Stage Sud Education Guyane 8ème édition

Pour la 8è année consécutive, SUD Éducation Guyane organise la formation syndicale : Éducation populaire et Pédagogies émancipatrices à Saint-Laurent-du-Maroni les 15 et 16 avril 2024 et à Cayenne les 18 et 19 avril 2024.
Dominique Piveteaud et Pascal Diard interviennent pour le GFEN et témoignent…

Lundi 15 avril 2024

La situation en Guyane, et particulièrement à Saint-Laurent du Maroni, est socialement explosive, instable, ne serait-ce que parce que les promesses de l’Etat, par suite du mouvement de 2017, n’ont toujours pas été tenues. Ce lundi, d’ailleurs, a eu lieu une marche en colère et en hommage à une pharmacienne assassinée. La préfecture est sous surveillance !

L’école est, elle aussi, sous tension. Les réalités dont témoignent Éric et Angélique, le couple d’enseignants en collège qui nous héberge à Saint-Laurent, sont sidérantes et disent à quel point l’Etat laisse à l’abandon les élèves comme les personnels.

C’est pourquoi le thème du stage, cette année, avait trait à « la violence à l’école », thème particulièrement casse-gueule quand les émotions sont au comble de l’incandescence.

Et pourtant nous avons décidé de concentrer notre travail autour de deux axes : la violence est aussi et d’abord celle de l’école ; transformer la violence en conflit socio-cognitif est une possibilité de dépassement des situations-impasses qui subjuguent bon nombre de nos collègues.

Le programme pour deux jours s’est alors construit comme à notre habitude : avec les camarades du syndicat, Sabine et Elsa.

Une première journée pour interroger nos pratiques professionnelles ; une seconde journée pour vivre des démarches intellectuelles dans des pratiques de transformation.

Le stage se déroule dans un lieu qui donne à voir l’autre versant de la Guyane, celui d’une nature luxuriante dont la vie cachée fait sentir sa présence. Nous travaillons dans un carbet au milieu de la forêt.

La matinée débute par un débat mouvant à partir de la phrase : « les fautes d’orthographes n’existent pas ». Les participants doivent se placer d’un côté du cercle s’ils sont d’accord, à l’opposé s’ils ne le sont pas. Un échange s’installe à partir des argumentations des uns et des autres. Les questions de la norme, du respect de la règle, de l’assignation sociale en fonction de sa maîtrise de l’orthographe, de l’erreur comme terme possible de remplacement…

La suite se déroule autour d’une proposition de lecture et d’écriture sous l’intitulé : « En quoi l’expérience personnelle de la scolarité imprime-t-elle l’identité professionnelle et le rapport à enseigner ? » Lecture et mise en voix de récits d’école d’auteurs (Sarraute, Pennac, Ernaux, Camus) puis écriture à partir de l’invitation de Pérec : « Je me souviens ». Un débat s’engage ensuite sur ce qui fait violence dans la vie quotidienne de la classe, notamment autour de la langue professionnelle qui véhicule des termes dont la violence symbolique est patente.

Après un déjeuner convivial, deux ateliers en parallèle. La démarche des allumettes animée par Pascal et une situation d’appropriation d’un roman court pour la jeunesse animée par Dominique. Chaque groupe disposait d’un chapitre du livre avec pour invitation de réagir au texte par la formulation des questions que les participants se posaient à partir de leur lecture. La publication orale de l’ensemble des questions a déclenché un débat sur les intentions des différents protagonistes de l’ouvrage et de l’auteur. L’analyse de la démarche a permis de faire le lien avec la thématique du stage en interrogeant le rôle de la question dans les pratiques enseignantes et de poser celle d’un changement de paradigme : Comment passer de la question du professeur à laquelle il faut répondre à la mise en questionnement pour légitimer le besoin de construire des réponses.

La démarche des allumettes s’imposait selon nous. Car s’il y a bien une violence primordiale de l’institution vis-à-vis des personnels, c’est de lancer dans le bain des classes de jeunes femmes et de jeunes hommes sans formation initiale pour réfléchir aux savoirs et aux pratiques pédagogiques qu’elles et ils ont vécus en tant qu’élèves. Un des débats, en fin de démarche, entre formalisme et formalisation, montre à quel point cette démarche interroge, interpelle, intéresse celles et ceux qui viennent d’être bousculé.es. Mais comme le dit si bien Henri Bassis : « Ce n’est pas l’animateur qui forme, c’est le stagiaire qui se transforme ». Chiche !!!

Mardi 16 avril 2024

La tension évoquée hier a fini par se traduire par un blocage de la ville de Saint Laurent du Maroni. Après l’évacuation par les gendarmes d’habitants installés pacifiquement aux abords de la préfecture et la réponse jugée indigente du préfet aux revendications, des barrages ont été érigés durant la nuit bloquant la ville dans sa totalité. Impossible d’entrer ni de sortir.

La deuxième journée de formation qui se déroulait à l’extérieur dans la forêt n’a pu se tenir, Pascal et Dominique se trouvant dans l’impossibilité de sortir de Saint Laurent du Maroni.

Certains participants se sont retrouvés et ont pu échanger sur leurs pratiques et partager expériences et conseils.

L’opération d’exfiltration des deux formateurs a pris des allures de film. Les 3 barrages successifs ont pu être franchis grâce à la mobilisation de plusieurs militants de Sud éducation Guyane (Eric, Pierre, Béatrice et Sabine depuis Cayenne). A l’heure où s’écrit ce papier, Pascal et Dominique sont à Mana, au bord du fleuve. Antoine doit venir depuis Cayenne demain matin pour faire le voyage retour. Des informations circulent sur des heurts à Kourou qui se trouve sur le trajet vers Cayenne.

A suivre donc…

Jeudi 18 avril 2024

Quarante personnes à Cayenne sous la pluie mais à l’université, à l’abri mais sous le regard et les protestations d’un Kikiwi qui avait fait son nid en hauteur au beau milieu de la salle et visiblement peu sensible à nos questions pédagogiques. Bruit de fond donc de pluie diluvienne et de protestations d’oiseau.

La matinée a débuté, après la présentation du GFEN, par le débat mouvant sur la même affirmation qu’à Saint Laurent du Maroni à savoir « les fautes d’orthographe n’existent pas ». Pour pousser le bouchon, nous avons proposé un temps de travail autour de certains termes courants de la langue professionnelle considérés comme problématiques c’est-à-dire à interroger (faute, correction, hors-sujet, production d’écrit, consigne…). Les participants en groupe ont échangé sur l’aspect discutable ou non de ces items et envisagé des alternatives si besoin. Un échange en plénière a permis d’élargir sur le portage insu d’une violence symbolique.

L’atelier de lecture et de mise en voix des récits d’école a contribué à nommer certaines violences des pratiques et des postures et à identifier des points de vigilance.

L’après-midi s’est déroulé sur le même schéma qu’à Saint Laurent du Maroni à savoir la démarche des allumettes et le problème sans question autour d’un texte de littérature de jeunesse.

Cayenne n’est pas Saint-Laurent, comme l’est guyanais semble à l’opposé de l’ouest guyanais. Ici, les bâtiments de l’université en témoignent, les enseignant.es sont formé.es dans de meilleures conditions. Et les questions qu’elles et ils se posent évoquent des réalités différentes, au sens où les contradictions opèrent à des degrés plus ou moins violents (par exemple, la question de la non-scolarisation massive d’élèves se pose moins à Cayenne). Ce qui fait que les dynamiques de stage se présentent sous diverses formes : les retours réflexifs engagent des débats autres (plus conceptuels à Saint-Laurent, plus didactiques à Cayenne) ; les remarques critiques se politisent très vite à Saint-Laurent, se professionnalisent plutôt à Cayenne ; les témoignages à propos des élèves se centrent sur la précarité des conditions d’existence à Saint-Laurent, sur les difficultés d’apprentissage à Cayenne.

Et pourtant, comme le soleil se lève à l’est pour mieux se coucher à l’ouest, il y a bien une complémentarité des conditions du métier enseignant en Guyane qui s’exprime dans la soif inextinguible de penser son métier pour mieux en maîtriser les possibles transformations, dans cette soif qui ne cesse de nous étonner à chaque fois. Qui nous oblige, nous militants et militantes du GFEN, à ne pas nous reposer dans l’évidence de nos certitudes, à remettre sur le tarmac le travail de la pensée pédagogique comme à refonder nos pratiques dans le dialogue avec celles et ceux qui les vivent.

Samedi 20 avril 2024

La deuxième et dernière journée de formation à Cayenne s’est déroulée sur fond d’annonce du premier ministre d’un retour à l’école du Maréchal (de la Maréchal ?). Le traitement de la violence par la violence. Celle-ci dirigée contre une jeunesse ciblée, celle qui « glisse vers le repli, les marges ou la violence ». La réponse ne sera pas éducative mais punitive, preuve que l’idée selon laquelle les classes laborieuses sont dangereuses devient une ligne de conduite revendiquée.

La démarche sur la laïcité[1] animée par Pascal le matin a fait émerger combien la formulation d’idées, aussi généreuses soient-elles, produit ses propres limites si l’on considère qu’elles se suffisent à elles-mêmes. Les débats ont parfois été vifs entre les promoteurs d’une vision égalitaire où l’horizontalité gouverne l’organisation et les porteurs d’une société qui clive l’intime et le collectif au nom du respect des croyances de chacun. Mais quelle organisation du travail, de l’éducation, de la prise en charge de la santé ?…

L’idée que « les valeurs n’existent que par les pratiques qui les font vivre » a constitué un des fils rouges de cette formation. Idée qui a fait mouche chez beaucoup. La taille de l’insecte a pu varier en fonction des cheminements singuliers.

La question de l’ambition éducative a été évoquée à l’occasion de l’atelier d’écriture de l’après-midi[2]. Les participants étaient invités à écrire un texte à partir d’un propos de Maria-Alice Médioni « Introduire systématiquement l’insolite et la perturbation dans toute situation d’apprentissage pour apprendre l’indocilité intellectuelle » et d’une citation d’Albert Einstein : « L’intelligence ne se nourrit pas de réponses mais de questions »[3].

Ecrire en se mettant en situation de laborantins a contribué, par l’utilisation de contraintes, à poser la question du rôle du collectif dans l’écriture singulière. La teneur des textes entendus a rendu public les déplacements, les prises de conscience et l’enthousiasme à se mettre en questionnement sur la pratique professionnelle.

Dans un contexte géographique, politique et social comme celui de la Guyane, la question des rapports de domination sur fond d’histoire coloniale et pénitentiaire, de la transportation puis de la relégation exsude fortement. Comment, dans nos pratiques, être suffisamment vigilants pour ne pas, à notre insu, condamner à perpétuité ces enfants et ces adolescents à une assignation à résidence ?

Nota bene de Pascal : Cela fait maintenant près de 10 ans que je sillonne ce territoire « ultra-marin » (ultra contrôlé autour du pas de tir des fusées, ultra délaissé le long du fleuve Maroni). Et je continue à m’étonner du courage, de l’inventivité des camarades, de leur accueil enthousiaste pour nos formations, et ce dans des contextes où le découragement guette, où la violence institutionnelle est crue, cruelle, sans panache, presque mécanique (les promoteurs s’en donnent à cœur joie et à forêt dévasté le long du Maroni mais 8500 élèves attendent un toit scolaire pour grandir).

Où les élèves « sont gentils » (combien de fois ai-je entendu cette phrase cette semaine !!).

La révolte est toujours à deux doigts … du réel ! Les contrastes et les contradictions sont ses moteurs. Que faudrait-il pour que ces révoltes deviennent révolution ? A notre modeste niveau, je crois que nous essayons d’y contribuer. Celles et ceux qui l’habitent et que nous avons rencontrés ont demain dans leurs mains et dans leur tête. Je les salue encore une fois !

Dominique et Pascal

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[1] Celle inventée par le secteur philo, agrémentée des prolongements inventés par Romain Geffrouais pour ces classes de lycée à Vitry.

[2] La démarche « Laboratoire » clôt le livre de Jeanne et Marie, le célèbre « grand livre bleu ».

[3] Ces deux citations se trouvent dans le numéro de Dialogue « Dépasser la violence … apprendre » (n°174), p 40.

Lettre à un journaliste qui se dit nul en maths

Jacqueline Bonnard, France Bleue

Le 4 décembre, Jacqueline Bonnard était invitée par France Bleue Touraine pour une interview concernant l’annonce de « la baisse de niveau » qu’on présupposait aux évaluations PISA.

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Dans l’article suivant Jacqueline Bonnard explicite ses propos.

Lettre à un journaliste qui se dit nul en maths

Jacqueline Bonnard (secrétaire nationale du GFEN et responsable du GFEN 37)
6 décembre 2023

Le niveau baisse en particulier en maths, l’heure est grave nous dit-on en ce 4 décembre 2023, en l’attente des résultats de l’enquête PISA qui évalue les compétences des élèves de 15 ans de 81 pays dans trois domaines clés : la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique. 

D’ores et déjà, on présuppose que les résultats seront mauvais, m’annonce la journaliste de France Bleu Touraine me contactant après avoir repéré mes coordonnées sur le site national du GFEN. Après échanges sur nos activités de formation tant nationales que locales, elle m’invite à une interview de 5mn sur le sujet lors de la matinale du lendemain vers 7h30.

Dès potron-minet, je me pointe donc à la dite-station après m’être interrogée sur ce qu’il y aurait d’important à dire à ce sujet. 5 mn, c’est court surtout lorsque c’est entrecoupé de commentaires qui balaient rapidement les différents volets de la question sans qu’on puisse dérouler le fil de sa pensée… mais c’est l’exercice imposé et toute expérience est bonne à prendre même s’il est frustrant d’effleurer les causes du problème récurrent de l’enseignement des mathématiques et des sciences dans notre système éducatif. D’ailleurs est-il seulement question de maths ?

Ce que nous disent toutes les enquêtes auxquelles la France participe et qui scrutent l’efficacité des systèmes éducatifs sur une classe d’âge, c’est que les élèves français savent déchiffrer un texte mais qu’ils peinent à se représenter les situations décrites d’une part et repérer les informations utiles à résoudre le problème posé d’autre part. Tout se passe comme s’il ne s’agissait que d’utiliser des techniques opératoires acquises laborieusement sans rapport avec la situation décrite dans l’énoncé. C’est ce que nous pointons du doigt depuis de nombreuses années et qui a été si bien analysé par Odette Bassis[1] qui nous propose d’enseigner autrement, en faisant en sorte que tout commence par des questions, non pas celles que pose l’enseignant mais celles que se posent les élèves à partir d’une situation donnée.

Alors c’est une question de méthodes ?

Lors de l’audition du 13 septembre 2023 au CESE, Jacques Bernardin[2] rappelait les éléments incontournables pour une véritable réussite scolaire, sachant que les élèves apprennent d’autant mieux qu’ils sont impliqués et intellectuellement actifs. D’abord, il faudrait multiplier les situations suscitant la recherche.  Au GFEN, nous incitons les collègues à proposer des situations de recherche sous forme d’énigme ou de défi visant à créer l’intérêt, l’implication personnelle (situations ouvertes, assez complexes pour que chacun puisse y apporter sa pierre depuis son expérience, donc amenant à faire des hypothèses et des propositions). Cette recherche doit être ponctuée de confrontations entre pairs au sein de petits groupes, amenant à expliciter les points de vue, à les justifier, à argumenter et à raisonner. L’objectif est de parvenir collectivement, certains diraient dans un esprit coopératif à une solution concertée. Mais cette participation active ne serait rien sans un temps de formalisation, d’institutionnalisation, où l’on tire leçon de l’expérience, où l’on dégage l’essentiel, les éléments-clés. De même, tout apprentissage devrait s’accompagner de modalités d’évaluation qui forme l’élève à l’autorégulation c’est-à-dire apprendre à repérer ce qu’il a appris, ce qu’il sait déjà faire et ce qu’il lui reste à accomplir pour atteindre l’objectif visé.

Ou une question de formation ?

Vaste programme direz-vous, mais qui pose la question de la formation des enseignants. Si l’on veut faire évoluer favorablement la situation, il faut commencer par l’enseignement des mathématiques et des sciences à l’école primaire – et ce dès l’école maternelle – non pas en assénant des savoirs finis à mémoriser mais en installant chez les élèves une posture de chercheur au sens de Bachelard : « Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. »[3]

Or la majorité des enseignants de l’école primaire sont issus de filières littéraires ou sciences humaines et se disent mal à l’aise avec ces disciplines. La formation professionnelle – aussi bien initiale que continue – devrait tenir compte de ces données par des mises à niveau nécessaires à la manipulation de concepts que les élèves doivent intégrer dans leur mode de pensée. Ceci est un préalable mais ne dédouane pas d’une réflexion sur les méthodes pédagogiques. La tentation du Ministère – dans un souci très libéral d’économie car la formation a un coût – est de fournir des outils clés en main de bonnes pratiques sous forme de Vadémécums mais il ne suffit pas de reproduire les exemples décrits pour transmettre les savoirs visés. Enseigner est un métier qui s’apprend. Ni répétiteur ou illusionniste, l’enseignant affine ses pratiques par compagnonnage et/ou échanges avec ses pairs, mais une véritable formation (initiale et continue) est nécessaire pour assoir une professionnalité : une formation s’appuyant sur les savoirs disciplinaires et leur didactique mais également sur une approche plurielle en éducation. Les mouvements pédagogiques sont peu présents dans la formation des enseignants pourtant les pratiques qu’ils portent permettent une diversification des gestes professionnels, leur transmission à l’occasion de controverses sur le métier.

Quelle conception des savoirs ?

Lors de l’interview, une auditrice nous a présenté son rapport aux mathématiques en évoquant deux exemples : l’inutilité selon elle du théorème de Pythagore dans la vie quotidienne et de sa découverte de l’angle plat… « un trait !». Pourtant soulignait-elle, j’aurais bien voulu savoir qui était Pythagore ! Elle serait bien étonnée d’apprendre que Pythagore n’a jamais rien démontré mais que ce sont ses successeurs qui s’y sont collés ! Cependant, en quelques mots, elle a bien résumé la situation à laquelle nous sommes confrontés.  Pour rendre vivants les savoirs, il faut les replacer dans leur contexte et comprendre comment ils se sont construits, quelles ruptures ils ont installées dans la représentation cohérente du monde. C’est ce que nous proposons de faire vivre aux enseignants lors de nos sessions de formation, car les difficultés rencontrées par nos élèves coïncident le plus souvent avec les ruptures qui ont permis des avancées : l’introduction du zéro en mathématiques, le vaccin en sciences… Et des savoirs pratiques aux savoirs théoriques, nos civilisations se sont ainsi construites : c’est aux adultes d’en faire goûter la saveur aux plus jeunes pour qu’ils se sentent intégrés à cette aventure humaine.

Voilà ce que j’aurais aimé développer afin de vous démontrer qu’il n’existe pas de « nul en maths » mais des rendez-vous manqués. Ni les redoublements ou groupes de niveau, encore moins l’uniforme ou autre recette de grand-mère ne sauraient renouer les fils de la rencontre.

[1] Odette Bassis, Concepts clés et situations-problèmes en mathématiques, Tome 1 et 2, Hachette Education, Pédagogie pratique à l’école et au collège,2004

[2] Jacques Bernardin (président du GFEN) a été auditionné le 13 septembre 2023, par la Commission Éducation, culture et communication du CESE (Conseil économique social et environnemental) dans le cadre de la saisine d’initiative « Réussite à l’École, réussite de l’École ».

[3] La Formation de l’esprit scientifique (sous-titré Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective) est un essai d’épistémologie de Gaston Bachelard publié aux éditions Vrin en 1938.

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Tribune du GFEN : Pour une véritable formation professionnelle des enseignants

septembre-novembre 2023

Le vaste mouvement de libéralisation des services publics initié dans les années 1990, gangrène notre système éducatif. Comme tous les services publics (transports, santé…), l’école se voit soumise à la « loi du marché ». Outre la perte de confiance dans l’école publique, son démantèlement entraîne le développement d’écoles privées alternatives, refuge pour les enfants de classes sociales privilégiées ainsi que toujours plus « d’école à la maison ».

Passées à coup d’ordonnances ou d’amendements, ces réformes forment système et visent à transformer l’école pour adapter élèves et enseignants aux besoins d’une société basée sur l’individualisme et la concurrence. Tout se déroule sans concertation avec les acteurs et les actrices impliqué.es, et sans concertation avec l’ensemble des chercheurs et associations éducatives, mais en faisant appel à de soi-disant « expert.es » chargé.es de concevoir et penser à la place des citoyen.nes et des professionnel?les. Les décisions prises ainsi s’opposent à l’intérêt général : personnels en nombre insuffisant, établissements pouvant recruter en fonction des projets, des spécificités affichées…

Progressivement les droits chèrement acquis par les professionnels de l’éducation sont remis en cause. Monsieur le Ministre, l’école publique que nous défendons mérite que ses enseignant.es soient traité.es avec le respect qui leur est dû et bénéficient d’une formation digne de ce nom. Mais nous ne voulons pas de n’importe quelle formation professionnelle, ni dans n’importe quelles conditions ! Nous ne sommes d’accord ni sur les modalités (présentiel/à distance, durées et temps de formation) ni sur les finalités que les ministres successifs nous imposent.

Nous, GFEN, mouvement pédagogique d’Education Nouvelle, affirmons que notre école a besoin d’une formation qui permette l’analyse des pratiques ordinaires et leur abandon quand elles se révèlent socialement discriminantes. Elle a besoin d’une formation qui analyse les pratiques dogmatiques pour mieux les éviter, des formations qui permettent l’émergence de pratiques émancipatrices qui rassemblent et s’appuient sur l’intelligence collective. Elle a besoin d’une formation qui assure l’interface entre les pratiques et les recherches dans différents domaines. Elle a besoin d’une formation qui permette rencontres et débats entre les enseignants. Elle a besoin d’une formation qui s’appuie sur l’hétérogénéité et la considère comme une richesse et non comme un obstacle, qui permette et redonne envie d’apprendre.

L’école étant le creuset de la société future, il nous faut réfléchir et élaborer des pratiques qui permettent de faire face au quadruple problème planétaire actuel : le changement climatique, le problème économique et social, l’effondrement de la biodiversité et la montée des fascismes et des intégrismes. Il faut donc former des citoyens capables de problématiser, de chercher, d’inventer des solutions, de prendre démocratiquement des décisions. Autant de choses qui ne vont pas de soi, qui s’apprennent par le vécu, tous ensemble et non sur des logiciels ou en assimilant un discours préfabriqué. Il est grand temps de développer la formation à des pratiques de coopération et d’entraide, et non de pérenniser des pratiques de compétition de rivalité ou de développement personnel, tout en prônant une égalité de façade.

L’école est un bien commun qu’il faut préserver de toute emprise de marchandisation dans le respect de la laïcité. Seule une éducation avec des pratiques non dogmatiques, favorisant l’émancipation individuelle et collective et l’élaboration d’un esprit critique peut garantir l’apprentissage de la démocratie. Faute de quoi, on peut craindre le pire.

Il y a nécessité de maintenir une formation continue sur temps de travail, ce qui est à la fois un droit du travailleur et un devoir de l’État.

Mobilité en Roumanie

Du 14 au 18 octobre 2023, à CRAIOVA

Il s’agissait d’un stage d’observation inscrit dans le secteur de la formation des adultes du programme Erasmus+.

Ce projet a été porté par le consortium CEMEA – GFEN – ICEM – Secours Populaire et représenté par une délégation de 15 personnes issues de 7 pays : Belgique, Espagne, France, Liban, Madagascar, Tunisie, Québec.

Le document présente les analyses conçues par les membres du groupe à partir des différentes activités du séjour (rencontres, observations, animations d’ateliers). Ces analyses, obligatoirement partielles et partiales, élaborées au fil des journées, s’articulent autour de 6 axes :

1) La dimension sociale

2) La place du corps, de l’art dans l’Éducation

3) Éducation formelle, Éducation non formelle : une nécessaire complémentarité

4) Une préoccupation partagée : l’abandon scolaire

5) Vers un laboratoire de recherche en éducation active

6) Les publics

7) Les partenaires


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Université d’été « Travail, métier : comment œuvrer à l’intelligence collective ? » 10-13 juillet, Béziers

 
Université d’été du GFEN
 

Travail, métier :
comment œuvrer à
l’intelligence collective ?

 

du 10 au 13 juillet 2023 (pré-stage les 8-9)

Lycée Jean Moulin de Béziers

Avec les interventions de
Danièle Linhart
(sociologue du travail)
&
 
Janine Guespin-Michel
(Université de Rouen)

La question d’une société qui bannirait les rapports
de domination est au cœur de la rencontre

Notre thématique 2023 : Le travail, espace d’émancipation citoyenne, écologique et sociale ou lieu de subordination ? Quelle éducation pour bifurquer d’un système de formatage à un système qui construit des sujets ?

Tous les milieux professionnels semblent crouler sous les injonctions ineptes, les charges d’un travail de plus en plus éclaté. Chacun.e a l’impression de se disperser, de se perdre dans une suite discontinue de tâches, d’être subordonné à la seule urgence, d’être dans la réaction et non pas dans l’action réfléchie, nourrie des échanges avec les collègues et discutée avec eux. L’épuisement nous gagne, insidieux.

Dire stop !
Comment voulons vivre, exercer nos métiers, nous retrouver sujets pensants notre travail, capables d’initiative, de créativité ?

Quels leviers ?
La résurgence des collectifs de travail, nous retrouver à deux, trois et toujours plus à réaffirmer notre dignité, notre expertise, nos savoirs, notre désir de liberté !
Comment ?
Nous ressaisir enfin, ré-apprendre à dire non à l’insupportable, contester, récuser, résister et restaurer cette liberté sans laquelle tout travail s’essouffle et meurt.
Comment ?

Comment les conceptions du travail impactent-elles l’exercice professionnel, l’engagement militant et l’ensemble des activités humaines ?
– Face aux offensives anti-démocratiques de dépolitisation de la société, de délégitimation des savoirs professionnels, pourquoi et comment penser le travail dans un rapport de non-subordination ? Quelles conditions pour une reconquête de l’audace d’inventer de l’alternative ?

– Sur quelles bases et fondements, reconstruire du collectif dans la diversité ? Comment articuler singularité, travail collectif, solidarités ? Comment se penser légitime à oser, tenter, chercher, affirmer ? Comment sortir de la résignation, ne plus se résigner à l’assujettissement ?

– Quelle éducation pour répondre aux enjeux de notre époque ? Pour répondre aux désirs d’émancipation ?

Avant-programme

Avec la participation de :

  • Danièle Linhart (sociologue du travail)
  • Janine Guespin-Michel (professeur émérite de microbiologie, Université de Rouen)

Les 8 et 9 juillet : Pré-université. Temps ouvert à tous.tes.
Préparation collective des dispositifs d’animation de l’Université d’été.

Les 10-11-12-13 juillet : Université d’été
Des démarches de construction de savoirs, des conférences interrompues, des temps d’analyse réflexive rythmeront les 3 jours et demi de travail collectif.

Des démarches en sciences, en philosophie, en arts plastiques, en écriture constitueront autant d’entrées possibles pour réfléchir à la question du rapport au travail, à la dimension écologique et aux
interactions entre concept de travail et rapports sociaux.

Informations pratiques

Horaires :
Samedi : début à 14h
Lundi / Mardi / Mercredi : 9h30 — 12h30 / 14h — 18h / Soirée
Jeudi 13 juillet : 9h30 — 12h30

Lieu : Lycée Jean Moulin — 19, avenue des Martyrs de la résistance — 34500 Béziers

Repas midi et soir 10 € / repas, sur place

Hébergement : 16 € / nuit, petit-déjeuner compris, chambres de 4 personnes.
Internat du Lycée Jean Moulin

Un accueil des enfants à partir de 2 ans est prévu en association avec les CEMEA
Si intéressé.e, merci d’indiquer le nombre et l’âge des enfants avant le 15 juin.

Frais pédagogiques pour les 4 jours d’université d’été :

  • Adhérent.e.s au GFEN : 5 % du revenu mensuel
  • Non adhérent.e.s au GFEN : 7 % du revenu mensuel
  • Organismes de formation/salarié.e au titre de la formation professionnelle : 300 €.

A la journée : 30 € (adhérent.e) / 35 € (non adhérent.e)

Télécharger la plaquette de présentation

S’inscrire en ligne
(date limite le 28 juin et le 15 pour la garde d’enfants)

 

Colloque CUIP « L’Éducation nouvelle : Héritages, (ré)inventions, actualité » 28-29-30 juin, Paris

Colloque international du CUIP

Mercredi 28, Jeudi 29 et Vendredi 30 juin 2023

Université Paris-Panthéon-Assas
92 rue d’Assas 75006 Paris
Relevons pour le GFEN :
  • « La construction de savoir, dynamique d’émancipation » par Jacques Bernardin
  • « Le GFEN après Henri Wallon : entre tradition et changements (1963-1969) » Antonin Paha
  • « Le secteur orientation du GFEN (1979-2001). L’orientation levier d’une transformation de l’école ? » Jérôme Martin