 : Impliquer et maintenir les apprenants dans l’activité. Philippe LAHIANI présente les ateliers proposés qui interrogeront les processus de mobilisation. C’est justement l’objet du projet présenté par des enseignants du collège Clairs soleils visant à « remettre en réussite » les élèves en décrochage : parcours sportif commun, travail sur la « dictée sans faute ». L’atelier est animé par Catherine MESNIER, principale-adjointe du collège. L’analyse du projet par les participants est suivie par l’organisation d’une réunion bilan sous la forme d’un jeu de rôle afin de mettre à distance enjeux et perspectives d’évolution sur cette action. Dans l’atelier « à l’origine des nombres », il s’agit de reconstruire la numération positionnelle pour comprendre ce qui fait obstacle à la compréhension de ce concept par les élèves. C’est en inventant des manières de compter que chacun s’inscrit dans cette invention collective pour comprendre ce que représente le zéro. Aussi facile que la mécanique quantique ? Catherine LEDRAPIER nous entraîne hors des cadres habituels de la physique classique, un milieu où deux systèmes en corrélation ne forment plus qu’un défiant ainsi le « réalisme local » cher à Einstein. De ce fait, la description indépendante de chacun d’entre eux devient impossible, toute mesure de l’un affectant l’autre et ce, quelle que soit la distance qui les sépare. Un bon sujet de débat philosophique car pour « penser quantique », il est nécessaire de changer de cadre de référence afin de penser discontinu : « Quelle est donc la texture de la réalité ? » La réflexion se poursuit l’après-midi sous une chaleur accablante, chacun recherchant la moindre zone de fraîcheur. Des sujets aussi divers que la préparation de la visite de l’exposition consacrée à « Germaine Tillion, les armes de l’esprit » au musée de la Résistance, le pas de côté pour porter un autre regard sur les objets du quotidien, éprouver le Désir d’écrire, écriture du désir ou encore entrer dans l’oeuvre du poète Mahmoud Darwich. Arrêtons-nous sur cet atelier animé par Pascal DIARD : commencer par découvrir le panorama dans lequel se construit une pensée (un territoire traversé d’influences diverses, histoire et résistance palestinienne, écrits identitaires entre le mythique et l’intime…) ; puis s’approprier collectivement un poème par la démarche du texte recréé avant de partager la lecture de textes choisis de l’auteur. Voyage initiatique aux saveurs et fragrances troublantes. «Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage. » Mais un parcours en errance où les mots dessinent les contours de paysages confisqués comme un rempart contre l’oubli. Dans les discussions sur les enjeux des pratiques, quelques principes retenus pour mobiliser les élèves : une approche socio-historique des savoirs, une approche collective des apprentissages, des situations complexes et l’installation de défis à surmonter. Après un apéritif d’accueil, Michel HUBER (Institut Henri Wallon) propose une lecture théâtrale « 1945-2015 : 70 ans après ». Avec une dizaine de participants, il nous transporte dans le huis clos du château de Sigmarigen, la résidence du gouvernement en exil du régime de Vichy à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les dernières heures des collaborationnistes où chacun tente de se projeter et sauver sa peau. Jour 2 : Analyser l’activité de l’éducateur et sa posture Dans son intervention, Odette BASSIS, présidente d’honneur du GFEN propose une approche systémique des processus vécus dans une démarche : les différents types d’activités vécues dans une «démarche d’auto-socio construction» de la saisie de la situation initiale jusqu’à la conceptualisation et les réinvestissements. Elle pointe les processus de conscientisation dans le va et vient entre chacun et les autres où interfèrent imaginaire et symbolique, notamment dans le langage et l’écriture. Elle montre en quoi se joue l’implication créatrice du sujet dans sa propre émancipation et ce qu’il se construit comme futur citoyen. Les ateliers qui suivent visent à analyser la conception des situations d’apprentissage et l’approche épistémologique des savoirs abordés qu’il s’agisse d’entrer dans la culture écrite à travers l’aventure des écritures, se pencher sur l’écriture de travail comme ressort pour les apprentissages , vivre une approche culturelle et anthropologique du savoir ou encore retrouver la culture technique d’origine dont chacun est porteur en participant à « Raconte-moi l’objet, il te dira qui tu es ». Entre vécu individuel et construction collective, à chaque fois l’écrit et l’échange oral alternent accompagnés avec bienveillance par les animateurs de chaque atelier. L’après-midi voit se poursuivre la réflexion sur le lien entre pratiques de transmission et travail intellectuel des apprenants en partant sur la célèbre démarche des allumettes, prendre connaissance de projets portant sur des devoirs au travail personnel de l’élève. L’institut Henri Wallon quant à lui interroge le couple théorie/pratique : comment sortir de l’impasse ? Michel HUBER et Hélène BELOU (IRTESS) nous proposent de construire un concept clé, celui des « opposés/solidaires » rejoignant en cela la pensée quantique abordée la veille avec Catherine LEDRAPIER. Peut-on dissocier théorie et pratique ? En s’appuyant sur l’exemple de l’enseignement du théorème de Thalès, les stagiaires identifient ce qui fait empêchement à la compréhension lorsqu’on assène un savoir comme vérité. Ils proposent des situations d’expérimentation ou manipulatoires (la pratique) permettant d’assoir la «théorie». Le concept d’opposé/solidaire permet un développement de la dialectique ; le passage de la pratique à la théorie relève de l’épismétisation quand celui de la théorie à la pratique relève de la pragmatisation. La journée se termine par un atelier d’écriture à la librairie Marulaz où chacun participe à une fresque évolutive à peine perturbée par la pluie intermittente. Jour 3 : Comprendre les valeurs véhiculées par les pratiques Pour aborder les valeurs véhiculées par les pratiques, nous avons le choix entre un travail sur Parents et enseignants, des rôles complémentaires pour la réussite de tous, une réflexion sur Quelle république à enseigner ? ou l’étude de documents d’époque pour approcher l’actualité du Conseil national de la Résistance. Pour cet atelier, rendez-vous au musée de la Résistance : au regard des lectures des textes à disposition, on perçoit l’esprit novateur des contenus proposés et en particulier en ce qui concerne le plan Langevin-Wallon (1947). Certaines de ces avancées ont été mises en oeuvre : gratuité de l’enseignement obligatoire, formation des enseignants, contrôle pédagogique des IPR, orientation scolaire ou médecine scolaire. D’autres ont peiné à s’installer comme l’accès à une culture technologique pour tous ou encore des contenus pertinents pour l’éducation morale et civique. Et l’on comprend pourquoi les tenants d’une économie libérale souhaitent en détricoter l’essentiel. Exposition au musée de la Résistance Etude du plan Langevin-Wallon Après la pause méridienne, place au débat public sur la thématique de l’université d’été avec des responsables associatifs (dont les parents d’élèves), politiques et syndicaux. Tous s’accordent à dire que l’éducation est un problème majeur et qu’il y a urgence à penser l’école autrement : un lieu plus juste et plus démocratique où les élèves pourraient faire l’exercice de la citoyenneté en situation réelle et non en endossant des rôles dont les attributions sont le plus souvent des coquilles vides (exemple : délégués de classe). Ce qui amène Eirick PRAIRAT, professeur à l’université de Lorraine à proposer dans son intervention « le pari déontologique » aux professionnels de l’éducation. Pour lui, c’est une perspective souhaitable. La déontologie professionnelle remplit trois fonctions : une fonction identitaire, une fonction d’aide et d’organisation, une fonction de moralisation. Appliquée au monde enseignant, elle permettrait de réaffirmer la cohésion du corps enseignant, apporter une garantie judiciaire, réarticuler statut et compétence, revitaliser la relation école/parents. Il s’agirait de principes généraux définissant le métier d’enseigner et les valeurs qui doivent animer le professionnel qui s’y engage : l’activité d’enseignement, les relations et obligations envers les élèves, envers les pairs, les relations avec les parents… Sans être un carcan, le régime déontologique permettrait de substituer à la gestion disciplinaire des écarts et des manquements une perspective éthique avec le souci de « bien-faire ». Eirick PRAIRAT soutient qu’il faut « oser la déontologie pour éviter la judiciarisation des rapports entre les professionnels de l’éducation et les usagers ». Jacques BERNARDIN et Philippe LAHIANI proposent la clôture des travaux en remerciant tous les participants et rappelant les initiatives d’été du GFEN ainsi que le programme de rentrée du groupe local de Franche-Comté. Jacqueline Bonnard Photos : Isabelle Lardon
Co-éducation : quelle place de l’éducateur ? 28 juin 2015 Jacqueline Bonnard Journée départementale dans le cadre du PAQEJ * DDCSP Service Jeunesse et Sports, CAF ,PEP 28 Vendredi 19 juin 2015 – Chartres Dans le cadre du PAQEJ d’Eure et Loir relevant de la Politique de la Ville, le GFEN 28 a été invité à participer à la journée de formation sur le thème de la Coéducation et la place de l’animateur à la demande de la DDCSPP Service Jeunesse et Sports, la CAF et les PEP 28. Le déroulé de la journée L’intervention d’ouverture : La coéducation, la place de l’animateur dans la coéducation Partant des spécificités des différents espaces éducatifs dans lesquels l’enfant évolue : famille, école, activités périscolaires, Jacques Bernardin s’attarde sur l’apport singulier de chacun dans ce qui fonde l’identité sociale. Le cloisonnement de ces espaces a des avantages et des limites : l’école ignorant le « hors l’école », des espaces de liberté s’offrent à l’enfant qui peut s’exercer à « être quelqu’un d’autre » lors d’expériences non scolaires mais valorisantes : théâtre, de la vidéo, du cheval ou du cirque par exemple. Mais il a aussi des limites car l’ignorance mutuelle peut entraver la complémentarité des actions et les apports positifs qu’elles peuvent avoir sur la construction de l’individu. Le nouveau cadre institutionnel lié à ce qu’il est convenu d’appeler la ‘réforme des rythmes’ (PEDT) impose de s’interroger sur le positionnement de l’animateur, les caractéristiques de sa place et de son action. Lire l’intervention de Jacques Bernardin. L’intervention de synthèse : Un nouveau positionnement de l’éducateur Une situation qui se caractérise de la façon suivante : une légitimité à conquérir auprès des parents et des enseignants, l’opportunité d’un nouvel espace à s’approprier et valoriser, un pôle d’observation inédit de l’enfant. Les spécificités du terrain de l’animateur offrent des ouvertures intéressantes où l’enfant peut s’essayer à créer, jouer, concevoir, réaliser, présenter… avec l’objectif de réussir. Pour aider au développement de l’enfant, à son autonomie et son émancipation, l’animateur intervient sur le champ culturel, identitaire, langagier, de la socialisation. En interaction avec les autres partenaires, il contribue à la connaissance de l’enfant et de son développement dans le cadre de son action dans une perspective dynamique où chacun dans l’espace qu’il occupe renforce sa professionnalité et contribue à faire évoluer les réponses éducatives. lire * Plan départemental autour des questions portant sur l’enfance et la jeunesse
Université d’été du GFEN, 6-8 juillet, Besançon. « L’Éducation ferment de la démocratie. Pratique(s) de savoir : les valeurs en jeu… » 15 juin 2015 Valérie Pinton UNIVERSITE D’ETE DU GFEN « L’Éducation ferment de la démocratie. Pratique(s) de savoir : les valeurs en jeu… » 6-7-8 juillet 2015 Besançon L’école est le terrain d’essai de la citoyenneté. À travers 25 ateliers animés par des militants du GFEN, 2 interventions d’Odette Bassis et Eirick Prairat, des réflexions par groupes et un débat public, l’université propose de questionner savoirs et émancipation, pratiques et valeurs, travail et déontologie. Lire le compte-rendu Programme de l’université Présentation des ateliers et des interventions L’affiche Nous sommes convaincus que l’homme ne naît pas « démocrate » ni solidaire, il le devient. Pas de génération spontanée mais des processus, qui font de toute situation d’éducation et de formation autant de chemins de conditionnement, de mise en soumission aveugle ou bien d’émancipation. « Tous capables ! » affirmons-nous, pari audacieux sur les capacités de l’humain à s’émanciper de sa condition et des fatalités intériorisées. Loin de n’être que spéculation utopique, notre expérience plurielle en témoigne, notamment sur des terrains réputés difficiles : éducation prioritaire, classes spécialisées, dispositifs relais, quartiers… Le prix de l’échec scolaire, outre ses conséquences sur l’avenir professionnel, est élevé pour les individus comme pour la société : perte de l’estime de soi, sentiments d’incapacité personnelle et de disqualification symbolique qui amènent à l’inhibition, au renfermement, mais aussi au ressentiment et à la violence contre soi ou les autres. Faute de socialisation satisfaisante, l’individu — en mal d’appartenance, d’inscription dans un collectif solidaire lui faisant place — devient une proie facile pour toutes les manipulations et monstruosités. Celui-ci n’a pas suffisamment fait l’expérience du débat, de la confrontation d’idées, de l’épreuve de la raison, d’une réflexion certes exigeante mais finalement jubilatoire et intellectuellement émancipatrice. Comprendre, c’est élargir sa maîtrise du réel et renforcer la confiance en ses propres capacités. Comprendre ensemble, c’est s’inscrire dans un collectif porteur de progrès, structurant et sécurisant. La société, par l’intermédiaire de son école, cherche à perpétuer le lien social auprès des jeunes générations, en transmettant les acquis du passé et en éduquant aux valeurs communes. Autrement dit, la scène scolaire est le terrain d’essai de la citoyenneté. Au-delà des discours, de quels principes relèvent les pratiques au quotidien des classes : appel au conformisme et à la soumission ou à la créativité et à la liberté de pensée ? Imposition dogmatique des règles et contenus ou incitation à la recherche et au débat ? Compétition ou coopération ? Sélection ou promotion collective ? C’est dire la responsabilité des éducateurs… *** A l’occasion de sa panthéonisation, le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon met en lumière le parcours de Germaine Tillion à travers deux expositions. Lors de l’Université, le GFEN proposera un atelier « Préparer une visite d’exposition : « Germaine Tillion, les armes de l’esprit » » le lundi après-midi.
Ces enfants de familles populaires qui « s’autorisent » à réussir 14 mai 2015 Jacqueline Bonnard Programme de réussite éducative – Ville de Lucé (28) Vendredi 10 avril 2015 – Centre Culturel E. Desouches Présentation Mis en place en 2008 à Lucé le PRE, volet « éducation » du Contrat de Ville, s’adresse annuellement à 140 enfants et adolescents, de la maternelle au collège. Chaque année une journée de formation sur un thème spécifique (inter culturalité, parentalité, métamorphose de la parenté, etc.) est proposée à tous les acteurs du PRE : régie de quartier, éducateur de la prévention et de l’Institut Médico-Éducatif, assistantes sociales et professionnel-les de la santé, personnels PMI, animateurs-trices du Point Info Familles, des Pupilles de l’Enseignement Public, des associations locales, personnels du conservatoire de musique et de la médiathèque, enseignants d’écoles maternelles et élémentaires, de collèges et de SEGPA, RASED, représentants d’institutions : Caisse d’Allocation Familiale, Direction Générale de l’Action sociale, Centre Ressources Informations, Relais Assistantes Maternelles, Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports… Pour cette année 2015 le Groupe Français d’Éducation Nouvelle d’Eure-et-Loir a été sollicité pour préparer et animer une journée intitulée « Ces enfants de familles populaires qui «s’autorisent» à réussir » le 10 avril 2015. Un objectif central : prendre appui sur la richesse de l’expérience professionnelle des différents acteurs pour qu’ils se connaissent mieux et se reconnaissent, conditions pour construire ensemble une dynamique éducative au service du développement des enfants et des jeunes. Mise en oeuvre Cette initiative de la coordinatrice du PRE de Lucé, Marie-Hélèna L. B., a réuni cette année 74 acteurs du PRE : personnels municipaux et régie de quartier, Centre social et assistante sociale, psychologues, infirmières, responsables CCAS, Structure Petite Enfance, CRIA 28, ADPEP, RAM, DDJS, CAF, éducateurs-trices du service de prévention spécialisée, animatrices d’associations, enseignants des collèges des Petits Sentiers et Edouard Herriot de Lucé, enseignants et formateurs du premier degré, militants du GFEN. Introduction Jacques Bernardin (GFEN 28) Le choix du thème Le titre de cette journée, tel que formulé, perturbe et donne à penser. En quoi est-il judicieux ? Les difficultés scolaires ne cessent de se creuser, révélées par les évaluations nationales comme internationales, et sont toujours corrélées à l’origine sociale des élèves. Cette réalité finit, qu’on le veuille ou non, par peser sur nos catégories de pensée, jusqu’à prendre valeur de prédiction : « Dis-moi où tu es né, je te prédirai ton avenir». Cette proposition de titre apparaît assez « insolente » à l’égard de ce « prêt-à-penser », interpelle la sociologie abrupte qui l’inspire. Le thème qui nous réunit aujourd’hui invite en effet à échapper aux visions mécanistes et simplistes qui peuvent (à notre insu) brider notre action, écorner nos aspirations, raboter l’horizon des possibilités… Autrement dit, cette rencontre a pour ambition de nous outiller, sur le plan des idées comme des pratiques, afin de lutter contre les visions fatalistes : – des familles, aux espoirs fréquemment contraints par l’expérience sociale incorporée (« faut pas rêver, c’est pas pour nous » entend-on souvent, formule témoignant d’une lucidité amenant à s’interdire de penser l’avenir de ses enfants au-delà de ce qui est la « loi commune ») ; – des élèves, qui partagent cette vision et s’interdisent d’y échapper et/ou qui, confrontés aux épreuves des apprentissages, finissent par renoncer, intériorisent le sentiment d’incapacité personnelle (« je suis nul ») ; auto alimentent leur disqualification scolaire (« je rejette ce qui me rejette ») ; ou limitent leurs aspirations (l’avenir pensé moins en termes d’accès à une profession que d’espoir d’un « boulot », d' »un bon métier dans les mains ») ; – des éducateurs (dans comme hors l’école) qui, confrontés à des histoires individuelles et familiales témoignant de la fréquence d’une reproduction des destinées, finissent par eux-mêmes l’intérioriser comme mécanique inéluctable, surplombant la scène éducative et surdéterminant la portée de leur action. Les uns et les autres, nous sommes concernés par le phénomène d‘ »intériorisation subjective de probabilités objectives », pour reprendre les termes du sociologue Pierre Bourdieu, qui amène chacun à perpétuer inconsciemment ce que sa conscience refuse. Comment y échapper ? D’abord, en prenant acte des limites attestées de la reproduction. Non, il n’y a pas d’effet systématique des conditions de vie sur le devenir humain. Bien des gens échappent à leur destin, faisant dérailler les logiques fatalistes. Encore faut-il examiner de plus près les éléments agissants, les contextes et facteurs contribuant à déjouer les prédictions, à élargir l’horizon, à stimuler la construction identitaire, à émanciper des déterminismes. C’est tout l’enjeu de cette journée, dont les modalités ont été élaborées avec les différents partenaires, avec cette proposition : – s’arrêter sur des histoires singulières, tenter d’identifier ce qui pourrait expliquer ces parcours atypiques ; – échanger nos expériences, nos points de vue, formaliser des points-clés ; – sans s’interdire de convoquer des travaux de recherche menés à ce propos. Parmi ceux-ci, en guise d’introduction de nos travaux, les recherches sur le rapport à l’école et au savoir, conduites de la maternelle au lycée depuis plus de 20 ans, s’attachant à comprendre les processus qui amènent à réussir ou à échouer à l’école. Le rapport au savoir Cette notion émerge dès les années 80 (1982 : Quelles pratiques pour une autre école ? GFEN (coll.), avec la contribution de Bernard Charlot : « Je serai ouvrier comme papa, alors à quoi ça me sert d’apprendre ? »). Les recherches se développent depuis les années 90 à l’université Paris 8 (1992 : École et savoir dans les banlieues et ailleurs, A. Colin). La problématique : étudier les angles morts de la sociologie critique des années 70-80, théories de la reproduction ou du handicap socioculturel qui sont insuffisantes pour rendre compte de la façon dont se fabriquent les destins scolaires au fil du quotidien scolaire, et notamment pour expliquer les cas atypiques d’élèves de milieux populaires qui réussissent à l’école (et parfois brillamment) et de ceux qui, à l’inverse, échouent bien qu’ayant apparemment tout – sur le plan de leur environnement social et culturel – pour réussir. Les recherches initiales se mènent sur des terrains socialement et scolairement contrastées, auprès de collégiens de Saint-Denis / La Courneuve (établissements en zone d’éducation prioritaire) d’une part, de Massy-Palaiseau (classes de germanistes) d’autre part. Elles s’attachent à identifier ce qui « fait la différence » en matière de scolarité : – le sens que les élèves donnent à leur présence à l’école et aux contenus enseignés ; – leurs postures et manières de faire face aux apprentissages. On va ainsi repérer, d’abord au niveau du collège, puis aux autres niveaux de la scolarité (maternelle, élémentaire, lycée.. et y compris supérieur) des invariants différenciateurs distinguant les élèves en réussite de ceux rencontrent des difficultés, invariants qui valent quelle que soit l’origine sociale. Pour accéder à l’univers mental des élèves confrontés aux exigences scolaires, pour « ouvrir la boîte noire » et saisir ce qui échappe à l’observation classique, deux questions s’avèrent déterminantes : – Pourquoi apprendre ? (Quelles sont leurs raisons d’investir la scolarité ?) – Comment faut-il faire ? (Quels moyens pensent-ils devoir mettre en place ?) Pour concrétiser le propos, nous prendrons appui sur les réponses d’élèves d’Eure-et-Loir, les uns d’une classe de CE2, les autres de classes de 5è, 4è et 3è d’un collège bien connu ( !). > Diaporama sur le sens que des élèves d’élémentaire et de collège donnent à leur scolarité, leur rapport au savoir et leur conception de l’apprentissage. Quels éléments différenciateurs entre les élèves qui investissent avec réussite leur scolarité et ceux qui « décrochent » petit à petit ? Bien d’autres éléments contribuent à la « bifurcation » des destinées. Par groupes, nous allons essayer d’en identifier les ressorts. Les animateurs sont chargés d’amorcer les échanges, en témoignant d’un ou deux cas, ouvrant ensuite à l’expérience de chacun des participants (qu’ils soient témoins ou acteurs de telles dynamiques singulières) : Des personnes qui échappent à leur destin, chacun en connaît ou en a connu. Comment expliquer ces réussites paradoxales ? Comptes-rendus des groupes I/ Groupe animé par François C. (Ex. Conseiller pédagogique de Circonscription, acteur historique du PRE de Lucé) lire II/ Groupe animé par Pascal B. (Principal de Collège – Lucé) lire III/ Groupe animé par Isabelle F. (Conseillère d’orientation Psychologue ? CIO de Chartres) lire IV/ Groupe animé par Ilham S. (Educatrice Prévention Spécialisée de l’ADSEA 28) lire V/ Groupe animé par Hamid A. (Educateur Prévention Spécialisée de l’ADSEA 28) lire Récapitulation synthétique Jacques BERNARDIN, GFEN 28 L’ensemble des rapports a convergé sur de nombreux points, récapitulés de façon synthétique ci-dessous, sans que cela épuise la richesse des exemples qui les ont inspirés et des développements auxquels ceux-ci ont donné lieu dans chacun des groupes. Parmi les éléments de contexte La mixité sociale et scolaire – sortir de son quartier – un changement de lieu, un nouvel espace (ex. scolarisation dans un autre établissement) Le travail avec les parents – sur le sens de l’école, des apprentissages (peut changer le regard porté sur l’école) – sur le type d’aide qu’il est possible d’apporter à l’enfant Les ruptures – de contexte (voir ci-dessus) – la réussite étonnante, réelle (qui redonne confiance en soi) L’appui d’un réseau éducatif – l’importance de croiser les regards des divers professionnels – la complémentarité des rôles des diverses institutions – travailler à la cohérence des messages Ce qui se joue dans la relation Le regard sur l’autre – installer la confiance réciproque – importance d’attentes positives (image de l’enfant et projections) : appui sur le positif ; éviter les étiquettes, la comparaison avec les aînés, le jugement de l’enfant, de sa famille. L’autorisation symbolique à réussir (triple autorisation Cf. Jean-Yves Rochex)) : – l’autorisation que la famille adresse à l’enfant d’investir l’école, d’y réussir ; – celle que l’enfant s’adresse à lui-même d’être différent de ses parents ; – celle qu’il adresse à ses parents d’être ce qu’ils sont, sans dévalorisation. (signalons la réussite atypique des filles, qui investissent l’école pour « s’en sortir », s’émanciper) Ce qui fait / va faire référence (expérience, événement, personne rencontrée) – la rencontre opportune (avec une personne, un enseignant qui marque) – l’identification à des adultes ou à des pairs (modèles de référence pour se construire) Des éléments favorables – l’exigence (qui incite à aller plus loin) – le cadre (sécurisant parce que structuré, donc structurant) – la sécurité affective.
L’écriture, éducation prioritaire 22 avril 2015 Jacqueline Bonnard 8èmes Rencontres nationales de Saint Denis 11 avril 2015 ******************************************** L’écriture, éducation prioritaire, une problématique d’actualité quand on constate que bon nombre d?élèves se refusent à l’utiliser pour travailler leur pensée, écrivent comme ils parlent. Outil de discrimination, la maîtrise de l’écriture devient un enjeu de société sur fond de réforme du collège, publication des nouveaux programmes scolaires. Ces Rencontres auront permis à de nombreux enseignants et étudiants de croiser leurs points de vue avec des chercheurs, des formateurs mais également des représentants de collectivités territoriales pour envisager des solutions alternatives aux difficultés récurrentes dans ce domaine. L’accueil des participants aux Rencontres est fait par David Proult, adjoint au Maire de Saint Denis qui rappelle combien le sujet de l’écriture est sensible dans un département où bon nombre de classes n’ont pas d’enseignants. Il relate le combat des parents d’élèves et leur Ministère des bonnets d’âne pour alerter la Ministre afin que cessent les inégalités territoriales en matière de recrutement des enseignants. Jacques Bernardin, président du GFEN, présente les enjeux de cette journée. L’écriture est un outil de développement pour l’individu et il y a nécessité d’identifier ce qui peut faire obstacle à sa maîtrise pour promouvoir des solutions alternatives. « La démocratisation est à l’ordre du jour mais tarde à se mettre en place ». Il dresse un rapide état des lieux en s’appuyant sur des paroles de professeurs exerçant dans différents degrés d’enseignement. Partout le même constat : posture d’évitement, «des élèves qui ne se relisent pas» «qui ont tendance à écrire comme ils parlent» et n’ont pas la perception des contraintes inhérentes à l’écrit. Il s’agit d’une écriture auto centrée sans conscience du contexte. Une enquête révèle que 87% des élèves pensent que « bien écrire » c’est dire ce qu’on pense plus qu’élaborer sa pensée. Dans ce cas, le brouillon est-il utile ? Il sert juste à mettre au propre et ne pas faire de fautes d’orthographe. Cette conception de l’écriture va à l’encontre de la fonction de l’écrit de travail qui «permet la rumination constructive propice à l’examen critique» (Jacques Goody). Ce rapport à l’écriture serait-il un effet des pratiques scolaires ? Selon le rapport de l’Inspection Générale de 2013 du cycle 2 au cycle 3, les élèves ont du mal à se situer et «les productions individuelles ne font pas l’objet de reprise ». De manière générale, on constate une prévalence des pratiques de reproduction plus que de production et ce que vivent les élèves c’est une prévalence de pratiques scolaro-centrées, sans lien avec les pratiques sociales de référence. La fonction de l’écriture est centrée sur le contrôle à l?image de cette remarque d’élève : « on m’a beaucoup corrigé mais on m’a peu répondu ». Dominique Bucheton : Refonder l’enseignement de l’écriture, une priorité. Dominique Bucheton affirme qu’on ne peut pas faire avancer l’école sans les enseignants d’une part, sans une articulation avec les laboratoires de recherche d’autre part. Il existe dans l’éducation nationale un réservoir de savoirs élaborés par les enseignants à valoriser. Pour exemple, deux vidéos : l’une au CP (on se situe au mois d’octobre), l’autre en classe de 3ème en zone d’éducation prioritaire. Les élèves de CP apprennent à lire en écrivant quand les collégiens transposent une nouvelle de Maupassant en dialogue. Mais ce qui est commun à ces deux situations réside dans la posture bienveillante des enseignantes qui accompagnent l’écriture de chacun avec une attention extrême, en s’appuyant sur des gestes de tissage. Car écrire c’est d’abord faire l’expérience de l’écriture et pas uniquement en connaître les règles et les normes. Les enseignantes présentées ici ont conscience des objets didactiques mis en travail : ils sont très ciblés et les gestes d’étude maîtrisés. Pour les élèves du CP, il s’agit du type d’écrit, du rapport phonème/graphème, du statut de l’écrit de travail. Pour la classe de 3ème, on s’essaie au dialogue en adoptant différents points de vue à partir de la nouvelle étudiée : « Boule de Suif ». Ecrire devient alors un projet collectif où chacun prend sa place parce que les erreurs des uns éclairent les autres. Ce statut de l’erreur pousse à revenir sur l’écrit, se poser des questions, résoudre des problèmes. Dominique Bucheton propose ensuite deux textes d’élèves de CM1 qui montrent des rapports à l’écriture très différents. «Si l’on apprend à parler dans la famille, c’est bien à l’école que l’écriture s’apprend». Les enseignants ont un formidable pouvoir d’agir sur cet apprentissage, mais les bonnes intentions ne suffisent pas : il faut travailler sur une révolution des pratiques enseignantes. Les instructions de 2008 ont généré les difficultés accentuées par les disparités entre écoles et enseignants en fonction des territoires. S’ajoute à cela un très faible niveau d’exigence institutionnelle et l’absence d’une formation professionnelle adaptée aux besoins. Dans ce contexte, les jeunes enseignants «suivent le livre» ; les élèves font des exercices répétitifs et les écrits de travail (cahier de brouillon) ont disparu. L’écriture instrument du travail à l’école ? Oui, mais cela demande que les élèves parlent. Que l’élève parle, lise, écrive seul et avec ses pairs pour penser, apprendre et se construire. Ce qui suppose que le professeur se taise pour leur laisser la parole. Mais cela ne s’improvise pas et nécessite l’appropriation de gestes professionnels adaptés. Ecrire est une résolution complexe de problèmes multiples : ça s’enseigne, ça s’accompagne. La langue écrite est polymorphe et dispose d’un grand pouvoir de variation, un monde qualifié de « barbapapa » par Dominique Bucheton. Mais qui enseigne cela ? Où ? Comment ? Que peut-on évaluer ? Il faut bouger sans arrêt, faire circuler des habiletés cognitives pour faire varier les écritures. Chacun doit pouvoir garder trace de cette activité intellectuelle grâce au cahier de travail soigneusement daté pour aider l’élève en difficulté à sortir des postures première (imbrication) et scolaire (se conformer au prescrit) en prenant conscience de son potentiel et de son parcours. Grâce au travail de réécriture, le texte s’épaissit et conjointement il y a développement de l’individu sur un plan cognitif, langagier et sur les processus subjectifs ou identitaires. Ecrire beaucoup, souvent, longtemps car il y a dans le processus narratif une construction de la temporalité et du tissage, «en prenant de la distance sur les choses on va chercher d’autres mots, d’autres formes textuelles, on se construit comme sujet écrivant.» Laissons le temps au temps : entre chaque réécriture l’enseignant aura lu d’autres textes, apporté des éléments de culture que l’élève pourra intégrer dans ses écrits. On sous-estime souvent le potentiel des élèves en écriture car rares sont les situations où on leur propose d’entrer en écriture sur des sujets compliqués et qui les intéressent réellement. C’est toute la question du sens à écrire qui est posée. Quelques préconisations pour faire avancer les choses : – Renouer avec le partage des ressources pédagogiques et didactiques dans les revues professionnelles, didactiques ; – Faire écrire très tôt, souvent et longuement ; – Articuler lecture, écriture, oral lors des écrits et oraux intermédiaires (tissage) ; – Privilégier l’accompagnement de proximité en instituant les moments d’écriture en petits effectifs pour favoriser les interactions entre élèves, entre chaque élève et l’enseignant – Faire un retour structuré sur la langue mais en contexte ; – S’appuyer sur l’hétérogénéité pour Tirer bénéfice des différences. » Dominique Bucheton nous invite donc à sortir du carcan des habitudes et des gestes professionnels stériles. «Osez !» lance-t-elle pour conclure en indiquant que cette injonction accompagne son dernier du livre «Refonder l’enseignement de l’écriture» (éditions Retz-2014) qui capitalise tous les travaux et études sur ces questions au cours de ces dernières années. Six ateliers le matin Entre «poésure et peintrie» où l’on travaille cette étrange complicité entre langage poétique et langage plastique ou «Maupassant et moi»pour interroger la construction du sujet lecteur ou «entrer dans la culture écrite à travers l’aventure des écritures» pour une vision anthropologique de l?entrée dans l’écrit, il est difficile de choisir. Il était possible également d’écrire en philosophie en partant d’une énigme pour faciliter la réflexion ou de suivre «les projets d’écriture à l’initiative des collectivités» pour croiser différents témoignages, expériences et regards à partir d’expériences menées sur le temps scolaire mais aussi hors de ce temps, par des enseignants, par des artistes ou des animateurs. Ecrire en toutes disciplines. Pour quels apprentissages ? Arrêtons-nous sur la proposition de Bruno Hautin. Les programmes insistent sur la «maîtrise de l’écrit» mais par quels moyens peut-on faire accéder tous les élèves à cette maîtrise qui passe par l’exercice de la pensée et la prise de distance sur les questions vives qui traversent une société. Citons les propos de Dominique Bucheton : «on entre en écriture lorsqu’on a quelque chose à dire et que c’est compliqué…». Pour ou contre l’esclavage ? Voilà la question posée aux élèves de cycle 3. Non pas à brûle pourpoint mais en se plongeant dans le contexte du 19ème siècle, textes d’époque à l’appui pour préparer un argumentaire à l’attention de Victor Schoelcher lors d’une commission parlementaire devant statuer sur la poursuite ou l’abolition de l’esclavage. On se situe en 1848 et les positions sont tranchées. La salle se scinde en deux camps opposés ; chaque camp dispose de textes différents proposant des éléments pour construire une argumentation écrite. Tout le monde aurait sans doute préféré se situer dans les « contre » mais pris au jeu de la déconstruction du discours, la joute s’organise lorsque l’animateur annonce la constitution de l’assemblée et l’ouverture de la commission parlementaire. Les arguments économiques, religieux, ethniques s’entrechoquent et les orateurs portent haut leurs convictions. Au-delà de l’aspect jubilatoire de l’exercice oral, on ne peut s’empêcher de relier la situation à des problématiques actuelles : l’acceptation de l’autre, le racisme, l’égalité, droits et devoirs… Mes ces textes d’époque, n’est-ce pas trop difficile pour des CM1-CM2? Bruno Hautin affirme qu‘il faut étudier des textes de grands auteurs dès l’école primaire. Les élèves ne comprennent pas forcément tout, ils retiennent ce qu’ils peuvent, l’important est le contact avec ces textes. Faisons un pas de côté par l’étude d’une caricature du 18ème siècle. Les élèves relatent par écrit ce qu’ils repèrent de l’image. C’est un premier jet que l’enseignant met de côté. Certains élèves restent dans le factuel quand d’autres extraient déjà le contexte historique. Dans un second temps, le texte est réécrit puis lu à haute voix pour permettre un travail sur la forme, préciser le lexique afin d’alimenter le capital commun dans lequel chacun peut puiser pour étoffer sa production car c’est un principe défendu par Bruno Hautin que le droit de co-pillage. A l’issue de 5 réécritures, les élèves comparent le résultat obtenu avec le premier jet et mesurent le chemin parcouru et les progrès réalisés. Pour s’assurer des acquisitions, une évaluation est faite un mois plus tard sur une autre gravure. L’enseignant constate que les élèves intègrent la démarche historique et décodent les symboles associés aux événements représentés. Progressivement, mis en confiance par l’apport du collectif, ils créent leur propre esprit critique en «pensant, le stylo à la main» selon la formule de Dominique Bucheton lorsqu’elle parle de refonder l’enseignement de l’écriture. Pour Bruno Hautin, il ne fait aucun doute que cette démarche est valable dans n’importe quelle discipline et qu’elle est porteuse du sens à apprendre à penser. Bernard Devanne : Apprendre à lire en écrivant Dans un premier temps, il revient sur les différences constatées dès la maternelle entre les enfants qui se sont construit des références culturelles leur permettant d’entrer facilement dans l’écrit quand d’autres n’ont pas cette connivence avec les codes de lecture et d’écriture. La mission de l’école est donc d’organiser pour ces derniers «des médiations de même ordre que celles mises en place dans les familles à l’aise avec ces codes. C’est un environnement culturel riche qu’il convient d’installer qui va bien au-delà du seul livre : écoute musicale de Jazz, arts visuels, chorégraphie, poésie… Les pratiques d’écriture s’enracinent «dans une culture vivante, interactive, quotidienne pour tous les enfants» si l’on veut qu’ils se construisent comme sujets culturels. Cela demande du temps et un espace pour s’y consacrer : organiser des situations porteuses de réussite en travaillant la culture de la langue écrite. Donner de la place au livre non dans un «coin livres» mais dans un espace vivant à l’aide de situations interpelantes. A titre d’exemple : à partir d’une lecture, choisir des livres qui font écho. A ce moment-là, se met place une construction verbale et de véritables échanges sur la culture écrite. Apprendre à lire en écrivant Entre apprendre à lire et apprendre à parler il existe une rupture épistémologique. L?enfant qui apprend à lire est récepteur alors qu’il est producteur lorsqu’il apprend à parler. Pourtant il y a deux versants pour chaque apprentissage. Quand l’enfant parle, il construit aussi «l’entendement», c’est-à-dire sa capacité à se représenter le langage. Il a besoin de mots pour dire les choses et les modes opératoires qu’il teste et ce faisant il construit «ses usages de la langue orale ». Pour la lecture, le pendant est « l’écrire », la mise en dynamique de la lecture. Mais cela n’a rien de naturel, il faut donc que ce soit d’autant plus culturel. C’est à l’école de former des sujets de langue écrite. S’appuyant sur des vidéos, il montre des enfants ayant le désir d’aller vers des tables sur lesquelles papier et crayons sont à disposition, produisant des écrits spontanés sans se lasser. Pour Bernard Devanne, l’entrée en écriture s’appuie sur de multiples entrées : des lectures magistrales, des fictions, des poèmes, des documentaires, des échanges entre élèves sur leurs techniques. C’est à l’écoute des autres que l’élève est conduit à modifier ses écrits. Et même si évidemment, en apprenant à écrire l’élève se construit la maîtrise du code, c’est surtout l’occasion de découvrir et structurer des horizons d’attente complexe en fonction des types de texte car «chacun d?entre eux s’écrit à sa manière, chaque énoncé se conduit d’une façon particulière qui lui est propre». Six ateliers l’après-midi L’occasion pour certains de poursuivre la réflexion initiée par Bernard Devanne dans son atelier «écrire depuis la maternelle» où des propositions de situations d’écriture ont été proposées illustrées par quelques vidéos de classe. On pouvait tout aussi bien s’interroger sur la pertinence de l’atelier d’écriture en CP-CE1 ou découvrir une expérience menée au CP pour mettre l’orthographe au service de la lecture et l’écriture. A Échirolles : quand l’écriture habite la ville, cela permet d’aller rencontrer l’autre et se découvrir soi-même lorsque la recréation de texte ouvre les portes du possible dans un élan collectif visant à entrer dans les pas de l’écrivain au moment où il choisit ses mots. (parole d’un participant à cet atelier) Dans l’atelier « calligraphie et arts martiaux : De l’épée au pinceau » : dépaysement garanti ! Jessika Picarle enseigne le chinois et nous invite à pénétrer dans l’univers des maîtres de la calligraphie, dans un système d’écriture unique où l’esthétisme se mêle à la rigueur. Entre l’art de la guerre et l’art de l’écriture qu’y aurait-il de commun ? Chaque participant tire au sort une consigne ayant un rapport avec la pratique des arts martiaux et prend quelques minutes pour y réfléchir mais sans communiquer. Deux groupes sont constitués qui élaborent une affiche regroupant les mots émis à partir de la consigne : discipline, apprentissage, éthique, esthétique, rigueur… Après l’échange qui a suivi, chacun se voit attribuer une feuille de route pour noter ses impressions et les étapes par lesquelles il est passé au cours de l’atelier. Vient une citation : « Le papier est la position, le pinceau est le fourreau de l’épée, l’encre est la cuirasse, la pierre à encre représente les remparts et fossés de la ville » (Wang Xizhi IVème siècle après J.C.) Univers étrange où le paradoxe semble être la clé : papier/position, pinceau/épée, encre/cuirasse. La pierre à encre, c’est quoi ? L’esprit vagabonde, d’autant que l’extrait du film « Hero » nous transporte deux mille ans en arrière au temps de la Chine antique lors de la «Période des Etats Guerriers» durant laquelle la Chine actuelle était divisée en sept royaumes qui se disputaient le territoire : mouvement de sabre rapide et précis comme la trace laissée sur le papier de riz. On complète les affiches avant de passer à l’écriture de la calligraphie La calligraphie est un art de vie, sinon un art de vivre… Mais auparavant, il faut s’y essayer. Le matériel est là : pinceaux, encre de Chine à l’odeur camphrée, papier de riz, pierre à encre (les quatre trésors du Lettré). Les modèles, signes étranges à reproduire dont la signification nous échappe mais que chacun s’applique à dessiner quand d’autres comme François Cheng font du signe une oeuvre d’art. Il nous faut à nouveau faire un pas de côté pour associer les calligraphies de François Cheng avec les caractères correspondant. Pour lui, le trait d’encre est l’aboutissement d’un mouvement de tout le corps et « tout se joue à partir des pieds », rien à voir avec une position statique où la main seule serait en mouvement. Dans l’analyse qui a suivi, il a été souligné que l’étrangeté oblige à l’échange. Il y a dans la calligraphie une articulation entre geste, pensée et verbalisation et même si certains codes nous sont étrangers, on perçoit la sagesse qui y est associée : «Le coeur en paix, le souffle en harmonie, se recentrer sur soi pour être avec les autres». Michel Neumayer et Stephanie Fouquet : Les enjeux aujourd’hui des pratiques d’écriture dans et hors l’école. Les deux intervenants ont une pratique des ateliers d’écriture qu’ils se déroulent dans le cadre professionnel, dans l’école ou dans le cadre associatif. Quels apports de ces ateliers dans la conquête de l’écriture ? En transformant le rapport à l’écriture, en interrogeant des pratiques de création, ils permettent de créer une posture de sujet écrivant. Les ateliers d’écriture participent à des collectifs artistiques pour oraliser les textes travaillés. Quand on les propose à des enfants on voit chez eux le désir d’écrire et de lire. Quelques enjeux déterminants pour la pratique de l’écriture Une écriture à inventer qui bouscule les usages de la langue. Au départ, il faut convenir d’une part d’étonnement face à ce qui se construit, accueillir toutes les petites trouvailles et étrangetés et sortir de la logique du manque. Cet étonnement permet de donner du sens et mobilise sur le projet d’écriture. Peu à peu l’écriture évolue et s’invente, l’enjeu étant d’en comprendre les normes afin d’être lisible par d’autres. Une écriture à inventer qui bouscule le rapport au savoir. A partir d’un énoncé, on peut tirer des représentations diverses, rencontrer l’universalité de l’être humain. L’atelier d’écriture permet d’entrer dans les ?uvres de façon sensible et non dans l’analyse. Travailler les mêmes problématiques que les auteurs permet d’entrer dans les ?uvres et en comprendre les subtilités. Une écriture qui bouscule le rapport à la langue. Se rendre compte de la force d’évocation d’un texte engendre le désir d’écrire à nouveau. Les enfants sont souvent dépassés par le contenu de leurs textes mais la confrontation du regard des autres leur permet de se distancier de l’écrit pour prendre conscience de la consistance du texte produit. Une écriture qui bouscule notre conception de la construction de savoir. L’erreur est génératrice de possibles : ce qui est dérangeant ou instable est à accueillir avec bienveillance. La consigne, contrainte acceptée, permet la prise de risque et le changement de regard. En analysant les textes produits, on visualise l’implication du sujet écrivant et sa progression. Mais rien ne progresse sans une posture critique lors des bilans d’atelier pour prendre conscience de la richesse des textes et leurs liens avec des textes poétiques existants . 5 tests pour juger d’un véritable atelier d’écriture Toute écriture est d’abord est une situation-problème. Il n’y a pas d’écriture vraie sans problématique d’écriture à la clé De texte en texte un atelier avance par ruptures de nature conceptuelle… Du collectif naissent en chacun des savoirs- pouvoirs nouveaux. Tout atelier est un palimpseste … Un acte imbriqué. Les prochains rendez-vous du GFEN L’université d’été : « L’Education ferment de la démocratie. Pratique(s) de savoir : les valeurs en jeux… » 6-7-8 juillet 2015 (pré-stage le 5), Besançon lire Avec le LIEN : 5èmes Rencontres Internationales d’Education Nouvelle : « Dé-chiffrer l’humain. Eduquer sans exclure » du 24 au 28 juillet 2015, à Virton (Belgique) lire Le Stage national d’écriture « L’atelier est-il un iceberg ? » 23-24-25-26-27 août 2015, Bédarieux (34) lire 7ème Université d’Eté du Secteur Langues du GFEN, : Débuter : premiers pas, premiers actes, premiers essais… pour l’apprenant, pour l’enseignant, 24-26 août 2015 à Vénissieux. Jacqueline Bonnard Lire aussi le compte-rendu des Rencontres sur le café pédagogique
8èmes Rencontres de St Denis « L’écriture, éducation prioritaire », 11 avril 2015 10 avril 2015 Valérie Pinton 8èmes Rencontres nationales de St Denis L’écriture, éducation prioritaire Samedi 11 avril 2015, ST DENIS (93) IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron Dépliant (programme, bulletin d’inscription) Descriptif des ateliers Inscription en ligne Des élèves qui trop souvent n’aiment pas écrire, produisent des écrits décevants, à l’orthographe aléatoire, peu structurés voire incohérents… Tel est le constat à tous niveaux du système scolaire, où l’écriture est un puissant facteur de discrimination et de sélection. Qu’est-ce qui pose problème ? Le rapport des élèves à l’écriture est indiscutablement marqué par l’usage que leurs proches en ont dans l’espace socio-familial et par leur expérience passée. Où se situent les blocages et quels sont les « malentendus » des élèves à l’égard de la production écrite ? Quant aux pratiques scolaires usuelles, permettent-elles de lever les obstacles ? En éducation prioritaire comme ailleurs, l’écriture n’a pas la place qu’elle mérite. Au-delà de ses fonctions usuelles d’expression et de communication, elle sert en effet d’appui aux apprentissages, constitue un outil majeur pour réfléchir, prendre distance, commenter, élaborer et conceptualiser. De la maternelle au secondaire, dans comme hors l’école, concevoir l’écriture comme processus où se développent conjointement pensée et langage. Quels supports et appuis peuvent être utilisés dans l’atelier d’écriture pour que les élèves découvrent simultanément le pouvoir d’écrire et la logique du système graphique ? Quelles situations mettre en place pour solliciter l’écriture dans la diversité de ses fonctions ? Quel accompagnement de la production ? Comment gérer la réécriture, souvent laborieuse ? Dans les ateliers proposés, une large place sera faite aux dispositifs et aux pratiques dans toutes les disciplines, ainsi qu’aux productions des élèves, sans oublier les projets menés par des collectivités locales. Plusieurs apports de chercheurs alimenteront la réflexion, parmi lesquels : Dominique Bucheton, professeur des universités (Université de Montpellier 2), membre du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Education et Formation (LIRDEF), auteure de : « Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire » (PUF, 2002), «L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés » (Octarès, 2009), « Refonder l’enseignement de l’écriture » (Retz,2014). Bernard Devanne, ex professeur IUFM d’Alençon, auteur de « Lire & écrire des apprentissages culturels » aux cycles 1-2-3- Collège (Armand Colin) ; « Apprentissage de la langue et conduites culturelles – maternelle » (Bordas) ;« Lire, dire, écrire en réseaux » (Bordas). En ligne sur le site du Café pédagogique, www.cafepedagogique.net les dossiers, le « Journal d’une Grande Section en ZEP » et« Lire et écrire au CP : l’ambition de la réussite ». Michel Neumayer, ateliers d’écriture et de création – GFEN Provence, membre du LIEN, auteur avec Odette Neumayer de « Animer un atelier d’écriture – faire de l’écriture un bien partagé », (ESF Editeur, 2008), et éditeur de Filigranes, revue d’écritures. Soutenues par le Conseil Général de la Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, ces Rencontres se réalisent en partenariat avec l’OZP (Observatoire des Zones Prioritaires) et le Café Pédagogique. Elles bénéficient de la labellisation « Agir ensemble contre l’illettrisme » et s’inscrivent dans la dynamique collective des journées nationales d’action contre l’illettrisme.
Ecrire et faire écrire… pour amener l’élève à « penser le stylo à la main » 1 avril 2015 Jacqueline Bonnard Ecrire et faire écrire… Retour sur deux ateliers-débats avec Dominique BUCHETON à Tours, le 13 mars à Chartres, le 14 mars Plutôt que de se lancer dans une « conférence sur », Dominique BUCHETON plante le décor et propose de travailler sur deux situations de classe : l’une en CP où les élèves confrontés à l’élaboration d’un courrier aux parents apprennent à lire en écrivant le texte de la lettre, l’autre en classe de troisième où chaque groupe adopte un point de vue différent à partir d’une même situation, le voyage en diligence décrit dans le roman de Maupassant : Boule de suif. Pour chacune des vidéos, on est plongé dans l’ordinaire de la classe avec deux enseignantes ayant opté pour des travaux dirigés de groupes centrés sur une tâche prescrite : écrire individuellement et ensemble dans l’objectif d’une production socialisée. Il s’agit d’une lettre aux parents pour les CP, de la lecture scénarisée d’un texte produit collectivement à l’ensemble de la classe pour les élèves de troisième. Puis l’assemblée se sépare en deux groupes d’échanges. La consigne donnée aux participants de l’atelier est, soit de se centrer sur la posture de l’enseignant, soit de se centrer sur la posture de l’élève. Pour la posture de l’enseignant, on repère : – la formulation de l’objectif visé : « la lettre aux parents » (CP), la production d’un texte qui sera lu à l’ensemble de la classe (3ème ) ; – l’organisation spatiale en petits groupes de travail ; – la mise en lien ; – une attitude d’accueil et de bienveillance, le recours à la reformulation ; – l’acceptation de toutes les paroles. Du côté des élèves, on note : – la grande concentration et une réelle mise en activité ; – l’acceptation du point de vue de l’autre et le recours à l’argumentation ; – l’entraide et la coopération. A partir de ces constats et en s’appuyant sur son multi-agenda, Dominique Bucheton, décrypte les différentes postures possibles et observées chez l’enseignant dans le cadre des cours : accompagnement, contrôle, lâcher-prise, enseignement, « du magicien ». « L’enseignant expert est celui qui sait circuler sur l’ensemble d’entre elles ». Les élèves, quant à eux, disposent de plusieurs postures pour moduler leur engagement dans l’activité proposée : posture de refus, première (faire), ludique, réflexive, scolaire, dogmatique. Il existe une forte corrélation entre les postures de l’enseignant et celles des élèves : ainsi une posture de contrôle très prégnante chez l’enseignant génère une posture très scolaire chez des élèves fragiles. Dominique Bucheton affirme que le sur-cadrage explique en partie l’échec du modèle des processus rédactionnels chez des élèves dont le rapport à l’école et à ses normes est négatif. Elle demande aux enseignants de porter un autre regard sur les écrits des élèves et de les prendre en compte afin de « faire sortir les talents ». Il conviendrait de travailler davantage sur l’axe de la variation : pratiques langagières, posture de lecture, d’écriture, mais également sur les supports. L’écriture n’est pas seulement communicative, elle doit être également réflexive et créative ce qui reste encore largement un impensé pédagogique. C’est pourtant cette deuxième visée de l’enseignement de l’écriture qui permet de nommer, penser et organiser le monde et les savoirs sur le monde. Elle invite les enseignants à oser sortir des pratiques habituelles en créant des situations où les élèves prennent réellement plaisir à écrire et progressivement apprivoisent leur stylo et commencent à en jouer. Jacqueline BONNARD en complément – Le diaporama de Dominique Bucheton : le multi-agenda – La recension du livre de Dominique BUCHETON : Refonder l’enseignement de l’écriture sans oublier Le prochain rendez-vous : les 8èmes Rencontres Nationales de Saint Denis, « L’écriture, éducation prioritaire », le 11 avril 2015
Lien école familles, un partenariat entre le GFEN Île de France et le Conseil Général du Val de Marne 1 avril 2015 Jacqueline Bonnard UN PROJET SUR LA DURÉE Chronologie du projet En septembre 2014, une première réunion de travail se déroule avec André Margot (du CG94) autour d’un cycle de « conférence-pratique » autour de la relation famille-école. Un scénario pédagogique qui fait se succéder un court moment de magistral suivi d’un atelier qui met en valeur pratique ce qui vient d’être dit. Les propositions faites par le GFEN Île-de-France : 1ère séance : Comment valoriser, au seuil et dans l’école, le rôle d’éducateur des parents ? Et comment faire prendre conscience aux enseignants de la richesse de cette coéducation ? (pratiques possibles : message codé, texte recréé, Pythagore). 2ème séance : Comment faire partager aux parents ce qui se construit comme contenu de savoir dans l’école ? Et comment faire entrer dans la classe le rapport à savoir qui se construit dans les familles ? (pratiques possibles : lire en polonais, les participes passés, le 8 mai 1945). 3ème séance : Qu’est-ce que ça veut dire l’accompagnement à la scolarité, une fois les élèves rentrés chez eux ? Côté parents et associations de quartier comme côté enseignants, aider un élève, d’accord, mais comment faire pour qu’il s’en passe ? (pratiques possibles : mettre en question les questions). Le déroulé de ces séances reprend en quelque sorte la chronologie du quotidien (journalier et annuel) de l’école : la rentrée, la classe, le retour à la maison et dans le quartier. L’idée centrale de ces propositions vise, en particulier, à remettre en cause l’idée d’école-sanctuaire. Car l’école nous semble ouverte, plus qu’on ne veut bien l’entendre, sur le social. Mais un social singulier puisqu’il met en lien les enfants et leurs familles avec l’aventure des savoirs produits par l’histoire humaine. Un social singulier puisque, si les parents sont les éducateurs de leurs propres enfants, les enseignants sont les éducateurs des enfants des autres, éducation par des apprentissages qui mettent en relation, en confrontation les élèves avec une certaine universalité des savoirs. Ce travail s’appuie sur l’expérience depuis longtemps accumulée par Jeanne Dion, en particulier à Champigny-sur-Marne ; en mai 2014, nous avions déjà testé le succès d’une telle pratique au moment de l’ouverture du Printemps des Familles au collège Paul Vaillant-Couturier à Champigny. Les participants à cette initiative étaient divers : des parents, des responsables de réseaux éducation prioritaire, des enseignant-es et M. Aubert, IA responsable des relations avec les parents. Au départ, le projet porté par André Margot était de faire « percoler » ce type d’animation dans tout le département, avec un film à l’appui. La première partie de ce projet n’a pas pu pour l’instant se réaliser, faute de complice dans les autres parties du département ; par contre la deuxième partie a déjà bien commencée, à savoir l’animation sur Champigny et le film. Le 30 septembre 2014, une rencontre d’une heure avec les enseignants du collège Paul Vaillant-Couturier, pour essayer de construire une démarche de coopération entre le GFEN, l’équipe du collège et les parents, aboutit à un premier document de travail. Le 6 février 2015, un atelier en direction de parents d’un quartier populaire de Champigny-sur- Marne est organisé par l’ORIS et le Cg 94. Cet atelier a été l’occasion d’un premier enregistrement video : pendant l’atelier, puis après sa tenue, interview croisée de Jeanne et moi-même. D’autres initiatives en prévision, en particulier, le lundi 30 mars selon le planning suivant : 10h30 inauguration du printemps des familles (au collège Paul Vaillant-Couturier à Champigny) 11h00/12H00 conférence GFEN / Ecrits et images, le rapport à l’éducatif. 12H30 13H30 REPAS 14H15 Partie Théorique gfen : Famille/école : conduire un projet culturel à l’école et hors l’école avec les parents, comment est-ce possible ? 15H 17H Atelier : les allumettes En conclusion, ce projet apporte énormément sur les pratiques possibles dans le cadre d’une rencontre avec les familles. Pascal DIARD Le 6 février 2015, Bois l’abbé Atelier « liens école familles » (Courte présentation sous forme d’un bilan) « Si nous voulons que les parents reprennent confiance en eux dans un premier temps, c’est pour qu’ils portent un nouveau regard sur leurs enfants, un regard positif et confiant dans leurs capacités ! » Jeanne Dion, Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN) Atelier organisé conjointement avec les femmes relais, l’association « Unies pour tous », le service politique de la ville de Champigny, la maison pour tous du Bois l’abbé et l’ORIS en partenariat avec le Groupe Français d’Education Nouvelle GFEN. Lieu : quartier du bois l’abbé, quartier politique de la ville Participants : 32 personnes (2 papas, 20 mamans, 5 animatrices des femmes relais, la présidente de l’association unies pour tous, une enseignante du collège Boileau de Chennevières, la coordinatrice sociale du quartier, une personne de la maison pour tous, une personne de l’ORIS) Atelier autour de questions : Qu’avez-vous appris à vos enfants depuis qu’ils sont nés ? Qu’est ce qui a permis que vous puissiez leur apprendre ? Qu’est ce qui empêche d’apprendre ? André Margot
Retour sur la « Journée de la fraternité à l’Ecole » du Café Pédagogique du 21 mars 23 mars 2015 Valérie Pinton Le Café pédagogique organisait La Journée de la fraternité à l’Ecole Samedi 21 mars 2015 « Quelle pédagogie pour vivre ensemble ? » Les pratiques pédagogiques peuvent-elle lutter contre les pesanteurs sociales et instaurer le vivre ensemble ? La Journée de la fraternité à l’Ecole, organisée par le Café pédagogique, réunit la fine fleur des mouvements pédagogiques pour indiquer des pratiques pédagogiques qui encouragent la collaboration et permettent de dépasser les rôles sociaux. Animée par Gilbert Longhi, la table ronde réunit Agnès Baranger, enseignante du mouvement Icem Freinet, Pascal Diard, membre du GFEN et professeur d’histoire-géographie , Philippe Goémé, enseignant des micro-lycées, formateur Espe et membre de l’Observatoire international de l’éducation et de la prévention, Sabine Gessain, enseignante Freinet. Ils sont épaulés et interpellés par de nombreux intervenants dans la salle représentant de nombreux courants pédagogiques. Du travail sur soi au travail sur la loi de la classe, se dégage une certitude : il faut dépasser les a priori et donner sa place à l’altérité. Tout un travail. Lire la suite de l’article du Café Pédagogique Extrait : Prendre en main son destin avec la pédagogie de projet ? Pascal Diard, Gfen, milite pour un enseignement libérateur, qui permette aux élèves de prendre conscience des barrières sociales pour les renverser. « IL faut d’abord changer le regard sur els élèves, croire qu’ils sont capables de changer », et aussi croire qu’ils peuvent transformer leur condition social. Pour cela le savoir est une arme qui s’utilise dans la pédagogie de projet. Il donne des exemples de projets qui ont amené les élèves par exemple à travailler avec des géographes sur leur ville dans une optique de transformation. « Il faut apprendre à faire société dans la classe en les amenant à envisager une transformation de leur condition sociologique ». La pédagogie de projet est saluée dans la salle par plusieurs mouvements, comme l’Agas, qui se plaignent de leur faible place dans la formation des enseignants.
Ecole maternelle : Apprendre, processus de socialisation 9 février 2015 Jacqueline Bonnard 7èmes rencontres nationales « Pour que la maternelle fasse école » Apprendre, processus de socialisation ******************************************** Dans un contexte marqué par les évènements dramatiques de ce début d’année, les rencontres ont été ouvertes par l’affirmation des valeurs et parti-pris du GFEN pour contrecarrer les discours réactionnaires sur la pédagogie et les pédagogues. Claire Benveniste reprend les termes du texte élaboré par le GFEN en réaction à cette tragédie : « nous sommes convaincus que l’homme ne naît pas ni fanatique ni terroriste, de même qu’il ne naît pas ni démocrate ni solidaire, il le devient ». Elle souligne l’importance de l’expérience scolaire dans la construction de l’individu selon qu’elle est source d’émancipation ou à l’inverse synonyme de perte de l’estime de soi, d’inhibition et de perte d’appartenance à un collectif structurant. Il ne s’agit pas d’excuser mais de comprendre les processus qui mènent à cette violence contre soi ou les autres afin d’installer les conditions dès l’école maternelle d’une socialisation par de réels apprentissages, de faire de l’école une priorité nationale en s’appuyant sur le texte de la loi de refondation qui stipule que « tous les élèves sont capables d’apprendre». Encore faut-il que les pratiques soient à la hauteur de l’ambition et porteuses de valeurs s’appuyant sur des principes émancipateurs s’opposant au conformisme, la soumission, l’imposition dogmatiste des règles, la compétition, l’individualisme. C’est dire la responsabilité des éducateurs. S’appuyant sur les propos de Viviane Bouysse, elle relève les éléments qui peuvent impacter les comportements dès la maternelle si l’on n’y prend pas garde : les évaluations précoces ou la primarisation de l’école maternelle. L’école maternelle est un lieu où on accède à une culture commune quelle que soit son origine pour faire société collectivement, c’est le sens de cette journée de rencontre : apprendre, processus de socialisation. Émancipation et socialisation, quels contenus ? Claire Pontais est formatrice à l’ESPé Basse Normandie, secrétaire nationale du SNEP-FSU. Après avoir présenté la façon dont elle est passé de l’animation d’un atelier à une intervention en plénière, elle marque d’emblée son opposition à une idée très répandue : « socialiser avant d’apprendre». Comment pourrait-on débattre sur rien ? La citoyenneté s’exerce à partir de savoirs communs construits collectivement qui ne peuvent être imposés de façon arbitraire. Socialisation, émancipation, savoirs… de quoi parle-ton ? « S’agit-il de former des citoyens de la République ou des sujets de sa majesté ? » Dans les systèmes autoritaires, les enfants entrent dans un type de socialisation basée sur la soumission à l’autorité et régie par la docilité. La question à se poser est celle de la place du sujet-élève : « Quelle socialisation voulons-nous ? Quelle socialisation l’école produit-elle ? » Si l’on se réfère à la pensée d’Henri Wallon, l’émancipation c’est « acquérir le pouvoir de penser soi-même, s’éloigner des préjugés, s’autoriser libre cours à son imaginaire, développer sa pensée critique ». On est bien loin du « dressage » des jeunes enfants mais cela ne peut se faire qu’en appui sur des situations où l’on exerce son pouvoir d’agir. L’EPS est un domaine où la motricité permet l’accès à des savoirs et des techniques pour exercer sa pensée en se confrontant à celle des autres pour s’enrichir des différences. Cette conception de la citoyenneté est constructive car elle permet une intériorisation des règles de vie collective et peut contribuer à une réduction des inégalités. Claire Pontais précise que la socialisation est un processus très long obligeant l’enfant à mettre de l’ordre dans ce qui n’est au départ qu’affectivité, subjectivité. II ne s’agit pas d’opposer « l’enfant au centre » à « la société au centre » : dans un même mouvement acculturation et individuation s’articulent et se concilient. Il y a forcément un rapport vivant entre l’enfant et la culture « systèmes de normes, de techniques, de valeurs » propres à la société dans laquelle il vit. L’école est un lieu de socialisation spécifique car elle est un « passage obligatoire, un lieu aux contraintes fortes, un lieu très particulier où on socialise par l’étude ». Dans ce lieu, l’élément médiateur de la socialisation est le savoir lorsqu’un enfant montre et explique aux autres qu’il a fait. A l’inverse lorsqu’il ne sait pas ce qu’on attend de lui, il est déstabilisé et risque de perturber la classe. Pas de socialisation émancipatrice sans passer par l’acquisition de savoirs et de la culture Le GFEN a porté au CSP une conception vivante de la culture qui n’est pas « seulement ce qui se passe au Ministère de la Culture » mais constituée de l’ensemble des réponses apportées par les humains pour répondre à leurs besoins, faites de pratiques, de savoirs, de valeurs communes. Si l’on prend l’exemple de la culture sportive, c’est « une quantité phénoménale de sports… Chaque activité sportive va proposer une socialisation particulière». Il en est de même pour chaque champ disciplinaire. A l’école, l’important est de proposer « une socialisation de coopération » plutôt que de chercher l’exploit individuel, il existe d’autres lieux pour cela (spectacles ou concours). Il convient de transmettre aux jeunes enfants le sens de l’activité sportive proposée pour ne pas « se perdre dans le formel ou l’inutile ». S’appuyant sur l’exemple d’une séquence d’apprentissage, Claire Pontais montre comment trois façons différentes de la traiter influent sur le transfert ou non des apprentissages, selon le sens que l’élève va donner à l’activité, les savoirs à construire, les gestes professionnels à mettre en oeuvre pour l’enseignant. Il s’agit d’un parcours à effectuer. Dans le premier cas, les enfants sont le plus souvent en attente et ne perçoivent pas le sens de l’activité ; cela génère de l’agitation et l’enseignant est centré sur l’organisationnel. Dans le second, l’enseignant propose un système d’ « ateliers » avec répétition d’une action commandée ; l’activité cognitive est peu sollicitée et l’enseignant est également centré sur l’organisationnel. Une troisième proposition prend le contre-pied des deux précédentes : une variété d’ateliers dans lesquels les élèves évoluent librement, s’exercent dans le but de préparer un spectacle. La perspective du spectacle crée une motivation à réaliser des exploits. C’est dans cette direction qu’il convient d’aller car chacun identifie les enjeux du projet, code les activités, situe leur niveau par rapport à un attendu : « ce que je sais faire »/« ce que je ne sais pas faire ». La socialisation se construit par la confrontation à une activité adaptée au niveau des enfants d’une part, la compréhension des règles d’autre part au travers de l’activité effectuée. En conclusion, Claire Pontais affirme que cela n’a rien de miraculeux : sachant à l’avance ce qu’ils vont faire, les enfants entrent dans des apprentissages porteurs d’une socialisation émancipatrice puisqu’ils sont à même de pouvoir communiquer entre eux et se partager l’espace. Cinq ateliers le matin Collage et décollage Le secteur Arts plastiques propose ici un travail sur la couleur et la forme, à travers l’oeuvre de Matisse. Avec les papiers collés, l’artiste a couru des risques qu’il n’avait jamais pris. Ici, les participants osent en prendre en détournant pour certains la consigne, en cherchant différentes techniques de collage. Pas seuls dans cette création où l’imaginaire est un élément détonateur mais en prenant inspiration dans le travail des autres. Le groupe est à la fois porteur d’idées mais aussi soutien pour ceux qui veulent prendre des risques. Un espace qui permit de réaliser des petits tableaux enthousiasmants, très différents les uns des autres !…et d’envisager d’autres consignes. Dans l’atelier Première scolarisation, L’AGEEM et le GFEN interrogent en quoi l’alliance des parents et des professionnalités est nécessaire. L’enfant qui arrive à l’école maternelle connait déjà un mode de socialisation : celui qu’il vit au sein de son milieu familial, celui de la crèche pour certains ou chez l’assistante maternelle pour d’autres. Mais pour tous, l’entrée à l’école maternelle est la découverte d’un milieu institutionnel dont les modes de socialisation peuvent être proches ou éloignés de ce vécu. En s’appuyant sur des exemples de situations concrètes de classe il s’est agi de comprendre en quoi l’apprendre à l’école est objet de travail dans la classe, en quoi la confrontation à ces situations permet à l’enfant d’entrer dans l’activité de penser et d’agir. lire Raconter des histoires… C’est une situation fréquente auprès de jeunes enfants, dans l’histoire des enfants tant à la maison qu’à l’école. Est-ce pour autant la même chose ? Qu’est-ce que cela veut dire à l’école ? En plaçant cette situation dans le cadre d’une « ambition culturelle » ( voir nouveaux programmes), en retenant l’idée que la confrontation à des livres en tant qu’éléments de culture est essentielle dans le développement de l’enfant et que l’accès à la littérature de jeunesse, de plus en plus complexe dans son évolution, peut être difficile pour certains enfants, cela amène à la nécessité d’un travail d’analyse préalable des oeuvres racontées pour cerner au plus près les enjeux de cette situation en classe : quels éléments relèvent d’un apprentissage et font , en concomitance, socialisation ? lire En route pour une séance de géométrie en Grande Section avec le GFEN56 intitulée Têtes de lignes où l’on voit cherche, penser, parler, contester, échanger… pour classer des lignes. Dans cette activité, il s’agit de classer un ensemble de lignes, de repérer le critère commun à un, à deux ensembles constitués de lignes, de repérer un attribut, deux attributs d’une figure… Il s’agit de connaître et respecter des spécificités mathématique, construire des concepts en géométrie, savoir classer. L’atelier structures et engrenages s’appuie sur un travail collaboratif entre un enseignant de moyenne section de maternelle et un formateur « technologie ». Mis en situation de réaliser une structure à l’aide de kaplas ou d’éléments d’engrenages, les participants se trouvent dans la même situation que les enfants de maternelle mis au défi de réaliser un montage en respectant un cahier des charges donné. Du faire à l’analyse en passant par le dessin, un processus de construction du savoir où la rencontre avec l’autre est incontournable d’une part, génératrice d’un processus de construction de savoir d’autre part. {diaporama_38} Passer dessus…passer dessous… histoires de pont… Cinq ateliers l’après-midi Jeux et sports collectifs : à quelles conditions sont-ils socialisants ? Animé par Claire Pontais, cet atelier vise à montrer que les règles du jeu ne sont pas immuables et que, quel que soit le jeu ou le sport collectif, les règles instituées suivent une même logique : une équipe qui attaque et une équipe qui défend, une égalité des chances entre les deux équipes, un jeu plaisant à regarder. S’appuyant sur des jeux collectifs, chacun est invité à repérer ce qui peut poser problème dans sa pratique : la part de l’émotion intrinsèque à la notion de jeu, l’élimination des joueurs par exemple. Mais le jeu collectif apprend la stratégie : regarder l’adversaire, être imprévisible, regarder partir l’autre… acquérir l’intelligence de la situation, apprendre à se situer dans le collectif. Et pour aller dans le sens du collaboratif, mieux vaut choisir un autre support : la danse folklorique par exemple. Lire sur le Café pédagogique « Jeux de miroirs, découvertes et recherche avec des miroirs. Démarche exploratoire autour de tout ce qu’il est possible de faire avec des miroirs, de la lumière, des objets en trompe l’oeil où l’on ne sait plus si ce que l’on perçoit est l’objet ou son image dans le miroir… oui, mais lequel ? Des découvertes, des défis que l’on se pose ou que l’on pose à l’autre. La verbalisation peut éclore en faisant réellement sens quand un vécu empirique conséquent a été partagé entre pairs. Parents et enseignants, des rôles complémentaires pour cultiver le goût d’apprendre. Animé par le GFEN75, cet atelier s’est organisé autour d’une problématique complexe mais cruciale : comment renouer un dialogue de confiance, dans la construction pour sortir de l’impasse du désaveu mutuel et reconnaître la complémentarité des rôles entre parents et enseignants ? Quatre propositions de pratiques déjà éprouvées en classe pour rencontrer les parents dévoilées progressivement aux participants dont les participants s’emparent individuellement puis en petit groupe avant un débat en collectif à partir du questionnement : «Quelles intentions, quels objectifs de l’enseignant qui met en place ces dispositifs lors des rencontres avec les parents ?». lire Métaphores en maternelle . Pourquoi écrire de la poésie en maternelle ? Pour que chacun se projète en tant que producteurs d’écrits, pour s’impliquer dans un projet.. C’est surtout pour que chacun puisse mettre en mots son imaginaire. Les enfants de Grande Section sont prêts à jouer le jeu de la métaphore qui surprend, qui dérange, qui déroute la plupart des adultes. lire L’atelier Faire classe ou comment se préparer ensemble à apprendre, pour installer les conditions de la connaissance. Quelles dynamiques collectives, d’un espace scolaire à l’autre ? On identifie ainsi différentes séquences dans différents espaces scolaires, à partir d’extraits de textes sur un déplacement dans l’école entre la classe et la salle de jeux, la récréation, un déplacement au jardin de quartier, l’ordinaire de la classe, la structuration du temps et de l’espace au cours d’activités motrices en petite section, les mouvements violents qui peuvent être l’expression d’enfants qui entrent dans une interaction communautaire encore difficile à accepter. Les enrichissements pour « faire classe », c’est à dire installer une communauté d’apprentissages, entre les différents lieux et situations sont analysés, à partir de rituels spécifiques dont le transfert à d’autres moments scolaires crée du lien, permet de mieux « faire sens ». Formulations inscrites à l’affichage à l’issue de l’atelier : « Une meilleure prise en compte de chacun », « Espaces, rituels, communication », « Expression des émotions et rappel des règles », « Langage d’évocation, schématisation », « Regard compassionnel, moral ». Apprendre à écrire, comment articuler apprentissage moteur et entrée dans la culture écrite ? Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, praticien-chercheur, s’interroge sur la pertinence d’un apprentissage systématique du graphisme en parallèle avec celui de l’écriture. Elle affirme qu’il existe « des régions du monde où on ne fait jamais de graphisme et où on apprend à écrire quand même ». Quel sens cela a-t-il de tracer des lettres quand les enfants n’identifient pas la relation entre la trace écrite et le sens du texte. Pour aller à la rencontre de l’écrit et apprendre, il faut moins viser l’expertise motrice que les processus cognitifs à mettre en place pour que les élèves apprennent réellement. Très jeunes, les enfants peuvent percevoir la visée anthropologique des savoirs et il est intéressant de les sensibiliser à l’histoire de l’écriture afin de construire chez eux un rapport au savoir où la prédominance du sens prime sur la conformité aux formes. Il faut évidemment s’exercer à tracer des lettres mais la langue écrite se réduit-elle à la maîtrise de la trace ? Dans son usage social, le langage écrit ne se réduit pas à une traduction stricto-sensu de l’oral, c’est un transformateur cognitif qu’il est urgent d’aborder à l’école. Lors de la première rencontre, plutôt que de présenter à l’enfant l’étiquette de son nom imprimé, il conviendrait de prendre le temps de l’écrire devant lui en commentant l’action et en particulier l’accompagner de remarques sur les occurrences des lettres. Zerbato-Poudou préconise d’organiser l’espace de travail en ayant en tête les dimensions suivantes : – Le contexte matériel : choix des outils, des supports, des affichages… en sachant que travailler la variété des outils et des préhensions est importante. Pourquoi ne pas proposer aux enfants des calligraphies d’artistes ? – Le contexte didactique et pédagogique : choix des tâches, du dispositif pédagogique, des consignes… – Le contexte culturel : l’écriture s’inscrit dans un processus évolutif et vivant. Il suffit de monter différents alphabets aux enfants pour qu’ils y repèrent ce qu’ils reconnaissent plutôt que de les inscrire dans des exercices de recopiages sur pointillés. A la question posée : « Peut-on rencontrer la culture écrite en traçant des lettres ? » elle répond oui, mais à certaines conditions. Cet apprentissage doit s’insérer dans un contexte signifiant et ne pas se leurrer en misant sur le transfert spontané des acquis réalisés en graphisme. Mieux vaut appréhender la puissance de l’écriture plutôt que de se crisper encore aujourd’hui sur le sens de rotation du « o ». Le discours de clôture remerciant les différents participants et la richesse des travaux et débats a permis d’annoncer les prochains rendez-vous : – Les 8èmes Rencontres de Saint Denis : « L’écriture, éducation prioritaire », le 11 avril 2015 à l’IUT de la Halle Montjoie. – Les initiatives de l’été dont l’Université d’été de Besançon, début juillet 2015. Jacqueline Bonnard photos Isabelle Lardon, Sylviane Maillet
8èmes Rencontres de St Denis « L’écriture, éducation prioritaire », 11 avril 2015 8 février 2015 Valérie Pinton 8èmes Rencontres nationales de St Denis L’écriture,éducation prioritaire Samedi 11 avril 2015, ST DENIS (93) IUT de la Halle Montjoie, 7 rue de la Croix Faron Dépliant (programme, bulletin d’inscription) Descriptif des ateliers Des élèves qui trop souvent n’aiment pas écrire, produisent des écrits décevants, à l’orthographe aléatoire, peu structurés voire incohérents… Tel est le constat à tous niveaux du système scolaire, où l’écriture est un puissant facteur de discrimination et de sélection. Qu’est-ce qui pose problème ? Le rapport des élèves à l’écriture est indiscutablement marqué par l’usage que leurs proches en ont dans l’espace socio-familial et par leur expérience passée. Où se situent les blocages et quels sont les « malentendus » des élèves à l’égard de la production écrite ? Quant aux pratiques scolaires usuelles, permettent-elles de lever les obstacles ? En éducation prioritaire comme ailleurs, l’écriture n’a pas la place qu’elle mérite. Au-delà de ses fonctions usuelles d’expression et de communication, elle sert en effet d’appui aux apprentissages, constitue un outil majeur pour réfléchir, prendre distance, commenter, élaborer et conceptualiser. De la maternelle au secondaire, dans comme hors l’école, concevoir l’écriture comme processus où se développent conjointement pensée et langage. Quels supports et appuis peuvent être utilisés dans l’atelier d’écriture pour que les élèves découvrent simultanément le pouvoir d’écrire et la logique du système graphique ? Quelles situations mettre en place pour solliciter l’écriture dans la diversité de ses fonctions ? Quel accompagnement de la production ? Comment gérer la réécriture, souvent laborieuse ? Dans les ateliers proposés, une large place sera faite aux dispositifs et aux pratiques dans toutes les disciplines, ainsi qu’aux productions des élèves, sans oublier les projets menés par des collectivités locales. Plusieurs apports de chercheurs alimenteront la réflexion, parmi lesquels : Dominique Bucheton, professeur des universités (Université de Montpellier 2), membre du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Education et Formation (LIRDEF), auteure de : « Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire » (PUF, 2002), «L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés » (Octarès, 2009), « Refonder l’enseignement de l’écriture » (Retz,2014). Bernard Devanne, ex professeur IUFM d’Alençon, auteur de « Lire & écrire des apprentissages culturels » aux cycles 1-2-3- Collège (Armand Colin) ; « Apprentissage de la langue et conduites culturelles – maternelle » (Bordas) ;« Lire, dire, écrire en réseaux » (Bordas). En ligne sur le site du Café pédagogique, www.cafepedagogique.net les dossiers, le « Journal d’une Grande Section en ZEP » et« Lire et écrire au CP : l’ambition de la réussite ». Michel Neumayer, ateliers d’écriture et de création – GFEN Provence, membre du LIEN, auteur avec Odette Neumayer de « Animer un atelier d’écriture – faire de l’écriture un bien partagé », (ESF Editeur, 2008), et éditeur de Filigranes, revue d’écritures. Soutenues par le Conseil Général de la Seine-Saint-Denis et la Ville de Saint-Denis, ces Rencontres se réalisent en partenariat avec l’OZP (Observatoire des Zones Prioritaires) et le Café Pédagogique. Elles bénéficient de la labellisation « Agir ensemble contre l’illettrisme » et s’inscrivent dans la dynamique collective des journées nationales d’action contre l’illetrisme.
Stage syndical « Pédagogies alternatives et syndicalisme d’émancipation » 26-27 mars 2015 2 février 2015 Valérie Pinton Stage syndical : « Pédagogies alternatives et syndicalisme d’émancipation. A l’école et dans la société : quelles classes ? » 26-27 mars 2015, maison des syndicats de Créteil (94) Afin de poursuivre, d’approfondir et d’élargir la dynamique collective initiée par le stage «Subvertir la pédagogie » de janvier 2014, la CNT-FTE, la CNT-SO, SUD Éducation, le GFEN Île-de-France, Émancipation, Questions de classe(s) et N’Autre école renouvellent l’expérience en proposant un stage syndical sur temps de travail, qui sera prolongé par la première journée « Z.A.D. À l’école ! » consacrée aux luttes pour une éducation émancipatrice (salon, tables rondes, forums) le samedi 28 mars au CICP à Paris. Lire l’appel Lutter contre la logique inégalitaire de l’école capitaliste Inégalités sociales, inégalités d’accès aux pratiques culturelles et inégalités scolaires sont étroitement liées : Elles se génèrent et s’amplifient réciproquement. La démarche de l’école « de la République » qui consiste à classer, à hiérarchiser et à trier les élèves afin de les faire entrer dans les cases du salariat est intrinsèquement inégalitaire. Elle est accentuée par la récente réforme des rythmes scolaires et la logique du socle commun, ainsi que par le recul de l’éducation populaire. En posant la question « A l’école et dans la société, quelles classes ? », le stage a pour objectif d’inviter à réfléchir en quoi pédagogie et syndicalisme doivent permettre de « combattre l’école inégalitaire pour s’affranchir des dominations ». Il s’agira de construire ensemble des réponses aux problématiques suivantes : Comment remettre en question les hiérarchies qui marquent le milieu éducatif (adultes / enfants, parents / enseignant-e-s, hiérarchie institutionnelle, groupes sociaux et culturels minorisés…) ? Comment lutter contre les inégalités auxquelles nous faisons face dans notre quotidien (inégalités d’accès aux pratiques culturelles, inégalités économiques, sociales, territoriales, inégalités liées aux handicaps…) ? […]
7èmes Rencontres « Pour que la maternelle fasse école » 31 janvier 2015 19 janvier 2015 Valérie Pinton 7èmes rencontres nationales « Pour que la maternelle fasse école » Apprendre, processus de socialisation Samedi 31 janvier 2015, Paris 10è Lire le reportage Dépliant (programme, intervenants, bulletin d’inscription)* L’école maternelle fait partie des sujets d’actualité pour tous les enseignants puisque ses projets de programmes ont été portés à leur consultation. Le principe central « Apprendre ensemble pour vivre vivre ensemble » affirmé dans cette nouvelle mouture est au cœur des préoccupations du GFEN. C’est en se confrontant au réel des situations d’apprentissage et à travers les relations qu’elles permettent de tisser avec les pairs que la socialisation se développe. Les Rencontres 2015 interrogeront les situations et activités qui favorisent la construction du goût d’apprendre dès la maternelle. Conférences et ateliers s’articuleront, croisant les regards des chercheurs, des formateurs et des acteurs de terrain, à travers les axes suivants : Les nouveaux programmes sont marqués par le retour de l’ambition culturelle et une conception des apprentissages respectueuse du développement des enfants. Toutefois, au quotidien de la classe, le comportement de certains enfants fait parfois voler en éclats les ambitions éducatives. Faudrait-il préalablement les socialiser, avant de les confronter aux apprentissages… ou faire fond sur les situations d’apprentissages pour réguler leur attitude en classe? Quelles pratiques, quelles postures, quels gestes professionnels permettent de développer la coopération et de transformer le rapport à soi, au monde et aux autres ? Ces rencontres nationales sont ouvertes à tous, enseignants, parents, éducateurs, formateurs, élus des collectivités locales, militants associatifs…
Nuit de l’écriture OLYMPE DE GOUGES 17 novembre 2014 Jacqueline Bonnard La nuit de l’écriture Olympe de Gouges le 1er novembre 2014 au théâtre Octave et Arpège Paris 8ème organisée par les éditions Cocagne et le GFEN Qui était Olympe de Gouges ? « Figure méconnue de la Révolution française, humaniste et féministe avant l’heure, Olympe de Gouges fut de tous les combats : abolition de l’esclavage, justice sociale, droit au divorce, rejet de la peine de mort, égalité hommes femmes… Des combats qu’elle mènera avec passion et acharnement jusqu’à en perdre la tête. Victime de la terreur, elle fut guillotinée en 1793, juste après Marie-Antoinette. » (source : http://olympedegouges-museum.com/ ) Marie Gouze nait en 1748 à Montauban et monte à Paris en 1766, après son veuvage. Sous le nom d’Olympe de Gouges, elle se lance dans une carrière littéraire : romans et pièces de théâtre tout en s’engageant dans des combats politiques en faveur des Noirs et de l’égalité des sexes. Son écrit politique le plus célèbre est la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), manifeste du féminisme qu’elle adressa à Marie-Antoinette. S’adossant au modèle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle affirme que « la femme naît et demeure égale à l’homme en droits » (art. 1er). Égale à l’homme… même dans l’écriture ? En 1786, elle écrit une suite au Mariage de Figaro de Beaumarchais où elle dénonce le mariage forcé des filles et plaide pour l’émancipation féminine. Celui-ci l’accuse de ne pas être l’auteur de ses écrits. Elle relève le défi en proposant de se laisser enfermer pendant une nuit avec du papier, de l’encre et une plume : « Je gage donc de composer en présence de Tout Paris, assemblé s’il se peut dans un même lieu, une pièce de théâtre sur tel sujet qu’on voudra me donner ou de mon invention quand on me prendrait même au dépourvu ». Défi relevé par la nuit de l’écriture Olympe de Gouges … Mais d’où vient cette initiative ? En 1975 Michel Ducom assiste, au Festival de Montauban, à la représentation de la pièce d’André Benedetto « Les drapiers Jacobins » où était intégré le texte de la Déclaration des droits de la Femme d’Olympe de Gouges. Dans les années 90, lors d’un stage du GFEN autour de l’exposition de la Mostra del Larzac, initiée par Félix Castan, le GFEN et les éditions Cocagne travaillent de concert. Initiative qui s’est poursuivie au festival d’Uzeste pour aboutir, à cette nuit Olympe de Gouges… Lire le compte-rendu de cette nuit de l’écriture
Quand les associations et mouvements pédagogiques du CAPE poussent la porte des ESPÉ 1 novembre 2014 Jacqueline Bonnard Intervention du GFEN à l’ESPE de Bordeaux Dans le cadre du partenariat entre le CAPE et l’ESPE de Bordeaux, une intervention menée par les mouvements pédagogiques membres du CAPE a pu avoir lieu le vendredi 17 octobre à l’ESPE de Bordeaux. Intervention qui s’adressait à 450 fonctionnaires stagiaires en Master 2. Après une matinée de conférence assurée par M. Jacques Mikulovic, Directeur de l’ESPE, les 450 étudiants ont pu se répartir dans les 19 ateliers animés par des partenaires du CAPE. Cinq ateliers ont été animés par le GFEN, l’élève et son travail dans une activité numérique l’élève et ses attentes l’élève et les textes scolaires l’élève et l’écrit à l’école l’élève et l’articulation du travail individuel et du travail collectif. Nous ne sommes pas des formateurs institutionnels. Nous présentons pour la profession un travail associatif de qualité qui doit être présenté comme une ressource du métier. L’apport associatif brise les solitudes des professionnels, et permet d’évaluer différemment les obstacles rencontrés. Les ateliers proposés par le CAPE Formation à l’ESPE de TOULOUSE mardi 8 et mardi 14 octobre 2014 Une formation en direction d’étudiants en master 2 IPBEP , « Métiers de l’Intervention auprès de Publics à Besoins Educatifs Particuliers ». Ces étudiants se projettent dans un métier qu’ils auront à construire, basé sur cette notion aux multiples facettes : la médiation. Mais qu’est ce qui fait médiation pour l’éducation nouvelle ? Peut-on parler de médiation d’éducation nouvelle ? Deux démarches ont d’abord permis, l’une d’étayer puis de verbaliser sur le concept de médiation, l’autre de vivre une médiation dans un domaine inattendu, les arts plastiques… lire l’article Stéphanie FOUQUET
Distinction pour Gaston Mialaret, président d’honneur du GFEN 10 juin 2014 Jacqueline Bonnard Gaston Mialaret Né en 1918, président du GFEN de 1962 à 1969, à la suite d’Henri Wallon et avant Robert Gloton, Gaston Mialaret, devenu président d’honneur du GFEN lors du congrès 2004. Après des études en mathématiques et en psychologie, il devient instituteur puis professeur de mathématiques au collège. Il organise le premier laboratoire de psychopédagogie de l’ENS de Saint Cloud et est chargé d’enseignement à la Sorbonne, à l’Institut de psychologie, à l’ENNA de Paris. En 1957 il soutient deux thèses : l’une en Lettres et l’autre sur l’apprentissage des mathématiques et la formation des professeurs de mathématiques. Il organise la licence de psychologie de l’université de Caen. En 1967 il intitule sa chaire de psychologie « chaire de sciences de l’éducation » donnant ainsi naissance à un nouveau département universitaire : « Les Sciences de l’Education ». Il participe à la création d’un centre français médico-psycho-pédagogique ainsi qu’à la création d’un institut de formation des conseillers d’orientation scolaire et professionnelle. Après sa retraite en 1984, il assure la direction du Bureau International de l’Education à Genève (1987-1988). Ses interventions et activités dans de nombreux pays se multiplient comme professeur ou conférencier invité : Angleterre, Allemagne, Pologne, Japon, Suisse, Portugal, Espagne, Italie, USA, Canada, Amérique Latine, Afrique, Grèce, Roumanie, etc… Décoré de l’Ordre des Educateurs polonais, Commandeur dans l’Ordre français des Palmes académiques, Officier de la Légion d’Honneur, il reçoit en 1991 le Grand Prix international de l’Education (Prix COMENIUS). Membre d’Honneur de l’OMEP, docteur honoris causa des universités de Gand (Belgique), Lisbonne (Portugal), Sherbrooke (Canada), Crête (Grèce), Bari (Italie), Timisoara (Roumanie) et Laval (Québec). Sur le plan international, Gaston Mialaret a été expert-consultant de la plupart des grandes organisations internationales: UNESCO, ONU, OEA, UNICEF, Conseil de l’Europe. Par ailleurs, Gaston MIALARET a créé et dirigé plusieurs collections, notamment aux PUF et il fait partie de comités de rédaction de plusieurs revues pédagogiques, dont la Revue française de pédagogie. Les travaux de Gaston Mialaret montrent : – un effort constant pour réaliser l’intégration de la pratique, de la théorie pédagogique, des résultats de la recherche scientifique en éducation; – l’importance donnée à la connaissance des élèves et à celle des divers processus psychologiques mis en œuvre dans et par l’action éducative; – sans jamais négliger les qualités personnelles de l’éducateur, un attachement à développer en celui-ci l’attitude scientifique devant les faits et les situations d’éducation; – la prise de conscience de la complexité de situations d’éducation et de leur déterminisme; – l’importance attachée à la formation des enseignants de toutes catégories et de tous niveaux. (cf. Gaston MIALARET, Un éducateur, un pédagogue, un chercheur, PUF, 1993) Bibliographie Psychopédagogie des moyens audiovisuels dans l’enseignement du premier degré, Paris, PUF, 1964 Éducation nouvelle et monde moderne, PUF, 1966 L’apprentissage de la lecture, Paris, PUF, 1966 L’apprentissage des mathématiques, Bruxelles, Dessart, 1967 Introduction aux sciences de l’éducation, Delachaux et Niestlé, UNESCO, 1985 Pédagogie générale, PUF, 1991 Le Plan Langevin-Wallon, Paris, PUF, 1997 Les méthodes de recherche en sciences de l’éducation, Paris, PUF, Que sais-je ?, n° 3699, 2004. La psychopédagogie, Paris, PUF, Que sais-je ?, n° 2357, 5e édition, 2002. Propos impertinents sur l’éducation actuelle, PUF, 2003 Sciences de l’éducation : aspects historiques, problèmes épistémologiques, PUF, Quadrige, 2006 Les sciences de l’éducation, PUF, Que sais-je ?, n° 1645, 11e édition, 2011. Psychologie de l’éducation, PUF, Que sais-je ?, n° 3475, 3e édition, 2011. Le nouvel esprit scientifique et les sciences de l’éducation, PUF, 2011
Catherine TAUVERON à Chartres, le 15 mars 2014 25 mars 2014 Jacqueline Bonnard Catherine TAUVERON est intervenue le samedi 15 mars 2014 à Chartres « Lecture partagée de la littérature en classe : quelles modalités ? Quelles difficultés pour l’enseignant ? » Ce compte rendu a été réalisé à partir des notes prises lors de son intervention. Comment trouver une approche qui respecte les droits de texte et ceux du lecteur ? Comment travailler la métacognition ? Quelle est la fonction des écrits de travail ? Comment mener un débat interprétatif ? Opposition de deux pratiques scolaires : 1. Une approche bridée de la subjectivité des jeunes lecteurs (observée principalement dans le secondaire) où il est demandé de se conformer à une abstraction de « lecteur modèle » qui dirait la vérité du texte (mythe de la transparence du texte), oubliant la subjectivité du sujet lecteur. La lecture dirigée par les enseignants va faire parler le texte, empêchant les élèves d’en parler et de se parler. Le questionnement sur le texte peut même empêcher que la lecture se produise puisqu’il a pour objet de valider ce que pense l’enseignant de la lecture du texte et la pertinence de son interprétation. Les questionnaires servent essentiellement à vérifier que les élèves ont parcouru le texte et en ont mémorisé la surface, renforçant l’idée que lire c’est (pour) répondre à des questions. 2. Une approche déboussolée de la lecture (observée principalement en maternelle) où il est possible de dire tout et n’importe quoi sur un texte et/ou à partir d’une image (notamment celle de la couverture). On demande (trop) souvent aux élèves de faire des conjectures, c’est-à-dire des actes stériles de divination, en leur faisant deviner ce qui va se passer sur le texte à venir à partir d’éléments insuffisants pour faire des hypothèses pertinentes, ignorant que « tout livre est désir de l’inconnu » ! Comment, entre ces deux postures, trouver une approche qui respecte les droits de texte et ceux du lecteur ? Quelles normes pour la rhétorique du lecteur afin qu’il comprenne ce qu’il lit ? Comment engager dans une activité dialogale du lecteur avec le texte (lecture intime) et entre les lecteurs d’un même texte (lecture extime) ? Le plaisir de lire ne se donne pas, il se prend, se conquiert par un apprentissage culturel (reconnaître les genres, partager les jouissances, mesurer les écarts par rapport à mes attentes). En premier : travailler la métacognition 1. Expliciter très tôt les règles de ce qu’est la tâche de lecture, notamment pour les élèves qui considèrent que lire est un acte extérieur à eux-mêmes, qui repose sur une tutelle externe. Exemple du travail à engager en début d’année (cycle 3 / collège) sur le texte Conte dentifrice de B. Rossadan, Ed. Kolgat, 2005 .(1) – Le texte littéraire ne dit pas tout et il dissimule des indices. Il est souvent ambigu ou contradictoire ; c’est le lieu d’une incompréhensibilité programmée ; c’est une aire de conventions sémantiques qu’il organise. La lecture littéraire est polymorphe : c’est la lecture d’un texte singulier qui s’adresse à un lecteur singulier. – La réponse est dans la relecture car les obstacles sont pensés par l’auteur et sont, pour le lecteur, le signal du début du jeu. – Tout texte littéraire pose des questions implicites. Il faut apprendre à questionner les textes en dialoguant avec eux. « Lire, c’est habiter un texte : le texte fait don de soi, mais le lecteur aussi fait don de soi. Il doit faire la conquête du texte ». (2) 2. Faire en sorte qu’apparaisse, se fasse entendre le texte singulier du lecteur par : – des échanges oraux (confrontation de points de vue), nécessairement précédés par – des écrits de travail individuels (se reporter aux Instructions Officielles de 2002 concernant le « carnet de lecture ») * Immédiatement après une lecture silencieuse, demander à chaque élève d’écrire ce qu’il a compris du texte (avec, pour les GS et CP, voire CE1, l’utilisation de la dictée à l’adulte) * puis de formuler les questions que lui posent ce texte (j’ai compris / je n’ai pas compris) * Il est également possible de remplir un blanc dans le texte, d’écrire la fin d’une histoire… Fonctions des écrits de travail C’est en écrivant qu’on prend conscience de ce qu’on a compris, beaucoup plus qu’en parlant. Écrire aide à penser sa lecture. Pour les élèves : – occasion de dialoguer solitairement avec le texte, de dire son voyage personnel dans le texte. Il y a là une fonction de réassurance et d?auto-évaluation. Le droit d’avoir son mot à dire, comme les autres, sur le texte étant reconnu il devient avouable de dire ce qu’on ne comprend pas car il s’agit d’un aveu partagé où le lecteur fragile trouve sa place. – prendre le risque de la lecture et affirmer sa liberté et sa souveraineté de lecteur, ce qui n’est guère possible lorsqu’il s’agit de répondre aux questions du professeur, du livre. C’est la fonction d’explicitation et de clarification pour soi. Pour l’enseignant : accéder à la « boîte noire » des élèves Les écrits de travail, individuels, ont une fonction d’évaluation. Les reformulations par les élèves de ce qu’ils ont compris permettent à l’enseignant de connaître les actes singuliers de lecture, le niveau de compréhension de chacun et d’observer, dans la durée, les glissements de positionnement de chaque élève. Elles lui offrent la possibilité d’installer de nouvelles situations qui permettent la mise en débat des interprétations pour passer de l’impossible au plausible puis au vraisemblable. . Explicitation de l’évolution des textes de Gwenaëlle à partir d’une comparaison entre son premier écrit de travail, avant discussion collective (3), et de son deuxième écrit, après discussion collective . Noter que l’écrit de travail s’effectue en deux temps. . Compte-rendu d’un travail effectué à partir du texte Safari de Yack Rivais (4). Pour comprendre ce texte il est nécessaire d’inférer 1) du nom des personnages et de la description de leur engin pour découvrir que nous sommes dans la science fiction et que les personnages sont donc des extra terrestres ; 2) des choses bizarres qui se présentent sous la forme de périphrases (Les bêtes pourchassées sont des humains) Le cahier de lecture a une fonction de mémoire du travail singulier de chacun et du cheminement collectif du sens. Comment mener un débat interprétatif autour de textes ? Le débat interprétatif n’est ni un débat de valeur ni un débat citoyen qui prend le texte comme support pour une discussion sur un sujet. Ce qui n’enlève rien à la pertinence de la pratique de ces débats ! L’un de ses objectifs est de devenir fier de comprendre des textes difficiles et d’appartenir à une communauté de lettrés. La lecture littéraire est une activité intellectuelle intense qui apporte un plaisir esthétique et a des retentissements affectifs (« Qu’avez-vous retiré, pour vous, de ce texte ? ») Distinguer le « débat délibératif » du « débat spéculatif » selon les textes. Pour certains textes il n’y a qu’une solution unique : ils nécessitent un débat délibératif. D’autres textes, polysémiques, sont ouverts à une pluralité d’interprétations : ils nécessitent un débat spéculatif et exigent que soient nommés les indices relevés dans le texte pour chaque proposition afin d’en justifier la vraisemblance (5) . Il est important – de distinguer ce qui est de l’ordre du nécessaire de ce qui est de l’ordre de l’hypothétique, du possible ; le « c’est » de « ça pourrait être » – d’arriver à un consensus sur les diverses interprétations trouvées dans l’espace de la classe. (1) On peut trouver ce texte sur le site www.books.google.fr avec des propositions de Jean-louis Dumortier et Micheline Dispy. (2) Extrait de la conférence de Catherine Tauveron à l’IUFM de Bretagne, site IUFM de rennes, le 16/06/2001 ?site www.ien-st-jacques.ac-rennes.fr où vous trouverez des types de textes, des choix de dispositifs de présentation et de questionnement, les fonctions et la typologie des réseaux, une typologie des écrits de travail et une analyse de la « place du maître ». (3) A partir du texte Pied d’or de Rascalet Isabelle Chatellard, Ed. Pastel. (4) Se reporter à l’intervention de CatherineTauveron lors de la conférence pédagogique « Lecture de la littérature à l’école » (13 janvier 2010 – circonscriptions de Dijon-Centre et DijonSud) : site www.ien21-sud.ac-dijon.fr (5) Voir paragraphe « Typologie des écrits de travail » – site www.ien-st-jacques.ac-rennes.fr
Retour sur le stage « subvertir les pratiques pédagogiques » 23 février 2014 Jacqueline Bonnard « Subvertir les pratiques pédagogiques » Près de 300 personnes à ce stage qui s’est déroulé les 30 et 31 janvier 2014 à Créteil auquel le GFEN d’Île de France a participé activement.. L’organisation en était assurée par Sud Education 75 et 92, la CNT, Émancipation, la revue « N’Autre école », le site « Questions de classe », et seul mouvement pédagogique à avoir accepté d’être dans le comité d’organisation, le GFEN Île-de-France Voir le programme du stage sur le site « Questions de classe » 2 ateliers du GFEN ont été proposés Atelier « Texte recréé » animé par Pascal DIARD L’atelier a regroupé un groupe de quarante stagiaires de disciplines et de degrés d’enseignement divers. Dans un premier temps chacun a pu se positionner par rapport à la poésie. L’atelier est ensuite présenté sous la forme d’un défi : être capable de retrouver un texte mot à mot et cela après 2 écoutes seulement, par la force du collectif… Il s’agit d’un texte de J. Prevert qu’aucun des participants ne doit connaître. Celui qui connaît le poème devient observateur. Une première écoute du poème, sans prise de notes. A la suite de cette écoute, les participants expriment leurs impressions,les images évoquées, le ressenti de chacun. Durant cet échange, l’animateur ne fait aucun commentaire. Lors de la deuxième écoute, les participants sont concentrés au maximum et tentent de trouver les indices nécessaires à la mémorisation du texte. Puis progressivement, le groupe recrée le texte lu, l’animateur notant les propositions justes. Lorsqu’il y a une hésitation, on laisse un blanc. On commence par le début bien entendu, et à l’aide des propositions des et des autres, la première strophe apparaît. Chemin faisant, on aborde les questions sur le style, le rythme, la grammaire. On parle poésie, de la forme des écrits de Prévert. En relisant le texte reconstruit, les « blancs » disparaissent… C’est par la mise en commun et la confrontation de toutes les écoutes que le défi est relevé. Mission accomplie ! « Apprendre devient un moment de partage et d’échange où seul l’énergie et le travail de toutes et tous permet d’arriver au but« . Atelier « la lecture silencieuse avec questions préalables » animé par Pascal DIARD 21 participants, en majorité de professeurs d’Histoire-Géographie, mais aussi des professeurs des écoles, des professeurs de SVT, langues, philosophie… Il s’agit d’une démarche autour d’un document historique « le discours de Pétain du 30 octobre 1940. D’ordinaire, l’enseignant donne aux élèves le document accompagné de questions. Mais ici, on procède autrement : 1 – Le « document sans question mais avec des consignes » : « écrivez tout ce qui vous vient en tête », « faites des mises en relation », « tirez les conclusions que vous voulez ». Il semblent évident qu’ au bout d’un moment, les élèves demandent s’ils peuvent s’en poser ! Exemple : à propos d’un travail sur l’Affiche Rouge. Les élèves se demandent pourquoi elle est rouge? qui est représenté ? Et finalement : « mais qui a fait cette affiche ? ». A partir de ce questionnement, le cours magistral est facile à mettre en oeuvre. 2 – Lors de la « lecture silencieuse avec questions préalables », on inverse la démarche puisque l’on donne d’abord les questions et ensuite le document. Le lecteur est donc celui qui donne du sens à la lecture puisqu’il va essayer de répondre aux questions sans le document. Le déroulement de l’atelier (les participants sont répartis dans 3 groupes de 7 stagiaires) 1. Chacun lit individuellement les questions sans avoir le document 2. Puis chacun lit le document (allocution radio difffusée de Pétain) et tente de répondre individuellement aux questions 3.Mise en commun des réponses au sein de chacun des groupes Remarque : chaque groupe a en commun la première et la dernière questions mais celles du milieu varient. – La première question est une question de prélèvement d’informations dans le document, pour permettre aux élèves en difficulté de s’impliquer plus facilement. Il s’agit ici de trouver « la ou les expressions qui indiquent le contexte ». – Les questions suivantes obligent les élèves à mettre en relation plusieurs informations du texte. Ici, elles tournent autour de la collaboration, de la France, de l’Europe. Ceci entraîne les élèves à s’interroger sur ces notions et leur signification actuelle. – La dernière question vise à aller au-delà du texte pour interroger l’Histoire. Même si les questions médianes sont différentes, elles renvoient à des notions communes car l’on constate que chaque groupe est amené à débattre des questions des autres groupes. 4. La mise en commun des travaux de groupe :Chaque groupe présente ses éléments de réponses que l’enseignant note au tableau sous forme de schéma. Et le schéma se complète au fur et à mesure que les travaux des différents groupes s’affichent. Analyse – Le travail de groupe permet la confrontation des idées. Chacun est obligé de justifier, d’argumenter mais il n’a de sens que si chacun s’empare de la dimension collective. Chacun lit et comprend différemment. Les questions n’appellent pas de réponse univoque. Chaque réponse a sa place mais l’expression de la réponse peut être différente. Certaines interprétations peuvent être « partielles », « idéologiquement déterminées » ou bien encore « historiquement datées » et on ne peut les conserver. -Donner les questions avant le document crée une attente : l’élève a envie d’avoir le document. -On déplace le rapport à la question. En interprétant les questions avant d’avoir lu le document, les élèves entrent dans une lecture active. – Le choix du document : les textes choisis doivent permettre un travail sur des concepts universels. Les questions invitent alors au va-et-vient entre le passé et le présent des élèves.Il peut être intéressant de faire comparer les documents originaux à ceux publiés dans les manuels car les différences, les ellipses sont souvent énormes. Le ressenti de l’animateur Des ateliers intéressants dans leur dynamique et par l’implication des participants. !! Bouleversante expérience pour l’animateur !! lors de la lecture silencieuse sur le discours de Pétain du 30 octobre 1940 (présence d’un professeur de philosophie aveugle). Le délai d’une heure trente par atelier a été tenu avec : présentation des participant-es et de leurs attentes par rapport à l’atelier, vécu de l’atelier, moment de réflexion sur l’atelier autour de la question « en quoi celui-ci est subversif au niveau des pratiques pédagogiques ? ». La qualité des compte-rendu faits par des stagiaires indique que ce dernier moment a produit une prise de conscience importante (certaines stagiaires affirmant par exemple qu’elles allaient faire le texte recréé dès la semaine suivante!).
La conférence de Marie-Claude JAVERZAT à Nevers le 22 janvier 3 février 2014 Jacqueline Bonnard Marie-Claude Javerzat, enseignante-chercheure à l’université de Bordeaux et à l’ESPE de Périgueux, est venue à Nevers le mercredi 22 janvier. Presque 40 personnes étaient présentes au CDDP ce jour-là, enseignantes, inspectrices, profs d’écoles stagiaires, professeur formateur de l’ESPE, étudiants, responsable de centre social, et puis tout le groupe du gfen 58. Après avoir identifié les obstacles ou les freins au développement de la culture littéraire, Marie-Claude Javerzat a développé des démarches didactiques et pédagogiques qui permettent à tous les élèves (de la maternelle à l’élémentaire et à l’ASH) d’apprendre à comprendre ce qu’ils lisent et d’accéder à la littérature. Succès de l’opération qui a fait connaitre le GFEN et de la conférence qui a permis de théoriser des pratiques de classe.
Entretien avec Nicole Grataloup pour le site Q2C 23 décembre 2013 Valérie Pinton Questions de classes, 20/12/13 Nicole Grataloup est professeur de philosophie, actuellement retraitée, responsable du secteur philosophie du GFEN depuis 1989, a publié de nombreux articles et participé à des ouvrages collectifs sur l’enseignement de la philosophie et sa didactique. Q2C : Peux-tu expliquer rapidement, pour ceux qui ne connaissent pas, ce qu’est le Groupe Français d’éducation nouvelle (GFEN) et ses objectifs ? Nicole Grataloup : Le GFEN est un mouvement pédagogique qui existe depuis 1922 (Paul Langevin et Henri Wallon, entre autres, en ont été présidents) et qui a développé depuis les années 70, avec Henri et Odette Bassis, une conception de l’apprentissage que l’on pourrait qualifier, pour aller vite, de socio-constructiviste ; d’abord surtout à l’école primaire, puis au fil des années au collège et au lycée, ainsi que dans de multiples lieux de formation et d’éducation. Cette conception est basée sur le pari de l’égale intelligence de tous les humains : « tous capables » d’apprendre et de réussir, à condition qu’on leur propose les situations et les consignes de travail qui le leur permettent. La pédagogie traditionnelle fait apprendre des savoirs coupés de leur processus d’élaboration (historique et conceptuel), coupés de la recherche et du questionnement dont ils sont le résultat : il s’agit au contraire de faire construire les savoirs par les élèves, en leur proposant justement d’entrer dans ce questionnement et cette recherche, pour que ces savoirs prennent sens et soient véritablement appropriés conceptuellement. Contre l’idéologie des dons et la théorie du « handicap socio-culturel », qui sont tour à tour (ou conjointement) mobilisées pour expliquer/justifier l’échec scolaire et le creusement des inégalités sociales à l’école, le GFEN propose au contraire de développer la recherche et l’élaboration de « démarches d’auto-socio-construction du savoir » qui permette à tous d’apprendre et de réussir ; contre l’individualisation des apprentissages et des parcours, qui semble être devenu le maître-mot dans l’éducation aujourd’hui, le GFEN propose au contraire l’idée qu’on apprend mieux ensemble, dans la confrontation et la collaboration avec l’autre, quand la classe est instituée en collectif de recherche et de travail ; contre « l’égalité des chances », le GFEN propose de mettre l’égalité (tout court) à la base des pratiques et des politiques d’éducation, dans une perspective démocratisante et émancipatrice. Tels sont, rapidement brossés, les principes généraux qui guident le travail concret et minutieux que mènent les groupes et les secteurs du GFEN, au plus près des différents contenus disciplinaires, des approches méthodologiques et des réalités de terrain partout où ils interviennent. Q2C : Quand a été crée le GFEN Philo et quel est son fonctionnement ? A qui est-il ouvert ? N.G. : En 1989, nous étions plusieurs professeurs de philosophie membres du GFEN et nous avons voulu créer un secteur afin de travailler collectivement sur la pédagogie et la didactique de la philosophie. A cette époque, l’enseignement de la philosophie, et en tout cas ses représentations institutionnelles (Inspection, associations, publications, instances de formation continue etc..) étaient largement hostiles à toute pédagogie, conformément au « dogme » que « la philosophie est à elle-même sa propre pédagogie » : les difficultés des élèves viennent de leur cursus antérieur qui ne les a pas bien préparés à la philosophie, en conséquence de quoi toute recherche de type pédagogique en philosophie est inutile, voire néfaste. En rupture avec cela, nous étions convaincus qu’on ne pouvait pas travailler à une véritable démocratisation de l’enseignement de la philosophie, au-delà de sa massification de fait dans ces années là, sans se poser les questions pédagogiques et didactiques que beaucoup de disciplines se posaient déjà. C’est pourquoi nous avons créé au sein du mouvement un secteur philo, afin de mettre en œuvre les principes du GFEN dans l’enseignement de la philosophie. Ce secteur travaille donc depuis 24 ans, avec des réunions régulières, des stages annuels, des publications. Il est ouvert à tous ceux qui souhaitent travailler dans ce sens, en premier lieu des professeurs de philosophie, mais pas exclusivement. Q2C : Quelles sont les principales activités du GFEN Philo ?N.G : Les activités du GFEN philo consistent d’abord en des réunions régulières tout au long de l’année, dans lesquelles nous élaborons ensemble des démarches pour l’enseignement de la philosophie, que nous expérimentons dans nos classes, dans des stages avec des adultes, pour en analyser ensemble les effets, les échecs et les réussites, et les affiner, les faire évoluer en fonction de ces observations. Ce travail de l’année aboutit à un stage annuel, en général fin août juste avant la rentrée, centré sur un thème philosophique ou sur une question didactique, destiné aux professeurs de philosophie mais aussi ouverts à tous (professeurs d’autres disciplines, et d’autres niveaux d’enseignement, éducateurs dans et hors l’école). Dans ces stages nous faisons vivre aux stagiaires (et à nous-mêmes donc aussi, abolissant ainsi la distinction formateur/formé) les démarches que nous avons inventées, nous les analysons ensemble, réfléchissons à la manière de les adapter pour des élèves, d’améliorer les consignes de travail etc… La revue Pratiques de la philosophie (11 numéros parus) que nous avons créée en 1991 publie nos démarches et réflexions, et accueille aussi des articles de chercheurs, de philosophes et de professeurs qui souhaitent partager leurs expériences et leurs analyses. Enfin, nous avons publié l’ouvrage Philosopher, tous capables (Chronique Sociale, 2005), qui rassemble une grande partie de nos recherches, aussi bien des démarches précises que des réflexions plus générales, sur les questions que se posent les professeurs de philosophie : comment susciter l’intérêt des élèves, comment leur faire lire des textes de philosophie, comment leur apprendre à écrire de la philosophie, à s’approprier les concepts et problèmes philosophiques, à débattre ? Le sommaire détaillé de ce livre, ainsi que les sommaires des 11 numéros de Pratiques de la philosophie sont consultables sur le site du GFEN (new.gfen.asso.fr, à la rubrique ressources, livres et périodiques). Q2C : Quel est à ton avis l’intérêt de ce travail ? N.G : Il me semble important de dire qu’à nos yeux, l’ensemble de ce travail constitue, pour nous et ceux qui y participent avec nous, un dispositif de formation continue qui n’a rien à voir avec celle qui se pratique dans les instances officielles : inventer ensemble des démarches, les expérimenter soi-même et en classe, les passer au crible de la critique collective, analyser les manières de mener une démarche, comprendre ce qui « marche » et ce qui « ne marche pas », et pourquoi ; mieux analyser et comprendre la façon dont chacun, selon son style propre, fonctionne dans sa classe et dans son rapport à la philosophie ; analyser ensemble les difficultés des élèves et trouver les moyens de les aider à les résoudre ; mais aussi réfléchir ensemble aux fondements théoriques de ce que nous faisons, découvrir de nouveaux textes ou problématiques en se demandant comment les faire découvrir à nos élèves ; écrire ses pratiques… Tout ceci avec la profonde conviction que chaque professeur est un chercheur, que la seule formation qui vaille est celle qui est menée par les professionnels eux-mêmes, sans hiérarchie évaluatrice, sans distinction formateur/formé, sans imposition des « bonnes pratiques » par celui qui sait à celui qui ne sait pas. Mais au contraire dans un travail collectif qui met chacun à égalité, avec rigueur et sans complaisance, aussi bien dans l’élaboration que dans l’analyse des démarches et des pratiques. C’est là à notre avis tout ce que n’est pas la formation continue que l’institution propose aux professeurs de philosophie et ce qu’elle devrait être. Q2C : Est-ce que tu peux revenir sur la notion de construction d’une « démarche » ? En quoi cela consiste-t-il ? Peux-tu nous donner un exemple de démarche ? N.G : Ta question me permet de revenir sur ce qui est finalement la raison d’être de notre secteur : que le travail que nous menons avec les élèves que nous avons en charge soit le plus formateur pour eux, leur permette de développer au maximum leurs capacités de réflexion, d’analyse, de conceptualisation et de problématisation philosophique. Il nous semble que l’enseignement de la philosophie est encore trop souvent pris dans la crainte que si on renonce au cours magistral ou au cours « dialogué », on va nécessairement tomber dans la discussion de café du commerce ou « l’expression des opinions » des élèves. Or ce que nous proposons, c’est au contraire de dépasser cette fausse alternative, en instituant la classe en collectif de recherche philosophique ; et les « démarches » sont les dispositifs concrets qui font travailler ce collectif. Parce que nous nous posons la question de l’activité des élèves, et que nous savons qu’elle n’est pas « spontanée », nous pensons qu’il faut leur proposer des situations de travail qui leur permette de déployer cette activité, individuellement et collectivement, pour construire ensemble la compréhension d’un concept, le débat sur un problème, l’appropriation d’un texte philosophique, le développement des compétences d’écriture.Pour détailler un peu ce que signifie élaborer une démarche, je dirais qu’il faut : identifier le noyau conceptuel que l’on veut travailler, l’objectif premier étant l’appropriation de ce noyau conceptuel, mais aussi les objectifs méthodologiques, les processus de pensée dont on pense qu’ils seront nécessaires au travail imaginer une situation-problème qui mette en jeu ce noyau conceptuel : cela peut se faire à partir des questions des élèves, de la confrontation de leurs opinions ; à partir de situations réelles (par exemple, un corpus d’exemples de « désobéissance » pour démarrer une démarche sur la désobéissance civile) ou fictives (par exemple un récit littéraire ou mythologique) etc.. organiser le travail individuel ou de groupe sur la situation-problème, avec des consignes précises les amenant à identifier le problème posé, à formuler des hypothèses quant à sa résolution, dégager les présupposés et les implications de ces hypothèses chercher des textes philosophiques proposant des concepts et des thèses pour éclairer de diverses façons le problème, concevoir les consignes à donner aux élèves quant à la lecture et à l’utilisation de ces textes organiser le débat entre les groupes, en définissant la forme et les acteurs du débat, ainsi que sa finalité : par exemple la forme « procès » devra aboutir à un verdict argumenté ; la forme « colloque » devra mettre au jour les thèses en présence, identifier la nature de leurs désaccords ou convergences, évaluer la possibilité de les concilier ou pas ; la forme « séminaire » devra construire peu à peu la compréhension d’un texte long à partir de la succession de ses fragments analysés et explicités par les différents groupes définir ce qu’il faut mettre en place comme dispositif pour que tout ce travail débouche sur une appréhension et compréhension la plus claire possible de la problématique et des concepts qu’elle engage, soit oralement ensemble dans la classe, soit par des travaux d’écriture individuelle et/ou collective : lettre, dialogue, compte rendu, article de dictionnaire. C’est-à-dire penser comment on va conclure sur le contenu conceptuel du travail. concevoir les modalités du retour réflexif sur la démarche, c’est-à-dire le moment où on va identifier et nommer les processus de pensée qu’on a mis en œuvre, ce qu’on a fait, ce qu’on a appris en termes de méthodes de réflexion, de compétences philosophiques. Nous faisons ce travail ensemble, ou à partir d’une proposition, d’une idée de l’un d’entre nous, en ayant toujours en tête nos élèves concrets, leurs potentialités et leurs difficultés, la situation réelle dans laquelle nous sommes avec eux. Ce faisant, nous avons élaboré tout un répertoire de formes de travail, qui peuvent se combiner différemment selon l’objet de la démarche et ses objectifs, selon l’accentuation que chacun veut donner à la démarche dans un moment particulier du travail de sa classe. Ce « répertoire » est en constant développement, par le travail du groupe que j’ai décrit plus haut, par la confrontation avec la réalité des élèves, par la critique permanente que nous en faisons : nos démarches ont une histoire, et le dernier mot n’est jamais dit. Q2C : Aujourd’hui quelle est l’actualité du GFEN Philo ? Quels sont ses projets ? N.G. : D’une part, nous sommes de plus en plus en lien avec d’autres groupes ou associations qui travaillent aussi sur l’enseignement de la philosophie : avec l’Acireph, que nous avons contribué à créer en 1998, avec le groupe « enseigner la philosophie autrement », avec des « microlycées » ou Lycée de la Nouvelle Chance (LNC) auxquels participent certains d’entre nous. Nous sommes intervenus au colloque de l’Unesco sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques fin novembre (suite logique d’une collaboration de longue date avec Michel Tozzi), et au colloque Enseignement et pratiques de la philosophie en France organisé par le CAREF de l’Université d’Amiens début décembre. Cette diversité de lieux de recherche théoriques et pratiques nous semble très positive : on est loin de l’ostracisme à l’égard de la pédagogie et de la didactique de la philosophie qui régnait lors de la création du secteur en 1989, et c’est sans doute le signe que des choses peuvent (enfin !) changer dans l’enseignement de la philosophie. D’autre part, nous poursuivons notre propre travail : nous avons en projet un stage à la rentrée 2014, qui serait centré sur la question du langage, de ses enjeux à la fois pédagogiques, sociaux et politiques, et nous allons y travailler à partir de janvier. Ceci est une invitation, adressée à tous ceux qui liront cet entretien, de venir nous rejoindre pour participer à son élaboration ! Pour toute information : nicole.grataloup2@wanadoo.fr et new.gfen.asso.fr Propos recueillis par Irène Pereira Voir les commentaires de l’article sur le Forum du site Questions de Classe(s)