ECOLE MATERNELLE : nous écrivons au ministre

Suite au « FORUM de l’école maternelle par celles et ceux qui la font vivre »
 
Paris, le 6 février 2019
Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale,
Nous, membres d’associations, mouvements et syndicats, personnels d’enseignement et d’éducation, qui avons organisé le 17 novembre 2018 le « Forum de l’école maternelle par celles et ceux qui la font vivre », souhaitons vous faire part de nos inquiétudes face aux diverses annonces concernant des mesures que vous mettez ou que vous projetez de mettre en oeuvre à l’école maternelle (clarification des programmes, non-développement de la scolarisation des moins de trois ans, apprentissage du langage centré sur l’acquisition du vocabulaire…). Nous affirmons que ces mesures ne sont pas de nature à permettre à tous les enfants de commencer sereinement leur scolarité.
Nous tenons à porter à votre connaissance les conclusions qui font consensus au sein de la communauté éducative pour conforter et renforcer l’école maternelle.
La reconnaissance du rôle de chaque acteur, de sa professionnalité
– reconnaissance de l’expertise des enseignants, des ATSEM, de l’ensemble des professionnels intervenant sur les temps scolaires et périscolaires et de leur complémentarité ;
– formations spécifiques et formations conjointes pour tous les professionnels : enseignants, ATSEM, éducateurs de jeunes enfants, animateurs, ainsi que responsables institutionnels ;
– intervention d’enseignants spécialisés et psychologues scolaires des RASED comme structures-ressources agissant au croisement de différents univers : l’enfant et sa famille, l’école, l’équipe éducative, et parfois le monde médicosocial ;
– prise en compte des rythmes de vie de l’enfant de maternelle, appuyée sur une réflexion approfondie des besoins des jeunes enfants ;
– renforcement de la coéducation, développement de relations constructives avec tous les parents, y compris ceux des milieux populaires ou qui vivent dans la grande pauvreté, à travers des formations, des projets accompagnés et des temps de rencontre.
Le maintien des programmes
– maintien des programmes de 2015, qui ont été votés unanimement au CSE et font consensus au sein de la communauté éducative ;
– mise en application réelle de la programmation par cycle qui permet la cohérence et la continuité dans les apprentissages ;
– apprentissage effectif de tous les langages parce que tous sont fondamentaux à l’école maternelle : oral, écrit, corporel, artistique, scientifique par des activités de manipulation, observation, création, recherche, etc.
Des moyens humains et matériels renforcés
– présence d’une ATSEM par classe sur la totalité du temps scolaire ;
– scolarisation de tous les enfants dans des classes à effectif adapté (15 élèves en TPS et PS ; 20 en MS et GS) ;
– développement des dispositifs dédiés à la scolarisation des enfants de moins de trois ans avec leur spécificité : personnels spécialisés dans la petite enfance, enseignants, formation, effectifs, horaires et locaux aménagés.
Ces conclusions partagées constituent les axes prioritaires d’une évolution de l’école maternelle à laquelle tous les acteurs de la communauté éducative doivent être associés.
Dans cet objectif, nous vous demandons, Monsieur le Ministre, une audience afin de vous exposer nos positions et échanger à ce sujet avec vous.

Les organisations signataires

AFEF Association française pour l’enseignement du français

CEMEA Centre d’entrainement aux méthodes d’éducation active

Collectif Éducation 94

CRAP Cercle de recherche et d’action pédagogiques-Cahiers pédagogiques

GFEN Groupe français d’éducation nouvelle

ICEM Institut coopératif de l’école moderne-Pédagogie Freinet

SE Syndicat des enseignants-UNSA

UNSA Union nationale des syndicats autonomes-Territoriaux

SGEN Syndicat général de l’Education nationale-CFDT

Interco Syndicat Inter collectivités-CFDT

SNUipp Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC-FSU

SNUTER Syndicat national unitaire de la Territoriale-FSU

Contacts :
GFEN – gfen@gfen.asso.fr – 01 46 72 53 17
ICEM-pédagogie Freinet – secretariat@icem-freinet.org – 02 40 89 47 50

Premières années de math’ernelle: Ressources pour la formation au cycle 1 du Centre Alain Savary-Ifé

Ressources pour la formation au cycle 1

  • Des vidéos-sources en PS-MS à l’école maternelle des Bleuets

    Émilie Beneton et Élisabeth Bergeret enseignent en maternelle, à l’école des Bleuets située en REP+.
    Elles ont fait le choix d’avoir chacune une classe de PS-MS pour pouvoir travailler ensemble en « classe miroir ». Pour permettre à leurs élèves de bien construire les bases du concept de nombre, elles préparent conjointement toutes leurs séquences et leurs séances. Ce dossier s’adresse aux formateurs, aux enseignants et aux pilotes qui s’intéressent aux apprentissage au cycle 1. Il est organisé en deux parties : Des vidéos de séances d’apprentissages suivies d’entretiens avec les maitresses d’une part, des scénarios qui permettent d’articuler des questions portant sur ce qui est difficile à apprendre pour les élèves et des questions portant sur ce qui est difficile à enseigner pour les enseignants .

  • Construire des scénarios de formation à partir des vidéos

Tribune : Pauvreté et ségrégation scolaire, ça suffit !

Tribune : Pauvreté et ségrégation scolaire, ça suffit !

Paru dans le Café Pédagogique, le 7 novembre 2018

Nous, Mouvement ATD Quart Monde, syndicats d’enseignants, fédérations de parents d’élèves, Mouvements pédagogiques, constatons que beaucoup d’enfants de familles en situation de grande pauvreté suivent une scolarité qui ne leur permet pas de devenir des citoyens à égalité de droits avec les autres. Cette injustice peut être combattue et l’école a la possibilité d’y jouer un rôle important. Nous lançons un appel pour que des écoles et des collèges construisent des projets dans ce sens.

Le constat

Nous le savons, au-delà des apparences, tous les enfants de France ne suivent pas jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, un parcours
identique. Parallèlement au cursus le plus courant, il existe
l’enseignement adapté (SEGPA par exemple) pour les enfants « présentant des difficultés d’apprentissage graves et durables » et l’enseignement spécialisé (ULIS, IME, ITEP…) pour les enfants en situation de handicap. Les enseignements adaptés et spécialisés ont évidemment leur raison d’être, mais reçoivent-ils véritablement le public pour lequel ils ont été créés ?

Lorsqu’on interroge des adultes en situation de grande pauvreté sur leur histoire scolaire, un grand nombre d’entre eux parle de leur passage par l’enseignement adapté ou spécialisé, avec, au terme de cette scolarité, l’impasse d’un manque de formation. La pauvreté affecte souvent le bagage culturel de ceux qui en sont victimes. Mais ils ont sur leur propre histoire un regard particulièrement perspicace. Là où la situation est grave, c’est que, aujourd’hui, leurs enfants ont les mêmes parcours scolaires. S’ils rencontrent des difficultés, celles-ci sont très vite jugées comme ne pouvant être prises en charge par l’école ordinaire. Comment se fait-il que ce ne soit pas le cas avec des enfants de milieux favorisés ? Les statistiques montrent bien ce phénomène : la majorité des élèves de SEGPA, d’ULIS pour troubles
intellectuels et cognitifs, d’IME et d’ITEP est issue de milieux défavorisés.

Ces orientations des enfants de milieux défavorisés les situent d’emblée dans des formations dont les ambitions ne sont pas celles de l’école « ordinaire ». A titre d’exemple, très peu d’élèves de SEGPA
préparent le Diplôme national du brevet et seulement 37 % d’entre eux obtiennent un CAP, souvent non choisi par le jeune. Quant aux élèves d’ULIS, d’IME, d’ITEP, les statistiques ne sont même pas disponibles.

A ces orientations s’ajoute une autre situation tout aussi problématique et dont on ne parle pas. Il s’agit de ces enfants auxquels la MDPH attribue un(e) AVS (Auxiliaire de vie scolaire), afin de les
maintenir dans le cursus ordinaire. Mais l’AVS n’est souvent présente que quelques heures par semaine. Il arrive trop fréquemment que l’Éducation nationale ne propose pas d’autre solution en l’absence de
l’AVS que de garder l’enfant à la maison, se mettant par là en défaut avec la loi, ce qui peut entraîner pour l’enfant un nombre d’heures d’école très réduit. Qu’en est-il alors du droit à l’éducation ?

Tout cela est cause de beaucoup de souffrances et d’inégalités sociales : souffrance des enfants qui se sentent dévalorisés, qui se pensent comme les exclus de l’école ; souffrance des parents qui avaient
mis tous leurs espoirs dans l’école pour que leur enfant ne vive pas ce qu’ils ont vécu ; et souffrance des enseignants dont beaucoup contribuent douloureusement à ces orientations, percevant que ce n’est
pas la solution, mais ne voyant pas comment faire autrement.

Sortir de la fatalité

Ce gâchis ne peut pas continuer comme si c’était une fatalité. Nous sommes devant une injustice faite aux enfants de familles pauvres. Ces orientations contribuent fortement à la reproduction de la grande
pauvreté en enfermant ces familles dans un cercle vicieux « pauvreté – scolarité difficile – orientation subie vers l’enseignement adapté ou spécialisé – pauvreté » dont elles ne peuvent sortir seules. Elles sont le résultat de la responsabilité collective d’une société qui ne se donne pas les moyens de rompre avec cette reproduction, pourtant identifiée depuis longtemps par bon nombre de sociologues.

Partager les richesses de l’école et croiser les expertises, dont celle des parents

Riche de l’engagement des enseignants, l’école peut faire autrement.
C’est pour cela que depuis deux ans, le Mouvement ATD Quart Monde mène un travail sur ce sujet afin de permettre à tous les enfants, quel que soit leur milieu d’origine, d’accéder à une formation humaine,
citoyenne, professionnelle ambitieuse. Dans ce travail, la parole des parents est primordiale. Par leur savoir de vie, ils sont les experts dont l’école a tort de se priver. Lors d’un colloque de chercheurs et de
professionnels, en avril 2018, des parents disaient : « Comme parent on sait combien ça blesse un gamin quand il est traité de fou. Souvent on a vécu nous-mêmes l’échec scolaire, l’humiliation quand on était enfant. On veut éviter ça pour nos enfants et pour tous les enfants ».

C’est en croisant le savoir des parents, le savoir des professionnels et le savoir de la recherche que l’on trouvera comment faire cesser cette injustice. Des enseignants, des équipes pédagogiques, des écoles
et des collèges, se sont déjà engagés dans ce sens, en s’appuyant sur la co-éducation avec les parents et en mettant en œuvre des pratiques notamment de coopération, au profit de tous, même des meilleurs, et qui permettent aux enfants de se sentir reconnus comme capables de penser et
d’apprendre, de s’intéresser, de participer, sans s’ennuyer et sans décrocher. C’est tout cela qui porte en germe une école véritablement pour tous, une école qui ne se déclare pas incompétente devant les
difficultés scolaires de ses élèves.

Appel  aux écoles et collèges volontaires

Nous lançons un appel pour que des écoles et des collèges, accompagnés de chercheurs, acceptent d’expérimenter des dispositifs pédagogiques et structurels qui permettent que plus aucune décision
d’orientation ne soit prise pour cause de pauvreté. Nous souhaitons que la richesse pédagogique des enseignants spécialisés puisse être mise au service des élèves, individuellement, en petits groupes, et au sein des classes ordinaires, sans perte de moyens, afin d’inclure tous les enfants.

Le développement actuel de l’inclusion de certains élèves de SEGPA ou d’ULIS dans les classes ordinaires va dans le bon sens. Mais ce mouvement est encore trop timide, il doit être largement amplifié.

Notre appel va aussi vers tous les acteurs des procédures d’orientation, Éducation nationale et MDPH. Il faut réexaminer sérieusement ces procédures, faire un examen critique des critères d’orientation et de leur usage, dont la « mesure du QI » assez largement remise en cause par la recherche.

Aucun enfant, aucun jeune, ne doit se sentir indigne et exclu d’une scolarité normale avec tous les autres. Ce scandale doit cesser. Il ne sert à rien de s’indigner contre la pauvreté si, dans le même temps,
notre société ne se donne pas les moyens de mettre tous les jeunes en capacité de s’insérer dans la vie professionnelle et d’exercer pleinement leur citoyenneté.

Signataires:

Raymond Artis, Président de La Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE)

Stéphane Bonnéry, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paris Vincennes-Saint Denis

Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de
neurosciences cognitives de l’éducation à l’université Paris Descartes

Dominique Bucheton, professeure des Universités en sciences du langage et de l’éducation, à l’Université de Montpellier

Catherine Chabrun, rédactrice en chef du Nouvel Éducateur, la revue de l’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM-FREINET)

Sylvain Connac, maître de conférences en Sciences de l’Education à l’université Paul-Valéry-Montpellier

Stéphane Crochet, secrétaire général du Syndicat des Enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE UNSA)

Gilles Demarquet, président de l’Association de parents d’élèves de l’enseignement libre (APPEL)

François Dubet, sociologue, ex-directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales

Hugo Dupont, maître de conférences en sociologie à l’Université de Poitiers

Laurence Fourtouill, présidente de la Fédération Nationale des Associations des Rééducateurs de l’Éducation Nationale (FNAREN)

Marie-Aleth Grard, Vice-présidente d’ATD Quart Monde

Rose Join-Lambert, présidente de l’Association des groupes de soutien au soutien (AGSAS)

Dominique Lahanier-Reuter, professeure en Sciences de l’Education à l’Université de Bordeaux

Isabelle Lardon, secrétaire du Groupe Français Education Nouvelle (GFEN)

Claude Lelièvre, professeur d’histoire de l’éducation à Paris-Descartes

Michel Lussault, géographe, professeur à l’ENS de Lyon et directeur de l’école urbaine de Lyon

Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Lyon-Lumière

Régis Metzger, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp FSU)

Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Syndicat général de
l’éducation nationale de la Confédération française démocratique du
travail (SGEN CFDT)

Roseline Ndiay, présidente du Cercle de recherche et d’action pédagogiques (CRAP)

Serge Paugam, sociologue, directeur d’études et responsable de la
formation doctorale Sociologie à l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales (EHESS)

Gérard Pommier, président de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP)

Patrick Rayou, professeur en Sciences de l’Education à l’Université Paris Vincennes-Saint Denis

Yves Reuter, professeur en didactique à l’université de Lille

Jean-Yves Rochex, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Paris Vincennes-Saint Denis

Frédérique Rolet, secrétaire générale du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES FSU)

Télécharger la tribune

Tribune. Lecture – Nous ne voulons pas d’une école archaïque !

Tribune à l’initiative du SNUipp – parue en exclusivité dans « L’Obs » le 8 novembre 2018
A cette rentrée, le ministre, sous couvert d’avancées scientifiques, d’un bon sens et d’une simplicité enfin retrouvés qui séduisent l’opinion, entreprend de modifier en profondeur les fondements de l’école. Il en oublie des pans entiers de la recherche, et le dialogue pourtant capital avec la communauté éducative. Le résultat en est un appauvrissement dramatique des finalités et des objectifs que l’Ecole doit se donner pour répondre aux enjeux.
 
La réécriture des programmes imposée pendant l’été et la mise en place d’évaluations standardisées au CP et au CE1 visent à imposer sa conception de l’école basée sur une approche technicisée des apprentissages où tout serait évaluable et quantifiable en permanence. Et où l’enseignant serait réduit à un rôle de technicien, loin de son rôle de concepteur d’apprentissages adaptés aux besoins.
 
Certaines écoles sont les cibles d’expérimentations des protocoles désincarnés tels que ceux proposés par « Agir pour l’école » – une association proche du ministre – en lieu et place d’une pédagogie humaniste prenant en compte la globalité de chaque enfant. L’apprentissage de la lecture y est considéré comme un acte mécanique, réduit à du décodage, et non plus comme une entrée dans la culture de l’écrit. Cette menace d’uniformisation des apprentissages prive les élèves de construire les liens, porteurs de sens, entre les savoirs scolaires et leurs expériences personnelles et collectives, que ce soit à l’école maternelle ou élémentaire, dans les familles, ou au sein des associations complémentaires de l’école et les empêche de développer leur capacité de penser et de créer, accentuant ainsi les inégalités scolaires.

Syllabique et difficultés de lecture

Ce retour à des pratiques archaïques ne répond pas aux attentes de nombreuses familles qui souhaitent que leurs enfants trouvent à l’école des sources d’épanouissement. Celles qui en ont les moyens financiers se tournent alors vers des écoles privées (Montessori ou autre). Ainsi, la vision rétrécie de l’école que propose notre ministre ne peut que creuser les ségrégations scolaires.
 
Pourtant, à la fin des années 60, alors que la méthode syllabique régnait sans partage, les premières statistiques furent sans appel : un appelé du contingent sur deux était incapable de comprendre un article de presse très simple. Dans les années 70, l’accès généralisé au collège a mis en évidence les limites d’un apprentissage centré sur le décodage et l’impossibilité pour de nombreux élèves de réussir leur scolarité secondaire. Tout en prétendant lutter contre les inégalités et inclure tous les élèves, n’est-ce pas là ce que le ministre prend le risque de réserver aux élèves de l’école publique et particulièrement à ceux dont la culture familiale est éloignée de celle de l’école ? Les évaluations internationales ont pourtant déjà alerté sur la corrélation entre les inégalités scolaires et les inégalités sociales et sur la difficulté des élèves français non pas à déchiffrer, mais à lire – c’est-à-dire comprendre – des textes écrits.
Choisir maintenant, sous couvert de « modernité », un retour à cette conception des apprentissages, acte le renoncement à l’ambition d’une école émancipatrice pour tous et toutes. Ce programme ministériel s’inscrit dans une vision utilitariste et archaïque de l’école que nous dénonçons.
 
Les signataires de cette tribune portent l’exigence d’une école dans laquelle des enseignants seraient sérieusement formés notamment à un enseignement de la lecture efficace et émancipateur, ce qui les conforterait dans leur capacité à opérer, dans la vie quotidienne de chaque classe, les choix pédagogiques et didactiques les plus pertinents et ce, afin de porter l’ambition de former des lecteurs intelligents et critiques permettant la construction d’un citoyen libre et éclairé.
 

Les signataires
AFEF
CGT
FCPE
GFEN
ICEM
Ligue de l’enseignement
SE-UNSA
SGEN-CFDT
SIEN-UNSA
SNPI-FSU
SNUipp-FSU
SUD-éducation

Panorama du forum « L’Ecole maternelle par celles et ceux qui la font vivre »

 

Paris, bourse du travail – samedi 17 novembre 2018

La séance d’ouverture

 
Julie Meunier et Isabelle Lardon ont accueilli les 200 participant-e-s au nom du collectif de mouvements pédagogiques, syndicats, associations organisateur de l’évènement. Les personnels, les parents et les associations qui constituent la communauté éducative ont été les grands absents des assises ministérielles qui se sont tenues il y a quelques mois et se sont mobilisés pour construire ensemble ce Forum pour donner la parole aux actrices et acteurs de terrain.
 

Les inquiétudes et les questionnements sont grands par rapport aux nombreuses annonces du ministre concernant l’école maternelle, les programmes, les métiers.

  • Qu’est-ce qu’on enseigne, qu’est-ce qu’on apprend à l’école maternelle ?
  • Quels savoirs ? Quels apprentissages ? Comment on s’y prend pour les articuler ?
  • Quels savoirs professionnels sont en jeu ? A quelles conditions les différents métiers peuvent-ils coopérer ?
  • Comment réduire les inégalités qui sont prégnantes dès l’entrée à l’école maternelle ?

Tous ces enjeux font discussion dans la société et le Forum les a interrogés. Le grand collectif de travail constitué ce jour-là est sorti enrichi des travaux de la journée, c’est ce qui ressort des premiers retours des personnes qui s’y trouvaient.

La conférence introductive

Christine Passerieux, formatrice, membre du GFEN, qui a participé au groupe de travail sur les programmes de l’école maternelle, a décliné les points qui font débat, qui restent à discuter, y compris entre tous les mouvements d’éducation et syndicats, et a proposé des pistes pour continuer de défendre et transformer l’école maternelle.

Elle s’est ensuite prêté au redoutable jeu animé de main de maitre par Patrick Picard de répondre aux questions des participant-e-s qui grâce à un formulaire en ligne pouvaient l’interroger en direct sur différents sujets qui faisaient consensus ou dissensus ou à approfondir.

Ateliers du matin

Les organisateurs ont tenu à mettre en avant les programmes de 2015 qui décrivent les cinq grands domaines ainsi que les modalités d’apprentissage à travers des ateliers qui ont mobilisé les savoirs et organisé les apprentissages.
 
Atelier 1 – Le langage dans toutes ses dimensions
 
Il revient aux enseignants, tâche redoutable, de permettre à de tout jeunes élèves de comprendre l’école et ses spécificités langagières, le monde, les livres et autrui, mais aussi de les initier aux langages de l’écrit et des différentes disciplines. Ils ont depuis longtemps élaboré de multiples stratégies concrètes dont l’atelier a rendu compte, hors de toute idée de catalogue de prescriptions.
 
Maryse Rebière, enseignante-chercheure en sciences du langage et de l’éducation/AFEF
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Atelier 2 – L’activité physique
A quelles conditions les expériences motrices vécues par l’enfant dans le cadre de l’école peuvent-elles lui permettre d’apprendre et de comprendre ? Comment envisager les caractéristiques des situations proposées pour qu’elles permettent aux enfants d’apprendre l’école ? Qu’est-ce qui définit une situation scolaire dans le domaine « Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique », au-delà des comportements moteurs visés ?
 
Patrick Lamouroux, formateur EPS
 
 
Atelier 3 – Les activités artistiques

Au cours de cet atelier, le groupe a pris appui sur des œuvres pour s’interroger sur
l’expérience sensible (couleur, formes, matières), l’imagination et la créativité. Quel est leur rôle dans le développement du jeune enfant et, à plus long terme, dans la construction du sujet ? Il a réfléchi aux situations proposées en maternelle pour construire ces apprentissages
artistiques et transdisciplinaires.

Maëliss Rousseau, professeure des écoles/CRAP-Cahiers pédagogiques

 
Atelier 4 – Des outils pour structurer sa pensée

En utilisant comme support une vidéo d’un atelier de mathématique en PS/MS
sur le concept d’énumération, une analyse collective des difficultés d’enseignement et de la nature des difficultés d’apprentissage s’est mise en place. Les échanges sur les « savoirs à enseigner » et les « savoirs pour enseigner » ont conduit le groupe à envisager des conditions nécessaires pour engager et maintenir les élèves, à la fois dans la tâche (le faire), mais aussi dans l’activité cognitive et langagière nécessaire aux apprentissages (le comprendre).

Sylvie Martin-Dametto, chargée d’études Mathématiques en éducation prioritaire/Centre Alain Savary-Ifé

Atelier 5 – Explorer le monde
Un domaine qui questionne quant à la mise en œuvre d’activités qui aillent au-delà du « faire » et
installent chez le jeune élève une posture de chercheur. Comment rendre étranger l’objet familier pour qu’il devienne objet de savoirs ? Quelle articulation avec les autres domaines ? Quelles situations proposer pour aider à la compréhension du monde ?
Jacqueline Bonnard, formatrice sciences et technologie/GFEN
 
 
 
 

Les ateliers transversaux de l’après-midi

Les travaux ont repris à 14h précises pour se décliner en cinq nouveaux ateliers animés chacun par une des organisations.
 
Atelier 6 – Comment installer des relations constructives entre l’école et toutes les familles ?
Par quels moyens rencontrer les parents ? Comment  les accueillir tous dans leur diversité ? Quelle place donner à leur expertise ? Quelle symétrie établir dans les échanges ? Comment expliciter les enjeux des apprentissages et de la socialisation ? Qu’est-ce que la co-éducation ? Comment partager un projet pour l’enfant ?…
Quelles formations des enseignants ? Des parents ?
 
 
 
 
 
Atelier 7 – A quelles conditions la collaboration peut-elle se construire entre enseignant et ATSEM ?
Quels champs de compétences spécifiques, complémentaires, partagés entre les deux métiers ? Comment coopérer, sur quels temps, avec quels outils ? Comment ajuster ses gestes quand on est deux dans la classe ? Qu’est-ce qui change dans le nouveau décret sur le statut des ATSEM ?…
Quelles formations conjointes ?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Atelier 8 – Quelles complémentarités d’apprentissages dans et hors l’école ?
 
Un même lieu, l’école, mais deux espaces et temps d’éducation : avec l’enseignant ou l’animateur… Comment les deux métiers peuvent apprendre à se connaitre et à travailler ensemble ? Quelle place pour les savoirs formels et informels ? Quels champs pédagogique et éducatif en commun et spécifiques à chacun ?
Quelle formation au partenariat ?
 
 
 
 
 
 
Atelier 9 – La scolarisation des moins de trois ans… et si on la pensait ensemble ?
A quelles conditions la scolarisation des moins de 3 ans est-elle souhaitable et peut-elle avoir lieu ? Quelles spécificités de l’accueil dans les structures de la petite enfance et de la scolarisation à
l’école maternelle ? Quelles passerelles construire ? Comment à la fois prendre en compte les besoins du jeune enfant et développer chez lui le besoin d’apprendre ?…
Quelles formations spécifiques ?
 
 
 
 
 
 
Atelier 10 – Accueillir tous les élèves, quels appuis, quelles ressources ?
 
Repérer, éclairer,  aider, accompagner, soutenir… quel rôle pour le partenaire de proximité qu’est le RASED ? Et pour les autres partenaires ? Comment peuvent-ils faire ressource pour les enfants, les parents, les enseignants ? Quels métiers, quelles instances, quelles médiations ? Comment travailler ensemble ?
Quelle formation pour les enseignants généralistes ?
 
 
 
 
 

Table ronde

La table ronde a réuni trois personnalités très présentes dans le champ de la formation, de la formation de formateurs, en éducation prioritaire mais pas seulement. Trois personnes qui partagent un certain nombre de valeurs défendues par le GFEN et les autres organisateurs de ce forum mais qui utilisent des cadres théoriques différents pour appuyer leur réflexion, qui portent trois exigences qui se croisent dans l’unique but de faire réussir les élèves et les professionnels. Trois individus qui se connaissent bien et sont capables de s’interpeler mutuellement et de discuter le point de vue de l’autre. Nous les avons prévenus qu’il ne s’agissait pas de montrer une discussion lisse où tout le monde est d’accord. Patrick Picard disait dans le dernier n° de Fenêtres sur cours, la revue du SNUipp : « Pour s’attaquer à ce qui est difficile à faire, il faut croiser les expériences et points de vue de tous les acteurs. C’est exigeant pour chacun, parfois contradictoire, mais c’est le propre du travail. Sans ces «controverses», on reste dans l’injonction ou la résistance passive, et chacun garde pour soi ses problèmes… ».
Il s’est agi de mettre en débat avec ces trois spécialistes de domaines différents, des réflexions qui ont jalonné la journée, sur les enjeux de l’école maternelle et la réduction des inégalités.

 
 
 
 
 

La clôture

La journée se termine sur une adresse au ministre qui sera rédigée, affinée et envoyée en décembre. Gageons que les organisations sauront prolonger ce forum un peu partout dans les territoires, dans des collectifs de travail pour penser le métier, les métiers. Car les métiers ont besoin d’être forts en ce moment…

 

 
Isabelle LARDON

Ecriture et Architecture avec le secteur Ecriture du GFEN à Ivry sur Seine

Ecriture et Architecture à Ivry sur Seine

Dans  le cadre du festival « La tête dans les étoiles » organisé par le CAUE à Ivry sur Seine, le GFEN a animé un atelier d’écriture « Arpenter le quotidien » le 21 octobre
Cet atelier a permis d’arpenter les rues, de découvrir une architecture particulière, celle de la ville d’Ivry, celle qui façonne notre paysage quotidien. Nous avons cherché ensemble à écrire dans ce paysage, cherché comment l’écriture d’un lieu peut participer à transformer ce lieu, le regard sur ce lieu…
Programme du festival

Communiqué unitaire à propos de la liberté pédagogique

Le GFEN, signataire d’un communiqué commun syndicats/mouvements pédagogiques, a été partie prenante de sa rédaction. Le respect de la liberté pédagogique des enseignant.es et des équipes nous tient à cœur et, souvent, au quotidien, nous mobilise là où nous sommes présents.

Pourtant, ce respect dû à la liberté doit selon nous s’enrichir, s’il veut nourrir une lutte rassemblant au-delà du « corps enseignant », de la visée de l’égalité des conditions d’accès aux savoirs.
C’est pourquoi il nous semble important d’ajouter à ce communiqué qui vise l’association « Agir pour l’école » et son dogmatisme quant à l’apprentissage de la lecture, l’idée suivante : « Donner sens à notre liberté pédagogique, c’est également former des élèves à l’esprit critique en les considérant capables de se questionner et de se mettre en recherche sur les savoirs, y compris dans l’apprentissage de l’activité de lecture ».

Une liberté pédagogique qui s’exerce à réduire les inégalités scolaires peut se construire dans un rapport au savoir et à savoir qui donne à l’élève pouvoir de comprendre et d’agir sur le monde. Parce qu’elle est une liberté partagée dans des pratiques de coopération, parce qu’elle vise l’émancipation tout à la fois intellectuelle, individuelle et sociale, cette liberté-là peut aider à la transformation des rapports sociaux. N’en doutons pas, les parents et les élèves des quartiers populaires aspirent à plus de justice sociale, et donc à une égalité réelle, dans le respect de la liberté de penser et de s’exprimer de chacune et chacun.

COMMUNIQUÉ UNITAIRE
La fin de l’année scolaire 2017-2018 a été marquée par une augmentation des contraintes exercées sur les équipes enseignantes d’écoles maternelles ou élémentaires pour qu’elles s’engagent dans des actions d’apprentissage de la lecture conduites par l’association Agir pour l’École. Tout en tenant un discours affirmant le respect de la liberté pédagogique, des autorités départementales ou académiques ont usé de moyens divers pour exercer des pressions qu’il s’agisse d’initier ces actions ou de contraindre à leur poursuite.
Nos associations et organisations syndicales protestent contre ces contraintes. Elles rappellent que les enseignants sont, dans le cadre des programmes nationaux, les professionnels concepteurs de leur enseignement et que les projets collectifs doivent s’inscrire dans le projet d’école proposé par l’équipe pédagogique et adopté par le conseil d’école. Nos associations et organisations syndicales apporteront leur soutien aux enseignants et aux équipes qui refusent de mettre en oeuvre ces actions ou veulent les interrompre. Elles demandent que cessent toutes les formes de pression exercées.
signataires :

SE-Unsa, SNPI-FSU , ICEM-pédagogie Freinet, CEMEA, SUD Education, CNT Education, SNUIPP-FSU, CGT EducAction, GFEN, CRAP-Cahiers Pédagogiques, SIEN-Unsa, SGENCFDT, Ligue de l’enseignement
septembre 2018

Enquête Elfe 2016 – Premiers résultats

Il y a deux ans, nous avons lancé notre première enquête Elfe en milieu scolaire. Plus de 5 000 enseignants de moyenne section de maternelle y ont
participé, en faisant passer des exercices à plusieurs enfants de leurs classes et en remplissant un petit questionnaire.

Grâce à cette mobilisation, cette enquête a été un véritable succès et les données recueillies pourront être croisées avec celles que les familles nous ont communiquées depuis la naissance de leur enfant, en 2011. Au fil de l’histoire de ces enfants, les chercheurs pourront étudier les liens entre la biographie des parents, leurs caractéristiques socioéconomiques et familiales, la socialisation précoce, la santé et le
développement cognitif des enfants. Cette enquête nous place au niveau des meilleures études
statistiques sur le développement différentiel du jeune enfant à l’échelle internationale. Elle a été conduite grâce à une forte mobilisation des professeurs, des conseillers pédagogiques, des inspecteurs et de l’ensemble du monde professionnel des écoles maternelles. Nous tenons tout spécialement à vous
en remercier.

Nous avons donc le plaisir de vous en communiquer quelques résultats préliminaires en vous adressant ce nouveau numéro de la newsletter « Le Carnet Elfe ».
Elle est téléchargeable sur ce lien : Lettre d’information n°2.

Actuellement, nous conduisons une opération analogue dans les classes de CP que fréquentent les
enfants Elfe. Si vous êtes concernés par cette enquête, vous avez reçu un premier courriel sur les modalités de sa réalisation.

Bonne lecture !

L’équipe Elfe

Ecole maternelle: les assises ministérielles… et après ?

Suite aux assises ministérielles de l’Ecole Maternelle, le GFEN a pris l’initiative d’une réunion interassociative qui s’est déroulée au siège à Ivry le samedi 21 avril dernier. Elle a rassemblé de nombreux syndicats, associations et mouvements pédagogiques

24 personnes étaient présentes, représentant les organisations suivantes : AFEF, AFPEN, AGEEM, Collectif des ATSEM de France, Collectif Education 94, GFEN, ICEM, SE-UNSA, SNUipp-FSU. Etaient excusés : CEMEA, FNAME, FNAREN. D’autres associations avaient été sollicitées : SGEN, FCPE, CAPE, ANCP, CGT Educ’action
Des échanges fructueux ont eu lieu sur les positions respectives de chacune de nos associations, ce qui a participé à une meilleure connaissance mutuelle. De nombreuses thématiques ont été traitées et de nombreuses problématiques soulevées (nos visions des assises, les neuro-sciences, la co-éducation, la professionnalité enseignante, la bienveillance, les apprentissages, la formation, etc) avec une convergence de points de vues et l’accord principal suivant : l’Ecole Maternelle est une école à part entière, une école première où on apprend ensemble.
 
Le réseau constitué ce jour-là a décidé :
– de partager des documents sur un padlet avec accès protégé
– d’écrire et diffuser un communiqué de presse
– de l’élargir aux syndicats et associations non présents
– d’organiser en contrepoint des assises ministérielles, un évènement national appelé « FORUM DES ACTEURS ET DES ACTRICES DE L’ECOLE MATERNELLE » à Paris, bourse du travail le samedi 17 novembre 2018, de 9h à 17h
– des évènements locaux déclinés à différentes échelles et selon les associations présentes dans les territoires, durant la même période.
Une prochaine réunion aura lieu en juin pour donner des suites à notre action collective.
Télécharger le Communiqué de presse

Appel pour une autre réforme du lycée – Construire une véritable culture commune

9 mai 2018

Déstructuration de la voie générale et mise à mal de la voie technologique, introduction massive du contrôle continu dans le baccalauréat, adéquation forcée de l’orientation des élèves aux capacités du supérieur (« Parcoursup »), refonte d’ampleur des programmes, la réforme du lycée voulue par M. Blanquer réduit l’offre d’enseignements et fait voler en éclats les classes de Première et de Terminale générales.

Avec la diminution des horaires en seconde, la fin des dédoublements et des heures de travail en groupe qui se profile, la transformation d’enseignements communs en spécialités ou options facultatives, le travail sur l’orientation dévolu aux enseignants, cette réforme conduira à une transformation profonde du métier enseignant. Toutes les disciplines subiront d’une manière ou d’une autre une dénaturation ou une perte horaire assortie d’une hausse des effectifs de classe.

A cette diminution de moyens s’ajoute l’autonomie grandissante laissée aux établissements :

  • On ne sait pas si un cadrage national imposera à tous les établissements des combinaisons prédéfinies de spécialités pour assurer une égalité d’accès à la formation sur l’ensemble du territoire.
  • Quel sera le contenu des enseignements pluridisciplinaires comme l’« Enseignement scientifique » ? A quels enseignants seront-ils confiés ? En l’absence de définition claire, leur contenu pédagogique dépendra de la manière dont chaque établissement utilisera la Dotation horaire globale.
  • Aucun horaire n’est prévu pour préparer le « grand oral », l’heure destinée à la préparation des TPE ayant été supprimée.

En outre, les programmes doivent être écrits en moins de six mois : quelle qualité en attendre ?

C’est moins de lycée pour plus d’économies, sur le dos des élèves comme des personnels.

Nous refusons le principe d’une réforme qui produira à coup sûr un accroissement considérable des inégalités géographiques et sociales.

Nous exigeons le retrait des textes sur le bac et le lycée et demandons l’ouverture de discussions pour une autre réforme.

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École maternelle – Lettre ouverte au ministre de l’Education nationale, 24 mars 2018

Paris le 24 mars 2018

à M. Jean-Michel BLANQUER
ministre de l’Éducation nationale

Monsieur le Ministre de l’Education,

Des assises de l’école maternelle sont organisées. Sans doute s’agit-il de faire un état des lieux de l’existant et présenter les leviers d’amélioration. C’est pourquoi, nous, représentants des personnels, de parents et d’associations qui constituons la communauté éducative, devons participer à la réflexion. Nous avons une analyse et un projet pour l’école maternelle qui repose sur les réalités de terrain. L’école n’est pas un sujet qui doit être traité dans l’entre soi mais qui doit prendre en compte les approches plurielles et être mis en débat avec celles et ceux qui la font vivre.

Pour nous l’école maternelle, est une école à part entière, école première où l’on apprend ensemble ! L’école maternelle doit être une école bienveillante et exigeante. Souvent lieu de la première socialisation hors de la famille et lieu de la première rencontre des familles avec l’institution scolaire, elle est avant tout un milieu où l’on grandit en apprenant avec les autres. Les apprentissages y sont multiples et complexes, permettant le développement de chaque enfant.

Les enseignant.e.s, les ATSEM, les AESH et l’ensemble des interventions des personnels qualifiés et experts prennent en compte les multiples dimensions du développement de l’enfant et mettent en place des modalités spécifiques d’apprentissage. Les enseignant.e.s s’assurent de la construction des savoirs par une évaluation des acquisitions fondée sur une observation continue et attentive des réussites et des progrès de chaque élève.

Le langage, dont la place essentielle a été réaffirmée dans le programme de 2015, est à la fois le produit et la source de ces apprentissages. C’est bien à l’école maternelle que les élèves sont amenés à construire un nouveau rapport au langage, pour communiquer mais aussi parler et penser le monde.

Les parents ne s’y trompent pas, ils manifestent à l’école maternelle soutien et confiance et y scolarisent massivement leurs enfants. Entre la crèche et l’école élémentaire, l’école maternelle doit prendre toute sa place et défendre sa spécificité. Pour cela elle doit offrir un cadre sécurisant à tous les enfants, leur renvoyer un regard positif, créer les conditions d’une égalité d’accès au savoir, permettre l’activité intellectuelle grâce à l’action et au langage pour élaborer leur pensée.

Le rôle de l’école maternelle est fondamental pour garantir la réussite de tous les élèves.

Tout au long du cycle 1 se construisent des savoir-être et savoir-faire essentiels pour un développement harmonieux de chaque enfant et de ses capacités à entrer dans les apprentissages de l’école maternelle et de la suite de leur scolarité. L’école s’appuie sur le principe fondamental que tous les enfants sont capables d’apprendre et de progresser.

Des recherches nationales montrent la corrélation entre scolarisation précoce et réussite future. La scolarisation à 2 ans est un facteur de réussite notamment pour les enfants les plus éloignés de la culture scolaire. Mais cela suppose des adaptations matérielles et temporelles, des moyens et une pédagogie prenant en compte les besoins et le développement des très jeunes enfants. Les conditions d’accueil doivent donc répondre à ces exigences.

Gratuite, l’école maternelle bien que non obligatoire, exige une feuille de route ambitieuse. Elle a aussi besoin de stabilité pour confirmer son rôle essentiel dans la réussite de toutes et tous. Cela nécessite un investissement de l’État et des collectivités locales.

C’est en agissant sur les effectifs par classe, la formation de tous les personnels, l’aménagement des espaces et du temps, le maintien de contenus d’apprentissages exigeants dans tous les domaines, le développement de la relation aux familles, la présence effective des réseaux d’aide (RASED), la complémentarité des personnels que nous ferons grandir encore l’école maternelle.

C’est cette ambition partagée que nous souhaitons porter dans le cadre des assises de la maternelle.

Isabelle Racoffier présidente de l’AGEEM
Roseline Prieur-Ndiaye, présidente du CRAP-Cahiers pédagogiques
Liliana Moyano présidente de la FCPE
Isabelle Lardon, secrétaire et Jacques Bernardin, président du GFEN
Agnès Joyeux, membre du CA collégial de l’ICEM-pédagogie Freinet
Claire Le Calonnec, secrétaire générale d’Interco-CFDT
Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa
Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT
Arnaud Malaisé, Régis Metzger, Francette Popineau secrétaires généraux du SNUipp-FSU
Didier Bourgoin, secrétaire général du Snuter-FSU

TRACeS n°234 Tous capables, Hein !? Un dossier de la CGé où les propositions se succèdent pour que la profession de foi devienne réalité.

Que nos amis de la CGé décident d’explorer notre pari philosophique dans un dossier, voilà qui nous intéresse et nous intrigue. Comment vont-ils le décliner? Quels angles d’attaque? Quel(s) public(s)? Questions de société? Questions de métier?

 
Tout commence par l’édito qui permet de revisiter le « tous capables » d’écrire un édito ! Au-delà du risque à prendre quel cadre bienveillant permet de dépasser ses peurs, de se dédouaner du regard de l’autre ? Ecrire un édito, c’est trouver dans les textes du dossier un fil conducteur, une problématique qui traverse les différents articles. « Croire au Tous capables amène finalement à se demander : à quoi sert l’école ? À quoi voulons-nous qu’elle serve ? Tous capables, oui, mais, pour faire quo? »
 
 
Posture exigeante. Véronique Baudrenghien pose le dilemme auquel l’enseignant est confronté lorsqu’il faut décider d’une orientation d’un élève vers un enseignement spécialisé. A-t-on raté quelque chose ? Est-ce une question de compétences professionnelles ? Après la décision prise à la satisfaction des adultes référents, d’où vient ce malaise lorsqu’on a le sentiment de séparer l’enfant de ses camarades d’une même classe d’âge ?  L’auteure constate la corrélation entre inégalités sociales et inégalités scolaires et  s’interroge sur le destin de ces enfants s’ils avaient été issus d’un autre milieu social : enfants d’enseignants par exemple. « Il s’agit ici de tout ce que les familles de milieux culturels proches de l’école peuvent mettre en place pour leurs enfants en grandes difficultés scolaires, parce qu’ils comprennent mieux les enjeux d’une orientation,  parce qu’ils ont les moyens financiers nécessaires pour suppléer aux manques d’encadrement dans l’enseignement ordinaire pour ces enfants [ ] ».
 
 
De fortes complicités. Jacques Liesenborghs revient sur le contexte dans lequel le « Tous capables » du GFEN s’est invité en Belgique dans les années 80 lors de formations : une véritable provocation !  Le vécu des démarches d’autosocioconstruction en ont convaincu plus d’un à inventer de nouvelles pratiques en puisant notamment dans les propositions de la pédagogie institutionnelle. Il s’agit d’un pari éthique s’appuyant sur le principe d’éducabilité qui transforme le regard posé sur l’autre, son propre rapport au savoir, à la société, au monde.
 
 
L’orthographe, un défi pour l’égalité ? Danièle Cogis identifie la maîtrise orthographique comme marqueur social même si les enfants de toutes les classes sociales peuvent être atteints par la peur de la faute. Elle démonte la croyance selon laquelle « c’était mieux avant » lorsque les enseignants ne présentaient au certificat d’études que les élèves prêts à réussir en dictée.  On est loin du mythe de toutes les grands-mères qui ne faisaient aucune erreur.  C’est par un apprentissage réflexif que la compréhension de la langue se construit et favorise une mise en ?uvre orthographique pertinente. 
 
 
Tous capables ? Mais de quoi ? Dominique Bucheton énumère les visées d’une réforme de l’éducation : apprendre à tout élève de penser par lui-même, qu’il inscrive son développement dans un contrat scolaire, qu’il trouve les formes d’enseignement et les dispositifs lui permettant de comprendre et de s’adapter aux attentes de ce socle, que les élèves apprennent à vivre et à travailler avec leurs pairs. Ce qui oblige à repenser collectivement le métier d’enseignant afin de s’adapter à la grande hétérogénéité sociale, culturelle et langagière des élèves accueillis. Cela peut passer par des changements simples pour commencer et oser faire varier les dispositifs dans la conduite de la classe.
 
 
Les Cerfs-volants de Trois-Ponts. Pascale Lassablière s’inscrit dans une filiation, celle du tous capables, tous chercheurs, tous créateurs depuis sa rencontre, il y a une quinzaine d’années avec Odette et Michel Neumayer. Elle présente le projet d’une maison de quartier et d’une bibliothèque pour accompagner de jeunes mineurs demandeurs d’asile en leur faisant vivre un moment dense et positif. Tout part d’un objet culturel très fort en Afghanistan : le cerf-volant. En fabriquer, en parler, écrire et échanger autour de la métaphore de l’objet : Quel rapport entre un cerf-volant et la vie ? En travaillant sur des textes de poètes ayant écrit sur la liberté, le vent, l’amour de la vie, les mots et les images surgissent. A chaque atelier, un texte collectif est produit et progressivement les relations se tissent.
 
 
Un support pour réussites. Marie-Luce Latran nous présente un outil mis en place dans sa classe de maternelle : un porte-folio qu’on nommerait en France  « cahier de réussites ». Loin de l’évaluation formelle, il permet à l’enfant de s’inscrire dans un projet : grandir dans la classe et à l’école. Chacun repère ce qu’il a réussi même si c’était difficile, appris : dessins, photos, dictée à l’adulte avant de présenter cela à ses parents lors d’une visite à l’école. Chaque enfant a l’occasion de mettre en avant ses forces et ses qualités et d’énoncer un défi. Un projet à analyser et à consolider.
 
 
La plasticité cérébrale, clé de l’apprentissage. Catherine Vidal montre que les neurosciences ont permis de modifier notre perception du développement du cerveau et de battre en brèche certaines théories selon lesquelles tout serait joué avant six ans : le cerveau est un organe dynamique qui évolue tout au long de la vie. L’imagerie cérébrale permet de visualiser les régions du cortex concernées selon les apprentissages et les grandes capacités de plasticité  de celui des enfants. L’opposition entre inné et acquis semble dépassé puisque l’interaction avec l’environnement est la condition indispensable au développement et au fonctionnement du cerveau. Mais à chacun son cerveau car aucun cerveau ne ressemble à un autre, chacun ayant son histoire personnelle faite d’interactions lors de rencontres personnelles et d’expériences individuelles. Mais peut-on voir un cerveau penser ? Chaque cliché est une image dans une situation pour une personne donnée et à un instant « t » et ne dit rien de ce qui la mobilise.  C’est dans la relation avec le monde et avec les autres humains que se forge la personnalité et que se structure la pensée.
 
 
 
Des visages, des figures. Thomas Michiels, volontaire dans une école de devoirs, aborde le thème de l’évaluation. A quoi servent les notes, interroge-t-il ? Il constate l’impact désastreux de la « mauvaise note » chez les élèves en difficulté au niveau de l’image de soi et de leur capacité à se projeter jusqu’à les conforter dans l’idée qu’ils relèveraient d’un enseignement spécialisé. La note devient un outil à trier et sélectionner qui renvoie à l’élève et ses parents la responsabilité de l’échec sans expliciter les pistes d’action à envisager pour surmonter les difficultés rencontrées.
 
 
Pourquoi l’idéologie des intelligences multiples plait-elle tant ? Pierre Waaub interroge : cette théorie sonnerait-elle le glas du tous capables ? Ou ne serait-elle qu’une nouvelle forme plus policée de justification des inégalités scolaires ? La proposition de Gardner est une théorie scientifiquement contestée et pourtant elle rencontre un certain succès dans le monde de l’éducation. Il existe une ambiguïté entre ensemble d’habiletés et intelligences. Pour valoriser un individu, on peut mettre en avant ses habilités et lui proposer des apprentissages s’appuyant sur « son type d’intelligence » au risque de ne pas développer chez lui d’autres aptitudes nécessaires à la formation de tout un chacun. Cette théorie permet de classer les élèves selon leurs intelligences et de proposer un panel d’apprentissages adaptés dans lequel chacun pourra picorer dans son bol ce qui le motivera à venir à l’école. Ceci va à l’inverse de ce qu’il faudrait : travailler toutes les habiletés avec tous les élèves pour les rendre tous capables de réussir des apprentissages dans tous les domaines, porter pour tous les élèves l’ambition d’une culture commune et exigeante.
 
 
 
Gênés en maths. Renaud Coché s’insurge contre le fatalisme affiché des « nuls en maths » et affirme que tous les élèves sont capables d’y réussir : mais sont-ils tous également capables ? Il réfute l’idée que sous prétexte que l’élève éprouve des difficultés en mathématiques, il faudrait lui en donner moins. Il propose d’adopter une autre posture : établir une relation de confiance et travailler progressivement sur le rapport de l’élève au savoir mathématique. Mais cela ne suffit pas à lever tous les obstacles lorsque les bases ne sont pas maîtrisées. La faute à l’évaluation ? Une extrême dépendance didactique aux années précédentes ? La question de l’enseignement des mathématiques est un dossier à investir.
 
 
Du sur mesure plutôt que de la taille unique. Joanne Deprez enseigne à l’école maternelle. Véronique Baudrenghien l’interroge sur le pari du Tous capables lorsqu’on accueille de jeunes enfants dont l’origine sociale est très hétérogène. Penser l’enfant capable d’apprendre c’est le mettre dans de bonnes conditions d’apprentissage, c’est l’accueillir tel qu’il est et rendre accessibles les savoirs visés. Certains ont davantage besoin d’étayage que les autres : selon les aptitudes et les comportements repérés, l’enseignant adapte les demandes pour stimuler le désir d’apprendre. C’est dans les activités quotidiennes qu’on peut repérer ce que les enfants sont déjà capables de faire  (pas besoin de test ou d’évaluation normée), et sur ce déjà-là, on bâtit des apprentissages « plus disciplinaires ».
 
 
Le CEFA, l’école autrement. Claudia Taronna relate le parcours de Paolo dans « cette école de la dernière chance ». Comment accueillir ces jeunes, primo arrivants, que la barrière de langue isole dans les relations sociales ? C’est par une prise en charge collective des différentes problématiques liées à son parcours de vie par les professionnels que progressivement la situation s’est améliorée : maîtrise de la langue, apprentissage des gestes professionnels, intégration sociale. Tous capables de mener chacun au plus loin de sa formation professionnelle, personnelle et sociale suppose de laisser à chaque jeune le temps d’exercer son pouvoir sur les choses, de faire des erreurs et progresser car on croit dans son potentiel et sa capacité de réussite.
 
 
       Un dossier très intéressant  donc  (à la conception graphique équilibrée, très agréable pour le lecteur !) qui permet de décliner ce pari du TOUS CAPABLES sur tous les niveaux de scolarité.  Il manquerait peut-être un volet concernant la formation initiale et continue des personnels de l’éducation en termes d’apports théoriques pour étayer le principe d’éducabilité.  Le parti-pris philosophique ne suffit pas à lever les doutes liés au paradoxe  du développement  de la pensée chez l’élève qui ne s’accompagne pas toujours d’une réussite scolaire dont les critères institutionnels s’appuient sur des compétences acquises dans les familles en connivence avec l’école mais de ce fait facteurs de discrimination pour les autres.
 
 
Jacqueline Bonnard
février 2018

Les enjeux du métier à l’école maternelle


Les enjeux du métier à l’école maternelle

Christine Passerieux

Rencontres Nationales du GFEN :

Pour que la maternelle fasse école. 27 janvier 2018

Il y a 10 ans les rencontres sont nées après que le ministre de l’époque, Xavier Darcos ait déclaré au Sénat : Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’Etat, que nous fassions passer des concours à bac+5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? Je me pose la question, ces personnes ayant la même compétence que si elles étaient par exemple institutrice en CM2

10 ans plus tard, Boris Cyrulnik, qui n?est pas un spécialiste de l?éducation mais neuropsychiatre affirme lors d?une interview à Ouest-France le 6 janvier : L’expérience montre que les enfants ne s’attachent pas forcément à celui qui a le plus de diplômes, mais à celui qui établit les meilleures interactions avec lui. Et aussi : quand les enseignants maîtrisent bien la relation, la transmission du savoir se fait très facilement. En dehors du fait que cette affirmation n’a aucune validité scientifique, on retrouve la rhétorique chère à Céline Alvarez (largement soutenue en son temps par l?’nstitut Montaigne et le ministre actuel) un peu dans l’ombre depuis que son expérience s’est révélée être une imposture puisqu’elle n’a jamais été évaluée. 10 ans après les premières rencontres, l’école maternelle est à nouveau sur la sellette, dans ce qui ressemble de plus en plus à une offensive contre l’école publique. Cela passe par une remise en cause du métier d’enseignant par les autorités de tutelles, par nombre de médias, sur le mode du mépris, de la culpabilisation, alors que ne cesse de grandir le ressenti partagé d’un véritable empêchement à faire son métier, c’est-à-dire à faire réussir les enfants lors de leur entrée dans les apprentissages scolaires. Et l’activité ainsi empêchée intoxique la vie professionnelle et personnelle, comme le remarque Y. Clot, ce qui crée chez les enseignants un sentiment d’impuissance, l’intégration d’une espèce de fatalité : alors que les propos de Darcos avaient fait scandale, ceux de Cyrulnik ne provoquent guère de remous ! Les annonces quasi quotidiennes concernant l’école provoquent un effet de sidération, qui paralyse et favorise le repli sur soi. 

10 ans après 

En dehors du contexte socio-économique général, de l’absence de formation initiale et de quasi disparition de la formation continue, les enseignants se trouvent depuis quelques mois confrontés à des prescriptions, voire des injonctions en contradiction avec les textes qui structurent leurs pratiques, à savoir les programmes. Ceux de 2015, malgré des limites et des ambiguités, ont été plutôt bien accueillis par la profession et ont favorisé, y compris dans un temps trop court et dans des conditions loin d’être idéales, des discussions sur le métier, un travail collectif de confrontation de pratiques, d’analyses, de questionnements. 
Quelques mois plus tard et alors que les enseignants n’ont pu ni complètement les intégrer faute de formation, et de temps, ni en mesurer encore les effets, les annonces ministérielles, via les médias se succèdent à une cadence infernale, et les remettent en cause.
les fondamentaux tels que définis par le ministre ne rendent pas compte de la complexité du développement enfantin ni des connaisances désormais établies sur ce qui différencie les jeunes enfants à leur entrée dans les apprentissages scolaires. Mais plutôt que de prendre en compte des années de recherche en sciences de l’éducation, il est fait appel pour la mise en place d’assises, à une personnalité qui n’a aucune expertise en matière d’enseignement, mais qui défend l’idée que les fondements de la théorie de l’attachement peuvent s’apprendre simplement et rapidement. Comment oser dire à des enseignants que quelques fondamentaux, simples et rapidement acquis, vont leur permettre d’exercer leur métier et de réduire l’échec ? Mais tout s’organise fort bien puisque Boris Cyrulnik dirige un organisme (Institut Petite Enfance) qui met en oeuvre des formations sur l’attachement et ne se préoccupe nullement de savoirs à transmettre, car là n’est pas son objet. On retrouve là un vieux serpent de mer qui revient régulièrement sur le devant de la scène et qui vise à faire d’une manière ou d’une autre disparaitre l’EM en tant qu’école. Le métier se trouve réduit au charisme individuel, à l’empathie certes nécessaire, mais rend les enseignants individuellement responsables de l’échec scolaire. Un échec en même temps relativisé par un ministre qui, sans aucune validation scientifique, affirme la différence de talents, remettant en cause la loi d’orientation. Une manière pas très nouvelle de justifier l’inégalité de l’accès aux savoirs. 
Retour aux fondamentaux qui évacue la dimension culturelle des apprentissages. Le langage appréhendé dans sa seule dimension lexicale ne permet pas de comprendre ce qui pose problème et encore moins d’apporter des solutions. En effet l’acquisition de vocabulaire, s’il est nécessaire ne répond en rien à la nécessité de passer d’un langage de communication à un langage d’élaboration, alors que là sont les plus grandes différences entre enfants. Parler de bain de langage, c’est laisser à penser qu’il suffirait de fréquenter des objets de savoirs pour se les approprier. Pas plus les bains de langage que les bains de lecture n’ont jamais réduit les écarts. Passer d’un langage du quotidien à un langage du questionnement, de la réflexion, de la formalisation nécessite de changer totalement de posture, de regard sur les objets et nécessite l’appropriation d?outils langagiers et cognitifs que tous ne maîtrisent pas quand ils arrivent à l’école. Véronique Boiron, Sylvie Cèbe, Stéphane Bonnéry, Elisabeth Bautier ont montré qu’entrer dans un texte littéraire exige un travail qui ne peut se mener dans la seule écoute d’un texte.   
Le pilotage du système scolaire par des indicateurs de performance est très en phase avec le discours des neuroscientifiques, qui met en avant l’évaluation dite «objective» des résultats de leurs expériences, y compris lorsque leur validité pose problème. Par exemple à propos du dispositif PARLER : au-delà de ses fondements pédagogiques, ce n’est pas la formation des enseignants qui est visée mais la promotion de modules clefs en mains, c’est-à-dire la diffusion d’un produit qui peut ouvrir un marché. C’est ce qui a permis qu’explose le marché Montessori, après la mise en avant de « l’expérience » d’Alvarez. Or, dès 2011 la DEPP concluait que ce dispositif ne produisait pas de différence significative entre le groupe test et le groupe témoin et Édouard Gentaz, professeur à l’Université de Genève, interrogeait en 2013 les liens entre le travail en laboratoire et celui de la classe . Le dispositif PARLER est promu par l’Association Agir pour l’école, émanation de l’Institut Montaigne, au nom de résultats convaincants, alors qu’ils ne sont pas avérés. […]

ATD Quart Monde lance une recherche « École : Pour une orientation qui laisse sa chance à tous »

ATD Quart Monde lance une recherche à partir d’un constat : les élèves orientés vers les filières spécialisées ou du handicap sont en grande majorité desenfants en situation de pauvreté. Comment sortir de cette «fatalité » ?

Au départ, un chiffre qui en dit long : près des trois quarts(72 ,1%) des élèves de SEGPA, ces classes de collège pour élèves en grande difficulté, sont issus de catégories sociales défavorisées. La statistique a été publiée par le ministère de l’Education nationale.C’est une réalité : plus souvent que les autres, les enfants en situation de pauvreté sont orientés très tôt à l’école. On les retrouve sur-représentés dans les classes spéciales réservées aux élèves en grande difficulté et dans les filières du handicap. Comme si le fait d’être dans une famille en précarité les y destinait. Pour ATD Quart Monde, cette orientation précoce, hors du cursus classique, ne peut être une fatalité. Comment sortir de cette spirale qui pèsera plus tard sur leur insertion professionnelle ? Comment privilégier une orientation choisie qui donne ses chances à tous ? C’est l’enjeu de la recherche lancée par le Mouvement avec ses partenaires.

Un groupe de travail a d’abord réalisé une trentaine d’auditions – médecins scolaires, psychologues, parents…. Elles ont débouché sur une synthèse qui sert de base de travail. La recherche est menée selon la méthode du Croisement des savoirs – des groupes de « pairs » (enseignants, parents, chercheurs… ) « croisent » leurs savoirs. La première séance a eu les 21 et 22 octobre 2017. La seconde, les 9 et 10 décembre (voir ci-contre) et la dernière est prévue les 3 et 4 février.
Fin 2018, la recherche devrait se conclure avec des propositions pour une orientation réellement choisie.

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Les espaces parents dans les collèges : comment accompagner le développement d’une politique de coéducation ? »

Le 25 janvier, la Direction de l’Éducation et la Jeunesse de la Seine Saint Denis a organisé une journée sur la co-éducation, dédiée principalement aux partenaires du département et la communauté éducative.

Une journée de réflexion et d’échanges sur  les pratiques partenariales entre tous les acteurs impliqués dans la vie de l’élève et sur la mise en place d’une politique de coéducation au sein des collèges publics du territoire : « Les espaces parents dans les collèges : Comment accompagner le développement d’une politique de coéducation ? »
Jacques Bernardin, président du GFEN, y a tenu une conférence intitulée « Quels enjeux de la coéducation ? ».
Après avoir étudié les obstacles à la venue des parents de milieux populaires, il a mesuré l’impact de l’implication parentale sur la réussite scolaire au collège.
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Quels enjeux de la coéducation ?

Jacques BERNARDIN
(Circeft-ESCOL, Université Paris 8 / Président du GFEN) 
Les textes officiels, de la loi d’orientation au référentiel de l’éducation prioritaire, prescrivent d’instaurer des relations pérennes avec les parents, dans une démarche de coéducation visant la réussite de tous. S’il faut saluer l’investissement du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui veille à ce que les conditions optimales d’accueil des parents soient réunies, avec la construction de locaux spécifiquement dédiés dans les nouveaux collèges, il appartient désormais aux acteurs de terrain de les faire vivre. 
Vous témoignez, par votre présence, de votre engagement à cet effet. Cependant, nous savons tous que cela ne va pas de soi, tant cela dérange les habitudes des uns et des autres, de part et d’autre de la scène éducative. Si certains parents s’inscrivent volontiers dans cette démarche de coéducation et rencontrent aisément les enseignants, d’autres sont moins à l’aise vis-à-vis de l’univers scolaire et plus rétifs à venir au collège, notamment ceux de milieux populaires. Pourquoi ? Mieux vaut en connaître les raisons, car la méconnaissance réciproque est facteur de distance, de malentendus et de tensions, préjudiciables à la scolarité des jeunes.
Des obstacles à la venue des parents de milieux populaires  
1/ Leur rapport à l’école :
Outre des raisons objectives pour ne pas venir (compatibilités des horaires de travail, garde des enfants, etc.),  les parents qui ont peu fréquenté l’école, que ce soit à cause du contexte de leur époque ou parce qu’ils n’ont pas fait de longues études, ne sont pas très « chauds » pour y retourner. Plusieurs raisons à cela :
Le poids des souvenirs scolaires
Beaucoup de parents ont une expérience négative. Ainsi par exemple, ce père agent SNCF invité à évoquer son rapport à l’école, alors que sa fille entre au CP : « L’école, ça n’a été qu’une douleur. Je n’ai jamais rien choisi, on a toujours choisi pour moi » et un autre, cuisinier : « l’école, ça sert à rien. S’il y avait que moi, il n’irait pas à l’école ») . Certains évoquent des scènes d’humiliation, des paroles blessantes à leur égard ou à propos de leurs enfants. On ne va pas volontiers vers ce qui nous a rejetés.
Les conditions de la rencontre 
Les parents sont souvent appelés quand il y a des difficultés scolaires ou des comportements réprouvés : les pratiques familiales, les modes de vie peuvent être alors mis en cause. Etre convoqué, c’est le signe d’un problème, d’une conduite répréhensible. Ils ont le sentiment d’être suspectés ou désignés comme responsables de problèmes qui leur échappent, d’avoir des pratiques non-conformes, illégitimes par rapport à un standard implicite du « bon parent » (en fait, conduites propres aux classes moyennes et supérieures, érigées en modèle universel). Partagés entre inquiétude et culpabilité, les parents disent se sentir « sur la sellette ». La fuite est une manière d’échapper au contrôle social et à ce qu’on ressent comme une situation de domination ; l’agressivité est une autre manière de gérer ces situations inconfortables.
Les échanges avec les enseignants
Les interactions sont dissymétriques et inégales sur les plans institutionnel, culturel et langagier. Dans ces rencontres, il s’échange de l’autorité, de la reconnaissance ou de la dénégation de l’autre. Les parents sont extrêmement sensibles à la façon dont ils sont accueillis et à la tonalité des échanges, savent très vite s’ils sont réellement respectés et écoutés. S’entendre dire que son enfant a un comportement insupportable fait revivre ce qu’on a déjà vécu, réactive les souvenirs de sa propre scolarité. Les reproches de mauvais résultats ou de manque de travail renvoient à ce qui est ressenti comme une insuffisance parentale quant au suivi scolaire.  
L’auto-dévalorisation
Beaucoup de parents estiment ne pas être en mesure d’aider leur(s) enfant(s), en évoquant leur niveau scolaire ou leur trop faible maîtrise du français (« Ma femme et moi, on est pas beaucoup allés à l’école »). Ce sentiment d’infériorité, fréquent, conduit à cacher ce qu’on ressent comme un manque d’instruction. Parfois, les parents craignent que les rencontres produisent des effets négatifs sur leur enfant, et limitent les informations sur eux pour ne pas renforcer de perception négative des enseignants (et parallèlement, les jeunes eux-mêmes n’aiment pas que leurs parents viennent à l’école, et de moins en moins avec l’adolescence). Pour Daniel Thin, « De la même manière qu’il existe des formes d’autocensure dans les échanges langagiers, l’évitement de l’école par les parents, leur non-participation aux réunions, leurs silences sont des anticipations des sanctions menaçant leur présence, leur langage, leurs pratiques, leur être sur le terrain de l’école » . 
–      et le sens de sa place
Fréquemment, les parents de milieux populaires estiment qu’ils « n’ont pas leur place » dans l’école . Ils pensent ne pas y être légitimes, dans une logique de séparation assez stricte entre l’école et la famille, les enseignants étant jugés seuls spécialistes des apprentissages qui s’y réalisent. [  ]  lire le texte intégral

Notes du conseil scientifique de la FCPE sur le monde enseignant

   7 décembre 2017

La FCPE publie ce jour deux nouvelles notes de son conseil scientifique, consacrées cette fois au monde enseignant.
Pour la FCPE, la formation des enseignants est un sujet essentiel qui conditionne la réussite effective des enfants.
La FCPE souhaite une formation effectuée en alternance et accompagnée, au plus tôt après le début des études supérieures, puis une formation continue, qui devra être exercée de façon régulière. Et, au-delà de la formation continue, la diffusion des résultats des recherches en sciences de l’éducation et en tout autre domaine touchant à la pratique du métier d’enseignant est indispensable tout au long de la
vie professionnelle.

Dans la première note, Comment comprendre les malaises des enseignants ?, Anne Barrère, sociologue,
tente d’éclairer la nature d’un malaise que 60% des enseignants disent éprouver. D’importants changements structurels rendent plus aigu ce malaise : le changement de public d’élèves lié à la massification du second degré et le développement d’un nouveau rapport à l’enfant et à l’adolescent qui a profondément modifié la relation à la classe. Faire réussir « tous les élèves » est une prescription faite aux enseignants qui peut induire chez eux un sentiment d’impuissance pédagogique très fort, accentué
par la trop courte durée de leur formation initiale professionnelle et par la faiblesse de leur formation
continue. Scrutés par les médias, leur hiérarchie, les élèves et les familles, les enseignants disent souffrir d’une absence de prise en compte des difficultés réelles de leur métier. Chacun a son mot à dire sur l’éducation, mettant, comme le souligne Anne Barrère, l’autonomie et l’expertise des enseignants à rude épreuve.

Maryse Esterle, elle aussi sociologue, revient quant à elle dans la seconde note, La formation des enseignants dans la tourmente, 2010-2017, sur les profondes transformations qu’a connu la formation des enseignants depuis sa réforme en 2010, puis sur les conditions tourmentées dans lesquelles s’est effectué le passage des IUFM aux ESPE en 2013. Il s’agit d’une analyse issue du terrain, puisque de 2011 à 2013, l’auteure a collecté un nombre important de données issues d’observations et d’échanges avec les acteurs concernés. Maryse Esterle propose ensuite des pistes pour améliorer la formation des
enseignants, en s’appuyant notamment sur ce qui se pratique dans le reste de l’Europe. Ainsi, pourquoi ne pas introduire des périodes de stage dès le début des études universitaires afin de se familiariser le plus tôt possible avec les situations de classe, sans oublier l’accompagnement à l’entrée dans le métier et la formation continue des enseignants qui reste encore en chantier.

Retrouvez l’ensemble des notes du conseil scientifique sur le site de la FCPE

le GFEN sur France Culture

Le GFEN était invité à participer à l’émission « La Fabrique de l’Histoire » de France Culture, en direct, le lundi 27 novembre, de 9h à 10h, pour entamer un cycle hebdomadaire sur l’éducation nouvelle. Jacqueline Bonnard y représentait le GFEN et la biennale de l’éducation nouvelle, avec Anne-Claire Devoge des Ceméa.

Présenté par Emmanuel Laurentin, « La Fabrique de l’Histoire » ambitionne de mieux comprendre le lien qui nous unit au passé. Documentaires, archives commentées, débats, déclinent cette émission quotidienne.

Pour réécouter l’émission
Dans la même série d’émissions sur les pédagogies nouvelles, l’une d’entre elles était consacrée au plan Langevin-Wallon. L’occasion d’entendre les voix de Paul Langevin, Henri Wallon et Henri Piéron qui furent présidents du GFEN.

Jean-Michel Blanquer. Une politique scolaire et de droite et de droite, par Alain Beitone

A lire sur le site du GRDS (Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire)

 Alain BEITONE
2 septembre 2017

Nous avons montré à quel point il était important, dans les débats sur l’école , de bien distinguer les discours  libéraux et les discours conservateurs (Beitone et Pradeau, 2016). L’analyse du discours,
des propositions et des premières mesures de Jean-Michel Blanquer confirme la nécessité de cette
grille d’analyse.

Toute une partie du discours de Blanquer vise à caresser dans le sens du poil les tenants de l’approche conservatrice. Par exemple la distribution aux élèves des Fables de La Fontaine (auteur injustement instrumentalisé par les tenants du retour en arrière en matière éducative) est saluée à droite. Alain Finkielkraut (inlassable contempteur de la pédagogie) apporte son soutien au ministre et à son directeur de cabinet qui veut « restaurer les grands textes patrimoniaux dès le plus jeune âge » (L’Obs du 24/08/2017). Au demeurant, il faut rappeler qu’après la publication, en 2016, de son livre « L’école de demain » (Odile Jacob), Blanquer était présenté par les médias comme le probable ministre de l’Eduction Nationale de François Fillon. A la veille de sa désignation au ministère, Blanquer accorde un entretien au très conservateur site SOS-Education, proche notamment de la manif pour tous. L’article sera précipitamment retiré du site par l’association éditrice qui ne veut pas « causer du tort au ministre » mais se réjouit bruyamment de sa nomination. Le Figaro, pour sa part, rappelle, en s’en réjouissant, que lorsqu’il était recteur de l’académie de Créteil, Blanquer faisait chanter la Marseillaise aux écoliers et organisait des stages de « tenue de classe » pour les professeurs (Le Figaro, 17/05/2017). Et Blanquer vient de relancer le projet d’apprendre la Marseillaise à tous les écoliers. Il veut aussi développer à nouveau les internats d’excellence et favoriser un recours plus large au redoublement. Après sa prise de fonction, le ministre donne une interview au Monde (un journal plus convenable que SOS éducation) dans laquelle il dénonce le clivage gauche-droite « qui a fait plus de mal que de bien à l’éducation ». Plus de clivage donc, du « pragmatisme ».
Parmi les éléments de langage qui réjouissent les conservateurs, il y a la dénonciation par Blanquer de l’égalitarisme. Le titre de son entretien à l’Obs (24/08/2017) est d’ailleurs le suivant : « Le discours
égalitariste est destructeur ». Bref Blanquer c’est « la droite complexée » (ou qui avance masquée). Lire la suite

Conférence sur Henri Wallon, par Jean-Yves ROCHEX (vidéo)

Dans le cadre des ateliers de la Praxis des éditions Delga, en partenariat avec l’Institut Henri Wallon du GFEN, le Centre Suzanne Masson et l’UCP 5

Conférence « Henri Wallon. Actes, pensée »
par Jean-Yves ROCHEX  

Samedi 18 mars 2017, 14h

Centre Suzanne Masson
41 av. du docteur Arnold Netter, 75012 Paris
Présentation

Présentation de l’apport de Jean-Yves Rochex sur Henri Wallon par Joseph Casado (Institut Henri Wallon)

HENRI WALLON :
Professeur au collège de France, directeur du laboratoire  de psychobiologie de l’enfant, il est à l’origine d’un courant psychologique  fécond dont il puise les outils dans la pensée marxiste alors récente. Il fait du champ social, le moteur du développement de la personnalité. S’il s’illustre indépendamment  de  Vygotsky  dans  des  recherches convergentes,  il  avance  comme  lui  une  conception  du développement  différente  de  celle  de  Jean  Piaget,  les  uns et  les  autres  réfutant  les  courants  béhavioriste et  fixiste,  les  psychologisations  abstraites.  Ses  recherches  sont  débattues par ses contradicteurs, et Jean Piaget qui rend un hommage posthume à Vygotski en 1985, aura salué Henri  Wallon en 1961, en affirmant la complémentarité de leurs ?uvres.  Wallon  et  Vygotski  médiatisent  tout  deux  le développement dans l’activité et l’état des relations sociales,  au  contraire des théoriciens  d’autres  courants  de pensée. La conception du développement et de la culture  d’Henri  Wallon  l’ont conduit à un engagement  social, particulièrement dans le domaine de l’école, dont la culture  lui  paraît  devoir  être  refondée et intégrer les « humanités techniques » au même titre que les sciences les humanités classiques.  Avec P. Langevin, il propose en 1947 un projet de réforme pour  l’école. Il milite  à  la promotion de l’éducation populaire (CEMEA) et de l’éducation  Nouvelle  (GFEN)  dont  il  est  le  président  jusqu’en 1962.

Prises de position

Prise de position du CAPE

Pour apprendre, tous les temps sont nécessaires !

2 juin 2017

Au terme de trois années de réflexion, de concertation, à l’initiative du ministre de l’Education
nationale Luc Châtel, poursuivies par son successeur Vincent Peillon, le code de l’éducation
rétablissait, en début d’année 2013, une semaine scolaire de neuf demi-journées réparties sur
cinq jours.

Cette nouvelle organisation revenait sur la semaine de quatre jours instituée en 2008, sans
concertation ni fondements éducatifs, la France étant le seul pays de l’OCDE à concentrer les apprentissages scolaires sur un nombre de journées aussi réduit. Rétablir 5 matinées sur 5 jours, c’était prendre en compte les recommandations de l’Académie de médecine du 19 janvier 2010, celles du
rapport de la conférence nationale de janvier 2011, celles de la mission parlementaire présidée par Michèle Tabarot en 2010 également, mais aussi l’expression majoritaire des enseignants sur les mauvaises conditions d’apprentissage provoquées par la disparition d’une matinée de temps scolaire et les propositions de l’appel de Bobigny lancé par plus de 80 associations et organisations nationales et 120 villes et collectivités.

Ainsi, donner la possibilité de revenir à quatre jours d’école reviendrait à ne pas prendre en compte les données scientifiques de la chronobiologie qui sont les mêmes pour un enfant, où qu’il vive.
De plus, en lien à la nouvelle organisation des temps scolaires, les collectivités ont répondu, à plus de 90%, à l’incitation qui leur était faite de mettre en place des temps d’activités périscolaires coordonnés
dans les projets éducatifs de territoires pour plus de cohérence : 4 millions d’enfants en bénéficient chaque semaine.

Modifier une nouvelle fois l’organisation des temps scolaires, périscolaires et extrascolaires, c’est ne pas reconnaître le rôle et la contribution des collectivités territoriales, des associations et des parents eux-mêmes aux politiques éducatives de notre pays, à un moment où l’éducation demande la mobilisation et la coopération de tous les acteurs.

L’Education a besoin de temps longs.
Les enfants ont besoin de tous les temps pour apprendre : à l’école, en famille et dans les temps d’accueils et d’activités qui élargissent leur culture et contribuent à leur socialisation. C’est un investissement essentiel pour que les enfants aient confiance en eux, dans les autres et dans les
cadres collectifs et communs.

Pour cela, scolaires, périscolaires et extrascolaires, tous les temps sont nécessaires. Monsieur le Ministre, les enfants ont besoin de bons temps pour apprendre !

Le GFEN signe cette prise de position des Ceméa

L’abus de Google à l’École peut nuire gravement à notre société…

1 juin 2017

L’éducation est un terrain de jeu mondial fructueux pour les grands groupes du numérique nommés les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et d’autres en quête de nouveaux marchés à conquérir. Cette transformation des systèmes éducatifs touche tous les pays du monde. Face a ce phénomène, la fonction de l’État devrait être de réguler les services éducatifs, de s’assurer que ces
nouveaux supports et usages numériques bénéficient à l’intérêt public, aux services des élèves des professeur.e.s et des acteurs socio-éducatifs. Ce faisant, les usages du numérique devraient
s’inscrire dans une politique publique en tant que bien commun.

L’exemple de ce qui se passe actuellement en France illustre tristement cette dérive mondiale et est
de nature à sonner une nouvelle fois l’alarme ! Le ministère de l’éducation nationale français propose cette semaine de donner accès aux données numériques des élèves et des enseignant.e.s aux GAFAM. Ainsi, il deviendrait le partenaire de ces groupes et ouvre les portes à l’introduction des GAFAM dans l’institution scolaire. Mathieu JEANDRON, Directeur du Numérique pour l’Éducation au ministère autorise à travers une lettre adressée aux Délégués Académiques du Numérique (DAN) la connexion des annuaires de l’institution avec les services Google ! [1]

Comme indiqué dans l’article du Café Pédagogique, « L’enjeu, ce sont les données des élèves. Les entreprises auront accès aux annuaires des établissements et aux informations nominatives sur les
élèves et les enseignants. Elles pourront suivre les déplacements et redoublements des uns et des autres, voir ce que le professeur X utilise comme ressource ou ce que fait l’élève Y. Ces données seront une manne pour le ciblage publicitaire ou pour revendre des informations à des partenaires ». L’objectif sous-jacent est de développer des « pédagogies » inscrites dans une volonté de profit, de produire de
futurs consommateurs de produits. Cette tendance est déjà hélas largement à l’œuvre dans de nombreux pays du monde. Lire à ce sujet l’excellent article de Natasha Singer « How Google took over the classroom » dans le New York Times. [2]

M. JEANDRON explique que tout ceci s’inscrit dans le cadre d’une charte de confiance décrite comme un « pacte de confiance portant sur l’engagement de la protection de la vie privée des élèves et des
enseignants ». Cette charte est certes au travail mais n’existe pas pour le moment. La CNIL interpellait d’ailleurs il y a peu sur l’urgence : « Il est temps de mettre un cadre à toutes ces offres économiques »
insistant sur le fait que « ce document devait être un outil contraignant (circulaire ou autre), robuste. Sur ce point-là, nous n’avons aucun élément de réponse à ce stade. » [3]

Si ce courriel de M. JEANDRON devait devenir une circulaire, ce serait, après l’accord Microsoft [4], une ouverture grave de l’éducation aux marchés et un abandon coupable de la protection que l’État doit à ses citoyens. [5]

Nous assistons actuellement, à l’échelle mondiale, à la substitution des financements publics (nationaux et internationaux) par des financements issus de « partenariats » confiés à des sociétés privées
qui ont plus des objectifs de profit que des visées d’éducation de la population. La tentative globale d’inclure l’éducation dans la sphère des rapports marchands n’est pas nouvelle. Mais l’irruption du
« numérique » a fait entrer ce processus dans une nouvelle ère. Elle ne vise plus seulement l’enseignement en tant qu’activité de service mais massivement les ressources et contenus éducatifs en tant que « produits pédagogiques ». Ceci inclut des « modèles d’éducation » dont nous savons
qu’ils ne sont pas neutres et, plus dramatiquement encore, la collecte et la privatisation de données précieuses à exploiter !

Selon les principes de l’appel des réseaux internationaux contre la marchandisation de l’éducation « L’État doit garantir que l’éducation ne soit pas instrumentalisée par les acteurs économiques et que soient appliqués les principes soutenant la démocratie tels que les principes de transparence, participation et responsabilité. »

En analysant cette nouvelle orientation politique du ministère l’Éducation nationale français sous le prisme de ces trois principes, nous constatons que le processus marchand à l’œuvre est en
contradiction avec l’idéal démocratique que nous défendons.

Transparence.
L’ouverture au GAFAM contredit l’idéal de transparence de par le flou concernant l’utilisation des données des élèves et des enseignant.e.s par les groupes numériques. La récolte des données est une arme économique majeure. Cette récolte est stockée hors des frontières de collecte, posant la question majeure de la souveraineté sur les données. Les informations récoltées peuvent ensuite être vendues ou échangées dans une totale opacité pour les citoyen.ne.s. En laissant les GAFAM s’immiscer dans les pratiques des élèves dès le plus jeune âge, ces grands groupes ne les considérant pas comme des apprenant.e.s mais de futur.e.s consommateurs.trices, l’État les rend vulnérables en ne jouant
pas son rôle de régulateur.

Participation.
Le numérique est et doit demeurer un support, un outil au service d’un projet pédagogique. Il ne faut pas confondre l’outil et la finalité de cet outil. Ce qui prime, c’est la relation pédagogique, la construction
du savoir par les élèves, la formation des enseignant.e.s, des acteurs.trices socio-éducatif.ve.s mais aussi la relation que les élèves créent avec les outils numériques en dehors de l’asservissement.
Les usages numériques transforment profondément les pratiques pédagogiques. Or, nous devons nous réapproprier ces outils, ces données pour en faire un bien commun accessible à tous et toutes.

Responsabilité.
L’introduction du numérique par les GAFAM dans l’institution scolairemet en péril la question de l’appropriation par les citoyens.ne.s. Le numérique est envisagé comme un espace réservé aux expert.e.s et le grand public ne se considère pas armé pour comprendre, analyser les enjeux actuels. La responsabilité de l’État est d’offrir un cadre de régulation, de protéger les citoyen.nes, d’introduire une réflexion critique.

Dans ce contexte international, nous militons pour la prise en compte dans le débat public (national, européen et mondial) des sujets liés au numérique comme objets intégralement politiques, sociétaux et philosophiques. Nous soutenons que le rôle des États est d’encourager et garantir les services, les logiciels et les écosystèmes qui donnent aux individus une capacité de critique, de conserver et
d’accroître leur souveraineté numérique individuelle. Il est urgent d’informer les citoyen.ne.s sur les dérives en cours, de réintroduire une critique de la question numérique par la formation et de
sensibiliser à l’usage des logiciels libres, des services en ligne loyaux, décentralisés, éthiques et solidaires.

Voir les signataires sur le site des Ceméa